COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre Civile - 1ère section
Arrêt du Mardi 27 Septembre 2022
N° RG 18/02028 - N° Portalis DBVY-V-B7C-GCNB
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 13 Septembre 2018, RG 16/02173
Appelant
M. [F] [S]
né le 03 Mars 1947 à [Localité 10] ([Localité 10]), demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]
Représenté par Me Isabelle BRESSIEUX, avocat au barreau d'ANNECY
Intimés
Mme [H] [S]
née le 08 Février 1949 à [Localité 10] ([Localité 10]), demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
Représentée par Me Christian BROCAS, avocat au barreau d'ANNECY
M. [T] [S], demeurant [Adresse 5] - [Localité 7]
Représenté par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocats au barreau d'ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 14 juin 2022 par M. Michel FICAGNA, Président de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- M. Michel FICAGNA, Président,
- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,
- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
[W] [S] est décédé le 30 septembre 1997, laissant pour lui succéder :
- [P] [O], son épouse,
- et ses trois enfants: [F], [H] et [T] [S].
En vertu d'un legs et de ses droits de conjoint survivant, [P] [S] est ainsi devenue usufruitière de la totalité des biens dépendant de la succession de son époux, notamment d'une maison à usage d'habitation avec terrain située à [Localité 11] (Haute-Savoie), dont la nue-propriété est détenue par ses trois enfants depuis une donation-partage du 8 mars 1978.
Par acte authentique en date du 30 décembre 1999, Mme [P] [S] a fait donation à ses trois enfants de son usufruit sur le bien précité, donation assortie d'une clause d'inaliénabilité sa vie durant et d'une clause de retour au profit de la donatrice en cas de prédécès de l'un des donataires.
Par actes délivrés les 5 et 6 décembre 2016, M. [F] [S] a fait assigner sa soeur, Mme [H] [S], et son frère, M. [T] [S], devant le tribunal de grande instance d'Annecy aux fins de partage de l'indivision existant entre eux, avec expertise préalable portant sur la valeur du bien indivis.
Les défendeurs ont conclu au rejet de ces demandes en faisant valoir que le partage ne pouvait avoir lieu hors la présence de leur mère, bénéficiaire de la clause d'inaliénabilité et du droit de retour.
Par jugement contradictoire rendu le 13 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Annecy a :
débouté M. [F] [S] de l'ensemble de ses demandes,
condamné M. [F] [S] à payer à Mme [H] [S] et M. [T] [S] la somme de 1.500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [F] [S] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Christian Brocas.
Par déclaration du 24 octobre 2018, M. [F] [S] a interjeté appel de ce jugement.
[P] [O] veuve [S] est décédée le 4 septembre 2019.
L'affaire a été clôturée à la date du 16 mai 2022 et renvoyée à l'audience du 14 juin 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 27 septembre 2022.
Par conclusions notifiées le 3 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [F] [S] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les dispositions des articles 815 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 900-1 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1075 et 1076 du code civil,
Vu le jugement entrepris,
réformer le jugement en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :
- débouté M. [F] [S] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [F] [S] à payer à Mme [H] [S] et M. [T] [S] la somme de 1.500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [F] [S] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Christian Brocas,
Et statuant à nouveau,
dire recevable et bien fondée la demande en partage formée par M. [F] [S],
constater en tous les cas, qu'au vu des intérêts en jeu, il y a lieu d'autoriser judiciairement l'aliénation du bien immobilier sis à [Localité 11],
ordonner le partage de l'indivision existant entre [F], [T] et [H] [S], portant sur la maison d'habitation avec terrain attenant à usage de jardin, situé à [Localité 11] (74), lieudit [Adresse 8], cadastrée section [Cadastre 9] sous le [Cadastre 9] pour une superficie de 23a 98 ca, et n° 252 pour une superficie de 9a 97ca,
désigner pour y procéder le président de la chambre interdépartementale des notaires ou son délégataire,
désigner un des juges du tribunal pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage,
dire et juger qu'en cas d'empêchement et de refus, Mmes et MM. les juges et notaires ainsi commis seront remplacés par ordonnance rendue sur simple requête,
préalablement à ces opérations et pour y parvenir, désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de se rendre sur place afin de procéder à une description et de fournir toute estimation permettant de se prononcer sur la valeur vénale de la maison et sur celle d'une mise à prix pour une vente de gré à gré ou sur licitation,
condamner in solidum M. [T] [S] et Mme [H] [S] à payer à M. [F] [S] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner in solidum M. [T] [S] et Mme [H] [S] aux entiers dépens, lesquels seront employés en frais privilégiés de partage au profit de Me Isabelle Bressieux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 13 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [T] [S] demande en dernier lieu à la cour de :
Sur le fond :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
débouter M. [F] [S] de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement :
débouter M. [F] [S] de sa demande d'aliénation du bien immobilier,
ordonner une expertise judiciaire au contradictoire de l'ensemble des parties et désigner, pour y procéder, tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de:
1°) convoquer les parties et se rendre sur les lieux, sis [Adresse 4] [Localité 11],
2°) se faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission dont les parties entendent se prévaloir au cours de l'instance,
3°) procéder à l'examen du bien immobilier, décrire son état et fournir toute estimation permettant de se prononcer sur sa valeur vénale au jour de la réalisation de la mission d'expertise,
dire que, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert fixera un délai aux parties pour formuler leurs observations ou réclamations lorsqu'elles prendront une forme écrite et que les derniers dires rappelleront sommairement le contenu de ceux présentés antérieurement sous peine d'être réputés abandonnés par les parties,
inviter l'expert à répondre précisément et complètement aux dires régulièrement déposés et à formuler des réponses définitives aux différents chefs de mission posés dans un rapport lui-même qualifié de définitif,
réserver les dépens,
En tout état de cause,
condamner M. [F] [S] à payer à M. [T] [S] la somme supplémentaire de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [F] [S] aux entiers dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Vailly-Becker & Associés.
