COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 27 Octobre 2022
N° RG 21/00096 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTEW
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d'ANNECY en date du 23 Novembre 2020, RG 1118000646
Appelant
M. [Y] [W]
né le 19 Janvier 1958 à MONTMORENCY (95160), demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Caroline AVRILLON, avocat au barreau d'ANNECY
Intimés
Mme [W] [Z] [C]
née le 21 Juillet 1939 à BOULOGNE SUR MER (62200), demeurant [Adresse 2]
M. [V] [C]
né le 06 Avril 1952 à DIJON (21000), demeurant [Adresse 6]
M. [O] [C]
né le 14 Juillet 1942 à DIJON (21000), demeurant [Adresse 10]
Mme [A] [C] épouse [T]
née le 07 Avril 1944 à DIJON (21000), demeurant [Adresse 3]
M. [L] [C]
né le 07 Mai 1947 à DIJON (21000), demeurant [Localité 11] - [Localité 7]
Mme [M] [C]
née le 10 Juin 1954 à DIJON (21000), demeurant [Adresse 5]
M. [U] [C] - intervenant volontaire en sa qualité d'héritier de feu [F] [C] -
né le 12 Mai 1975 à [Localité 9] ([Localité 9]), demeurant [Adresse 12]
M. [E] [C] - intervenant volontaire en sa qualité d'héritier de feu [F] [C] -
né le 30 Août 1977 à ANNECY (74000), demeurant [Adresse 4]
Mme [N] [C] - intervenante volontaire en sa qualité d'héritière de feu [F] [C] -
née le 19 Novembre 1979 à [Localité 9] ([Localité 9]), demeurant [Adresse 13]
Tous représentés par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 13 septembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seings privés du 18 février 2014, M. [F] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] (ci-après les consorts [C]) ont, par l'intermédiaire de leur mandataire la Sarl AGP, donné en location à M. [Y] [W] une maison à usage d'habitation située au [Adresse 8], moyennant un loyer mensuel de 1 500 euros, outre une provision sur charges de 90 euros.
Alors qu'il avait été autorisé, le 17 août 2015, à domicilier sa société Nautile Acoustique à l'adresse de la maison louée pour les besoins de son immatriculation, M. [Y] [W] y a finalement installé un commerce de matériel acoustique.
Par lettre recommandée avec avis de réception envoyé le 20 septembre 2018, les consorts [C] ont mis en demeure M. [Y] [W] de cesser toute activité commerciale dans les lieux loués ou de quitter les lieux.
Par acte du 7 novembre 2018, les consorts [C] ont assigné M. [Y] [W] aux fins de voir prononcer la résiliation du bail aux torts du locataire et aux fins de condamnation en paiement. En cours d'instance, lors de l'audience initiale du 1er avril 2019, M. [Y] [W] a remis aux bailleurs les clés par l'intermédiaire de son avocat. Un état des lieux a été établi par huissier de justice le 11 avril 2019 en l'absence du locataire.
Par jugement contradictoire du 23 novembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Annecy a :
- condamné M. [Y] [W] à payer à M. [F] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] la somme de 13 350 euros au titre des arriérés de loyers et de charges, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- condamné M. [Y] [W] à payer à M. [F] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] la somme de 12 195 euros au titre des travaux de remise en état du bien et de l'entretien locatif, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- condamné M. [Y] [W] à payer à M. [F] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] la somme de 204 euros au titre du remboursement de la moitié des frais engendrés par le constat d'huissier du 11 avril 2019,
- rejeté le surplus des demandes,
- rejeté la demande de délais de paiement,
- rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] [W] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 08 novembre 2018.
