La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/2022 | FRANCE | N°22/00152

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 05 octobre 2022, 22/00152


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 05 Octobre 2022





RG : N° RG 22/00152 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC25





Appelante

Mme [P] [K] [B]

née le 16 Décembre 1946 à MOUGON (79370)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

actuellement en programme de soins

représ

entée par Maître Christophe VERNIER, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

non comparant



M. LE P...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 05 Octobre 2022

RG : N° RG 22/00152 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC25

Appelante

Mme [P] [K] [B]

née le 16 Décembre 1946 à MOUGON (79370)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

actuellement en programme de soins

représentée par Maître Christophe VERNIER, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

non comparant

M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX Dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 5 octobre 2022 devant Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 5 octobre 2022 après-midi,

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Mme [P] [K] [B], née le 16 Décembre 1946, a été admise à l'établissement public de santé mentale de la Vallée de l'Arve (EPSM 74) en soins psychiatriques sans son consentement sur décision du préfet de la Haute-Savoie en date du 24 mars 2014.

Par arrêté du 09 octobre 2017, le Préfet de la Haute-Savoie a décidé que la prise en charge de Mme [K], eu égard à l'évolution de ses troubles mentaux, s'effectuerait sous une autre forme qu'en hospitalisation complète, sur la base d'un programme de soins du 06 octobre 2017 joint.

De très nombreuses demandes ont été formées par Mme [P] [K] dans le but d'obtenir du Juge des Libertés et de la Détention de [Localité 6] la mainlevée de sa mesure de soins psychiatriques sans consentement, lesquelles ont toutes fait l'objet de décisions de rejet, confirmées en appel.

Courant septembre 2022 (les 06, 08, 12 et 13 septembre 2022), Madame [P] [K] a fait, à nouveau, parvenir quatre requêtes auprès du juge des libertés de la détention de [Localité 6], en mentionnant, notamment, qu'elle n'avait jamais déliré, que les « cancres » de psychiatres disaient n'importe quoi, qu'elle ne présentait aucune pathologie psychiatrique, qu'elle n'était pas opposante, ni fragile.

Par décision du 14 septembre 2022, le Juge des Libertés et de la Détention de [Localité 6], sur la base d'un avis motivé du Docteur [M] du 9 septembre 2022 a, après en avoir ordonné la jonction, rejeté les 4 demandes de mainlevée du programme de soins psychiatriques présentées par Madame [P] [K] [B] au motif que « elle présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins psychiatriques que nécessite son état, lesquels imposent le maintien d'une surveillance médicale régulière sous la forme du programme de soins psychiatriques sans consentement auquel elle est soumise ».

Mme [K] [P] a interjeté appel de cette décision, à travers deux courriers réceptionnés le 23 septembre 2022, dénigrant, voire injuriant, les professionnels de santé et magistrats ayant eu à connaître de sa situation, précisant que la juge des libertés et de la détention de [Localité 6] la condamnait systématiquement à une mesure de soins psychiatriques « à perpétuité », n'écoutant que les mensonges des psychiatres, et qu'elle se trouvait seule face à une « armée d'accusateurs », alors qu'elle n'avait rien à se reprocher, n'étant aucunement schizophrène, de sorte qu'elle demandait la suppression d'une telle mesure.

Par réquisitions écrites du 29 septembre 2022, le Parquet Général conclut à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] en date du 14 septembre 2022, considérant qu'il y a lieu de poursuivre le programme de soins sous contrainte afin de protéger Mme [K] d'elle-même et pour éviter les décompensations, suggérant, par ailleurs, la tenue d'une éventuelle expertise.

L'avis motivé rédigé par le Docteur [M] en date du 30 septembre 2022 mentionne: « Patiente actuellement en programme de soins SPDRE, suivie mensuellement en ambulatoire au CMP de Sallanches. Patiente présentant des idées délirantes à thème persécutif à mécanisme interprétatif dans le cadre d'une pathologie psychique de type paranoïaque. Patiente compliante à la prise en charge avec bonne observation du traitement, ceci dans le cadre de la contrainte du programme de soins. Hors de cette contrainte, l'expérience clinique montre que la compliance et l'adhésion aux soins cessent, ce qui à chaque fois entraîne la décompensation psychique et la nécessité d'une réhospitalisation à temps plein. Par ailleurs, patiente dont le contact relationnel thérapeutique reste superficiel, dans la réticence et la méfiance. Situation clinique à la stabilité fragile, la dispensation des soins ne pouvant se faire que dans le cadre du programme de soins. Présentation habituelle, souvent de mauvais caractère, renfrognée et quasi mutique la plupart du temps. Se présente néanmoins régulièrement. En conséquence les soins psychiatriques sur décision du directeur ou sur décision du représentant de l'État restent justifiés et doivent être maintenus sous la forme du programme de soins établi le 6 octobre 2017 ».

Lors de l'audience du 05 octobre 2022, Mme [K] [P], comme à son habitude, n'a pas comparu, bien que régulièrement convoquée.

