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27/10/2022 | FRANCE | N°21/00471

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 27 octobre 2022, 21/00471


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 27 Octobre 2022



N° RG 21/00471 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUQO



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 05 Février 2021, RG 1119000501



Appelante



S.C.I. [W] [R] représenté par son gérant Mr [S] [O], dont le siège social est sis [Adresse 4] - prise en la personne de son représentant légal



Représentée par Me Pierre BREGMAN, avocat au barreau d'ANNECY







Intimé



Le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble Immobilier ' COPROPRIÉTÉ [Adresse 2]' pris en la personne de son Syndic en exercice, la SAS ARAVIS A...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 27 Octobre 2022

N° RG 21/00471 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GUQO

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 05 Février 2021, RG 1119000501

Appelante

S.C.I. [W] [R] représenté par son gérant Mr [S] [O], dont le siège social est sis [Adresse 4] - prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Pierre BREGMAN, avocat au barreau d'ANNECY

Intimé

Le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble Immobilier ' COPROPRIÉTÉ [Adresse 2]' pris en la personne de son Syndic en exercice, la SAS ARAVIS AGENCE, dont le siège social est [Adresse 3] pris en la personne de son représentant légal

Représenté par la SELARL RICCHI CHARLES EMMANUEL SELARL, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 13 septembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sci [W] [R] est propriétaire non-occupante d'un bien immobilier sis [Adresse 1].

Constatant, en décembre 2016, l'apparition d'une fissure en façade à la jonction entre son immeuble et l'immeuble voisin sis [Adresse 2], parallèle à la descente des eaux pluviales, la Sci [W] [R] a effectué une déclaration à son assureur protection juridique lequel a mandaté le cabinet Eurexo.

Sur la base d'un rapport privé en date du 25 avril 2017, la Sci [W] [R] a sollicité et obtenu du juge des référés la désignation d'un expert judiciaire selon ordonnance du 26 février 2018.

Monsieur [X] [U], désigné à cet effet, a déposé son rapport définitif le 8 mai 2019 lequel a ultérieurement été complété par une note du 5 août 2019.

Estimant que les désordres présents en façade étaient imputables à la copropriété voisine, laquelle avait notamment autorisé des travaux de gros 'uvre pour l'aménagement d'une biscuiterie par la société La Cure Gourmande, suite à une décision d'assemblée générale du 12 mai 2006, la Sci [W] [R] a alors fait assigner le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] devant le tribunal judiciaire, sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement contradictoire du 5 février 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

- constaté que la Sci [W] [R] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre les désordres dont elle sollicite la réparation et les travaux entrepris par la copropriété voisine,

- rejeté en conséquence l'ensemble des demandes formées par la Sci [W] [R],

- condamné la Sci [W] [R] à payer au Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci [W] [R] aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Par acte du 5 mars 2021, la Sci [W] [R] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Sci [W] [R] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- condamner le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] à lui régler la somme de 5 238,53 euros en réparation du préjudice qui lui a été occasionné, outre intérêts au taux légal courant jusqu'à complet paiement,

- condamner le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] à lui régler la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] aux dépens comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Bregman en application de l'article 699 du code de procédure civile.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 25 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] demande à la cour de :

- homologuer le rapport définitif de Monsieur [U] comprenant sa note complémentaire en date du 5 août 2019,

- dire et juger que la fissure présente sur l'immeuble appartenant à la Sci [W] [R] n'est pas imputable aux travaux réalisés par La Cure Gourmande,

- dire et juger que le non-respect du renvoi d'eau en bas de pente de bande de rive est imputable à la Sci [W] [R],

En conséquence,

- débouter la Sci [W] [R] de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à son égard,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- condamner, au stade d'appel, la Sci [W] [R] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci [W] [R] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il importe, à titre liminaire, de mentionner que la cour n'est tenue de répondre qu'aux prétentions des parties régulièrement reprises dans le dispositif de leurs conclusions et que les demandes de constatation, de 'dire et juger' ou d'homologation de rapport, qui ne sauraient s'analyser comme des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, ne saisissent nullement la cour qui n'a pas à y répondre.

*

Selon l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Conformément à l'article 651 du même code, ce droit est limité par l'obligation de ne pas causer à autrui un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Ainsi, ouvre droit à réparation le trouble de caractère excessif par rapport aux inconvénients normaux du voisinage. Celui-ci doit être apprécié in concreto. Il incombe à celui qui invoque l'existence d'un tel trouble d'établir son caractère anormal ainsi que le lien de causalité avec le dommage allégué, étant spécifié que la responsabilité encourue à ce titre est indépendante de toute faute et peut être engagée alors-même que les actes à l'origine du dommage ont été accomplis dans le respect des réglementations en vigueur.

