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29/09/2022 | FRANCE | N°22/00151

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 29 septembre 2022, 22/00151


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Jeudi 29 Septembre 2022





RG : N° RG 22/00151 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC2H





Appelant

M. [W] [B]

né le 28 Août 1964 à [Localité 4] (ISRAEL)

C.H.S. DE [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 2]

actuellement hospitalisé au CHS de [Loca

lité 8]

assisté de Maître Aline BRIOT, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelé à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE [Localité 8]

[Localité 1]

non comparant



...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Jeudi 29 Septembre 2022

RG : N° RG 22/00151 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HC2H

Appelant

M. [W] [B]

né le 28 Août 1964 à [Localité 4] (ISRAEL)

C.H.S. DE [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 2]

actuellement hospitalisé au CHS de [Localité 8]

assisté de Maître Aline BRIOT, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelé à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE [Localité 8]

[Localité 1]

non comparant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

Château des Ducs de Savoie

BP 1801

[Localité 3]

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 28 septembre 2022 à 10h devant Madame Isabelle Chuilon, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assistée de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au jeudi 29 septembre 2022,

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS :

Le 19 Mai 2016, le Docteur [H] [C], médecin libéral, faisait l'objet d'une violente agression, à coups de batte de base-ball, à son cabinet situé à [Localité 7], à la suite de laquelle il a présenté une ITT de 45 jours. Les investigations permettaient d'en identifier l'auteur, en la personne de Monsieur [W] [B], individu connu des services de police, présentant une psychose paranoïaque, l'ayant conduit à effectuer plusieurs séjours en établissement psychiatrique, lequel était passé à l'acte dans le cadre d'un délire de persécution centré sur le placement de sa fille [Z] [K].

Par arrêt du 15 janvier 2017, la chambre de l'instruction près la cour d'appel de Chambéry a dit que Monsieur [W] [B] avait commis de tels faits de violence aggravée, tout en le déclarant irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes lors de la commission de tels faits. Au visa de l'article 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète sans consentement a été ordonnée. Il a été admis à l'EPSM74 le jour même, puis été transféré au CHS de [Localité 8].

Cette mesure, au regard de certificats médicaux mensuels indiquant qu'elle était toujours justifiée, a été maintenue, sans discontinuité, par les différents juges des libertés et de la détention ayant eu à la contrôler, la dernière ordonnance datant du 02 août 2022, étant précisé que, par ailleurs, Monsieur [W] [B] a sollicité, à plusieurs reprises, la mainlevée de son hospitalisation complète.

Par lettre du 05 septembre 2022, reçue au greffe le 12 septembre 2022, Monsieur [W] [B] a de nouveau demandé la mainlevée de cette mesure.

Un avis motivé du Docteur [O] [J] du 13 septembre 2022 rédigé en vue de l'audience mentionnait: « L'état psychiatrique de M.[B] apparaît toujours plutôt bien stabilisé au plan psychique, ne présente ni propos délirants, ni trouble comportemental dans l'unité. Pour rappel, il a fait appel à plusieurs mesures pour contester les contraintes de l'hospitalisation, dans un contexte de démarche procédurière alimentée par des aménagements paranoïaques de la personnalité. Le patient est désormais autorisé à envisager l'élaboration d'un projet de vie encadré par un programme de soins. Depuis plusieurs semaines, M.[B] bénéficie de permissions de sortie seul dans l'enceinte du CHS, qui se déroulent sans difficulté particulière. Au plan clinique, nous devons cependant souligner la recrudescence de manifestations comportementales (nombreuses demandes et exigences relatives à différents points du cadre hospitalier) qui traduisent les difficultés du patient à supporter les comportements d'autrui, son intolérance à la frustration. M.[B] se montre par ailleurs hermétique à l'encouragement d'émergences de manifestations empathiques en ce qui concerne les conséquences de ses actes. Dans ce contexte de tension psychique évidente, l'ouverture du cadre, l'accompagnement vers un logement par une équipe de soins dédiée, ne sauraient se concevoir que de manière très progressive et encadrée, ce qui est actuellement contesté par le patient. Dans l'attente de la mise en place d'un tel projet ouvert sur l'extérieur, l'actuelle mesure de contrainte doit être maintenue ».

