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07/07/2022 | FRANCE | N°20/01537

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 07 juillet 2022, 20/01537


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 07 Juillet 2022





N° RG 20/01537 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSNS



Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de CHAMBERY en date du 16 Novembre 2020, RG 1119000558



Appelante



S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la societe SYGMA BANQUE dont le siège social est sis [Adresse 1]



Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat postulant au barreau de CHA

MBERY et Me Bernard BOULLOUD, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE



Intimés



M. [T] [I]

né le 08 Juillet 1953 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]



Mme ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 07 Juillet 2022

N° RG 20/01537 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSNS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de CHAMBERY en date du 16 Novembre 2020, RG 1119000558

Appelante

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la societe SYGMA BANQUE dont le siège social est sis [Adresse 1]

Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Bernard BOULLOUD, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE

Intimés

M. [T] [I]

né le 08 Juillet 1953 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Mme [Z] [G]

née le 25 Avril 1961 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

Représentés par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Samuel HABIB, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. JÉROME ALLAIS dont le siège social est situé [Adresse 3] mandataire liquidateur de la Société ECORENOVE ayant exercée sous l'enseigne ENERGIE HABITAT prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 05 avril 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 6 février 2016, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ont commandé auprès de la société Ecorénove la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques et d'un chauffe-eau thermodynamique pour un prix total de 27 800 euros.

Par acte sous seing privé du même jour, ils ont souscrit auprès de la société BNP Paribas Personnal Finance (sous le nom de Sygma Banque) un prêt affecté de 27 800 euros, au taux de 4,8 % remboursable en 144 mensualités de 266,32 euros, après un différé de 360 jours.

Les installations ont été livrées et posées et M. [T] [I] et Mme [Z] [G] réceptionnaient les travaux sans réserve le 17 mars 2016.

L'installation était raccordée au réseau le 11 mai 2016.

Par des courriers recommandés avec avis de réception des 18 juillet et 8 août 2017, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] faisaient part à la société Ecorénove d'un certain nombre de mécontentements.

Par acte en date du 2 septembre 2019, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ont fait assigner la société BNP Paribas Personnal Finance devant le tribunal d'instance de Chambéry aux fins, notamment, d'obtenir l'annulation des contrats et de voir constater une faute de la banque afin d'être déchargés de toute obligation de restitution du capital emprunté envers la banque.

Par acte du 16 septembre 2019, ils assignaient à son tour la société Ecorénove aux mêmes fins.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 3 février 2020, la société Ecorénove a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl Jérôme Allais désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 30 août 2020, la Selarl Jérôme Allais était à son tour assignée.

Par jugement réputé contradictoire en date du 16 novembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chambéry a :

- ordonné la jonction des procédures,

- prononcé la nullité du contrat de vente du 6 février 2016,

- constaté la nullité subséquente du contrat de prêt affecté,

- rejeté la demande de la société BNP Paribas Personnal Finance en restitution de la somme de 27 800 euros,

- condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à payer à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] la somme de 12 969,60 euros incluant l'échéance de septembre 2020, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M. [T] [I] et Mme [Z] [G] de leur demande de suspension des échéances et intérêts à venir et de leurs demandes indemnitaires

- condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à payer à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNP Paribas Personnal Finance aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leur demandes.

La société BNP Paribas Personnal Finance a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration au greffe enregistrée le 16 décembre 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2021, auxquelles il convient de se référer pour connaître les moyens développés au soutien des prétentions, la société BNP Paribas Personnal Finance demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

* a débouté M. [T] [I] et Mme [Z] [G] de leur demande de suspension du crédit,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* a constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté portant sur la somme de 27 800 euros souscrit par M. [T] [I] et Mme [Z] [G] le 6 février 2016,

* a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 27 800 euros,

* l'a condamnée à payer à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] une somme de 12 969,60 euros incluant l'échéance du mois de septembre 2020, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement,

* l'a condamnée à payer à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

* l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,

* a ordonné l'exécution provisoire,

* a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- statuant à nouveau,

* déclarer M. [T] [I] et Mme [Z] [G] mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter intégralement et en conséquence,

* condamner solidairement M. [T] [I] et Mme [Z] [G] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales,

