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18/10/2022 | FRANCE | N°20/00804

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 20/00804


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 18 Octobre 2022





N° RG 20/00804 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPOD



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 20 Avril 2020, RG 2019J00302





Appelante



S.A.R.L. E.D.S., dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY









Intimée



S.A.M.C.

V. L'AUXILIAIRE, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par Me Elsa BELTRAMI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avoca...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 18 Octobre 2022

N° RG 20/00804 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPOD

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 20 Avril 2020, RG 2019J00302

Appelante

S.A.R.L. E.D.S., dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

S.A.M.C.V. L'AUXILIAIRE, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par Me Elsa BELTRAMI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocats plaidants au barreau de LYON

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 28 juin 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

La société Plac'force, assurée auprès de la société l'Auxiliaire, était titulaire d'un lot doublage isolation dans le cadre de la construction d'un hôtel, à [Localité 2].

En août 2015, un dégât des eaux est survenu sur le chantier entraînant des dégradations des matériaux et des ouvrages de la société Plac'force.

Le dommage subi par la société Plac'force a été évalué à la somme de 39 914,93 euros selon un devis et un premier rapport d'expertise en date du 22 décembre 2015.

La société ayant été indemnisée à hauteur de 21 915,39 euros au titre de l'assurance tous risques chantier, la société l'Auxiliaire, l'a indemnisée en complément à hauteur de 14 966,92 euros soit 13 470,23 euros après déduction de la franchise.

Un rapport d'expertise n°2 en date du 25 janvier 2016, a retenu la responsabilité de la société EDS, à hauteur de 80% pour avoir produit des plans erronés qui ont entrainé une mauvaise implantation des gaines et l'impossibilité de rendre les terrasses étanches.

Après plusieurs lettres de mise en demeures, en date des 13 janvier 2017 et 9 août 2017, 16 septembre 2019, restées sans réponse, la société l'Auxiliaire a fait assigner la société EDS devant le tribunal de commerce d'Annecy en sollicitant la condamnation de cette dernière à payer la somme de 11 973,53 euros en principal.

Par jugement réputé contradictoire eu 20 avril 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce d'Annecy a :

Condamné la société EDS à payer la somme de 11 973,53 euros à la société l'Auxiliaire outre intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2019,

Ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

Condamné la société EDS à payer la somme de 40 euros à la société l'Auxiliaire au titre de l'indemnité de recouvrement prévue aux articles L 441-1 et D 441-5 du code de commerce,

Condamné la société EDS à payer à la société l'Auxiliaire la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société EDS aux entiers dépens de l'instance.

La société EDS a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions en date du 11 février 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société EDS demande à la cour de :

Sans avoir nul égard aux fins, moyens et conclusions contraires, si ce n'est pour les rejeter,

Vu l'article 16 du code de procédure pénale,

Vu les solutions jurisprudentielles,

' Réformer le jugement rendu 20 avril 2020 par le tribunal de commerce d'Annecy en ce qu'il a :

- Condamné la société EDS à payer la somme de 11.973,53 euros à la société l'Auxiliaire outre intérêts au taux légal à compter du 18/09/2019,

- Ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,

- Condamné la société EDS à payer la somme de 40 euros à la société l'Auxiliaire au titre de l'indemnité de recouvrement prévue aux articles L.441-6 et D.441-5 du code de commerce,

- Condamné la société EDS à payer à la société l'Auxiliaire la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société EDS aux entiers dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

' Débouter société l'Auxiliaire de l'intégralité de ses prétentions,

' Condamner société l'Auxiliaire à rembourser et donc à verser à la société E.D.S. la somme de 13.519,60 € écomposée comme suit :

- 11.973,53 €, 81,46 € d'intérêts,

- 40 € titre de l'indemnité de recouvrement prévue aux articles L441-6 et D441-5 du code de commerce,

- 1.000 € application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- 238,34 € frais d'exécution,