Son conseil a été entendu en ses observations, s'interrogeant, compte tenu de l'ancienneté du programme de soins qui lui est imposé depuis désormais 5 années, sur la nécessité de maintenir le cadre de la contrainte à l'encontre de Mme [K] qui, certes, a besoin de soins.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience.

Le représentant de l'Etat n'a point comparu, bien que régulièrement avisé.

L'affaire a été mise en délibéré au 05 octobre 2022 après-midi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [K] [P] a fait appel de la décision du Juge des Libertés et de la Détention de [Localité 6] du 14 septembre 2022 dans les délais et les formes prescrites par les articles R.3211-18 et R.3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

Force est de déplorer, une nouvelle fois, son absence injustifiée à l'audience. Pour autant, et même s'il s'agit d'une procédure orale, il n'est pas possible, en cas d'absence du requérant régulièrement convoqué à l'audience, de considérer que son appel n'est pas soutenu, du fait du caractère obligatoire de l'assistance ou de la représentation du patient par un avocat, et du caractère, en revanche, facultatif de la comparution des parties et des personnes avisées (article R.3211-21).

Saisi par la déclaration motivée prévue par l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, il incombe au premier président de répondre aux moyens qui figurent dans cette déclaration d'appel, même en l'absence de l'appelant et de son représentant (1ère Civ. 16 décembre 2015, pourvoi n°15-12.400 Bull. 2015, I, n° 331).

Il résulte des articles L. 3211-2 et L. 3213-1 du code de la santé publique que :

- une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur décision du préfet, représentant de l'Etat dans le département, que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public.

- les soins psychiatriques libres doivent être privilégiés dès lors que l'état de la personne le permet.

Il résulte de l'article L.3211-12 du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, y compris celle se basant sur un programme de soins, à la requête, notamment, de la personne faisant l'objet de tels soins.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste, alors, à opérer un contrôle de la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement, puis de son bien-fondé.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant déjà donné lieu à un contrôle du Juge des Libertés et de la Détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont il ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

En l'espèce, la procédure relative aux soins psychiatriques de Mme [K] [P], suivie depuis la dernière décision définitive du juge des libertés et de la détention, apparaît régulière.

Il ressort des pièces transmises que Mme [P] [K] [B] souffre d'une 'pathologie psychique de type paranoïaque' qui, si elle n'est pas correctement traitée, donne lieu à des décompensations psychiques susceptibles de faire naître un danger pour elle-même et pour autrui.

Le programme de soins, objet de la présente contestation, prévoit des soins ambulatoires, à savoir un suivi médical mensuel et un suivi infirmier mensuel au CMP de Sallanches, ainsi que des soins à domicile, notamment une visite à domicile mensuelle par l'équipe infirmière du CMP de Sallanches, et enfin la prise d'un traitement médicamenteux.

L'avis médical du 30 septembre 2022 se prononce en faveur du maintien de ce programme de soins, aux motifs que si la patiente est compliante à sa prise en charge avec une bonne observation du traitement, cela n'est rendu possible que par l'existence du cadre de la contrainte, l'expérience ayant montré, dans le passé, que la levée, ou même seulement l'assouplissement de celui-ci avait eu, systématiquement, pour effet d'entrainer une décompensation psychique, suivie d'une ré-hospitalisation à temps complet. Il est également mentionné que la stabilité de son état de santé mentale reste fragile et son adhésion aux soins, superficielle.

Le contenu des courriers de Mme [P] [K] [B], particulièrement révélateur du caractère encore bien actuel de sa problématique de santé ('pathologie psychique de type paranoïaque'), démontre, par ailleurs, qu'elle conteste fermement être atteinte de troubles psychiatriques, ainsi que la nécessité des soins qui lui sont imposés, dont elle ne cesse de demander la suppression.

Il résulte de ces éléments que Mme [P] [K] [B] est atteinte de troubles mentaux dont elle n'a pas conscience, lesquels nécessitent des soins.

Les soins imposés, tels que définis actuellement, apparaissent adaptés aux besoins de Mme [K] et ne portent pas atteinte, de manière disproportionnée, à ses libertés individuelles, même s'il convient d'en constater la durée relativement élevée (5 années), de sorte qu'il y a lieu, pour l'instant, de maintenir la mesure mise en 'uvre sur décision du préfet de la Haute-Savoie.

A la lecture des pièces figurant au dossier, il existe, en effet, un risque important qu'une levée de la contrainte aboutisse à une rupture des soins, alors même que ceux-ci demeurent indispensables à une stabilisation de son état de santé psychique et à la prévention d'une décompensation susceptible de compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

En conséquence, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] du 14 septembre 2022 sera confirmée, sans qu'il apparaisse nécessaire, à ce stade, d'ordonner une expertise psychiatrique de Mme [K], tant il apparaît clair, à travers les éléments de la procédure, que son état de santé mentale commande toujours le maintien d'un programme de soins sous contrainte.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la Première Présidente, statuant le 05 Octobre 2022, par ordonnance réputée contradictoire, après débats en audience publique, au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie Messa, greffière,

Déclarons recevable l'appel de Mme [K] [B] [P],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 6] du 14 septembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 05 octobre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00152
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;22.00152 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award