- subsidiairement,

* condamner solidairement Mme [Z] [G] et M. [T] [I] à lui rembourser le montant de la somme prêtée, déduction faite des mensualités réglées, avec intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds et capitalisations de ceux-ci dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- plus subsidiairement,

* réduire sensiblement le montant des dommages et intérêts par impossible alloués M. [T] [I] et Mme [Z] [G] à l'aune du réel préjudice démontré et du lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu dommage subi,

- en tout état de cause,

* condamner M. [T] [I] et Mme [Z] [G] à lui payer la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner M. [T] [I] et Mme [Z] [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour connaître les moyens développés au soutien des prétentions, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 16 novembre 2020 en ce qu'il a :

* prononcé la nullité du contrat conclu auprès de la société Ecorenove le 6 février 2016,

* constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté,

* rejeté la demande de la société BNP Paribas Personnal Finance tendant à la restitution de la somme de 27 800 euros,

* condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à leur payer une somme de 12 969,60 euros incluant l'échéance du mois de septembre 2020, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du jugement,

* condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à leur payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société BNP Paribas Personnal Finance aux entiers dépens de l'instance,

* ordonné l'exécution provisoire,

- infirmer le jugement du 16 novembre 2020 en ce qu'il les a déboutés de leur demande de suspension de paiement des échéances et intérêts à venir du contrat de crédit ainsi que de leurs demandes indemnitaires ;

- statuant à nouveau,

* débouter la société BNP Paribas Personnal Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* condamner la société BNP Paribas Personnal Finance venant aux droits de la banque SYGMA, à leur payer les sommes de :

- 3 301,98 euros, au titre de leur préjudice financier, sauf à parfaire,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice économique et du trouble de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

* condamner la société BNP Paribas Personnal Finance venant aux droits de la banque SYGMA à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la société BNP Paribas Personnal Finance au paiement des entiers dépens,

- à titre subsidiaire, si le 'tribunal' ne faisait pas droit à leurs demandes,

* prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts du crédit affecté,

* déclarer qu'ils rependront le paiement mensuel des échéances telles que prévues dans le prêt souscrit initialement.

La Selarl Jérôme Allais, mandataire liquidateur de la société Ecorénove, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 5 février 2021 à personne habilitée et les conclusions de M. [T] [I] et Mme [Z] [G] lui ont été signifiées par acte délivré à personne habilitée le 7 mai 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour relève que les contrats litigieux datant du 6 février 2016, il sera fait application des règles du code civil dans leur version antérieure à la réforme opérée par l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, en application de son article 9 disposant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur des dispositions nouvelles, demeurent soumis à la loi ancienne. De même, il sera fait application des règles du code de la consommation en vigueur au 6 février 2016, c'est-à-dire avant la réforme opérée par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, entrée en vigueur le 1er juillet 2016.

Sur la nullité contrat de vente et d'installation des panneaux photovoltaïques et du chauffe-eau sanitaire

Il est constant que les contrats litigieux ont été souscrits dans le cadre d'un démarchage à domicile. L'article L. 121-16 ancien du code de la consommation, applicable aux contrats souscrits après le 13 juin 2014 mais avant le 1er juillet 2016, dispose qu'un contrat 'hors établissement' est un contrat notamment conclu en un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

L'article L. 121-18-1 du code de la consommation applicable en l'espèce prévoit pour sa part que 'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17".

L'article L. 121-17 ancien du code de la consommation expose notamment pour sa part que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.

Enfin, l'article L. 111-1 ancien du code de la consommation précise que le contrat doit comprendre :

- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

- le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1,

- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

- les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles.

En l'espèce, le bon de commande (pièce intimé n°1), se borne à exposer, au titre des panneaux photovoltaïques :

- '12 panneaux aerovoltaïque ENERGIE HABITAT solar Keymark certificate n°SK08055421501 & 078/000227 Norme CE

- puissance totale 3 Kwc de production d'électricité

- puissance totale 5,4 Kw de production thermique

- fourniture 12 Micro onduleur Norme CE M215

- passerelle de communication

- monitoring raccordement internet

- maintenance en ligne,

- coffrets de protection électriques AC/DC

- intégration toiture,

- module de ventilation, bouche d'insufflation, thermostat digital,

- raccordement et mise en service à la charge de Energie Habitat,

- injection en surplus de la production,

- chauffe-eau sanitaire thermo-dynamique 200 litres,

- Pack + résistance électrique,

- garantie 2 ans pièces et 3 ans compresseur

- 1 panneau photovoltaïque + 1 micro onduleur + pose du panneau offerte

- sous réserve d'acceptation du bureau d'étude'.