- 186,27 € frais d'huissiers de Justice,

au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré,

' Condamner la société l'Auxiliaire à verser à la société E.D.S. la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 1er juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, l'Auxiliaire demande à la cour de :

Vu les tentatives de conciliation préalable,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 121-12 du code des assurances,

Vu les articles L.441-6 et D.441-5 du code de commerce,

Vu les articles 515, 696 et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats,

Constatant le bienfondé de l'action initiale de la société l'Auxiliaire,

Constatant la carence de la société E.D.S. dans l'administration de la preuve au soutien de ses prétentions,

En conséquence,

' Confirmer en tous ses points le jugement déféré,

Y ajoutant,

' Rejeter l'intégralité des prétentions, fins et conclusions formées par la société E.D.S,

' Condamner la société E.D.S. au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la société E.D.S en tous les dépens de l'instance et de ses suites, en ce compris les dépens de 1re instance.

L'ordonnance de clôture est en date du 30 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le fondement juridique de la demande

L'Auxiliaire fonde ses demandes dirigées contre la société EDS sur la responsabilité décennale prévue par les articles 1792 et suivants du code civil.

Selon l'article 1792 : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

Il est constant que la responsabilité décennale a vocation à s'appliquer aux désordres qui n'étaient pas apparents lors de la réception mais se sont révélés ultérieurement, et qu'elle a pour objet de garantir le maître de l'ouvrage de sorte qu'elle ne s'applique pas dans les rapports entre locateurs d'ouvrage, les recours entre eux s'exerçant sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou contractuelle.

En l'espèce, le sinistre est intervenu en cours de chantier, donc avant réception, et le recours est effectué par l'Auxiliaire, en qualité d'assureur de la société Plac'Force, subrogée dans les droits de son assurée qui avait en charge le lot doublage isolation, contre le bureau d'études EDS en charge du lot BET structure, de sorte que seule la responsabilité délictuelle de cette dernière est susceptible d'être engagée à l'égard de l'Auxiliaire, et non pas sa responsabilité décennale.

Il incombe, dès lors, à l'intimée de rapporter la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec l'existence d'une faute commise par la société EDS.

Sur les rapports d'expertise amiable produits

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile :

« Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir dans sa décision les moyens,les explications, et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

En application de ces dispositions, il est constant que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée.

Au soutien de ses prétentions, l'Auxiliaire produit deux rapports d'expertise amiable en date des 10 novembre 2015 et 25 janvier 2016, établis par le cabinet Guillon Expertises qu'elle a missionné à cet effet.

L'expert d'assurance a indiqué dans son premier rapport :

« La maîtrise d''uvre nous a résumé l'historique du sinistre. Il apparaît que compte tenu des délais imposés et de la programmation de la pose des menuiseries extérieures, il a été imposé par la maîtrise d''uvre , l'approvisionnement du chantier pour tous les matériaux devant être approvisionnés pour les façades.

Le programme d'avancement prévoyait la mise hors d'eau fin juillet.

Lors du traçage des graines techniques au 4ème étage (traçage fait par Plac'Force) il est apparu que les réservations de gaines dans la terrasse étaient déportées de 12 à 15 cm, suite à une erreur d'implantation du BET EDS.

De ce fait l'étancheur n'a pas pu réaliser la mise hors d'eau avant l'arrêt du chantier pour congés. »

Il est précisé dans le deuxième rapport :

« Nous rappelons que le sinistre a pour origine une erreur d'implantation des gaines techniques.

Erreur consécutive à un tracé erroné de la part d'EDS qui a pris en compte le nu extérieur avant isolation, alors qu'il était prévu une isolation extérieure de 12 cm.

De ce fait, toutes les gaines étaient positionnées avec une erreur.

Cette erreur ayant été constatée fin juillet, après démarrage du cloisonnement et après tous les approvisionnements, l'étancheur n'a pas pu mettre le bâtiment hors d'eau.

