La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°20/00720

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 27 octobre 2022, 20/00720


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 27 Octobre 2022



N° RG 20/00720 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPEX



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 28 Mai 2020, RG 16/01899



Appelante



LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL ANNECY CENTRE OUEST dont le siège social est sis [Adresse 8] - [Localité 12]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATRINI ET ASSOCI

ES, avocat au barreau d'ANNECY





Intimés



Mme [C] [U] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 18], demeurant [Adresse 10] - [Localité 14]



M. [...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 27 Octobre 2022

N° RG 20/00720 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPEX

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 28 Mai 2020, RG 16/01899

Appelante

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL ANNECY CENTRE OUEST dont le siège social est sis [Adresse 8] - [Localité 12]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY

Intimés

Mme [C] [U] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1942 à [Localité 18], demeurant [Adresse 10] - [Localité 14]

M. [D] [K] [T] ayant droit de Monsieur [B] [T], né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 15] ([Localité 15]), demeurant [Adresse 4] - [Localité 13]

Représentés par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL C2M, avocat plaidant au barreau d'ANNECY

* * * * *

Mme [J], [S] [T]

née le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 15] ([Localité 15]), demeurant [Adresse 7] - [Localité 14]

Mme [N], [R] [T]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 15] ([Localité 15]), demeurant [Adresse 9] - [Localité 11]

Représentées par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 06 septembre 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 9 novembre 2005, la Sarl Entreprise [T] a ouvert dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest un compte courant professionnel référencé n°00020206201.

Par acte sous seing privé du 20 novembre 2013, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a accordé à la société Entreprise [T] une facilité de caisse d'un montant de 20 000 euros, pour une durée indéterminée au taux annuel de 6,226% l'an, variable en fonction de l'évolution de l'indice 270 Euribor 3 mois / moyenne 1 mois.

Par acte du 22 novembre 2013 Monsieur [B] [T] et Madame [C] [U] son épouse se sont portés cautions solidaires de la société Entreprise [T], dans la limite de la somme de 24 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, commissions frais et accessoires et pour une durée de 5 ans.

Par acte sous seing privé du 10 juin 2015, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a par ailleurs octroyé à la société Entreprise [T] un prêt professionnel n°102780240000020206204 d'un montant de 35 000 euros remboursable par 60 échéances mensuelles de 610,41 euros au taux annuel fixe de 1,80%.

[B] [T] et Madame [C] [T] se sont, dans le même acte, portés cautions solidaires de la société Entreprise [T] au titre de cette créance dans la limite de la somme de 42 000 euros chacun couvrant le paiement du principal, des intérêts et des pénalités de retard, pour une durée de 85 mois.

Par jugement du 24 mai 2016, le tribunal de commerce d'Annecy a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sarl Entreprise [T]. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 21 juillet 2016.

La Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest indique avoir déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire par courrier recommandé du 30 juin 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 août 2016, la banque a mis en demeure les cautions d'avoir à lui payer la somme de 45 698,33 euros. Faute d'exécution spontanée, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a alors fait assigner en paiement, par acte du 28 octobre 2016, [B] [T] et Madame [C] [T] devant le tribunal de grande instance.

[B] [T] est décédé le [Date décès 5] 2017.

Par actes d'huissier en date des 16 et 22 janvier 2018, Monsieur [D] ainsi que Mesdames [J] et [N] [T] ont été appelés en la cause en leur qualité d'héritiers de leur père. Les procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état en date du 7 mars 2018.

Puis, par jugement contradictoire du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

- rejeté l'exception de nullité des assignations,

- rejeté l'ensemble des demandes formées par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mesdames [N] et [J] [T],

- condamné la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à verser à Mesdames [N] et [J] [T] la somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Par acte du 7 juillet 2020, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Annecy le 28 mai 2020, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des assignations formée par les consorts [T] et la demande de dommages-intérêts formée par Mesdames [N] et [J] [T],

Statuant à nouveau,

- dire et juger que sa créance est certaine, liquide et exigible,

En conséquence,

- condamner solidairement Madame [J] [T], Madame [N] [T], Monsieur [D] [T], en leur qualité d'ayants-droit de [B] [T], et Madame [C] [T] à lui payer, dans la limite de leurs engagements de caution, les sommes suivantes :

au titre du compte courant n°02400 202062 01 : la somme de 13 708,44 euros selon déclaration de créance datée du 1er juillet 2016, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel,

au titre du compte de prêt n°02400 202062 04 : la somme de 31 989,89 euros selon déclaration de créance datée du 1er juillet 2016, outre intérêts postérieurs au taux conventionnel,

- condamner solidairement Madame [J] [T], Madame [N] [T], Monsieur [D] [T], en leur qualité d'ayants droit de [B] [T], et Madame [C] [T] à lui payer les sommes suivantes :

au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros,

au titre des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Traverso-Trequattrini et associés,

- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier et que le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 sera supporté par tout succombant, en sus des frais irrépétibles et des dépens.

