COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Mardi 12 Juillet 2022
N° RG 20/00598 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOR7
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 09 Mars 2020, RG 19/02488
Appelante
S.A. PACIFICA, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par de la SAS MERMET & ASSOCIES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimés
M. [Y] [N]
né le 03 Août 1962 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
Mme [E] [C]
née le 21 Avril 1969 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]
Représentés par la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELAS RTA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS
S.C.I. DE [Adresse 3], dont le siège social est sis [Adresse 1] représentée par sa gérante en exercice, Madame [U] [R], domiciliée en cette qualité audit siège
représentée par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocat postulant au barreau d'ALBERTVILLE et la SELARL BLKS & CUINAT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de CHALON-SUR-SAONE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 mars 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 19 septembre 2005, Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C] ont acquis auprès de la Sci de [Adresse 3], une maison à usage d'habitation sise [Adresse 3].
Par acte authentique du 14 mars 2017, Monsieur [O] [T] et Madame [W] [K] ont acquis en indivision la propriété contiguë sise [Adresse 2].
Après exécution de travaux d'élagage courant 2017, un litige est né entre les propriétaires quant à la solidité d'un mur de soutènement de 24 mètres situé sur la propriété de Monsieur [N] et de Madame [C], construit au cours des années 1970, et ayant pour fonction de soutenir les terres de leur fonds qui surplombe celui de Monsieur [T] et de Madame [K].
Par acte du 10 août 2017, Monsieur [T] et Madame [K] ont fait assigner leurs voisins en référé en vue d'obtenir leur condamnation à réaliser des travaux conservatoires de remise en état. Par ordonnance du 19 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains les a déboutés au principal mais a fait droit à la demande d'expertise judiciaire formulée à titre subsidiaire.
Monsieur [D], désigné à cet effet, a déposé son rapport le 27 avril 2018 en concluant à l'existence de 'défauts originels majeurs en l'absence de ferraillage et de dispositifs de drainage dans [la] partie inférieure en béton', 'le caractère notoirement dangereux du mur de soutènement' nécessitant la mise en place de mesures conservatoires.
Postérieurement, par acte du 14 juin 2018, Monsieur [T] et Madame [K] ont fait assigner Monsieur [N] et Madame [C] en référé aux fins d'obtenir, à titre principal, leur condamnation à réaliser ou faire réaliser des travaux de remise en état de l'ouvrage et à leur payer différentes indemnités. Par ordonnance du 31 juillet 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a fait droit à leurs demandes. Subséquemment, les travaux visés dans l'ordonnance ont été réalisés par Monsieur [N] et Madame [C].
Consécutivement, par actes des 5 et 20 novembre 2019, Monsieur [N] et Madame [C] ont fait assigner la Sci de [Adresse 3] (vendeur du bien) ainsi que le Crédit Agricole Assurance-Dommages (assureur multirisque habitation de Monsieur [N] et Madame [C]) aux fins de les voir condamner, in solidum, à leur payer plusieurs sommes, notamment au titre des frais de remise en état du mur de soutènement.
Par jugement réputé contradictoire du 9 mars 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
- dit que le mur de soutènement séparant les propriétés des consorts [C]/[N] et celles des consorts [K]/[T] est bien affecté de vices cachés,
- dit que la garantie de dommages est bien due par le Crédit Agricole Assurance-Dommages par application du contrat multirisque habitation liant le Crédit Agricole Assurances-Dommages et les consorts [C]/[N],
- condamné in solidum la Sci de [Adresse 3] et le Crédit Agricole Assurance-Dommages à payer à Monsieur [N] et Madame [C] les sommes de :
8 266,47 euros au titre du remboursement des sommes qu'ils ont versées aux consorts [K]/[T] en exécution de l'ordonnance de référé du 31 juillet 2018,
52 250 euros au titre des frais de remise en état du mur de soutènement,
5 952 euros TTC au titre de l'étude géotechnique de conception,
2 238 euros TTC au titre des frais préalables de géomètre expert,
1 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné in solidum la Sci de [Adresse 3] et le Crédit Agricole Assurance-Dommages aux entiers dépens.
