COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Mardi 12 Juillet 2022
N° RG 20/01239 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GRJJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 10 Septembre 2020, RG 13/01115
Appelant
M. [UX] [L] [DI] [I]
né le 15 Août 1955 à [Localité 17] ([Localité 17]), demeurant [Adresse 20]
Représenté par la SELARL CORDEL-BETEMPS, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimés
Mme [Y] [C] veuve [F]
née le 18 Décembre 1955 à [Localité 18] ([Localité 18]), demeurant [Adresse 5]
Représentée par la SCP MILLIAND - DUMOLARD - THILL, avocat au barreau de CHAMBERY
Mme [P] [JZ] veuve [CM]
née le 26 Décembre 1934 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 1]
Mme [IW] [CM] épouse [JK]
née le 03 Juillet 1958 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 13]
Mme [E] [CM]
née le 06 Juin 1960 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 9]
M. [Z] [CM]
né le 28 Septembre 1964 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 5]
Représentées par la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 03 mai 2022 par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
- Mme Elsa LAVERGNE, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte authentique des 23 et 26 août 1997, M. [UX] [I] est propriétaire sur la commune de [Localité 19], d'une parcelle de terrain cadastrée section AT n°[Cadastre 16], d'une superficie de 349 m².
Cette parcelle enclavée est classée en zone agricole et est à usage de potager et verger.
M. [I] y accède par un passage dont l'emprise est située sur les parcelles qui appartiennent à Mme [Y] [F], cadastrées AT n°[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ; la largeur du passage sur les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] est de trois mètres ; elle se réduit à un mètre sur les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15].
Se fondant sur un acte de partage du 21 décembre 1945, ayant instauré un droit de passage à char au profit de la parcelle dont il est propriétaire, M. [I] a fait assigner :
- d'une part, par acte du 12 juin 2013, Mme [F],
- d'autre part, par actes du 18 janvier 2014, les consorts [CM] propriétaires notamment des parcelles cadastrées AT n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4],
en vue du rétablissement de la servitude conventionnelle résultant de ce partage.
Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de Chambéry a essentiellement :
- dit que la parcelle AT n°[Cadastre 16] a bénéficié d'une servitude conventionnelle de passage pour accéder à la voie publique,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire aux fins notamment de déterminer :
. l'assiette et le tracé de la servitude de passage grevant potentiellement les parcelles cadastrées AT n°[Cadastre 4], [Cadastre 2], [Cadastre 15], [Cadastre 14], [Cadastre 8] et [Cadastre 7],
. les parcelles constituants le fonds servant
. les éventuels obstacles à l'exercice de la servitude et les travaux nécessaires pour y remédier.
L'expert a rendu son rapport définitif le 26 décembre 2017.
Par jugement du 10 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Chambéry a :
- dit qu'au terme de l'acte du 21 décembre 1945, sont concernées par la servitude conventionnelle de passage à char dont bénéficiait la parcelle AT n°[Cadastre 16], les parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 2] et [Cadastre 4],
- dit que par suite du non usage trentenaire de la servitude de passage à char, M. [I] ne dispose plus aujourd'hui conventionnellement que d'une servitude de passage à talons, qui s'exerce sur les parcelles cadastrées AT n°[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14], [Cadastre 15] appartenant à Mme [Y] [C] veuve [F],
- constaté que M. [I] ne formule aucune demande de servitude légale,
- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes, y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [I] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros tant à Mme [F] qu'aux consorts [CM]
- condamné M. [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise,
- accordé à la SCP Girard-Madoux et associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par déclaration du 26 octobre 2020, M. [I] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 26 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, M. [I] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit qu'au terme de l'acte du 21 décembre 1945, sont concernées par la servitude conventionnelle de passage à char dont bénéficiait la parcelle AT n°[Cadastre 16], les parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 2] et [Cadastre 4], et statuant à nouveau, de :
' dire et juger que la parcelle cadastrée section AT n°8 sise sur la commune de [Localité 19] dont il est propriétaire bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage à char sur les parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 2] et [Cadastre 4],
' homologuer le rapport d'expertise de M. [A] en ce qu'il a fixé à une largeur de 3 mètres ledit passage à char,
' dire et juger que les parcelles situées sur la commune de [Localité 19], cadastrées section AT n° [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] sont bien concernées et sont grevées de la servitude conventionnelle de passage au profit de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 16],
