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03/08/2022 | FRANCE | N°22/00126

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 03 août 2022, 22/00126


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 03 Août 2022





N° RG 22/00126 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBXK



Appelant

M. [W] [C]

né le 28 Août 1964 à [Localité 3] (ISRAEL)

SANS DOMICILE FIXE

actuellement hospitalisé au CHS de [6]

assisté de Me Eddy BAJOREK, avocat désigné d'offic

e inscrit au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE [6]

[Localité 1]

non comparant



M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 03 Août 2022

N° RG 22/00126 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBXK

Appelant

M. [W] [C]

né le 28 Août 1964 à [Localité 3] (ISRAEL)

SANS DOMICILE FIXE

actuellement hospitalisé au CHS de [6]

assisté de Me Eddy BAJOREK, avocat désigné d'office inscrit au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE [6]

[Localité 1]

non comparant

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant (régulièrement avisé)

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX Dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 28/07/2022

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 3 août 2022 à 10h devant Madame Joséphine SCARAMOZZINO conseillère à la cour d'appel de Chambéry, déléguée par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 3 août 2022 après-midi,

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 juin 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry a dit que M. [W] [C] avait commis des faits violences volontaires aggravées suivies d'incapacité de plus de 8 jours (45 jours) sur un personnel de santé, l'a déclaré pénalement irresponsable et a ordonné son hospitalisation complète sans consentement en application de l'article 706-35 du code de procédure pénale. Il a été admis à l'EPSM74 le jour-même.

La mesure a été régulièrement renouvelée sans discontinuité au regard de certificats médicaux mensuels indiquant qu'elle était toujours justifiée. L'intéressé a été, entre temps, transféré au CHS de [6].

Par ordonnance du 26 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention de Chambéry a autorisé la poursuite de la mesure d'hospitalisation pour 6 mois supplémentaires, motivant sa décision par le fait que le dernier avis médical motivé et l'avis du collège d'experts faisaient état de ce que la stabilité du patient n'était pas encore assurée sur le long terme, de sorte qu'il n'était pas encore nécessaire d'ordonner les deux expertises prévues par la loi, la situation pouvant néanmoins être examinée plus attentivement dans les mois à venir compte tenu de l'évolution favorable.

Par ordonnance du 10 novembre 2021, le conseiller délégué de la cour d'appel de Chambéry a confirmé l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention le 26 octobre 2021.

Par requête du 19 janvier 2022, M. [W] [C] a sollicité la désignation de deux experts psychiatres afin de 'statuer sur sa situation, pouvoir revenir à la vie normale et intégrer la société'.

Par ordonnance du 27 janvier 2022, le juge des libertés et de la détention de [Localité 2] a ordonné avant-dire droit deux expertises psychiatriques sur la personne de M. [W] [C], et a ordonné le renvoi de l'examen du dossier à l'audience du 8 février 2022.

L'expertise du docteur [D] [N] conclut que le patient a souffert d'une psychose à tendance paranoïde à l'origine de l'acte pour lequel il a été déclaré irresponsable pénalement. Au jour de l'examen, il ne présente pas de signe de maladie psychotique, pas de trouble paranoïde, pas de sentiment de toute-puissance, avec une critique des faits qu'il a commis, cela dans le cadre de la stabilisation de son état permise par le cadre institutionnel et le traitement. La prise de conscience qu'il exprime ne s'inscrit pas dans un cadre manipulatoire ou pervers. Sa maladie chronique nécessite un traitement constant et un suivi spécialisé régulier. L'absence de prise de son traitement peut être à l'origine de décompensations psychiatriques qui peuvent compromettre la sécurité des personnes ou porter atteinte à l'ordre public. Sa prise de conscience et son évolution psychique permettraient d'alléger son hospitalisation actuelle.

L'expertise du docteur [T] [B] conclut que le patient présente des troubles psychiques caractérisés par une personnalité paranoïaque dont l'équilibre est très fragile avec des passages psychotiques à la moindre tension psychique, troubles qui nécessitent des soins psychiatriques conséquents et qui peuvent compromettre gravement la sûreté des personnes ou porter atteinte à l'ordre public notamment s'ils ne sont pas correctement traités. L'hospitalisation complète reste nécessaire afin d'initier une prise de conscience et de permettre une ébauche d'autocritique. Un programme de soins en ambulatoire pourra ensuite être discuté en fonction du projet médico-social, du suivi psychiatrique et de l'assurance d'un traitement retard.