Par déclaration du 10 juin 2020, la SA Pacifica, se substituant au Crédit Agricole Assurances-Dommages, a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA Pacifica demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que les consorts [C] et [N] sont irrecevables faute d'intérêt à agir contre le Crédit Agricole Assurance-Dommages exerçant sous l'enseigne Pacifica SA, entité qui n'a pas la personnalité juridique, et faute de prouver l'étendue des garanties éventuellement applicables au sinistre pour revendiquer une indemnité d'assurance, ni les conditions générales ni les conditions particulières composant le contrat d'assurances, se rapportant au risque allégué, n'étant communiquées par les demandeurs devenus intimés,
- mettre hors de cause le Crédit Agricole Assurance-Dommages,
- constater que les assurés ne rapportent toujours pas la preuve de l'étendue des garanties applicables au litige qui doivent être celles au moment de la demande d'adhésion,
- en tout hypothèse, dire et juger que le sinistre allégué ne relève d'aucun événement garanti,
- débouter en conséquence Monsieur [N] et Madame [C] de l'ensemble de leurs demandes dirigées désormais contre Pacifica SA,
- dire et juger qu'aucune garantie n'est due pour les dommages causés au mur de soutènement du terrain (indépendant de l'habitation), qui a été refait sans qu'il y ait eu lieu à accident (effondrement), ce bien appartenant exclusivement aux assurés qui en ont la garde, d'autant qu'il n'a pas été bâti conformément aux règles de l'art de la construction et qu'il était affecté d'un défaut d'entretien exclusivement imputable à Monsieur [N] et Madame [C], ce qui est constitutif d'exclusions contractuelles tant particulières que générales, néanmoins formelles et limitées,
- rejeter en conséquence toutes demandes d'indemnisation contractuelle dirigée contre elle à hauteur de 60 440 euros, à savoir 52 250 euros au titre des travaux de remise en état du mur de soutènement + 5 952 euros TTC au titre de l'étude géotechnique de conception + 2 238 euros TTC au titre des frais préalables de géomètre-expert, d'autant que l'expert judiciaire avait chiffré le coût prévisionnel des travaux de réfection à 31 983 euros TTC dont TVA à 20% y compris étude,
- débouter les consorts [C] et [N] du surplus de leurs demandes, le préjudice matériel correspondant à des frais d'expertise (3 094,86 euros) relevant des dépens liés au fait qu'ils sont les parties perdantes, et les frais irrépétibles alloués en référé (2 000 euros) leur étant aussi imputables, tandis que le préjudice immatériel de jouissance des voisins n'est pas justifié comme relevant de la garantie responsabilité civile couverte par elle pour les biens assurés, ainsi que dans son quantum,
Très subsidiairement,
- fixer le préjudice immatériel à 600 euros, conformément à l'estimation expertale, dont à déduire la franchise de 137 euros,
En toutes hypothèses,
- dire et la juger recevable et bien fondée à opposer sa franchise contractuelle,
- condamner in solidum Monsieur [N] et Madame [C], et/ou qui mieux les devra, soit la Sci de [Adresse 3], à lui payer indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, les dépens de l'instance en référé et au fond devant le tribunal de Thonon-les-Bains et devant la cour d'appel avec distraction au profit de la Sas Mermet et associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.
En réplique, dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 22 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [N] et Madame [C] demandent à la cour de :
- dire et juger que seule la connaissance du vice dans toutes ses conséquences et son ampleur fait courir le délai de 2 ans de l'article 1648 du code civil,
- dire et juger que les vices affectant le mur de soutènement litigieux situé à l'aval de leur propriété n'ont été connus de ces derniers qu'à compter du rapport d'expertise judiciaire du 27 avril 2018,
- dire et juger la Sci de [Adresse 3] irrecevable en sa demande de constatation de la forclusion de leur action à son encontre,
- dire et juger qu'en sa qualité de vendeur professionnel la Sci de [Adresse 3] ne peut invoquer le bénéfice de la clause limitative de garantie insérée à l'acte de vente du 19 septembre 2005,
- dire et juger que les clauses restrictives de garantie doivent s'interpréter strictement,
- dire et juger que la clause insérée à l'acte authentique de vente du 19 septembre 2005 ne peut être invoquée par la Sci de [Adresse 3] dès lors qu'elle ne peut être appliquée au mur de soutènement affecté de vices cachés et pour lequel elle doit apporter sa garantie,
- dire et juger qu'au titre du contrat multirisques habitation souscrit auprès de la SA Pacifica, ladite compagnie garantit les dépendances à usage exclusivement privée ainsi que les murs de soutènement du terrain, mur de clôture et mur de soutènement de l'habitation,