' sur le tracé de la servitude conventionnelle de passage,
' à titre principal,
- dire et juger que le passage d'une largeur de trois mètres permettant de rétablir la servitude conventionnelle de passage à char au profit de la parcelle cadastrée AT n°8 sur la commune de [Localité 19] doit s'établir comme suit : à partir de la voie publique, accès à la parcelle cadastrée AT n°8 en passant :
. par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 7] sans modification (il s'agit d'une voie utilisable par tous véhicules légers),
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 8] sans modification (la voie est également carrossable),
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 14] sur une largeur d'un mètre en même temps que sur la parcelle AT [Cadastre 2] sur une largeur de 2 mètres, les définitions des métrés et des parcelles devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 15] sur une largeur d'un mètre en même temps que sur la parcelle AT [Cadastre 2] sur une largeur de 2 mètres, les définitions des métrés et des parcelles devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 4] sur une surface correspondant à un triangle isocèle de 3ml pris depuis l'angle Nord-Ouest de cette parcelle,
. pour enfin accéder à la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 16]
' à titre subsidiaire,
- si aucune des deux parcelles AT [Cadastre 2] et AT [Cadastre 4] n'était concernée par le tracé de la servitude de passage conventionnelle au profit de la parcelle AT 8, retenir le tracé suivant : à partir de la voie publique, accès à la parcelle cadastrée AT n°[Cadastre 16] en passant :
. par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 7] sans modification (il s'agit d'une voie utilisable par tous véhicule légers),
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 8] sans modification (la voie est également carrossable),
. puis par la parcelle section AT [Cadastre 14] sur une largeur de trois mètres, les définitions des métrés et des limites devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 15] sur une largeur de trois mètres, les définitions des métrés et des limites devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. pour enfin accéder à la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 16],
-' si seule la parcelle AT [Cadastre 2] était concernée par le tracé de la servitude de passage conventionnelle au profit de la parcelle AT 8, retenir le tracé suivant : à partir de la voie publique, accès à la parcelle cadastrée AT n°[Cadastre 16] en passant :
. par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 7] sans modification (il s'agit d'une voie utilisable par tous véhicules légers),
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 8] sans modification (la voie est également carrossable),
. puis par la parcelle cadastrée section AT [Cadastre 14] sur une largeur de trois mètres, les définitions des métrés et des limites devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. puis par la parcelle cadastrée section AT 7 sur une largeur de trois mètres, les définitions des métrés et des limites devant être prises en fonction du plan cadastral actuel,
. pour enfin accéder à la parcelle cadastrée section AT 8,
- si seule la parcelle AT [Cadastre 4] était concernée par le tracé de la servitude de passage conventionnelle au profit de la parcelle AT 8,'
' débouter les consorts [CM] de leur demande d'extinction de la servitude conventionnelle de passage objet du litige,
' débouter les consorts [CM] et Mme [F] de leurs demandes d'indemnisation,
' condamner solidairement, à défaut in solidum, les consorts [CM] et Mme [F], ou qui des deux les devra en fonction du tracé qui sera adopté,
' à réaliser les travaux nécessaires et en justifier, afin de permettre le rétablissement de la servitude conventionnelle de passage au profit de la parcelle cadastrée section AT n°8, sous un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
' à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi du fait de l'impossibilité d'accéder à sa parcelle dans les conditions prévues à l'acte de partage de 1945,
' débouter Mme [F] et les consorts [CM] de toutes leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
' condamner solidairement, à défaut in solidum, les consorts [CM] et Mme [F] , ou qui des deux les devra en fonction du tracé qui sera adopté,
' à lui verser une indemnité de [Cadastre 16] 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et du constat d'huissier, dont distraction au profit des avocats de la cause.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 3 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [F] demande à la cour de :
- à titre principal,
. dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [I],
. confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- à titre subsidiaire,
. constater que les parcelles dont elle est propriétaire ne sont grevées d'aucune servitude conventionnelle de passage,
. lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à l'institution du passage sollicité par M. [I] sur ses parcelles AT [Cadastre 14], AT [Cadastre 15], AT [Cadastre 7] et AT [Cadastre 8],
. condamner dans ce cas M. [I] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité conformément à l'article 682 du code civil,
- en tout état de cause, condamner M. [I] et/ ou les consorts [CM] :
. à lui payer la somme complémentaire en cause d'appel de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
. aux entiers dépens.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 23 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, les consorts [CM] demandent à la cour, rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires, de :
' déclarer M. [I] irrecevable et mal fondé en son appel,
' les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident et en conséquence:
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que sont concernées par la servitude conventionnelle de passage à char dont bénéficiait la parcelle AT n°8 les parcelles cadastrées [Cadastre 2] et [Cadastre 4],
- déclarer que leur propriété, à savoir les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4], n'a jamais été grevée d'aucune servitude de passage conventionnelle au profit de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 16],
- dire et juger que seule la propriété de Mme [F], à savoir les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 14] et [Cadastre 15] supportent (ou ont supporté) la servitude de passage conventionnelle querellée, à l'exclusion de toutes autres parcelles et terrains leur appartenant,
- débouter en conséquence M. [I] et le cas échéant Mme [F] de toutes demandes formées à leur encontre,
' confirmer en tout état de cause le jugement déféré pour le reste,
' confirmer en particulier le jugement déféré en ce qu'il a dit que par suite du non-usage trentenaire de la servitude de passage à char, M. [I] ne dispose plus aujourd'hui conventionnellement que d'une servitude de passage à talons qui s'exerce sur les parcelles cadastrées AT n°[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] appartenant à Mme [F],
' déclarer en conséquence que toute éventuelle servitude de passage conventionnelle qui aurait pu grever leur propriété s'est définitivement éteinte par non-usage pendant plus de trente ans,
- débouter en conséquence et de plus fort M. [I] et le cas échéant Mme [F] de toutes demandes formées à leur encontre, tant principales qu'accessoires,
' à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait faire droit aux demandes dirigées contre eux et fixer l'assiette de la servitude de passage conventionnelle ne serait-ce qu'en partie sur leur propriété, tel que M. [I] le sollicite, le condamner à leur régler :
- la somme globale et forfaitaire de 6 000 euros, en indemnisation de la dépose et reconstruction de leur muret de clôture qui serait nécessaire pour établir le tracé revendiqué,
- la somme globale et forfaitaire de 15 000 euros, en indemnisation de la perte de jouissance de leur propriété,
' en tout état de cause,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [I] à leur payer la somme totale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance,
- condamner M. [I] à leur régler la somme complémentaire de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'instance d'appel,
- condamner M. [I] aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de la SCP Girard-Madoux et associés, avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des appels
Si Mme [F] et les consorts [CM] demandent à la cour de déclarer irrecevable l'appel formé par M. [I] à l'encontre du jugement rendu le 10 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Chambéry, aucun d'entre eux ne soulève une fin de non-recevoir.
En conséquence, dès lors en outre que l'appel de M. [I] n'apparaît pas manifestement irrecevable et que la cour n'a soulevé d'office aucune fin de non-recevoir, Mme [F] et les consorts [CM] doivent être déboutés de cette prétention.
En conséquence, tant l'appel principal de M. [I] que l'appel incident des consorts [CM] sont recevables.
Sur la servitude conventionnelle
A titre liminaire, la cour constate qu'à l'exception des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8], les propriétés des parties étaient, lors de l'acte de partage du 21 décembre 1945, comprises dans les parcelles alors cadastrées [Cadastre 10] et [Cadastre 11].
Ces deux parcelles faisaient partie de la masse des biens composant l'actif immobilier des époux [RI] [W] [CM] / [OR] [D], à partager entre leurs six enfants. Ce partage a fait l'objet de l'acte du 21 décembre 1945 rectifié par un acte du 14 novembre 1946.
Aux termes de ces actes et du plan annexé à celui du 21 décembre 1945, le plan annoncé comme annexé à l'acte du 14 novembre 1946 n'étant pas produit aux débats, la partie non bâtie de la parcelle [Cadastre 10] a été partagée en trois nouvelles parcelles :
- la bande de terrain sise sur toute la moitié Sud de la parcelle [Cadastre 10] a été attribuée à M. [W] [CM]
- la parcelle actuellement cadastrée sous le n°[Cadastre 16] d'une superficie de 349 m² a été attribuée à Mme [U] [CM] épouse [B]
- le reste de la parcelle constituant sa partie Nord Ouest a été attribuée à Mme [S] [CM] épouse [N].