Par conclusions notifiées le 13 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [H] [S] demande en dernier lieu à la cour de :
A titre principal,
confirmer purement et simplement le jugement donc appel,
sans s'arrêter aux écritures adversaires si ce n'est pour les déclarer irrecevables en fait et en droit,
débouter purement et simplement M. [F] [S] de l'intégralité de ses demandes, considérant l'interdiction d'aliéner visée à la pièce n° 2 qu'il verse aux débats dite donation partage du 30 décembre 1999 et ce au regard du fait que [P] [S] n'est pas décédée,
A titre subsidiaire,
débouter M. [F] [S] de sa demande d'aliénation,
ordonner une expertise judiciaire du bien indivis,
En toutes hypothèses,
condamner M. [F] [S] à payer à Mme [H] [S] la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [F] [S] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Brocas avocat, sur ses affirmations de droit par application de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS ET DÉCISION
En application de l'article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.
En l'espèce, c'est par des motifs pertinents que la cour approuve que le tribunal a, compte tenu de l'absence de [P] [S] à l'instance, alors que celle-ci était encore en vie, rejeté la demande en partage et licitation formée par M. [F] [S], celle-ci ne pouvant aboutir en l'absence de la donatrice bénéficiaire de la clause d'inaliénabilité figurant à l'acte de donation d'usufruit du 30 décembre 1999.
Toutefois, [P] [S] étant décédée le 4 septembre 2019, c'est-à-dire en cours d'instance d'appel, la clause d'inaliénabilité et le droit de retour sont désormais sans effet, et plus rien ne s'oppose au partage de l'indivision existant en pleine propriété entre M. [F] [S] et ses frère et soeur.
Le droit de sortir de l'indivision n'est pas subordonné à la justification de motifs particuliers de la part de l'indivisaire qui agit, aussi, il n'est pas utile d'examiner les arguments développés sur ce point.
Il y a donc lieu d'ordonner le partage de l'indivision existant entre les parties et portant sur le bien immobilier situé à [Localité 11] tel que décrit ci-dessus, avec désignation du notaire chargé des opérations de liquidation et partage, ainsi que du juge commis, lequel sera le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy, afin de garantir le double degré de juridiction pour les litiges éventuels postérieurs sur les modalités du partage.
La demande en licitation ne peut être que rejetée en l'état. En effet, il n'est justifié d'aucune discussion ou tentative d'accord entre les parties quant aux modalités de ce partage, de sorte qu'il est prématuré d'ordonner la vente du bien, dont on ignore s'il est ou non partageable en nature. Le tribunal, qui sera à nouveau saisi le cas échéant en cas de difficultés, pourra alors se prononcer sur cette demande.
Sur la demande d'expertise, en l'absence de tout élément sur l'état et la valeur de l'immeuble, il n'y a pas lieu d'y faire droit. Si le notaire désigné ne pouvait parvenir à un accord entre les parties sur la valeur de l'immeuble à retenir pour le partage, alors le tribunal pourra être saisi aux fins d'expertise.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Il convient de faire masse des dépens de l'appel et de dire qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Annecy le 13 septembre 2018, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de partage de l'indivision formée par M. [F] [S],
Infirmant de ce seul chef, et statuant à nouveau,
Ordonne le partage de l'indivision existant entre M. [F] [S], M. [T] [S] et Mme [H] [S] et portant sur le bien immobilier suivant (selon l'acte de donation du 30 décembre 1999) :
- sur le territoire de la commune de [Localité 11] ([Localité 11]), lieudit [Adresse 8], une maison d'habitation avec terrain attenant à usage de jardin, cadastrée section [Cadastre 9] pour 23a 98 ca et n° 252 pour 9a 97 ca,
Désigne Me Sandra Pessey, notaire, demeurant 20, boulevard du Lycée, PB 367, 74012 Annecy Cédex, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, dans les conditions fixées aux articles 1364 et suivants du code de procédure civile,
Désigne le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Annecy en qualité de juge commis pour surveiller les opérations,
Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire d'Annecy pour le suivi des opérations de partage et pour qu'il soit tranché, le cas échéant, sur les difficultés et contestations soulevées par les parties ou par le notaire désigné,
Dit n'y avoir lieu, en l'état, à expertise du bien partagé,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la licitation du bien indivis, cette demande relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire désormais saisi du partage,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties en cause d'appel,
Fait masse des dépens de l'appel et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.
Ainsi prononcé publiquement le 27 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de Michel FICAGNA, Président, régulièrement empêché et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier Le Président