Par déclaration du 19 janvier 2021, Monsieur [Y] [W] a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [W] demande à la cour de :
- donner acte à MM. [U] et [E] [C] et Mme [N] [C] de leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de M. [F] [C],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes suivantes formées par les consorts [C] :
- le condamner au paiement de la somme de 7 500 euros au titre de la perte des loyers pendant la durée des réparations,
- le condamner au règlement du montant de 1 500 euros au titre d'un prétendu préavis de départ,
- le condamner à leur verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant de nouveau,
à titre principal,
- débouter [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] de leur demande de condamnation à leur verser la somme de 14 690,97 euros au titre des arriérés de loyers et de charges correspondant à 13 190,97 euros et du préavis de départ pour 1 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
et statuant de nouveau,
- déclarer recevable sa demande de remboursement du dépôt de garantie versé aux consorts [C] pour un montant de 1 500 euros au moment de la conclusion du bail,
en conséquence,
- dire et juger qu'il reconnaît être débiteur du montant de 11 850 euros au titre des arriérés de loyers et de charges après compensation avec la somme de 1 500 euros dues par les consorts [C] en remboursement du dépôt de garantie,
- déclarer recevable sa demande en compensation entre les sommes qui pourraient être dues au titre des réparations locatives et celles tendant à l'amélioration du bien,
- débouter [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] de leur demande de condamnation à leur régler la somme de 12 195 euros au titre des travaux de remise en état du bien et de l'entretien locatif, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- débouter [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] de leur demande de condamnation à leur verser la somme de 204 euros au titre du remboursement de la moitié des frais engagés par le constat d'huissier du 11 avril 2019,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que la somme due au titre des réparations locatives ne saurait excéder le montant de 5 152 euros,
- constater que sa situation personnelle et financière est dégradée mais qu'elle s'est dernièrement améliorée,
en conséquence,
- lui octroyer les plus larges délais de paiement,
en tout état de cause,
- débouter [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] de leur demande formulée au titre des dispositions contenues à l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel,
- débouter [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] de leur demande formulée au titre des dispositions contenues à l'article 700 du code de procédure civile pour un montant de 1 500 euros au titre de la procédure de première instance,
- condamner [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] à lui régler la somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] aux entiers dépens de l'instance.
En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, [F], [W] [Z], [V], [O], [A], [L] et [M] [C] demandent à la cour de :
- donner acte à MM. [U] et [E] [C] et Mme [N] [C] de leur intervention volontaire en qualité d'héritiers de M. [F] [C] décédé le 22 juin 2022,
- juger mal fondé l'appel interjeté par M. [Y] [W] à l'encontre du jugement entrepris,
- juger que les demandes de M. [Y] [W] tendant à voir :
- ordonner la compensation des sommes dues au titre des arriérés de loyers et charges avec la restitution du dépôt de garantie,
- ordonner la compensation des sommes dues par au titre des réparations locatives et travaux de remise en état avec les prétendus travaux d'amélioration réalisés,
sont nouvelles et donc irrecevables, et en tout état de cause infondées,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné M. [Y] [W] à leur payer la somme de 12 195 euros au titre des travaux de remise en état du bien et de l'entretien locatif, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- condamné M. [Y] [W] à leur payer la somme de 204 euros au titre du remboursement de la moitié des frais engendrés par le constat d'huissier du 11 avril 2019,
- rejeté la demande de délais de paiement,
- rejeté la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] [W] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 08 novembre 2018,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné M. [Y] [W] à leur payer la somme de 13 350 euros au titre des arriérés de loyers et de charges, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
- rejeté le surplus des demandes,
- rejeté leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant de nouveau,
- condamner M. [Y] [W] à leur payer la somme de 13 190,97 euros au titre des arriérés de loyers et de charges outre la somme de 1 500 euros au titre du préavis de départ, soit la somme totale de 14 690,97 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation du 07 novembre 2018,
à titre subsidiaire, si la cour fait droit à la demande de compensation formulée par M. [Y] [W] entre les arriérés de loyers et le dépôt de garantie,
- ordonner la compensation des sommes dues par M. [Y] [W], soit 13 190.97 euros au titre des arriérés de loyers et charges et 1 500 euros au titre du préavis de départ, et les sommes dues par eux, soit 1 500 euros au titre du dépôt de garantie,
- condamner M. [Y] [W] à leur payer à la somme de 7 500 euros au titre de la perte de loyers durant la durée des travaux de remise en état,
- débouter M. [Y] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner M. [Y] [W] à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
- condamner M. [Y] [W] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- condamner M. [Y] [W] aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'intervention volontaire de M. [U] [C], M. [E] [C] et Mme [N] [C]
Selon l'article 325 du code de procédure civile l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
En l'espèce les intéressés interviennent en leurs qualités d'ayants droit de [F] [C], partie en première instance mais décédé entre-temps.
Il convient donc de déclarer leur intervention volontaire recevable.