Quant à la parcelle [Cadastre 11], elle a également été partagée en trois nouvelles parcelles:
- la parcelle actuellement cadastrée sous le n°[Cadastre 2] a été attribuée à Mme [XS] [CM] épouse [G]
- les parcelles actuellement cadastrées sous les n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ont été attribuées à Mme [M] [V] [CM] épouse [F] et à Mme [K] [CM] épouse [H].
Il ressort de l'acte du 1er septembre 1970 et du plan annexé à cet acte partageant les biens immobiliers des époux [W] [CM] / [T] [X], entre leurs quatre enfants, dont M. [O] [CM], époux et père des consorts [CM] partie à la présente instance, que :
- d'une part, les époux [W] [CM] / [T] [X] avaient acquis auprès de Mme [N] la partie Nord Ouest de la partie non bâtie de la parcelle [Cadastre 10] qui lui avait été attribuée lors du partage de 1945 / 1946,
- d'autre part, M. [O] [CM] s'est vu attribuer les parcelles actuellement cadastrée sous les n°[Cadastre 4] et [Cadastre 6], grevées d'un droit de passage à talon au profit de la parcelle actuellement cadastrée sous le n°[Cadastre 3] attribuée à une de ses soeurs, Mme [IH].
Il ressort de l'acte des 23 février et 9 et 10 mars 1974 partageant les biens immobiliers de Mme [XS] [CM] épouse [G], entre ses frères et soeurs, dont M. [W] [CM] prédécédé, représenté par ses quatre enfants parmi lesquels M. [O] [CM], que ce dernier s'est vu attribuer la parcelle actuellement cadastrée sous le n°[Cadastre 2].
M. [I] a acquis la parcelle cadastrée sous le n°[Cadastre 16] par un acte des 23 et 26 août 1997, auprès des quatre enfants de Mme [U] [CM] épouse [R], décédée le 16 février 1997.
Suite au décès de son époux, M. [J] [F], Mme [F] est devenue propriétaire des parcelles cadastrées sous les n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15], étant précisé que M. [J] [F] avait :
- reçu la première de ces deux parcelles dans son lot lors du partage du 28 mai 1974 des biens dépendant de la succession de sa mère, Mme [M] [V] [CM] épouse [F]
- acquis la seconde de ces deux parcelles par acte du 29 décembre 1981 auprès de sa tante Mme [K] [CM] épouse [H].
Il était stipulé dans l'acte du 21 décembre 1945, non rectifié sur ce point par l'acte du 14 novembre 1946, que :
- d'une part, les copartageants se devront réciproquement tous droits de passage, aux endroits les plus courts et les moins dommageables pour desservir les lots à eux attibués,
- d'autre part, les attributaires de la partie de la parcelle [Cadastre 10] figurant en marron sur le plan annexé à l'acte, correspondant à la parcelle actuellement cadastrée sous le n°[Cadastre 16], auront un droit de passage à char, coté Nord de la partie de la parcelle [Cadastre 10] figurant en rose sur le même plan pour accéder au petit chemin se trouvant en tête (soit à l'Ouest) de la parcelle [Cadastre 11], pour aboutir au chemin de moyenne communication de [Localité 19] à [Localité 21].
C'est sur cette seconde stipulation que M. [I] fonde ses demandes.
Selon cette stipulation utilement illustrée par le plan annexé à l'acte de partage du 21 décembre 1945,
- le chemin partait de la voie publique et longeait le Nord de la parcelle cadastrée à l'époque sous le n°[Cadastre 12] et actuellement sous le n°15 ; il correspond à l'actuelle parcelle [Cadastre 7] et à une partie de la parcelle [Cadastre 8] appartenant à Mme [F] ; or, les parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] ont une largeur de 3 mètres permettant le passage d'une voiture légère et Mme [F], propriétaire de ces parcelles, ne conteste pas devoir laisser M. [I] passer sur celles-ci, le cas échéant en voiture,
- puis il longeait l'Est de la parcelle cadastrée à l'époque sous le n°[Cadastre 12] et actuellement sous le n°15, en passant sur la partie Ouest de l'actuelle parcelle cadastrée sous le n°[Cadastre 2] ; or, l'assiette du droit de passage revendiqué par M. [I] est sise à l'Est de la parcelle n°[Cadastre 2] ou à l'Ouest des parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15], qui n'ont en toute hypothèse jamais été désignées comme étant le fonds servant lors du partage de 1945,
- enfin, il empruntait le Nord de l'actuelle parcelle n° [Cadastre 4] pour aboutir à l'angle Nord Ouest de l'actuelle parcelle n°8 ; or, l'assiette du droit de passage revendiqué par M. [I] n'emprunte que l'angle Nord Est de la parcelle n°[Cadastre 4].
