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20/09/2022 | FRANCE | N°22/00102

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 20 septembre 2022, 22/00102


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 20 Septembre 2022





N° RG 22/00102 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4QT



Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ de THONON-LES-BAINS en date du 26 Octobre 2021, RG 20/00442





Appelante



S.C.I. LE CLAUFRANC, dont le siège social est situé [Adresse 1] - [Localité 2]



Représentée par l'EURL P.O. SIMOND AVOCATS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS








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S.A.S. BENGALE, dont le siège social est situé [Adresse 1] - [Localité 2]



Représentée par Me Marylise LEDAIN, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS







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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 20 Septembre 2022

N° RG 22/00102 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4QT

Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ de THONON-LES-BAINS en date du 26 Octobre 2021, RG 20/00442

Appelante

S.C.I. LE CLAUFRANC, dont le siège social est situé [Adresse 1] - [Localité 2]

Représentée par l'EURL P.O. SIMOND AVOCATS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimée

S.A.S. BENGALE, dont le siège social est situé [Adresse 1] - [Localité 2]

Représentée par Me Marylise LEDAIN, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 31 mai 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

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Il a été procédé au rapport.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Le Claufranc est propriétaire d'un immeuble à Annemasse (Haute-Savoie), au rez-de-chaussée duquel se situe un local commercial donné en location à la société Bengale qui y exploite un fonds de commerce de restauration rapide.

Aux termes du bail initial du 23 février 2009, renouvelé depuis le 10 janvier 2019, celui-ci ne comprend pas l'usage et l'occupation de la cour de l'immeuble, située à l'arrière du bâtiment.

Un différend est né entre les parties relativement à l'usage de cette cour, ainsi que d'autres parties communes de l'immeuble.

Le 12 octobre 2020, le gérant de la SCI Le Claufranc a installé une clôture grillagée dans la cour intérieure de l'immeuble, interdisant l'accès à la sortie de secours depuis le local loué, et, d'une manière générale, à toute sortie par l'arrière du bâtiment pour l'évacuation des déchets (poubelles et fûts d'huile de cuisson notamment).

En l'absence de solution amiable, par acte délivré le 26 novembre 2020, la société Bengale a fait assigner la SCI Le Claufranc devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains pour obtenir sa condamnation à enlever le grillage, sous astreinte, et qu'il lui soit fait interdiction d'en remettre un.

La SCI Le Claufranc s'est opposée aux demandes, la cour étant exclue du bail, et a formé des demandes reconventionnelles tendant à obtenir la condamnation de la société Bengale à débarrasser la cour des objets et matériaux qui y sont entreposés, sous astreinte. Elle a également sollicité la désignation d'un huissier pour que soit établi un constat de l'état des lieux loués, et la condamnation du preneur à lui payer une somme de 5.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 26 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains a :

ordonné à la SCI Le Claufranc de procéder à l'enlèvement du grillage installé dans la cour de l'immeuble dans les quinze jours suivant la signification de la décision et sous astreinte provisoire, une fois ce délai écoulé, de 200 € par jour de retard,

fait interdiction à la SCI Le Claufranc de réinstaller dans la cour de l'immeuble un grillage ou tout dispositif équivalent empêchant l'accès depuis l'arrière du restaurant aux parties communes de l'immeuble, sous astreinte provisoire de 600 € par jour où une infraction sera constatée,

ordonné à la société Begale d'enlever l'ensemble des objets et matériels entreposés dans la cour de l'immeuble dans les quinze jours suivant la signification de la décision et sous astreinte provisoire, une fois ce délai écoulé, de 200 € par jour de retard,

fait interdiction à la société Bengale d'entreposer dans la cour de l'immeuble des objets et matériels quelconques et d'utiliser la cour de l'immeuble pour un usage autre que l'évacuation des clients et du personnel en cas d'incendie et l'évacuation des poubelles, sous astreinte provisoire de 600 € par jour où une infraction sera constatée,

s'est réservé le cas échéant la liquidation des astreintes,

ordonné une mesure de constatation et désigné pour y procéder la SCP Mottet Duclos Tissot, huissier de justice à Saint-Julien en Genevois, avec essentiellement pour mission de constater et décrire l'état de l'ensemble des locaux objets du bail et notamment de la cave et des parties dont il est allégué qu'elles auraient fait l'objet de travaux de transformation, aux frais avancés de la SCI Le Claufranc,

rejeté le surplus des demandes,

dit que chaque partie conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance.