Sur le caractère nouveau de certaines demandes
L'article 564 du code de procédure civile dispose que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du code de procédure civile prévoit pour sa part que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Les consorts [C] exposent que la demande de M. [Y] [W] concernant d'une part, la compensation entre les sommes qu'il doit et le montant du dépôt de garantie qui doit lui être restitué et, d'autre part, la compensation entre les sommes dues au titre des réparations locatives et celles dues au titre de l'amélioration des lieux loués sont nouvelles en appel et, à ce titre, irrecevables.
La cour observe cependant que le litige est d'ordre locatif et que les demandes en première instance portaient sur des arriérés locatifs, des réparations locatives, une indemnisation au titre d'une perte de loyer et l'entretien locatif. Il en résulte que des demandes tendant à la compensation entre des sommes dues à ces différents titre et le montant du dépôt de garantie ou celui dû au titre de l'amélioration des lieux constituent le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
En conséquence, les demandes de M. [Y] [W] à ces titres seront déclarées recevables.
Sur les sommes dues au titre de l'arriéré des loyers et charges
La cour constate que M. [Y] [W] se reconnaît débiteur d'une somme de 11 850 euros après déduction de la somme de 1 500 euros représentant le montant du dépôt de garantie. Pour leur part, les bailleurs réclament une somme de 13 190,97 euros, soit une somme inférieure à celle dont M. [Y] [W] se reconnaît débiteur (13 500 euros avant déduction du dépôt de garantie).
Il est constant que le contrat de bail litigieux prévoit que 'une caution de 1 500 euros est versée au Bailleur par le Preneur'. Les bailleurs ne contestent pas le fait que cette somme a bien été versée. Elle doit, par conséquent venir en déduction des sommes dues par le locataire.
Par conséquent, réformant sur ce point la décision entreprise, il y a lieu de condamner M. [Y] [W] à payer aux consorts [C] la somme de 11 690,97 euros au titre de l'arriéré des loyers et charges, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018, date de l'assignation.
Sur la somme réclamée au titre du préavis de départ
Les consorts [C] réclament la condamnation de M. [Y] [W] à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'indemnisation du délai d'un mois de préavis non respecté par le locataire.
Il résulte de l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 que le locataire peut résilier le contrat de bail en respectant un délai de préavis d'un ou de trois mois selon les hypothèses. En l'espèce il est constant que le départ de M. [Y] [W] ne résulte pas d'une volonté de sa part de résilier, avant terme, le contrat de bail, mais bien de l'assignation en justice délivrée par les bailleurs aux fin d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat. Par conséquent M. [Y] [W] n'était pas tenu au respect d'un délai de préavis. C'est donc à bon droit que le juge des contentieux de la protection a rejeté la demande des bailleurs tendant à la condamnation du locataire au paiement de 1 500 euros au titre du délai de préavis. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la somme réclamée au titre des frais d'huissier
Les consorts [C] ont eu recours aux services d'un huissier de justice afin de faire établir un état des lieux de sortie. Ils demandent la condamnation de M. [Y] [W] au paiement de la moitié du montant de ses honoraires.
L'article 3-2 alinéa 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au premier alinéa (contradictoirement et amiablement entre les parties), il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d'Etat. Dans ce cas, les parties en sont avisées par l'huissier au moins sept jours à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En l'espèce, il n'est pas établi que les bailleurs ont eu connaissance de la nouvelle adresse du locataire lorsqu'il a remis les clés lors de l'audience du 1er avril 2019. Au contraire, le jugement déféré mentionne comme adresse de M. [Y] [W] celle de la maison louée ce qui tend à montrer que ce dernier n'avait pas même communiqué une nouvelle adresse au tribunal. Ainsi l'attestation produite par M. [Y] [W], émanant de sa compagne, selon laquelle le conseil des bailleurs aurait pris en note, lors de la première audience, sa nouvelle adresse n'emporte pas la conviction de la cour. Par conséquent, il ne peut être reproché aux bailleurs d'avoir eu recours aux services d'un huissier de justice comme le leur permet l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989 en cas d'impossibilité de recourir à la voie amiable. C'est donc a bon droit que le premier juge a condamné M. [Y] [W] à payer aux bailleurs la somme de 204 euros au titre du partage des frais d'huissier. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les réparations locatives
Les consorts [C] sollicitent à ce titre la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [Y] [W] à leur payer la somme de 12 195 euros au titre des réparations locatives. Le locataire estime pour sa part que les dégradations qui lui sont reprochées ne sont pas établies, le constat d'état des lieux n'étant selon lui pas opposable faute d'avoir été contradictoirement établi.