L'avis du collège, composé de deux psychiatres et d'un représentant de l'équipe pluridisciplinaire assurant la prise en charge du patient, en date du 15 septembre 2022, a décidé que l'actuelle mesure de contrainte devait être maintenue compte tenu que : « En entretien ce jour, Monsieur [B] réitère sa demande de contestation de la mesure actuelle, argumentant qu'il estime qu'il a suffisamment « purgé sa peine » (confondant soins et peine), mettant en avant des remords superficiels sans empathie pour les personnes qu'il a menacées de mort et agressées physiquement. Ce patient demeure extrêmement rigide dans son raisonnement, dans déni des troubles psychiques, assez vindicatif, estimant avoir été déclaré responsable pénalement par erreur. Tout au long de son discours, il se victimise en exposant son parcours de procédures itératives de contestation, avec la conviction de détenir la vérité sans place pour le doute ou la remise en question ou même l'avis d'autrui. Il se met dans une attitude supérieure et irrespectueuse alors que nous validons le projet de réinsertion progressive avec précaution au vu de la gravité des gestes qui ont été commis. Au vu de ces aménagements de personnalité pathologiques et de l'absence totale de critique, et compte tenu des éléments d'expertise médicale que le patient conteste également, nous ne pouvons que valider la mesure actuelle au vu du risque de compensation et du risque hétéroagressif qui est présent si la sortie vers l'extérieur est anticipée ».

Deux expertises psychiatriques ont été réalisées sur la personne de M. [W] [B], suivant ordonnance du 27 janvier 2022 du juge des libertés et de la détention de CHAMBERY, saisi en ce sens par l'intéressé, désireux de 'pouvoir revenir à la vie normale et intégrer la société'.

Par décision du 16 septembre 2022, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de CHAMBERY, conformément à l'avis du Procureur de la République, a rejeté la requête de Monsieur [W] [B] et ordonné la poursuite de son hospitalisation complète au sein du centre hospitalier spécialisé de Bassens, aux motifs que :

- le patient conteste l'existence de troubles psychiatriques,

- l'allégement d'une mesure d'hospitalisation à la demande du représentant de l'État, eu égard à la nature des troubles présentés par le patient et aux enjeux en termes de sécurité des personnes et d'ordre public, ne peut s'envisager que dans l'hypothèse où Monsieur [W] [B] serait en capacité de reconnaître a minima ses problèmes de santé et de respecter une prise en charge thérapeutique,

- le collège de soignants relève un risque de décompensation et de comportement hétéro agressif si une sortie anticipée devait être prononcée.

M. [B] [W] a interjeté appel de cette décision par courrier réceptionné au greffe le 21 septembre 2022, en mentionnant : « Encore une fois le juge a tenu seulement compte des déclarations mensongères du psy d'ici sans tenir compte de mes arguments ». « Ça fait six ans et quatre mois que je suis enfermé et il n'y a plus aucune nécessité de continuer à me garder enfermé davantage ! trop c'est trop ! J'ai assez payé ! Il faut que ça cesse ». « J'ai toujours respecté la prise en charge ».

Par réquisitions écrites du 22 septembre 2022, le Parquet Général conclut à la confirmation de la décision du juge des libertés et de la détention de CHAMBERY en date du 16 septembre 2022.

Suivant le certificat de situation du 26 septembre 2022 émanant du Docteur [X] [V], il est indiqué : « patient porteur d'un trouble psychiatrique chronique dont de ponctuelles acutisations ont guidé un passage à l'acte hétéro-agressif gravissime à l'expression facilitée par une compliance douteuse au traitement alors en vigueur à l'origine de l'actuelle mesure d'irresponsabilité pénale. Si l'état clinique du patient apparaît actuellement globalement stabilisé, sur un mode ritualisé et projectif certes, il apparaît indispensable, et les expertises psychiatriques réalisées le confirment, de procéder à la poursuite d'une ouverture très progressive d'un cadre contenant et sécurisant. C'est dans ce contexte que nous nous proposons en faveur du maintien de l'actuelle mesure de contrainte ».