- dire et juger que la SA Pacifica ne peut leur opposer les clauses d'exclusions ou de conditions de garanties dont elle fait grand cas à défaut de rapporter la preuve, qui lui incombe, que celles-ci ont été portées à la connaissance des assurés et acceptées par ces derniers,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la SA Pacifica a manqué à son obligation de conseil et d'information à leur égard et engagé sa responsabilité contractuelle dont elle devra réparation du préjudice subi,
En conséquence,
- confirmer le jugement du 9 mars 2020 en toutes ses dispositions,
- débouter la Sci de [Adresse 3] et la SA Pacifica de leurs demandes,
- condamner in solidum la Sci de [Adresse 3] et la SA Pacifica à leur payer les sommes de :
8 266,47 euros au titre de remboursement des sommes qu'ils ont versées aux consorts [K]/[T] en exécution de l'ordonnance de référé du 31 juillet 2018,
52 250 euros au titre des travaux de remise en état du mur de soutènement,
5 952 euros TTC au titre de l'étude géotechnique de conception,
2 238 euros TTC au titre des frais préalables de géomètre-expert,
5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner in solidum le Sci de [Adresse 3] et la SA Pacifica aux entiers frais et dépens de l'instance qui seront recouvrés pour ceux d'appel par la Selurl Bollonjeon, avocat associé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions adressées par voie électronique le 8 décembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Sci de [Adresse 3] demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- déclarer irrecevable l'action formée par les consorts [N]/[C] pour cause de forclusion,
À titre subsidiaire,
- débouter les consorts [N]/[C] de leurs demandes en application de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés,
À titre infiniment subsidiaire,
- débouter les consorts [N]/[C] de leurs demandes indemnitaires en ce qu'elles ne sont pas étayées,
En tout état de cause,
- condamner les consorts [N]/[C] aux entiers dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 3 000 euros à titre d'indemnité procédurale.
*
Par ordonnance du 20 mai 2021, le conseiller de la mise en état, saisi sur incident par la Sci de [Adresse 3] de la question de la forclusion de l'action intentée à son encontre, a :
- déclaré recevable l'action engagée par Monsieur [N] et Madame [C] à l'encontre de la SCI de [Adresse 3] sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil,
- condamné la Sci de [Adresse 3] aux dépens de l'incident et à payer une somme de 1 000 euros à Monsieur [N] et à Madame [C] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'action en garantie dirigée contre la Sci [Adresse 3]
Sur la forclusion
Par ordonnance du 20 mai 2021, non-soumise à déféré, le conseiller de la mise en état de la 2ème section de la chambre civile a déclaré recevable l'action engagée par Monsieur [N] et Madame [C] à l'encontre de la Sci de [Adresse 3] sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil de sorte que la société intimée n'est plus recevable à exciper de la forclusion de l'action de ces derniers.
Sur l'existence d'un vice caché
Sur le fond, selon les articles 1641 et 1642 du code civil, le vendeur est garant des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Il appartient à l'acquéreur d'établir l'existence d'un défaut inhérent à la chose vendue, étant rappelé que seul un défaut de nature à affecter gravement l'usage de la chose peut justifier la mise en 'uvre de la garantie. De plus, l'acheteur doit rapporter la preuve du caractère occulte du défaut et de son antériorité au transfert des risques, le vendeur n'étant pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Dans l'hypothèse où l'existence d'un vice caché antérieur à la vente est retenu, l'article 1644 du code civil offre la possibilité à l'acheteur d'opter pour l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire.
Selon les articles 1645 et 1646 du même code, s'il ignorait les vices, le vendeur n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser les frais occasionnés par la vente. En revanche, s'il connaissait les vices de la chose, le vendeur est alors tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts étant rappelé que le vendeur professionnel est présumé connaître les vices inhérents à la chose cédée.
Il résulte des opérations d'expertise que, avant les travaux de reprise, le mur de soutènement objet du litige menaçait de s'effondrer et que ce risque d'effondrement est apparu à la suite de travaux d'élagage ayant révélé des fissures ainsi que des fractures dans le mur, avec un basculement important et une déformation généralisée de la partie supérieure du mur.
Selon l'expert, les causes du désordre sont en lien avec :
- un sous-dimensionnement originel de la partie inférieure du mur de part l'absence de ferraillage, l'absence de barbacanes et/ou de drainage,
- un sous-dimensionnement et une réalisation non-conforme aux règles de l'art de la partie supérieure en profilés métalliques et tôles du mur de soutènement,
- un défaut d'entretien de l'ouvrage de soutènement.
Il en résulte que le mur est affecté de défauts originels majeurs de sorte que le défaut à l'origine de son instabilité est incontestablement antérieur au transfert de propriété.