En réplique, dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 24 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Madame [C] [U] veuve [T] et Monsieur [D] [T] demandent à la cour de :

À titre principal,

- déclarer la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest irrecevable et mal-fondée en toutes ses demandes et l'en débouter,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest, aux motifs que les créances ont été irrégulièrement déclarées et subséquemment éteintes ce qui entraîne la libération des cautions,

À titre subsidiaire,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest n'est pas bénéficiaire de l'engagement de caution relatif à la facilité de caisse,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest n'a pas respecté la procédure qui lui est applicable au titre du contrat de prêt,

En conséquence

- rejeter les prétentions de la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à l'égard de Monsieur [D] [T] et de Madame [C] [T],

À titre subsidiaire

- prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur l'état des créances,

À titre infiniment subsidiaire,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a commis une faute en ne transmettant pas les fonds reçus du chantier de l'Eglise de Saint-Pierre-de-la-Tour à la banque Delubac et a ainsi engagé sa responsabilité,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest n'a pas respecté son obligation d'information des cautions,

- dire et juger que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest doit être déchue de son droit aux intérêts sur l'ensemble des sommes réclamées,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à payer à Monsieur [D] [T] et Madame [C] [T] la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation de la somme allouée à titre de dommages et intérêts avec les sommes qui seront le cas échéant accordées à la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest,

En tout état de cause,

- débouter la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [D] [T] et de Madame [C] [T],

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à payer à Monsieur [D] [T] et Madame [C] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest aux entiers dépens avec distraction pour ceux d'appel au profit de la Selurl Bollonjeon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 24 décembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Madame [J] [T] et Madame [N] [T] demandent à la cour de :

À titre principal,

- confirmer le jugement déféré en son entier et plus particulièrement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest, aux motifs que les créances alléguées à l'encontre de la société Entreprise [T] ont été irrégulièrement déclarées et sont dès lors éteintes, ce qui entraîne la libération des cautions,

À titre subsidiaire,

- dire et juger l'appel incident régularisé par les présentes conclusions par Mesdames [J] et [N] [T] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal d'Annecy le 28 mai 2020 parfaitement recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mesdames [N] et [J] [T] et rejeté les demandes 'autres, plus amples ou contraires',

Statuant à nouveau,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest ne justifie pas bénéficier de l'engagement de caution relatif à la facilité de caisse consentie le 22 novembre 2013,

- constater que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest n'a pas respecté la procédure d'exclusion à l'encontre de la société Entreprise [T], en sa qualité de sociétaire, telle que prévue dans ses statuts,

En conséquence,

- rejeter les demandes présentées par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à l'encontre de Mesdames [J] et [N] [T],

- constatant que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest n'a pas respecté son obligation d'information des cautions,

- dire et juger que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest doit être déchue de son droit aux intérêts sur l'ensemble des sommes réclamées par ses soins,

- enjoindre ainsi à la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest d'avoir à produire un décompte expurgé de tout intérêt, tant concernant le solde du compte-courant, que le solde du prêt accordé à la société Entreprise [T],

- imputer sur la somme réclamée au titre du solde débiteur du compte courant, celle de 11 090,94 euros,

- dire en outre que la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde, et à ses obligations de prêteur et juger ainsi qu'elle a commis une faute engageant sa responsabilité, laquelle a occasionné à Mesdames [J] et [N] [T] un préjudice,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest à payer à Mesdames [J] et [N] [T] une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation de la somme allouée à titre de dommages et intérêts avec les sommes qui seront le cas échéant accordées à la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest,

- débouter en tout état de cause la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest de l'intégralité de ses moyens, fins prétentions et demandes,

- la condamner également à leur régler une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront distraits au profit de Maître Lorelli en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2022.

Par arrêt du 5 mai 2022, la 2ème section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry a :

- ordonné un sursis à statuer et renvoyé l'affaire à l'audience du 6 septembre 2022,

- dit qu'à défaut de saisine du juge commissaire avant cette date, la cour tirera toute conséquence utile à l'audience de renvoi susvisée.

- réservé les demandes des parties et ce compris les dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 6 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en paiement dirigée contre les cautions de la Sarl Entreprise [T]

Il s'avère constant que les quatre intimés sont actionnés par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest ès qualités de caution de la Sarl Entreprise [T], admise au bénéfice d'une procédure de redressement judiciaire le 24 mai 2016 puis placée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce d'Annecy en date du 21 juillet 2016.

La Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest justifie d'une déclaration de créance entre les mains du mandataire par courrier recommandé du 30 juin 2016, pour un montant de :

13 708,44 euros concernant le compte courant n°02400 202062 01,

et 31 989,89 euros concernant le prêt n°02400 202062 04.

