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11/10/2022 | FRANCE | N°22/00047

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 11 octobre 2022, 22/00047


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le onze octobre deux mil vingt-deux,



Nous, Hélène PIRAT, présidente de chambre agissant en remplacement de madame la première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 22/00047 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBCI débattue à notre a

udience publique du 27 septembre 2022 - RG n° 21/02519 - 1re section





ENTRE





S.A.R.L. MPI - MORAND PATRIMONE IMMOBILIER, dont le ...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le onze octobre deux mil vingt-deux,

Nous, Hélène PIRAT, présidente de chambre agissant en remplacement de madame la première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 22/00047 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBCI débattue à notre audience publique du 27 septembre 2022 - RG n° 21/02519 - 1re section

ENTRE

S.A.R.L. MPI - MORAND PATRIMONE IMMOBILIER, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL CHAMBET NICOLAS, avocats au barreau d'ANNECY

Demanderesse en référé

ET

S.A.R.L. UPLEX, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SARL BALLALOUD ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY

Défenderesse en référé

'''

FAITS ET PROCÉDURE :

Courant 2013, la société Uplex faisait réaliser cinq villas sur des parcelles dont elle était propriétaire [Adresse 2]. Le contractant général chargé des opérations de réalisation et de direction des travaux était la société MPI (Morand Patrimoine Immobilier), assurée auprès de la société Elite Insurance Company Limited.

Au cours des travaux de terrassement dont le lot avait été confié à la société Prestimat pour quatre des villas, un affaissement de terrain se produisait impactant les terrains de deux propriétés voisines appartenant respectivement à M. [O] [K] et à Mme [B] [Z].

Par jugement en date du 30 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Thonon-les- Bains condamnait notamment la société MPI à verser à la société Uplex la somme de 88 638 euros soit 75 % de la somme de 118 184 euros correspondant au montant total due aux préjudices subis en suite du glissement de terrain intervenu au cours du mois de novembre 2015.

La société MPI interjetait appel de cette décision le 30 décembre 2021.

Par exploit d'huissier en date du 7 juin 2022, la société MPI assignait la société Uplex devant la juridiction de la première présidente de la cour d'appel de Chambéry en référé aux fins de :

- à titre principal, suspendre l'exécution provisoire s'agissant de la condamnation prononcée à son encontre de payer une somme de 88 638 euros ;

- à titre subsidiaire, d'être autorisée à consigner cette somme,

- condamner la société Uplex au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 euros et aux dépens distraits au profit de son avocat, sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures en date du 22 août 2022, la société MPI faisait valoir plus particulièrement que :

' le paiement des sommes auquel elle avait été condamnée, soit au total 114 805,70 euros entraînerait pour elle des conséquences manifestement excessives ;

' la situation financière de la société Uplex créait un risque de non remboursement des sommes en cas d'infirmation du jugement de condamnation ;

' le jugement entrepris était de nature à être révoqué.

Par dernières écritures en date du 21 septembre 2022, la société Uplex sollicitait :

- à titre principal, de rejeter la demande de la société MPI et d'ordonner la radiation de son appel du rôle des affaires en cours devant la cour d'appel ;

- à titre subsidiaire, d'ordonner la consignation des sommes mises à la charge de la société MPI à la caisse des dépôts et consignation ou sur un compte séquestre ;

- en toute hypothèse, de condamner la société MPI à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 euros et aux dépens distraits au profit de Me Ballaloud sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses prétentions, la société Uplex faisait valoir plus particulièrement que :

' la société MPI ne produisait aucun document probant de nature à démontrer une situation financière critique ;

' elle-même était dans une situation financière de nature à lui permettre un remboursement des sommes versées en cas d'infirmation de la décision, étant précisé qu'elle avait dû supporter seule des conséquences financières importantes du fait des désordres ;

' le premier juge n'avait pas commis d'erreur dans l'appréciation de la mission incombant à la société MPI ni dans sa part de responsabilité.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer à leurs conclusions développées lors de l'audience.