Il convient de relever que, dans la mesure où le recours à un huissier de justice pour établir l'état des lieux de sortie est régulier, faute pour le locataire d'avoir communiqué sa nouvelle adresse, ce constat lui est parfaitement opposable. Par ailleurs, les constatations faites par l'huissier de justice qui valent jusqu'à inscription de faux ne sauraient être renversées par la production de photographies qui n'ont pas de date certaine, même pour celles dont les informations de fichier ont été reproduites : en effet ce type d'information est facilement manipulable et ne peut être tenu comme revêtant une valeur absolue.
Il convient encore de relever que, dans la mesure où quelques jours seulement séparent la remise des clés de l'état des lieux, l'hypothèse de dégradations qui auraient été faites entre-temps doit être écartée comme non crédible, d'autant que M. [Y] [W] ne démontre pas que d'autres que lui se seraient installés dans les lieux pendant ces quelques jours alors que c'est lui qui met en avant cet argument.
Les sommes demandées par les bailleurs telles que arrêtées par le premier juge sont les suivantes :
- 594 euros au titre du débouchage des canalisations opéré en juillet 2018,
- 10 568 euros au titre de la remise en état du logement,
- 993 euros au titre de la réparation des éléments de plomberie
représentant en réalité un total de 12 155 euros et non de 12 195 euros.
En ce qui concerne l'espace entrée et couloir :
L'état des lieux d'entrée mentionne un sol carrelage ancien, des murs peints en blanc crème deux tons, un plafond peint en blanc ('pas lisse mais propre').
L'état des lieux de sortie indique un sol en revêtement plastifié, usagé avec des tâches et un arrachement côté Est, une découpe irrégulière, sans jonction ni barre de seuil mis en place par le locataire. Les murs sont recouverts de peinture avec dégradations sous forme de tâches jaune et blanche et de traces de dégoulinade, outre 3 trous avec cheville et vis. Le plafond est en état d'usage. Un boiter d'alarme avec montage électrique à côté a été mis en place avec des trous en partie basse.
Le devis (pièce intimé n°14) prévoit comme frais l'enlèvement du PVC et de la colle, celui du boitier d'alarme et du montage électrique (prise multiple) et le rebouchage des trous pour un montant de 200 euros. Cette réparation se trouve parfaitement justifiée comme correspondant à des ajouts faits par le locataire sans l'autorisation du bailleur et à la remise en état des murs.
En ce qui concerne le WC :
L'état des lieux d'entrée indique une porte en très bon état mais un loquet qui ne ferme pas, un sol en parquet flottant, un plafond en fibre peinte, des murs en faïence jaune à mi-hauteur (7 trous de chevilles), un papier imitation lambris en très bon état, un lavabo et une robinetterie non fissuré, un WC non fissuré, non entartré, une fenêtre avec un vitrage sain.
L'état des lieux de sortie indique que le sol est couvert du même revêtement plastifié que dans l'entrée, que les murs et le plafond sont en état d'usage, que le lavabo est entartré, le WC en état d'usage, la fenêtre en état de fonctionnement. Il y a deux impacts avec rayures sur la porte.
Le devis (pièce intimé n°14) prévoit comme frais l'enlèvement du PVC et de la colle, la pose d'un parquet flottant et la reprise en peinture de la porte et du cadre. La cour constate que l'état des lieux de sortie ne mentionne pas que le parquet flottant a été retiré. En conséquence, seuls l'enlèvement du PVC et de la colle (30 euros) et la reprise peinture de la porte et du cadre (80 euros) sont justifiés, soit un total de 110 euros. Quant au devis de plomberie (pièce intimé n°15) il prévoit le remplacement du WC du rez-de-chaussée considéré comme fissuré. Or, l'état des lieux de sortie retient les WC en question comme en état d'usage. Ce changement sera donc écarté.
En ce qui concerne la cuisine :
Les travaux envisagés dans le devis concernent la peinture de la porte et du cadre côté extérieur, le changement du filtre de la hotte et le changement du four à pyrolise. L'état des lieux d'entrée indiquait une porte peinte vitrée couleur taupe avec une fibre de verre peinte en blanc en très bon état, une crédence noire neuve et un four Valvert neuf.