Par déclaration du 18 janvier 2022, la SCI Le Claufranc a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été clôturée à la date du 2 mai 2022 et renvoyée à l'audience du 31 mai 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 20 septembre 2022.

Par conclusions notifiées le 23 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI Le Claufranc demande en dernier lieu à la cour de :

Vu l'ordonnance de référé en date du 26 octobre 2021,

Vu l'article 835 du code de procédure civile,

Vu la lettre des services de sécurité de la commune d'[Localité 2] en date du 7 février 2022,

Vu les pièces produites aux débats, notamment les PV de constat d'huissiers en date du 8 décembre 2020, 4 mai 2021 et 21 janvier 2022,

confirmant la décision entreprise, débouter la société Bengale de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

la réformant partiellement et statuant à nouveau,

dire n'y avoir lieu, pour cessation du trouble manifestement illicite, à l'enlèvement total du grillage installé dans la cour intérieure de l'immeuble, propriété de la SCI Le Claufranc,

dire satisfactoire, conformément aux recommandations de la commission de sécurité de la commune d'[Localité 2] - courrier du 7 février 2022 - l'ouverture de 1,16 mètre sur le grillage litigieux,

dire qu'il sera fait interdiction à la société Bengale d'utiliser la cour intérieure de l'immeuble, pour l'évacuation des poubelles, fûts d'huile, etc..., leur passage par le hall d'entrée de l'immeuble, sous astreinte de 600 € par jour pour chaque infraction constatée,

condamner la société Bengale à verser à la SCI Le Claufranc une indemnité de 4.000 € au titre des dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens, compris ceux de première instance et d'appel, et ce compris les frais du procès-verbal de constat de la SCP Malgrand & Depery en date du 8 décembre 2020; ainsi que les frais du procès-verbal de la SCO Mottet Duclos Tissot en date du 21 janvier 2022.

Par conclusions notifiées le 28 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Bengale demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile,

Vu l'article 566 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains le 26 octobre 2021,

Vu les pièces versées aux débats,

confirmer les dispositions de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- ordonné à la SCI Le Claufranc de procéder à l'enlèvement du grillage installé dans la cour de l'immeuble dans les quinze jours suivant la signification de la décision et sous astreinte provisoire, une fois ce délai écoulé, de 200 € par jour de retard,

- fait interdiction à la SCI Le Claufranc de réinstaller dans la cour de l'immeuble un grillage ou tout dispositif équivalent empêchant l'accès depuis l'arrière du restaurant aux parties communes de l'immeuble, sous astreinte provisoire de 600 € par jour où une infraction sera constatée,

réformer et infirmer les dispositions de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- ordonné à la société Begale d'enlever l'ensemble des objets et matériels entreposés dans la cour de l'immeuble dans les quinze jours suivant la signification de la décision et sous astreinte provisoire, une fois ce délai écoulé, de 200 € par jour de retard,

- fait interdiction à la société Bengale d'entreposer dans la cour de l'immeuble des objets et matériels quelconques et d'utiliser la cour de l'immeuble pour un usage autre que l'évacuation des clients et du personnel en cas d'incendie et l'évacuation des poubelles, sous astreinte provisoire de 600 € par jour où une infraction sera constatée,

Et statuant à nouveau, y ajouter,

constater, dire et juger l'absence d'encombrants du fait de la société Bengale dans la cour intérieure de l'immeuble,

dire n'y avoir lieu à condamnation sous astreinte de la société Bengale à enlever des objets et matériels entreposés dans la cour de l'immeuble,

dire n'y avoir lieu à faire interdiction sous astreinte à la société Bengale d'entreposer dans la cour de l'immeuble des objets et matériels et d'utiliser la cour de l'immeuble,

En tout état de cause,

déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées par la SCI Le Claufranc en cause d'appel,

débouter la SCI Le Claufranc de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner la SCI Le Claufranc à payer à la société Bengale la somme de 4.500 € au titre de l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SCI Le Claufranc à payer les entiers dépens de l'instance en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 22 octobre 2020 et du procès-verbal de constat d'huissier du 25 janvier 2022.

MOTIFS ET DÉCISION

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

1/ Sur l'enlèvement du grillage

La SCI Le Claufranc soutient que, dès lors qu'elle a fait pratiquer une ouverture dans le grillage litigieux, conforme aux recommandations de la commune pour la sécurité incendie, il conviendrait de réformer l'ordonnance déférée et de laisser en place le grillage existant.