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire :

La société MPI sollicite l'arrêt de l'exécution provisoire, invoquant des conséquences manifestement excessives la concernant, attestées par son expert-comptable, au motif que sa trésorerie serait insuffisante à l'effet de régler les sommes auxquelles elle a été condamnée d'un total de 114 805,70 euros dont 88 638 euros au profit de la société Uplex. Elle fait valoir que son compte courant bancaire n'affiche un solde positif que de 881 euros au 17 mai 2022 ; qu'en raison de la crise sanitaire, elle s'est trouvée contrainte de souscrire deux prêts bancaires d'un montant respectif de 120 000 euros et de 50 000 euros avec des mensualités de remboursement mensuelles totales de 3 353 euros ; que son bénéfice était en baisse en 2021 et n'était que de 13 398 euros. La société MPI invoque aussi des risques de non remboursement de la société Uplex dont elle soutient que la situation financière est obérée, en raison d'un score de solvabilité comprenant un risque assez élevé en 2022, des résultats d'exploitation et nets négatifs de 110 300 euros en 2021, des comptes courants associés très importants (1 368 466 euros), des comptes courants à elle dans deux sociétés d'un solde nul, estimant par ailleurs que l'état préparatoire de la balance générale produite par la société Uplex est sans intérêt. Elle souligne le risque important de réformation du jugement entrepris dans la mesure où selon elle, le premier juge avait commis une erreur en considérant qu'elle avait assuré le suivi du lot terrassement alors qu'en réalité, elle n'était pas chargée de ce suivi. Elle dit aussi ne pas s'être défendue en première instance, ayant légitimement pensé que la société Uplex avait pris en charge leur défense commune.

La société Uplex conteste la situation financière de la société MPI telle que celle-ci l'a présentée, indiquant que cette dernière avait deux comptes bancaires, alors qu'elle ne présentait le solde que d'un seul ; que son chiffre d'affaire de 1 864 052 euros lui avait permis d'obtenir deux prêts. Elle conteste également sa propre situation financière telle que présentée par la société MPI. Elle dit notamment disposer de réserves à hauteur de 473 000 euros ; ses liquidités disponibles étaient au 31 mai 2022 de 244 707 euros ; elle participait à deux projets immobiliers importants (Sci AGM de 580 000 euros et SA AGN10 de 998 000 euros) ; son expert comptable attestait de sa solvabilité. Enfin, elle estime que le premier juge ne s'était pas trompé ni sur la mission de la société MPI ni sur sa responsabilité.

Sur ce,

L'action a été engagée en première instance par assignation en date des 5, 8 et 13 novembre 2018. Le jugement rendu en première instance en date du 30 novembre 2021 a fait l'objet d'un appel en date du 30 décembre 2021 de la part de la société MPI.

Aux termes de l'article 524 al 1 ancien du code de procédure civile, qui continue à s'appliquer pour les instances introduites devant les juridictions avant le ler janvier 2020, 'Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :

1° Si elle est interdite par la loi .

2° Si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.'

Les conséquences manifestement excessives doivent être appréciées par rapport à la situation du débiteur eu égard à ses facultés ou aux facultés de remboursement du créancier, ces critères, situation du débiteur/ facultés de restitution du bénéficiaire, étant alternatifs et non cumulatifs.

S'agissant des conséquences manifestement excessives en raison de sa situation financière, l'expert comptable de la société MPI évoque la remise en cause de la survie financière de la société, mais en se fondant d'une part, sur une condamnation de 123 521 euros et non de 88 638 euros comme visé dans la demande en arrêt d'exécution provisoire, d'autre part, uniquement sur le résultat bénéficiaire dégagé au 31 décembre 2021 de 13 398 euros et sur le prêt PGE de 120 000 euros dont les remboursements allaient commencer. la société MPI produit certes également un relevé de compte courant ouvert à la banque Laydernier avec un solde positif de 881,96 euros au 16 mai 2022 et les tableaux d'amortissement des deux prêts bancaires allégués.

Cependant, ces seuls éléments sont manifestement insuffisants à démonter une situation financière critique.

En effet, il est indiqué sur le document relatif au prêt PGE qu'elle avait un chiffre d'affaire important puisque qu'il était en 2021 de 1 864 052 euros. Par ailleurs, elle n'a commencé à rembourser la totalité de l'échéance du prêt PGE qu'à compter de juin 2022 (2 573 euros) et les échéances du second prêt à compte d'avril 2022 (810 euros environ ). Surtout, elle ne produit aucun document comptable, bilans, comptes de résultat. Or, les éléments comptables auraient permis d'apprécier le montant de ses actifs, sa capacité de remboursement ou encore l'existence de provisions, voire de charges exceptionnelles ou autres qui permettent d'apprécier le montant du bénéfice net comptable affiché.

Ainsi, la société MPI ne rapporte pas la preuve de l'absence de facultés financières pour faire face au paiement de la condamnation prononcée contre elle.

S'agissant des conséquences manifestement excessives par rapport aux capacités de remboursement de la société Uplex, la charge de la preuve des risques allégués de non-restitution des sommes versées, en cas d'infirmation ou d'annulation de la décision dont appel, pèse sur le requérant, débiteur au terme de la décision de première instance.