Lors de l'audience du 28 septembre 2022, M. [W] [B] a réaffirmé sa demande, précisant au sujet de son hospitalisation : « Il faut que ça s'arrête. Vous me volez ma vie. 6 ans et 4 mois c'est beaucoup. Rien ne justifie que je sois hospitalisé». Il a exprimé des regrets par rapport aux actes délictueux qu'il a commis, d'après lui sous l'effet de la colère et aucunement d'une maladie psychiatrique, contestant avoir été, à l'époque, en rupture de soins et affirmant avoir agi en toute lucidité et conscience. [N] l'existence de toute pathologie d'ordre psychiatrique et se refusant à reconnaître tout effet bénéfique à son traitement, lui imputant, au contraire, sa fatigue physique, il a, toutefois, prétendu qu'il adhérait aux soins, en respectant strictement ce qu'il lui était demandé et en se montrant irréprochable. Interrogé sur les garanties qu'il pouvait offrir au sujet des soins s'il devait être réintroduit en milieu libre alors qu'il ne se considère aucunement malade, il a répondu que de toute façon il n'avait pas d'autre choix que de se plier aux exigences fixées. Il a expliqué en outre qu'à l'hôpital, en dehors d'une injection retard toutes les 3 semaines/1 mois, il n'avait pas d'autre traitement médicamenteux et qu'il ne rencontrait le psychiatre que rarement, à peu près à la même fréquence. Il a indiqué que depuis mars 2022 il bénéficiait de permissions de sortie à l'extérieur du CHS, 2 heures par semaine, pour se rendre, seul, au sport et à la bibliothèque. Il a exposé qu'un appartement thérapeutique lui avait été trouvé dans le bassin de [Localité 7] par le biais d'une association, mais qu'aucune démarche concrète n'était faite au niveau du CHS, notamment de la part de son psychiatre, pour lui permettre d'accéder à ce logement et au milieu libre. Il s'est plaint de ce que la psychiatre assurant sa prise en charge serait prise dans un conflit d'intérêts eu égard aux liens qu'elle entretiendrait avec la victime. Par ailleurs, il a mentionné qu'il avait des contacts épistolaires avec sa fille [Z] [K] âgée de 11 ans et demi, et qu'il n'envisageait pas de s'établir dans une autre région, du fait qu'elle était placée à [Localité 6] et qu'il souhaitait renouer les liens avec elle, dans le cadre d'un droit de visite. Il a évoqué également son souhait d'entamer une formation d'auxiliaire de vie, prétendant être autonome et capable de gérer seul ses affaires, précisant ne faire l'objet d'aucune mesure de protection.

Son conseil a été entendue en ses observations. Elle fait valoir que l'expertise du Docteur [M] [R] se positionne en faveur d'un allégement de son hospitalisation et que les soins dont bénéficie actuellement M. [W] [B] pourraient parfaitement lui être administrés en dehors d'une telle mesure, dont le cadre ne s'avère plus nécessaire et se révèle, à ce jour, disproportionné. Par ailleurs, la neutralité du psychiatre ayant rédigé le dernier certificat de situation est remise en question du fait de l'emploi du terme « gravissime », témoignant d'un jugement de valeur et d'un manque d'objectivité. Elle a souligné, par ailleurs, la nécessité de présenter clairement l'avenir à M. [W] [B] et de contraindre le corps médical, agissant par « corporatisme », face à l'agression de l'un d'eux, à une évolution concrète de sa situation.

Le ministère public n'a pas comparu, mais ses réquisitions écrites ont été mises à la disposition des parties avant l'audience et portées à la connaissance de la personne hospitalisée lors du débat contradictoire.

Le représentant de l'Etat et le directeur d'établissement n'ont point comparu, bien que régulièrement avisés.

L'affaire a été mise en délibéré au 29 septembre 2022, le temps d'obtenir communication par le juge des libertés et de la détention de CHAMBERY des deux expertises psychiatriques ordonnées en janvier 2022. Celles-ci ont été adressées à l'avocate de M. [W] [B] en cours de délibéré, pour éventuelles observations, en respect du principe du contradictoire.