En l'espèce il s'avère constant que :

- les immeubles sis [Adresse 1] sont des immeubles anciens lesquels ont chacun fait l'objet d'une importante rénovation,

- pour l'aménagement d'une biscuiterie, le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] a ainsi autorisé des travaux lesquels se sont déroulés au cours des années 2006/2007 et ont notamment consisté en la création d'un plancher béton avec diverses reprises en sous-'uvre de nature à rigidifier l'ouvrage,

- la Sci [W] [R] a pour sa part fait réaliser des travaux, suivant autorisation administrative du 15 septembre 2006, consistant notamment en la mise en 'uvre de linteaux lors des créations de vitrines ayant également eu pour conséquence la rigidification du bâti,

- aucun joint de dilatation n'a été prévu entre les immeubles au cours des travaux précités.

Le constat d'huissier du 28 janvier 2020, réalisé à la demande de la Sci [W] [R], atteste de l'existence :

d'une fissure ouverte verticale parcourant le crépis de façade jusqu'aux toits des deux propriétés mitoyennes, ladite fissure se trouvant pour une majeure partie de sa longueur sur le bien de la Sci [W] [R] (façade verte) avant de se diviser et de poursuivre sa progression en patte d'oie, d'une part, vers la toiture de la Sci [W] [R] (façade verte) puis, d'autre part, vers celle du Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] (façade jaune),

d'infiltrations d'eaux au droit de cette fissure progressant de façon gravitaire depuis la bande de rive du toit en direction du sol.

Invités à se prononcer sur la nature des dégâts, leur cause et les moyens d'y remédier, le cabinet Eurexo (consulté à titre privé) puis Monsieur [X] [U], expert près la cour d'appel de Chambéry, relèvent de façon convergente :

Pour le cabinet Eurexo :

-l'existence de fissures structurelles à la jonction des bâtiments,

- l'absence de joint de fractionnement entre les deux bâtiments accolés.

Pour l'expert judiciaire :

- l'existence d'une fissuration entre les bâtiments provoquée par l'évolution des modes de construction et la mise en 'uvre d'ouvrage béton infiniment raide, alors que les bâtiments initiaux possédaient un comportement monolithique avec une répartition différente des contraintes.

In fine, l'expert judiciaire conclut à une responsabilité pleine et entière de la Sci [W] [R] en ce qu'elle a fait procéder aux travaux sur son immeuble postérieurement aux travaux réalisés par le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] 'sans chercher à gérer le problème du joint entre les bâtiments avec pour conséquence une fissuration entre les immeubles'. De même, selon l'expert, 'la mauvaise exécution du renvoi d'eau en façade de la copropriété [W] [R] est imputable à ladite Sci' s'agissant des travaux qu'elle a fait exécuter lors de la réfection de sa toiture, compte tenu des contraintes existantes dans une zone en limite de propriété nécessitant des adaptations techniques.

Il en résulte que l'appelante, qui ne verse aux débats aucun élément technique de nature à contredire les conclusions expertales, échoue à rapporter la preuve du fait que le dommage constaté provient d'un comportement anormal du propriétaire du bâtiment voisin, étant rappelé que la note du 5 août 2019 s'avère parfaitement justifiée et recevable en ce que cette dernière a été sollicitée par le juge en charge du contrôle des expertises, suite au fait qu'un incident technique de messagerie n'avait pas permis à l'expert de prendre un compte certains dires des parties.

En ce sens, le fait que cette note complémentaire ait arrêté une position divergente de celle du pré-rapport ou du rapport initial, ne peut suffire à remettre en cause la valeur des constatations et la pertinence de l'analyse, et ce d'autant qu'aucune demande de contre-expertise n'a été formalisée par la Sci [W] [R].

De même, le fait que le Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] aurait fait réaliser, en 2006/2007, des travaux non conformes aux prescriptions du permis de construire s'avère indifférent pour étayer l'existence d'un trouble en lien de causalité avec le dommage (fissure / infiltration d'eau) décrit sur la propriété voisine.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement déféré ayant débouté la Sci [W] [R] de l'ensemble de ses demandes.

La Sci [W] [R], qui succombe à l'instance, est condamnée à verser la somme de 2 500 euros au Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la Sci [W] [R] à verser la somme de 2 500 euros au Syndicat des copropriétaires de la copropriété du [Adresse 2] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sci [W] [R] aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 27 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffière pour le prononcé.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00471
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;21.00471 ?
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