Nous avons considéré que deux entreprises portaient une responsabilité :

Atic maître d''uvre d'exécution

EDSBET structure

(') Notre avis sur le recours

La responsabilité principale relève de l'erreur d'implantation BET EDS 80% et une part de responsabilité est à imputer au maître d''uvre d'exécution ATIC.

ATIC ayant ordonné les approvisionnements et le démarrage du cloisonnement sans s'assurer de la mise hors d'eau 20%»

Aucune autre pièce relative au sinistre, à ses causes et aux responsabilités encourues n'est produite.

La société EDS conteste sa responsabilité faisant valoir que suite au décalage de l'intervention de l'étancheur, le maître d''uvre d'exécution avait demandé à la société Plac'Force de ne réaliser que le ferraillage des cloisons au R+4, qu'ainsi aucun travaux de cloisonnement et doublage n'auraient dû être entamés, et qu'en ne respectant pas son planning d'intervention cette dernière société avait participé à son propre préjudice.

Elle produit au soutien de son argumentation le compte-rendu de la réunion de chantier n°25 en date du 29 juillet 2015 dont il résulte que le maître d''uvre avait donné les instructions suivantes :

Lot Etanchéité

Intervention à décaler début septembre à la suite de l'erreur d'implantation des gaines galva en terrasse.

Lot menuiseries extérieures

L'entreprise confirme son intervention à partir du lundi 3 août, délai à respecter impérativement (retard de deux semaines sur l'intervention demandée et acté par l'entreprise)

Réaliser en priorité la pose des menuiseries extérieures du R+4 et R+ 3 en façade ouest (côté des vents dominants ramenant l'eau dans le bâtiment). Réaliser à la suite la pose des menuiserie du RDC pour fermeture du chantier.

Les ouvrages dégradés du fait de la pénétration de l'eau dans le bâtiment liée au retard de mise en 'uvre des menuiseries extérieures (intervention programmée au 20 juillet ajournée au 3 août) seront imputés à l'entreprise.

Lot cloisons doublages plafonds

L'entreprise ne réalisera que le ferraillage des cloisons au R+4 suite au décalage de l'intervention de l'étancheur.

Il résulte de ces éléments que :

D'une part, les deux rapports d'expertise amiable ne sauraient fonder, à eux seuls, une responsabilité de la société EDS à hauteur de 80% de la somme versée par l'Auxiliaire à son assurée.

D'autre part, si le compte rendu de chantier produit confirme l'erreur d'implantation des gaines par la société EDS, rien n'établit que les menuiseries extérieures aient été posées lors du dégât des eaux, ni que la société Plac'Force ait respecté les consignes relatives à la pose du ferraillage seul au R+4.

Plus généralement, en l'état des productions pour le moins parcellaires, il sera relevé que les circonstances du sinistre ne sont pas explicitées, l'état d'avancement du chantier au moment du dégât des eaux n'est pas précisé et l'origine du sinistre peut engager la responsabilité de plusieurs entreprises qui ne sont pas dans la cause.

Dès lors le jugement qui a condamné la société EDS à payer à l'Auxiliaire la somme de 11 973,53 euros sur la base des deux rapports d'expertise amiables, sera infirmé et la société l'Auxiliaire sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

La demande de la société EDS tendant à voir condamner l'Auxiliaire à lui rembourser tout ou partie des sommes versées au titre de l'exécution provisoire est sans objet dans la mesure où l'arrêt infirmatif d'un jugement exécuté constitue un titre exécutoire, l'obligation de restitution résultant de plein droit de l'infirmation du jugement.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société EDS.

L'Auxiliaire qui voit ses prétentions rejetées, est tenue aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la société l'Auxiliaire de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la société l'Auxiliaire à payer à la société EDS la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société l'Auxiliaire aux dépens de première instance et d'appel,

Rappelle que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution, les sommes restituées ne portant intérêt au taux légal qu'à compter de la notification valant mise en demeure, de l'arrêt infirmatif.

Ainsi prononcé publiquement le 18 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de Michel FICAGNA, Président régulièrement empêché et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, P / Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00804
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.00804 ?
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