Ainsi, l'expertise du Docteur [M] [R] du 04 Février 2022 conclut que le patient a souffert d'une grave maladie psychotique qui est une psychose avec une tendance paranoïde à

l'origine de l'acte pour lequel il a été déclaré irresponsable pénalement. Au jour de l'examen, il ne présente pas de signe de maladie psychotique, pas de troubles paranoïdes, pas de sentiment de toute-puissance, avec une critique des faits qu il a commis. L'expert indique qu'il est bien stabilisé par le cadre institutionnel et thérapeutique institués. La prise de conscience qu il exprime ne s'inscrit pas dans un cadre manipulatoire ou pervers. Un cheminement psychologique est noté. Sa maladie chronique nécessite un traitement médicamenteux constant et un suivi spécialisé régulier. L'absence de prise de son traitement peut être à l'origine de décompensations psychiatriques graves qui peuvent compromettre la sécurité des personnes ou porter atteinte à l' ordre public. Sa prise de conscience et son évolution psychique, avec une reconnaissance des faits et surtout des regrets, rendent possible, d'après l'expert, un allégement de son hospitalisation actuelle. La levée de la mesure ne paraît pas inadéquate, mais il s'avère important de maintenir un suivi psychiatrique et un cadre pour éviter toute éventuelle inobservance thérapeutique qui reste possible.

L'expertise du Docteur [A] [Y] conclut, quant à lui, dans son rapport du 04 Février 2022, que le patient présente des troubles psychiques caractérisés par une personnalité paranoïaque dont l équilibre est très fragile avec des passages psychotiques à la moindre tension psychique, troubles qui nécessitent des soins psychiatriques conséquents associant un traitement pharmacologique de la famille des antipsychotiques et une prise en charge psychothérapeutique, et qui peuvent compromettre gravement la sûreté des personnes ou porter atteinte à l ordre public

et notamment s'ils ne sont pas correctement traités. L' hospitalisation complète reste nécessaire, dans un premier temps, afin d'initier une prise de conscience et lui permettre une ébauche

d' autocritique. Un programme de soins en ambulatoire pourra ensuite être discuté en fonction du projet médico-social, du suivi psychiatrique et de l'assurance d'un traitement retard.

MOTIFS DE LA DECISION

Par déclaration motivée transmise au greffe de la cour d'appel le 21 septembre 2022 à 11h45, M. [W] [B] a fait appel de la décision du Juge des Libertés et de la Détention de CHAMBERY en date du 16 septembre 2022, soit dans les délais et les formes prescrites par les articles R3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique. Son appel est donc recevable.

L'office du juge des libertés et de la détention (et du premier président de la cour d'appel ou son délégué) consiste à opérer un contrôle de la régularité de l'hospitalisation complète sous contrainte, puis de son bien-fondé.

Il peut relever d'office tout moyen d'irrégularité à condition de respecter le principe du contradictoire.

Il convient de rappeler qu'en raison de la règle de purge des nullités, le premier président de la Cour d'Appel ou son délégué ne saurait apprécier la régularité des procédures antérieures ayant donné lieu à un contrôle du Juge des Libertés et de la Détention à travers une décision définitive.

L'appréciation du bien-fondé de la mesure doit s'effectuer au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués, dont il ne saurait dénaturer le contenu, son contrôle supposant un examen des motifs évoqués, mais ne lui permettant pas de se prononcer sur l'opportunité de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et de substituer son avis à l'évaluation faite, par le corps médical, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins.

Il résulte de l'article L.3211-12 I du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme, notamment sur saisine de la personne faisant l'objet des soins.

L'article L.3211-12 II du code de la santé publique prévoit, lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, que le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L.3211-9, et qu'il ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L.3213-5-1 (n'appartenant pas à l'établissement d'accueil).

En l'espèce, la décision frappée d'appel a bien été rendue avant l'expiration d'un délai de douze jours prévu à l'article R.3211-30 du code de la santé publique et le greffe de la Cour d'Appel a bien été destinataire, au plus tard quarante-huit heures avant l'audience, de l'avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète, conformément à l'article L3211-12-4 du code de la santé publique.

Il ressort des éléments de procédure que les pièces visées à l'article R3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées antérieurement aux débats.

La procédure relative aux soins psychiatriques de M. [B] [W], depuis la dernière décision définitive du juge des libertés de la détention du 02 août 2022 apparaît, ainsi, régulière.

Il convient de constater que les décisions des diverses autorités administratives, médicales et judiciaires figurant au dossier ont été motivées conformément aux exigences légales.