Il est tout aussi constant qu'aucune contestation n'a été élevée dans le cadre de la procédure collective quant à la régularité de la déclaration de créance ou quant au montant déclaré par la banque, le juge commissaire n'ayant manifestement pas rejeté la créance ainsi déclarée.

Alors que les intimés mettaient en exergue le fait que l'état des créances admises par le juge commissaire n'avait pas été publié au Bodacc avant l'assignation en paiement dirigée à leur encontre, et alors-même que la cour a fait droit à leur demande de sursis à statuer afin de les mettre en mesure de contester la recevabilité de la déclaration de la banque, force est de constater que les consorts [T] n'allèguent ni ne justifient, malgré le renvoi, d'une quelconque saisine du juge commissaire.

Dans ces conditions, étant rappelé qu'en application de l'article L.624-2 du code de commerce, il n'appartient pas au juge du fond qui statue dans l'instance en paiement opposant le créancier à la caution du débiteur principal à l'égard duquel a été ouverte une procédure collective de statuer sur la régularité d'une déclaration de créance, la cour ne peut que débouter les consorts [T] de leurs demandes visant à ce que la cour confirme le jugement ayant retenu le caractère irrégulier de la déclaration et, subséquemment, débouté la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest de l'ensemble de ses demandes.

Au soutien de sa demande en paiement, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest verse aux débats les engagements de caution manuscrits des 22 novembre 2013 et 10 juin 2015 par lesquels les époux [T] se sont chacun, au bénéfice de la banque, portés cautions solidaires de la société Entreprise [T] en renonçant au bénéfice de discussion prévu à l'article 2298 du code civil, dans la limite de 24 000 euros pour la facilité de caisse en compte courant et de 42 000 euros pour le prêt n°02400 202062 04.

Dès lors, les intimés ne sauraient valablement prétendre qu'il existe une confusion quant à l'identité du bénéficiaire des actes de cautionnement au motif que l'information annuelle leur aurait été délivrée, pour l'année 2015, par l'organisme CM-CIC Factor. Ils ne peuvent davantage prétendre que la créance de la banque ne serait ni certaine ni exigible alors-même que le prononcé de la liquidation judiciaire est acquis, rendant de ce fait exigible l'ensemble des concours consentis au débiteur principal, étant une nouvelle fois rappelé que les cautions ont renoncé au bénéfice de discussion.

Par ailleurs, s'il s'avère exact que les statuts de la Caisse de Crédit Mutuel prévoient qu'un sociétaire 'peut être exclu' par décision du conseil d'administration en cas de procédure collective, il importe de relever qu'il s'agit d'une faculté, non mise en 'uvre par la banque dans la présente espèce, et au demeurant indifférente quant à la légitimité de l'action en paiement initiée contre les cautions suite au prononcé d'une liquidation judiciaire contre le débiteur principal.

En ce sens, la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest justifie pleinement de sa qualité de créancier, du caractère exigible de sa créance puis du bien fondé de sa demande en paiement.

Sur l'obligation d'information de la caution

L'article L.313-22 du code monétaire et financier prévoit que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

La bonne exécution de cette obligation étant contestée par les cautions, il appartient à la banque de démontrer qu'elle a effectivement satisfait à cette obligation pour se prévaloir du montant des intérêts conventionnels.

En l'espèce, sont versées aux débats par la banque la copie de trois lettres simples relative au compte courant n°02400 202062 01 pour les années 2014, 2015 et 2016. Les intimés versent pour leur part, la copie recto d'un courrier (année 2015), manifestement différent de celui produit la banque, évoquant l'engagement de caution de 20 000 euros, adressée par l'organisme CM-CIC Factor, ce dernier ne mentionnant pas le principal, les intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente.

Outre le caractère incomplet des éléments fournis, la cour retient qu'aucun élément ne permet de fixer la date à laquelle ces courriers ont été adressés aux cautions.

Il en résulte que, faute de démonter un envoi effectif à bonne date, la banque doit être déchue des intérêts échus, les paiements effectués par la Sarl Entreprise [T] étant dès lors réputés, dans les rapports entre les cautions et la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Faute de disposer des éléments nécessaires pour fixer le montant de la créance de la banque, la cour ne peut qu'enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest de verser aux débats un décompte du compte courant n°02400 202062 01 et un décompte du prêt n°02400 202062 04 expurgés de tout intérêt à compter du 1er avril 2014 pour le premier et du 1er avril 2016 pour le second.

Sur la retenue de garantie de 11 090,94 euros relative à un chantier réalisé sur l'église de la commune de [Localité 17]

Les intimés prétendent par ailleurs que la retenue de garantie de 11 090,94 euros relative à un chantier réalisé sur l'église de la commune de [Localité 17] aurait dû être portée au crédit du compte courant de la Sarl Entreprise [T] par la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest.