En outre, aucun des éléments soumis aux débats ne permet de retenir que l'état du mur, au jour de la vente, présentait de façon apparente des fissures laissant à entendre par leur ampleur que sa solidité était inévitablement affectée. Il est par ailleurs constant que Monsieur [T] et Madame [K], voisins mitoyens, ne se sont rendu compte des désordres qu'après l'exécution de travaux d'élagage (postérieurs au 14 mars 2017) ce qui corrobore le fait que le défaut n'était pas apparent au 19 septembre 2005, date d'acquisition de leur propriété par Monsieur [N] et Madame [C], et ce d'autant plus que l'expert mentionne dans son rapport que, malgré l'importance des désordres, le mur présentait une stabilité apparente au jour de ses constatations.
Pour l'expert, le mur litigieux est, au jour des constatations, 'totalement déstructuré' et 'techniquement inapte à remplir une fonction de soutènement, tant dans sa partie inférieure en béton que dans sa partie supérieure en exhaussement métallique. Le mur est susceptible de s'effondrer à tout moment [;] le risque d'effondrement [étant considéré] comme certain [même s'il] se trouve, actuellement, en état d'équilibre apparent'.
Ces constatations expertales sont en outre confirmées par l'analyse du cabinet Sol Études missionné pour l'exécution d'une étude géotechnique en vue de la réfection du mur qui confirme l'inefficacité du mur de soutènement existant rendant ainsi l'ouvrage, destiné au soutènement des terres de la propriété amont, impropre à sa destination au regard du risque avéré de glissement.
Dès lors, le caractère occulte du défaut rendant le mur impropre à sa destination est établi.
Sur la clause exclusive de garantie
S'il est constant que l'acte de vente notarié conclu entre la Sci de [Adresse 3] et Monsieur [N] et Madame [C] contient une clause d'exclusion de 'la garantie des vices cachés', force est de constater que cette clause ne vise que 'les vices susceptibles d'affecter le sol, le sous-sol et les bâtiments' sans référence aux ouvrages manifestement dissociables des éléments précités. Or, elle doit s'appliquer strictement.
Aussi, la clause exclusive de garantie ne peut s'appliquer à la présente espèce dans les rapports entre Monsieur [N] et Madame [C] et la Sci de [Adresse 3] s'agissant des défauts inhérents au mur de soutènement.
Sur l'action en garantie dirigée contre la SA Pacifica
Aux termes de ses écritures, la SA Pacifica se reconnaît assureur multirisques habitation de Monsieur [N] et de Madame [C] concernant la propriété sise sise [Adresse 3] et ce depuis septembre 2005 au titre d'une police référencée n°943647908.
En ce sens, la société d'assurance indique que Monsieur [N] et Madame [C] ne peuvent fonder leurs prétentions contre le Crédit Agricole Assurance-Dommages, intermédiaire, ce qu'ils ne font d'ailleurs pas en cause d'appel. Aussi, la demande visant à déclarer irrecevable Monsieur [N] et Madame [C] de leurs demandes dirigées contre le Crédit Agricole Assurance-Dommages et à le mettre hors de cause s'avère sans objet.
Au fond, Monsieur [N] et Madame [C] fondent leurs demandes en produisant deux pages d'un exemplaire de conditions générales intitulé 'les assurances du Crédit Agricole, assurance habitation, conditions générales édition janvier 2018' dont l'opposabilité est contestée par la SA Pacifica même si la société appelante verse aux débats cet exemplaire en son intégralité pour une parfaite information de la cour.
Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'inopposabilité dont se prévaut l'appelante, force est de constater que les conditions générales auxquelles se réfèrent Monsieur [N] et Madame [C] prévoient, en cas de sinistre, une exclusion de garantie concernant 'les murs de soutènement non bâtis conformément aux règles de l'art' et dans l'hypothèse où l'aggravation du dommage résulterait d'une inaction du souscripteur.
Or, à titre liminaire, il doit être rappelé qu'aucun sinistre ne s'est produit dans la mesure où Monsieur [N] et Madame [C] ont exécuté des travaux afin de prévenir un écroulement du mur lequel ne s'est jamais réalisé. En outre, le rapport d'expertise démontre que le mur litigieux a manifestement été édifié sans respecter les règles de construction élémentaires pour pouvoir efficacement et durablement soutenir les terres du fonds amont. Plus avant, il a été expressément rappelé par l'expert que les causes du désordre sont également en lien avec un défaut d'entretien du mur de soutènement.