Les certificats et avis médicaux, ainsi que les deux expertises psychiatriques récentes, sus-rappelés, font tous état d'une stabilisation de l'état de santé psychique de M. [B] [W], acquise depuis plusieurs mois.

Il est donc temps, comme préconisé par le Docteur [R], dans son rapport d'expertise du 04 Février 2022, d'envisager un allégement de sa mesure d'hospitalisation sous contrainte et l'établissement d'un projet de sortie, d'autant plus que rien ne garantit, en l'état des éléments de la procédure, qu'un maintien de ladite mesure pourrait être de nature à permettre, à plus ou moins long terme, sachant qu'il est hospitalisé depuis déjà 6 ans, une évolution plus favorable et un cheminement plus avancé de M. [B] [W], au sujet notamment de la prise de conscience de sa maladie psychiatrique.

A cet égard, il y a lieu de constater que le conseiller délégué par la 1ère Présidente de la Cour d'Appel de CHAMBERY dans un arrêt du 23 Février 2022, confirmant une décision de poursuite de la mesure indiquait, déjà, il y a plus de 7 mois, la nécessité pour le CHS de [Localité 8], « compte-tenu des observations médicales quant à la stabilisation de l'état de santé du patient depuis plusieurs mois et de l'avis partagé des deux experts quant à la suite à donner à son hospitalisation, de commencer, si son évolution positive se confirmait, à préparer avec M. [W] [B] un projet de sortie de l'hospitalisation sans consentement incluant notamment un hébergement, un suivi médical en ambulatoire strict ainsi qu'un suivi social sérieux, conditions qu'il semble impératif de réunir avant toute levée de l'hospitalisation complète afin de ne pas le mettre dans une situation fragile qui serait susceptible de favoriser de nouveaux passages à l'acte dans le cadre de sa maladie psychiatrique ».

Le corps médical est unanime pour dire, y compris à travers des documents récents, que la levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte ne peut se faire que de manière progressive et encadrée, compte tenu du potentiel de dangerosité dont reste porteur M. [B] [W], personne souffrant de troubles mentaux susceptibles de compromettre la sûreté des personnes ou de porter gravement atteinte à l'ordre public, si elle venait, notamment, à ne pas respecter les soins imposés.

En l'état de la situation de M. [B] [W], ordonner la mainlevée immédiate de son hospitalisation complète apparaît prématuré et il convient, dès lors, de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de CHAMBERY du 16 septembre 2022.

Pour autant, et ainsi que l'a justement souligné son avocate lors de l'audience, sauf évolution défavorable notable de l'état de santé ou de la situation de M. [B] [W], il s'avère important de lui laisser entrevoir des perspectives de mise en 'uvre concrète d'un projet de sortie, lequel devra nécessairement intégrer un programme de soins strict, dans une temporalité précise, qu'il apparaît raisonnable de fixer à 6 mois maximum, afin de ne pas freiner sa volonté de réinsertion, sans lui renvoyer, constamment, les mêmes objections, qu'il n'est, manifestement pas en capacité d'intégrer, sauf à alimenter plus encore le délire de persécution qui a pu, un temps, l'animer.

A cet égard, son projet d'établissement dans le secteur de [Localité 7] ne paraît pas opportun, du fait qu'il s'agit du lieu de commission des faits à l'origine de son admission en soins psychiatriques, et du lieu d'établissement d'un certain nombre de personnes ayant pu être visées par ses troubles de nature paranoïaque, notamment de la victime, qu'il a l'interdiction de rencontrer pendant une période de 20 ans, et de sa fille. Dès lors, afin de prévenir toute difficulté, il paraît plus judicieux de songer à un éventuel éloignement géographique.

PAR CES MOTIFS

Nous, Isabelle CHUILON, conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, statuant le 29 septembre 2022, par ordonnance contradictoire, après débats tenus en audience publique, au siège de ladite Cour d'Appel, assistée de Sophie MESSA, greffière,

Déclarons recevable l'appel de M. [B] [W],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de CHAMBERY du 16 septembre 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite sans délai, par tout moyen permettant d'établir la réception, conformément aux dispositions de l'article R.3211-22 du code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 29 septembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère à la Cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00151
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;22.00151 ?
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