Il résulte de tout ce qui précède que l'assiette du droit de passage à char instauré en 1945 au profit de la parcelle actuellement cadastrée sous le n°8, propriété de M. [I], ne correspond pas au tracé actuel du passage permettant à M. [I] d'accéder à sa propriété, passage dont il souhaite l'élargissement partiel de telle sorte qu'il ait une largeur de trois mètres sur toute sa longueur.
En conséquence, à le supposer possible, le rétablissement de la servitude conventionnelle créée lors du partage du 21 décembre 1945 ne peut en aucun cas satisfaire la demande de M. [I].
Il convient donc de réformer la première disposition du jugement déféré ayant dit qu'au terme de l'acte du 21 décembre 1945, sont concernées par la servitude conventionnelle de passage à char dont bénéficiait la parcelle AT n°8, les parcelles cadastrées [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 2] et [Cadastre 4].
Cette disposition doit être infirmée s'agissant des parcelles 6 et [Cadastre 15].
Elle doit être précisée s'agissant des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4] : si ces parcelles constituaient le fonds servant de la servitude, ce n'était :
- ni sur la partie Est de la première, mais sur sa partie Ouest,
- ni sur l'angle Nord-Est de la seconde, mais sur sa partie Nord.
Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner si la servitude conventionnelle de passage à char est éteinte, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de toutes ses demandes, ce qui rend sans objet les demandes indemnitaires présentées à titre subsidiaire tant par Mme [F] que par les consorts [CM].
La cour rappelle à toutes fins utiles que Mme [F] est disposée à élargir de deux mètres le passage dont M. [I] dispose actuellement sur ses parcelles AT [Cadastre 14] et [Cadastre 15], en contrepartie d'une indemnité de 5 000 euros.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré ayant statué sur ces deux points méritent confirmation.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel doivent être supportés par M. [I] qui succombe en son recours, avec application de l'article 699 du même code au profit du conseil des consorts [CM] qui en fait la demande,
En cause d'appel, les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de Mme [F] et des consorts [CM]. M. [I] doit respectivement leur servir la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer devant la cour.
PAR CES MOTIFS, après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables l'appel principal de M. [UX] [I] et consécutivement l'appel incident des consorts [CM],
Réformant partiellement le jugement déféré mais statuant à nouveau sur le tout pour davantage de clarté,
Dit que l'assiette de la servitude conventionnelle de passage à char instaurée par l'acte de partage du 21 décembre 1945 ne correspond pas à l'assiette du passage revendiqué par M. [UX] [I], en ce sens que :
- les parcelles actuellement cadastrées AT [Cadastre 14] et [Cadastre 15], appartenant à Mme [Y] [F] née [C], n'étaient pas désignées comme fonds servant,
- les parcelles actuellement cadastrées AT [Cadastre 2] et [Cadastre 4], appartenant aux consorts [CM], étaient désignées comme fonds servant, mais en des portions différentes de celles sur lesquelles M. [UX] [I] revendique le passage,
Dit en conséquence que l'éventuel rétablissement de cette servitude conventionnelle ne peut satisfaire à la demande de M. [UX] [I] et le déboute de toutes ses demandes,
Constate que les demandes de Mme [F] et des consorts [CM] deviennent sans objet,
Condamne M. [UX] [I] :
- aux entiers dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel, la SCP Girard-Madoux & associés étant autorisée à recouvrer directement à son encontre, tous ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel, la somme de 4 500 euros, d'une part à Mme [Y] [F] et d'autre part aux consorts [CM] pris indivisément,
Déboute les parties de toutes leurs demandes, autres, plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 12 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La GreffièreLa Présidente