En l'espèce, la société MPI produit un rapport de solvabilité concernant la société Uplex en date du 13 mai 2022 qu'elle a fait elle-même établir par une société 'com et dirigeant.com' duquel il résulte une capacité d'autofinancement et une rentabilité d'exploitation et financière négatives, ainsi qu'un risque d'insolvabilité élevé et un résultat d'exercice 2021 négatif de 110 309 euros.

Cependant, il est aussi indiqué sur ce document que le chiffre d'affaires de la société Uplex est en croissance, que sa capacité de remboursement n'est pas renseignée et que 'les entreprises sont comparées par rapport aux autres entreprises du même type et qu'un commentaire positif d'une catégorie peut être négatif pour une autre ou peut changer en fonction de sa valeur, s'agissant d'une décision purement statistique'.

Ainsi, ce seul élément n'est pas suffisant pour démontrer que la société Uplex ne serait pas en mesure de rembourser le montant des condamnations en cas d'infirmation du jugement dont appel, d'autant que celle-ci produit un solde de compte courant de 244 707 au 31 mai 2022, une attestation de son expert comptable indiquant un solde du compte bancaire de 243 134 euros au 30 juin 2022 et des participations dans deux sociétés respectivement à hauteur de 104 698 euros et 425 592 euros, ainsi qu'un état préparatoire à la balance générale mentionnant des réserves importantes.

Par ailleurs, il est de principe que, saisi d'une demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire, le premier président d'une cour d'appel n'a pas le pouvoir d'apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision rendue par le premier juge pour en suspendre les effets. Il importe donc peu que la société MPI estime que le jugement frappé d'appel soit de nature à être infirmé. Par ailleurs, si la société MPI a pu penser un temps que sa cause était commune à celle de la société Uplex, notamment lors de l'assignation en référé d'heure à heure par les consorts [K]-[Z], il est surprenant qu'elle ait pu continuer à le penser alors qu'elle était assignée par la société Uplex en expertise commune puis au fond en condamnation, situation qui aurait dû manifestement la conduire à se faire représenter en première instance.

Dès lors, il n'est pas démontré par la société MPI que l'exécution provisoire de la décision dont appel aurait des conséquences manifestement excessives par rapport à sa situation eu égard à ses facultés ou par rapport aux facultés de remboursement de la société Uplex.

En conséquence, sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 30 novembre 2021 s'agissant des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Uplex pour un montant de 88 638 euros sera rejetée.

Sur la demande subsidiaire de consignation :

En vertu des articles 521 et 524 anciens du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement peut éviter la poursuite de l'exécution provisoire moyennant consignation du montant de la condamnation exécutoire par provision. Cette possibilité n'est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et relève du pouvoir discrétionnaire du premier président.

La société MPI évoque de nouveau les craintes d'insolvabilité qu'elle nourrit à l'égard de la société Uplex.

Comme déjà motivé ci-avant, en l'absence de risque avéré de non restitution des fonds par la société Uplex en cas d'infirmation du jugement entrepris, la demande de la société MPI tendant à consigner le montant des condamnations prononcées contre elle en faveur de la société Uplex sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle en radiation du rôle :

Cette demande ne relève pas en l'espèce de la juridiction de la première présidente dès lors qu'un conseiller de la mise en état a été saisi par application des dispositions de l'article 524 du code précité, comme c'est le cas en l'espèce.

En conséquence, la demande de radiation du rôle formée par la société Uplex est irrecevable.

Sur les dépens et l'indemnité procédurale :

La société MPI, succombant, sera tenue aux dépens de cette instance sans distraction, le ministère de l'avocat n'étant pas obligatoire.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Uplex la totalité de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué une indemnité procédurale de 1 200 euros.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé, contradictoirement, et en dernier ressort,

Déboutons la société MPI de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement en date du 30 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Thonon-les Bains, en ce que concerne la condamnation au paiement de la somme de 88 638 euros prononcée contre elle au profit de la société ,

Déboutons la société MPI de sa demande de consignation de la somme de 88 638 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée au profit de la société Upl en vertu du jugement du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en date du 30 novembre 2021,

Déboutons la société MPI de ses demandes relatives à l'indemnité procédurale et aux dépens,

Déclarons irrecevable la demande de la société Uplex tendant à la radiation du rôle de la cour de l'affaire au fond,

Condamnons la société MPI aux dépens de l'instance, sans distraction,

Condamnons la société MPI à payer à la société Uplex une indemnité procédurale de 1 200 euros.

Ainsi prononcé publiquement, le 11 octobre 2022, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Hélène PIRAT, présidente de chambre agissant en remplacement de madame la première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00047
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;22.00047 ?
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