Par ordonnance du 8 février 2022, le juge des libertés et de la détention de [Localité 2] a prononcé la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [W] [C] lequel a interjeté appel de cette décision.

Par décision du 23 février 2022, le conseiller à la cour d'appel de CHAMBERY délégué par la première présidente a rejeté la demande de désignation d'un nouvel expert et confirmé la décision du juge des libertés et de la détention du 8 février 2022 de maintien de l'hospitalisation.

Par requête en date du 4 juillet 2022 reçue au greffe le 11 juillet 2022, M. [W] [C] a sollicité la main-levée de son hospitalisation.

Par ordonnance du 21 juillet 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CHAMBERY a rejeté sa demande.

Il motive sa décision sur le fait que les troubles relevés par les différents certificats médicaux mensuels et le dernier avis motivé du 18 juillet 2022 établi par le Dr [I] justifient que des soins immédiats soient poursuivis en milieu hospitalier et sous surveillance médicale constante, outre le constat que ces troubles compromettent toujours la sureté des personnes et peuvent porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

La décision a été notifiée à M. [W] [C] le 22 juillet 2022.

Par courrier reçu le 27 juillet 2022, M [W] [C] a interjeté appel de cette décision.

Le certificat médical de situation du 1er août 2022 établi par le Dr [I] reprend les mêmes conclusions que l'avis du 18 juillet 2022:

" L'état psychiatrique de Mr [C] apparait toujours plutôt bien stabilisé au plan psychique, ne présente ni propos délirant, ni trouble comportemental. Pour rappel, il a pu rencontrer deux experts psychiatres avant de comparaître à deux reprises au tribunal de Chambéry, comparutions à l'issue desquelles, au terme d'une procédure d'appel, le patient est désormais autorisé à envisager l'élaboration d'un projet de vie encadré par un programme de soins, qu'il convient toutefois de mettre en place.

Depuis plusieurs semaines, Mr [C] bénéficie de permissions de sortie seul dans l'enceinte du CHS, qui se déroulent sans difficulté particulière.

Au plan clinique, nous devons cependant souligner la recrudescence de manifestations anxieuses s'exprimant par de nombreuses demandes et exigences relatives à différents points du cadre hospitalier qui traduisent les difficultés du patient à supporter les comportements d'autrui, son intolérance à la frustration. Nous relevons également une majoration des plaintes somatiques.

Mr [C] se montre par ailleurs hermétique à nos tentatives d'explications relatives aux conditions, plutôt strictes il est vrai, de la garde de sa fille. L'état psychiatrique de Mr [C] apparait toujours plutôt bien stabilisé au plan psychique, ne présente ni propos délirant, ni trouble comportemental.

Pour rappel, il a pu rencontrer deux experts psychiatres avant de comparaître à deux reprises au tribunal de Chambéry, comparutions à l'issue desquelles, au terme d'une procédure d'appel, le patient est désormais autorisé à envisager I'éIaboration d'un projet de vie encadré par un programme de soins, qu'il convient toutefois de mettre en place.

Depuis plusieurs semaines, Mr [C] béné'cie de permissions de sortie seul dans l'enceinte du CHS, qui se déroulent sans difficulté particulière.

Au plan clinique, nous devons cependant souligner la recrudescence de manifestations anxieuses s'exprimant par de nombreuses demandes et exigences relatives à différents points du cadre hospitalier qui traduisent les difficultés du patient à supporter les comportements d'autrui, son intolérance à la frustration. Nous relevons également une majoration des plaintes somatiques.

Mr [C] se montre par ailleurs hermétique à nos tentatives d'explications relatives aux conditions, plutôt strictes il est vrai, de la garde de sa fille, placée en famille d'accueil.

Dans ce contexte de tension psychique évidente, l'ouverture du cadre, l'accompagnement vers un logement par une équipe de soins dédiée, ne sauraient se concevoir que de manière très progressive et encadrée.