L'état des lieux de sortie indique de nombreux éclats sur la peinture de la porte, un four gras, crasseux avec des résidus alimentaires brûlés, une crédence en bon état. Les filtres de la hotte sont décrits comme extrêmement gras.
Dans la mesure où il n'est pas indiqué que le four ne fonctionne plus, son remplacement par un élément neuf ne se justifie pas. Au regard du constat de l'huissier un simple nettoyage aurait suffit. De même aucun trou dans la crédence n'a été constaté par l'huissier. Il en résulte que seules les dépenses de peinture pour un montant de 30 euros et de changement de filtre pour un montant de 30 euros seront retenues, soit un total de 60 euros.
En ce qui concerne le séjour :
Les travaux envisagés dans le devis concernent le ponçage et la vitrification du parquet, le changement d'une prise de téléphone, l'enlèvement du revêtement dégradé des murs et la pose d'un nouveau revêtement similaire.
L'état des lieux d'entrée mentionnait un sol parquet vitrifié en très bon état, des murs lambris PVC gris neufs et sans trou, la présence d'un prise de téléphone.
L'état des lieux de sortie indique un parquet en mauvais état avec traces, tâches, rayures et différence de ton sur toute la surface. Pour les murs, il mentionne 30 trous perçant le revêtement mural, l'installation d'une rampe visée directement sur le mur avec découpage du plastique, plusieurs explosions du matériel mural en partie inférieure, la présence de décorations florales en adhésif qui laissent en place du matériaux collant lors de leur décollement.
Il en résulte que les travaux envisagés sont justifiés, l'état des murs et des parquets dépassant largement ce qui pourrait résulter d'un usage normal. Les murs, comme le sol sont impactés dans toute leur surface. En conséquence, il n'y a pas lieu à faire application d'un quelconque coefficient de vétusté. En revanche, rien ne montre que la prise de téléphone est hors d'usage ou détériorée. Il convient donc de retenir la somme de 2 799 euros pour le salon.
En ce qui concerne la chambre Sud-Est :
Les travaux envisagés dans le devis concernent la reprise de la peinture de la porte, des placards et de leurs portes ainsi que le ponçage et la vitrification du parquet. Dans l'état des lieux d'entrée, l'ensemble de ces éléments est indiqué comme en très bon état. L'état des lieux de sortie mentionne un sol en état d'usage mais avec une rayure importante ayant fortement attaqué le bois sur 60 cm. Un tel constat ne justifie pas pour autant la reprise intégrale du parquet sans autre justificatif sur le fait qu'il s'agit du seul moyen de pouvoir remédier au problème. Les portes de placard présentent des impacts de coups ayant endommagé la peinture. La peinture de la porte d'entrée est endommagée (griffures en nombre important). Il n'est pas fait mention de trous.
Il en résulte que seule la reprise de la peinture de la porte d'entrée et des placard est justifiée pour un montant total de 160 euros.
En ce qui concerne la chambre Nord-Est :
Les travaux envisagés dans le devis concernent la pose d'un papier-peint, la reprise de la peinture du placard et le ponçage et la vitrification du parquet. Ce dernier élément était indiqué comme en très bon état à l'entrée. Le papier peint des murs était à l'état neuf et les peintures du placard en très bon état. L'état des lieux de sortie indique un parquet en mauvais état avec deux traces sombres extrêmement importantes. Le revêtement mural est très dégradé. La porte de placard est très abîmée. Il en résulte que les travaux envisagés pour cette pièce sont justifiés à hauteur de 1 455 euros.
En ce qui concerne la salle de bains :
Les travaux envisagés sont la reprise des joints de baignoire dont l'état dégradé a été constaté à la sortie. Toutefois ces travaux ne sont comptés dans le devis plomberie qu'au titre de la main d'oeuvre comprenant d'autres tâches. Il n'est donc pas possible de chiffrer ce poste.
En ce qui concerne l'escalier et le palier étage 1 :
Le devis prévoit la pose d'une rampe, le changement d'un interrupteur et la fourniture et la pose d'un détecteur de fumées.
A l'entrée, il est indiqué que la rampe 'tient bien', que le 'va et vient' fonctionne et qu'un détecteur de fumée neuf a été posé.