Il résulte ainsi des conditions générales (édition 2018) dont Monsieur [N] et Madame [C] se prévalent, que ces derniers ne sont pas fondés à actionner la garantie de la SA Pacifica au titre du contrat multirisque habitation, pas davantage qu'ils ne sauraient se prévaloir d'un défaut d'information, eu égard à la rédaction claire et précise des clauses d'exclusion sus-visées, ou de conseil, en ce que la police d'assurance, telle qu'elle résulte des conditions générales susvisées, prévoit manifestement l'hypothèse d'un dommage causé par un mur de soutènement.
En conséquence, Monsieur [N] et Madame [C] seront déboutés de l'ensemble des demandes formées contre la SA Pacifica.
Sur le quantum de l'indemnisation
La Sci de [Adresse 3], dont l'objet social porte sur 'la propriété de tous immeubles et biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, par acquisition, échange, apport ou autrement [et] l'administration, l'exploitation et la gestion desdits immeubles et biens immobiliers par bail ou autrement', ne saurait être qualifiée de professionnel au sens des articles 1941 et suivants du code civil en ce que son activité habituelle ne concerne aucunement l'achat / revente de biens immobiliers ou la rénovation / transformation de biens immobiliers en vue d'une revente ultérieure. En effet, il est acquis aux débats que cette société s'est portée adjucataire, en 1984, du bien revendu 21 ans plus tard à Monsieur [N] et Madame [C] et qu'il s'agissait factuellement d'une propriété familiale appartenant à l'un des membres de la famille des actionnaires laquelle n'a pas fait l'objet de travaux significatifs ou de division en vue d'une revente par lots. Au surplus, la cour observe qu'il n'est pas démontré que la Sci de [Adresse 3] ait été propriétaire d'autres biens immobiliers au cours de la période 1984 - 2005.
Par ailleurs, il n'est pas davantage démontré que la Sci de [Adresse 3] avait connaissance du fait que le mur, construit avant l'adjudication de 1984, présentait des défauts de solidité tels que visés par l'expert de sorte que la connaissance d'un quelconque vice ne peut lui être imputée au jour de la vente du bien immobilier au profit de Monsieur [N] et de Madame [C].
Aussi, elle ne peut être tenue des dommages et intérêts visés à l'article 1645 du code civil.
Dès lors, au sens de l'article 1644 du code civil, dans le cadre de l'action estimatoire, Monsieur [N] et Madame [C] ne peuvent légitimement revendiquer que la différence entre le prix d'acquisition réel et le prix qu'ils en auraient offert s'ils avaient préalablement eu connaissance des travaux qu'il leur faudrait impérativement réaliser sur le mur de soutènement de la propriété en cours d'acquisition.
Les travaux ayant été valorisés à la somme de 36 575 euros selon devis du 28 juin 2019 établi par la société Pyramid à la demande des intimés après réalisation de l'étude de sol préconisant une solution par cloutage (ultérieurement validée par l'expert comme étant la seule solution pérenne), il convient donc de condamner la Sci de [Adresse 3] à verser cette unique somme à Monsieur [N] et Madame [C] lesquels seront donc déboutés du surplus de leur demande indemnitaire.
Sur les demandes annexes
La SA Pacifica ayant été mise hors de cause, Monsieur [N] et Madame [C] seront en conséquence condamnés à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (première instance et appel).
La Sci de [Adresse 3], qui succombe en principal, est condamnée à payer la somme de 3 000 euros à Monsieur [N] et Madame [C] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (première instance et appel).
La Sci de [Adresse 3] est enfin condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise et ceux relatifs à l'instance en référé ayant abouti à l'ordonnance du 19 décembre 2017, avec distraction au profit de la Selurl Bollonjeon et de la Sas Mermet et associés s'agissant des frais dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Réforme la décision déférée sauf en ce qu'elle a dit que le mur de soutènement séparant les propriétés de Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C], d'une part, et de Monsieur [O] [T] et Madame [W] [K], d'autre part, est affecté de vices cachés,
Statuant à nouveau,
Condamne la Sci de [Adresse 3] à payer à Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C] la somme de 36 575 euros,
Déboute Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C] de l'ensemble des demandes formées contre la SA Pacifica,
Y ajoutant,
Condamne la Sci de [Adresse 3] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise et de l'instance en référé ayant abouti à l'ordonnance du 19 décembre 2017, dont distraction au profit de la Selurl Bollonjeon et de la Sas Mermet et associés s'agissant des frais dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Condamne Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C] à payer à la SA Pacifica la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sci de [Adresse 3] à payer Monsieur [Y] [N] et Madame [E] [C] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Ainsi prononcé publiquement le 12 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La GreffièreLa Présidente