Toutefois, le procès-verbal de la commission de sécurité qui a donné un avis favorable à l'exploitation de l'établissement de la société Bengale, en date du 13 octobre 2009, fait expressément référence à l'issue de secours implantée à l'arrière du bâtiment, alors dépourvue de tout obstacle.

Tout aménagement devant être déclaré, la pose du grillage par le bailleur ne l'a pas été, de sorte que, même avec l'ouverture qui y a été pratiquée par la SCI Le Claufranc, postérieurement à l'ordonnance, il n'est pas établi que celle-ci soit conforme. Sur ce point, le courrier de la mairie d'[Localité 2], en date du 7 février 2022 (pièce n° 19 de l'appelante) ne permet pas de garantir cette conformité, aucune visite de contrôle n'ayant été faite.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné à la SCI Le Claufranc de retirer le grillage et lui a fait interdiction d'en installer un nouveau.

2/ Sur l'utilisation de la cour par la société Bengale

La société Bengale soutient que le bail ne lui interdit nullement d'utiliser la cour intérieure de l'immeuble.

Toutefois, l'acte de renouvellement du bail en date du 10 janvier 2019, s'il ne reprend pas explicitement l'interdiction qui figurait dans le bail du 23 février 2009, n'autorise pas pour autant le preneur à utiliser la cour intérieure qui est une partie commune de l'immeuble, et donc exclue du bail.

Au demeurant, l'acte de renouvellement se réfère expressément au bail de 2009 qui lui est annexé, étant noté que par avenant du 24 mai 2019 le bailleur a mis à disposition du preneur une cave au sous-sol.

Par ailleurs, il est constant que la société Bengale, même en dehors des périodes où la clôture était présente dans la cour, y a entreposé de manière irrégulière divers objets, matériaux et déchets lui appartenant, provoquant des plaintes d'occupants de l'immeuble et de voisins.

Aussi, et quand bien même l'ordonnance déférée a été exécutée depuis, c'est à juste titre et par des motifs que la cour approuve que le premier juge a ordonné à la société Bengale de débarrasser la cour sous astreinte et lui a fait interdiction de l'utiliser.

Dans la mesure où rien ne garantit que les faits ne se reproduisent pas, l'ordonnance déférée ne peut qu'être confirmée de ces chefs.

L'astreinte prononcée par le premier juge, à l'encontre de l'une comme de l'autre partie, apparaît adaptée aux faits et il n'y a pas lieu de la modifier.

3/ Sur la demande de la SCI Le Claufranc d'interdiction de passage par le hall de l'immeuble

La SCI Le Claufranc forme, pour la première fois en appel, une demande tendant à interdire à la société Bengale de passer par le hall de l'immeuble pour évacuer ses poubelles et déchets divers.

La société Bengale soulève l'irrecevabilité de cette demande, nouvelle en appel. La SCI Le Claufranc n'a pas répondu sur ce point.

L'article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la demande nouvelle de la SCI Le Claufranc ne répond à aucun de ces critères, puisque seul l'usage de la cour était en litige devant le premier juge, et non l'utilisation du hall de l'immeuble par le preneur pour évacuer ses poubelles et autres déchets.

Aussi, cette demande est irrecevable en appel.

4/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Bengale la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Bengale le coût du procès-verbal de constat d'huissier établi ensuite de l'ordonnance déférée et conformément à celle-ci. En effet, une telle demande ne relève pas de la cour saisie du seul appel de l'ordonnance, dont la disposition relative à la désignation de l'huissier pour procéder à un constat n'est contestée par aucune des parties et n'est pas l'objet de l'appel.

Les autres frais de constats d'huissier réclamés de part et d'autre n'entrent pas dans les dépens, mais relèvent de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur la charge du coût de ces constats.

Pour le surplus, la SCI Le Claufranc, qui succombe en son appel, supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains le 26 octobre 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable comme nouvelle la demande formée par la SCI Le Claufranc et tendant à interdire à la société Bengale «pour l'évacuation des poubelles, fûts d'huile, etc..., leur passage par le hall d'entrée de l'immeuble, sous astreinte de 600 € par jour pour chaque infraction constatée»,

Condamne la SCI Le Claufranc à payer à la société Bengale la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne la SCI Le Claufranc aux entiers dépens de l'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 20 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de Michel FICAGNA, Président, régulièrement empêché et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, P / Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00102
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;22.00102 ?
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