A la sortie, il est précisé que le cache de l'interrupteur fait défaut, qu'il n'y a pas de rampe. Aucune mention ne concerne le détecteur de fumée.
En conséquence, le changement de deux interrupteurs et le remplacement du détecteur de fumée ne sont pas justifiés. Le montant retenu pour l'escalier et le dégagement sera donc de 500 euros correspondant à la pose de la rampe.
En ce qui concerne l'espace angle Nord-Ouest :
Le devis prévoit l'enlèvement et l'évacuation d'un comptoir, le changement d'interrupteur, le ponçage et la vitrification du parquet, le retrait du sol en PVC et de la colle, le montage de la cloison lambris entre la salle de jeu et la buanderie.
L'état des lieux d'entrée mentionnait l'existence de la cloison litigieuse mais aucun élément relatif au retrait de cette cloison n'est indiqué en sortie. En revanche, les réparations concernant le sol sont justifiées (pose du même pvc sur le parquet que dans les pièces du bas). De même, l'interrupteur est bien dégradé (pas de capot, pas d'interrupteur basculant). Enfin, le comptoir a été installé sans autorisation. Il convient pour cette pièce de retenir des réparations à hauteur de 645 euros.
En ce qui concerne la buanderie :
Les travaux envisagés sont le changement du lino, celui d'un interrupteur et le retrait d'un câble électrique qui n'est pas aux normes. A l'entrée, le sol est indiqué comme en bon état avec un dizaine de petites marques et une brûlure de cigarette sous le vélux. Est également mentionné un interrupteur en état de marche. A la sortie, l'huissier constate (rubrique 'dernier espace côté Ouest') que le sol est pourvu du même revêtement plastifié mal découpé, qu'est présent un amas de fils enchevêtrés relié par des dominos et que l'interrupteur est arraché du mur. En conséquence, les travaux envisagés sont justifiés à hauteur d'un montant de 460 euros.
En ce qui concerne le bureau :
Il est envisagé la reprise de la peinture de la porte, le retrait du sol PVC et la pose d'un parquet flottant. L'état des lieux d'entrée ne mentionne pas celui de la porte et fait état d'un sol en plancher flottant. Le constat d'huissier ne permet pas de dire que le parquet aurait été retiré, ni que la peinture nécessite une reprise. Ces travaux seront donc écartés.
En ce qui concerne la 'grande pièce' :
Il est envisagé un changement de prise et d'interrupteur, l'enlèvement du lino et la pause d'une moquette, la fourniture et la pose d'une douille, la pose d'une prise de téléphone. L'état des lieux d'entrée faisait état d'un sol avec moquette en très bon état, de la présence d'interrupteurs et d'une prise téléphone ainsi que d'une douille avec ampoule.
A la sortie, l'huissier note un sol avec du linoléum, un interrupteur dégradé et deux prises électriques hors de leur logement et descellées. Rien n'est dit sur la prise de téléphone ou sur la douille. Il en résulte qu'il convient de retenir des travaux à hauteur de 45 euros (prise), 950 euros (enlèvement du lino et pose de la moquette), 45 euros (interrupteur), soit un total de 1 040 euros.
Enfin, dans la mesure où il est indiqué qu'à l'étage dans l'espace sous-pente sont entreposés nombre d'objets encombrants et détritus voués à la déchetterie, les frais à hauteur de 350 euros sont justifiés. De même, le nettoyage de la maison est justifié par comparaison des deux états des lieux. Là encore le montant de 350 euros est justifié. En ce qui concerne le remplacement de l'abattant et le détartrage du WC du haut, ils sont également justifiés pour un montant de 68 euros ainsi que les frais de débouchage des canalisations pour un montant de 594 euros.
Il résulte de tout ce qui précède que M. [Y] [W] est tenu à la somme totale de 8 791 euros au titre des réparations locatives. Le jugement déféré sera réformé et M. [Y] [W] condamné à payer aux les consorts [C] la somme de 8 791 euros au titre des réparations locatives.
Sur les améliorations locatives
M. [Y] [W] précise qu'en repeignant certaines pièces de la maison et en refaisant des sols anciens, il a contribué à la modernisation et à l'embellissement du bien loué. Il chiffre les dépenses réalisées à 3 500 euros.