Dans l'attente de la mise en place d'un tel projet ouvert sur l'extérieur, l'actuelle mesure de contrainte doit être maintenue."

Par ordonnance du 2 août 2022, le juge des libertés et de la détention de [Localité 2] a prononcé la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [W] [C] au délà du 6eme mois

A l'audience du 3 août 2022 devant la Cour, M. [W] [C] indique qu'il souhaite que la mesure d'hospitalisation complète soit levée tout en admettant que la reprise de la vie normale doit se faire de manière progressive. Il explique avoir pour projet d'occuper un appartement thérapeutique ce qui ne sera pas possible tant que son hospitalisation n'est pas levée. Il suit son traitement qui l'apaise et le fatigue en même temps. Il explique avoir la possibilité de sortir parfois seul, une à deux fois par semaine ce qu'il estime insuffisant. Il évoque un conflit d'intérêt s'agissant du Dr [I] qui connaitrait le soignant victime des violences dont il a été désigné comme auteur. Les certificats médicaux mensuels évoqueraient des comportements faussement interprétés. Il se dit capable aujourd'hui de contrôler ses émotions et avoir pris conscience de la gravité de ses actes. Il veut reprendre une vie normale.

Son conseil explique qu'il n'a aucune observation à formuler concernant la forme de la procédure. Sur le fond, il précise qu'aucun incident n'a été relevé lors des sorties autorisées de M [W] [C]. Si la sortie d'hospitalisation est envisagée depuis février 2022, la situation n'évolue pas.

Le Ministère Public, non comparant, a requis par écrit la confirmation de la décision.

SUR CE,

LA COUR,

Sur la forme :

L'appel ayant été formé selon les formes et dans les délais prévus par la loi, il sera déclaré recevable.

L'article L 3213-3 du code de la santé publique dispose que dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.

Il ressort de l'article R3211-12 du code de la santé publique que sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue :

1° Quand l'admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d'admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l'admission en soins ainsi qu'une copie de sa demande d'admission ;

2° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins ;

3° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l'expertise mentionnées à l'article 706-135 du code de procédure pénale ;

4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins ;

5° Le cas échéant :

a) L'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 ;

b) L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.

Le juge peut solliciter la communication de tous autres éléments utiles.

En l'espèce, il résulte des certificats médicaux mensuels et du dernier certificat de situation du 1er août 2022 produits que la poursuite des soins s'est avérée nécessaire aux termes de ceux-ci pendant cette période. Eu égard à la communication de ces certificats médicaux, il convient de considérer que les pièces visées à l'article R3211-12 du code de la santé publique ont été communiquées aux débats et que la procédure est régulière.

Sur le fond :

Les certificats médiaux des 2 mars, 31 mars, 28 avril, 25 mai, 23 juin et du 18 juillet 2022 font état de ce que l'hospitalisation sous contrainte reste nécessaire afin d'étayer le projet d'ouverture sur l'extérieur.

Dans son dernier avis du 1er août 2022, le docteur [I] estime que "'l'ouverture du cadre, l'accompagnement vers un logement par une équipe de soins dédiée, ne sauraient se concevoir que de manière très progressive et encadrée" et que "dans l'attente de la mise en place d'un tel projet ouvert sur l'extérieur, l'actuelle mesure de contrainte doit être maintenue".

Ainsi, si l'état psychiatrique de M. [W] [C] apparait plutôt bien stabilisé en ce qu'il ne présente ni propos délirant, ni trouble comportemental, les certificats médicaux font état d'une recrudescence de manifestations anxieuses, les difficultés du patient à supporter les comportements d'autrui et son intolérance à la frustration. Le projet d'ouverture sur l'extérieur a commencé à se concrétiser mais doit se réaliser de façon très progressive et encadrée.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejetée la requête de main-levée de l'hospitalisation complète de M. [W] [C].

Les dépens de l'instance resteront à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Joséphine SCARAMOZZINO, conseillère déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire,

Déclarons recevable l'appel de M. [W] [C],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Chambéry du 21 juillet 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 03 août 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Madame Joséphine SCARAMOZZINO, conseillère à la Cour d'appel de Chambéry, déléguée par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00126
Date de la décision : 03/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-03;22.00126 ?
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