Figurent ensuite des mentions sur le prix ( 26 350,71 HT, 1 449,29 TVA, 27 800 TTC) et les modalités de paiement et du crédit souscrit. Les clauses générales ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation.

Ne sont donc indiquées ni la marque ni le modèle, ni les caractéristiques essentielles, hormis la puissance, des panneaux aérovoltaïques, ni la marque ni les caractéristiques des micro-onduleurs, ni la marque, ni les caractéristiques du chauffe-eau hormis sa contenance, éléments pourtant essentiels du dispositif. En effet, de telles indications apparaissent nécessaires pour permettre aux acquéreurs d'avoir une connaissance exacte des produits vendus pour les apprécier et les comparer avec d'autres de même nature, durant la période de rétractation dont ils disposaient.

Il est donc incontestable que le contrat de vente et d'installation des panneaux aérovoltaïques et du ballon d'eau chaude thermo-dynamique ne satisfait pas aux exigences des dispositions ci-dessus rappelées du code de la consommation, lesquelles sont prévues à peine de nullité.

La cour relève en outre que le contrat stipule que le délai de livraison prévu est de '6 à 12 semaines à compter de la prise de cotes par le technicien et l'encaissement de l'acompte ou l'accord définitif de la société de financement'. Or, une telle stipulation revient en réalité à ne prévoir aucun délai de livraison dès lors que son point de départ dépend de la prise de cotes par le technicien et donc de la seule volonté de la société Ecorénove à faire intervenir son technicien.

Il est constant que la nullité dont il est question est une nullité de protection. Elle est donc susceptible d'être couverte par une exécution volontaire ou une confirmation tacite de l'acquéreur. Toutefois, pour qu'une telle validation du contrat annulable puisse intervenir, encore faut-il que toutes les conditions d'une régularisation soient remplies et qu'en particulier M. [T] [I] et Mme [Z] [G] aient eu l'intention non équivoque de réparer le vice dont ils avaient connaissance. A cet égard, la cour relève que le contrat ne contient pas les textes applicables du code de la consommation et n'est donc pas de nature à permettre au consommateur, par définition profane, d'avoir connaissance d'un vice dans sa rédaction. Par ailleurs, ni le non-usage du bordereau de rétractation, ni l'acceptation de la livraison, ni la signature du certificat de livraison, ni même le remboursement du prêt ne sont de nature à établir une intention de couvrir les nullités. Au contraire, il résulte des éléments versés aux débats que M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ont, dès l'été 2017 critiqué le fait que, manifestement l'auto financement promis n'existait pas et qualifiaient l'opération de 'véritable escroquerie' (pièce intimé n°13).

Par conséquent, le contrat de vente de 12 panneaux aérovoltaïques, de micro-onduleurs et d'un ballon d'eau chaude thermodynamique, conclu le 6 février 2016 entre M. [T] [I] et Mme [Z] [G] et la société Energie Habitat, devenue la société Ecorénove, et représentée par la SELARL Jérôme Allais en qualité de mandataire liquidateur, pour un montant total de 27 800 euros TTC doit être annulé. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

En raison de l'annulation du contrat de vente et d'installation des panneaux aérovoltaïques et du ballon d'eau chaude thermodynamique, les parties doivent être remises dans l'état qui était le leur avant la conclusion des dits contrats. Par conséquent, la société Ecorénove est tenue à reprendre, à ses frais, le matériel livré et installé au domicile de M. [T] [I] et Mme [Z] [G] (panneaux solaires, ballon thermodynamique et leurs accessoires) et de remettre en état les lieux. La société Ecorenove sera de s'exécuter dans le délai de 3 mois à compter de la signification de la décision, avec un délai de prévenance de 15 jours. A défaut, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] pourront disposer du matériel comme bon leur semble.