Outre que M. [Y] [W] ne fournit aucune pièce justifiant les dépenses qu'il invoque, la cour relève surtout que la lecture de l'état des lieux de sortie se suffit à elle-même pour comprendre que, notamment, la pose de PVC sur du vieux parquet n'a en rien embelli la maison mais a, au contraire, contribué à sa dégradation. Quant aux peintures refaites, l'huissier de justice relève la présence de tâches et de coulures ce qui n'est pas de nature à démontrer l'existence d'un embellissement ou d'une quelconque amélioration.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [Y] [W] au titre des améliorations locatives.
Sur le préjudice né du défaut de location pendant les travaux
Les consorts [C] réclament à M. [Y] [W] une indemnisation de 7 500 euros correspondant, selon eux, à une perte de loyer pendant 5 mois consécutifs à l'impossibilité de louer le bien pendant la durée des travaux de remise en état des lieux loués.
La cour observe que l'attestation de l'artisan sollicité pour faire les réparations (pièce intimé n°19) précise que le délai prévisible était de trois mois et que ce délai, auquel était confronté l'ensemble des professionnels sur le bassin annécien, a été ensuite allongé de deux mois en raison de 'problème de coordination et de séchage'. Il en résulte que M. [Y] [W] ne saurait se voir imputer la responsabilité de ces deux mois supplémentaires et que si préjudice il y a, il ne saurait être supérieur à 3 mois.
Toutefois, il convient toutefois de relever que les bailleurs ne produisent aucune pièce de nature à montrer qu'une relocation était possible immédiatement parce que, par exemple, ils avaient déjà trouvé des locataires potentiels. Il en résulte que le préjudice souffert ne peut s'analyser qu'en une seule une perte de chance de relouer immédiatement le bien. L'indemnisation ne peut donc pas être égale au nombre de mois revendiqué multiplié par le loyer mensuel.
Au regard des éléments produits aux débats, il convient de considérer que la remise en état des lieux nécessite, pour certaines pièces, des travaux lourds et explique qu'en effet, en raison du comportement de M. [Y] [W], il n'a pas été possible de remettre immédiatement le bien en location. Il en résulte pour les bailleurs une perte de chance qui sera entièrement et correctement indemnisée par l'allocation d'une somme de 1 000 euros au paiement de laquelle le locataire sera condamné.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les délais de paiement
L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable au présent litige, dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Aux termes de la présente décision, M. [Y] [W] se voit imputer le paiement d'une somme totale de 21 685,97 euros. Selon ses propres écritures, il ne dispose, en déduisant l'ensemble de ses charges du montant de ses pensions retraite que d'un delta de 536,42 euros. Or ce montant est insuffisant pour permettre d'éteindre la dette dans le délai légal. Par ailleurs, M. [Y] [W] précise bien qu'il ne dispose pas de patrimoine immobilier. Il ne peut donc être admis au bénéfice d'une suspension du paiement pendant le délai dans la mesure où il ne démontre pas qu'à l'issue il pourrait solder la dette dans son intégralité.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
M. [Y] [W] qui succombe sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel. Il sera corrélativement débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Enfin, aucune considération d'équité ne permet de faire droit, en particulier au regard de la situation financière de M. [Y] [W], à la demande des bailleurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ils en seront donc déboutés.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Dit recevable l'intervention volontaire de M. [U] [C], M. [E] [C] et Mme [N] [C],
Dit recevables les demandes de M. [Y] [W] relatives à la compensation de sommes dues avec le montant du dépôt de garantie ou le montant des travaux d'amélioration,
Réforme partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau sur le tout pour plus de clarté,
Condamne M. [Y] [W] à payer à M. [U] [C], M. [E] [C] et Mme [N] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] la somme globale de 21 685,97 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2018,
Déboute M. [U] [C], M. [E] [C] et Mme [N] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] de leur demande au titre du préavis,
Déboute M. [Y] [W] de sa demande au titre de l'amélioration locative,
Déboute M. [Y] [W] de sa demande en délais de paiement,
Condamne M. [Y] [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Déboute M. [Y] [W] et M. [U] [C], M. [E] [C] et Mme [N] [C], Mme [W] [Z] [C], M. [V] [C], M. [O] [C], Mme [A] [C], M. [L] [C] et Mme [M] [C] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
Ainsi prononcé publiquement le 27 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La GreffièreLa Présidente