Ils en déduisent, d'une part, que cette somme a été conservée indûment par la Caisse et qu'elle doit venir en déduction de sa créance puis, d'autre part, que la banque a commis une faute justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Or, les seules pièces produites à l'appui de leurs demandes sont :

une facture adressée au maître d'ouvrage le 12 janvier 2016 pour un montant de 11 090,94 euros,

un procès-verbal de levé de réserves établi entre la Sarl Entreprise [T] et le maître d''uvre le 23 mai 2016.

En ce sens, aucune preuve du paiement allégué entre les mains de la banque n'est versée aux débats par les intimés lesquels seront donc déboutés de leurs demandes.

Sur le manquement aux devoirs de conseil et de mise en garde

Selon l'article 1147 du code civil recodifié sous l'article 1231-1 du même code à compter du 1er octobre 2016, le débiteur d'une obligation est condamné, s'il y a lieu et sauf force majeure ou cause étrangère, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de cette obligation, soit à raison du retard dans son exécution.

Au regard de son devoir de non-immixtion, un établissement bancaire n'est pas débiteur d'un devoir général de conseil à l'égard de son client, visant orienter ses décisions, sauf s'il a contracté une obligation spécifique en ce sens, ce qui n'est ni prétendu ni démontré en l'espèce.

Le devoir de mise en garde consiste, pour un établissement de crédit, à alerter l'emprunteur ou la caution sur l'inadaptation de son engagement au regard de ses capacités financières et sur le risque d'endettement qui en résulte. Il n'existe toutefois qu'envers une personne non-avertie, étant précisé qu'un emprunteur professionnel ne peut être, de facto, considéré comme un emprunteur averti.

Il appartient à l'emprunteur ou à la caution qui invoque un manquement au devoir de mise en garde d'apporter la preuve de l'inadaptation du concours ou du risque d'endettement qui en résulterait.

Or, en l'espèce, il doit être observé que les concours ont été consentis en novembre 2013 (facilité de caisse de 20 000 euros) puis en juin 2015 (prêt professionnel de 35 000 euros) alors-même que la Sarl [T] a poursuivi son activité jusqu'en juillet 2016, date de son placement en liquidation judiciaire. Au regard du montant de chacun des concours et du taux nominal des intérêts, le caractère excessif ou inadapté des concours n'est aucunement démontré et ce d'autant plus que les intimés allèguent que la société venait de conclure de nouveaux marchés pour un montant de 160 000 euros lorsque la procédure collective a été ouverte.

Par ailleurs, il n'est pas établi par les intimés que les époux [T], cautions de la Sarl, ont été exposés à un risque d'endettement excessif, aucun élément de patrimoine les concernant n'étant communiqué à la cour.

Au surplus, il est acquis aux débats que [B] [T] était le dirigeant historique de la Sarl Entreprise [T] et qu'il a personnellement dirigée pendant de nombreuses années de sorte qu'il doit être considéré comme une caution avertie au titre des engagements du 22 novembre 2013 et 10 juin 2015.

Dans ces conditions, les intimés seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts relatives à un manquement, par la banque, à ses devoirs de conseil ou de mise en garde.

Sur les demandes annexes

La cour réserve les demandes des parties concernant les dépens, les frais irrépétibles ainsi que les éventuels frais d'exécution futurs.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme partiellement la décision la décision déférée,

Reçoit l'action en paiement de la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest dirigée contre Monsieur [D] [T] ainsi que Mesdames [C], [J] et [N] [T],

Prononce la déchéance du droits aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest pour le compte courant n°02400 202062 01 de la Sarl Entreprise [T] à compter du 1er avril 2014 et pour le prêt n°02400 202062 04 accordé à cette même société à compter du 1er avril 2016,

Dit n'y avoir lieu à imputer de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest la somme de 11 090,94 euros au titre d'une retenue de garantie qui aurait été versée par la [Adresse 16],

Déboute Monsieur [D] [T], Mesdames [C], [J] et [N] [T] de leurs demandes de dommages et intérêts puis de compensation,

Sursoit à statuer quant au quantum de la condamnation dans l'attente d'un décompte du compte courant n°02400 202062 01 et un décompte du prêt n°02400 202062 04 expurgés de tout intérêt à compter du 1er avril 2014 pour le premier et du 1er avril 2016 pour le second et enjoint à la Caisse de Crédit Mutuel Annecy Centre Ouest de produire les décomptes susvisés,

Renvoi l'affaire à l'audience de mise en état du 12 janvier 2023,

Réserve les demandes relatives aux dépens, aux frais irrépétibles ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution futurs.

Ainsi prononcé publiquement le 27 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffière pour le prononcé.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/00720
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;20.00720 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award