Sur la nullité du contrat de crédit affecté

L'article L. 311-32 du code de la consommation, applicable au temps de la conclusion des contrats litigieux dispose que : 'En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé'.

En l'espèce, au regard de l'annulation du contrat principal de vente, le contrat de crédit affecté conclu le 6 février 2016 entre la société BNP Paribas Personnal Finance sous la dénomination de 'Sygma Banque' et M. [T] [I] et Mme [Z] [G] portant sur la somme de 27 800 euros en capital doit également être annulé.

En conséquence, le prêteur doit rembourser aux emprunteurs les sommes perçues au titre du contrat de prêt. De même, les emprunteurs doivent, par principe, rembourser au prêteur le capital emprunté pour financer l'acquisition des biens.

Toutefois, il est constant que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (cass. civ. 1, 25 novembre 2020, n°19.14-908).

En l'espèce, la société BNP Paribas Personnal Finance, en tant que partenaire financier habituel de la société Ecorénove (anciennement Energie Habitat) a effectivement commis une faute en versant les fonds à cette société sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires, auprès du vendeur et des emprunteurs, vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat était affecté d'une cause de nullité tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-17 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile. Toutefois, l'absence de vérification établit seulement l'existence de la faute du prêteur.

En ce qui concerne le préjudice né de cette faute, souffert par M. [T] [I] et Mme [Z] [G], il convient de constater qu'il est établi au dossier que la société Ecorénove se trouve désormais en liquidation judiciaire, ce qui est de nature à les priver de leur créance de restitution du prix de l'installation. Pour autant, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] précisent que les installations litigieuses fonctionnent et que le raccordement au réseau a eu lieu le 11 mai 2016, que les installations permettent une auto-consommation avec la revente du surplus. A cet égard, la simple production des échéanciers mensuels des factures EDF (pièce intimé n°12) ne démontrent pas une absence totale de bénéfice lié à l'installation dans la mesure où ce qui est payé ne résulte pas, loin de là, que de la seule consommation dont, d'ailleurs, le tarif a pu augmenter entre-temps, mais aussi et notamment des taxes. M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ont en outre nécessairement bénéficié du fonctionnement de leur ballon d'eau chaude thermo-dynamique dont ils ne prétendent pas qu'il ne marche pas.

Il en résulte que le préjudice subi par M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ne peut pas être équivalent au montant du capital emprunté. Il sera, en l'occurrence, correctement réparé par la limitation de la créance en restitution de la société BNP Paribas Personnal Finance à 50 % du capital emprunté, soit la somme de 13 900 euros, avant déduction des sommes versées par les emprunteurs en exécution du contrat de prêt.

S'agissant des sommes versées par les emprunteurs, il résulte des déclarations non contestées de M. [T] [I] et Mme [Z] [G] lesquelles sont corroborées par le tableau d'amortissement produit (pièce intimé n°5) qu'ils ont versés à la société BNP Paribas Personnal Finance la somme totale de 12 969,96 euros représentant 42 mensualités jusqu'au mois de septembre 2020 inclus. En conséquence, le jugement entrepris sera réformé et M. [T] [I] et Mme [Z] [G] condamnés solidairement à payer à la société BNP Paribas Personnal Finance la somme de 930,04 euros.

Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [T] [I] et Mme [Z] [G]

M. [T] [I] et Mme [Z] [G] se prévalent de la désinstallation de la centrale et de la remise en état du toit comme représentant un préjudice financier. Toutefois, il a été précisé ci-dessus que, dans le cadre de l'annulation du contrat de vente, il appartenait à la société Ecorénove de procéder à ses frais à ces opérations. Faute de le faire dans le délai imparti, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] disposeront des installations parfaitement fonctionnelles comme ils l'entendent. Dans la mesure où elles sont en état de marche, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] n'ont pas d'intérêt a priori à déposer l'installation et ils bénéficient nécessairement d'une production électrique dont, par ailleurs, ils peuvent revendre le surplus à EDF. Ils jouissent également de la production d'eau chaude. En conséquence, ce poste de préjudice ne saurait être retenu.

M. [T] [I] et Mme [Z] [G] se plaignent ensuite de ce que l'opération a engendré pour eux une baisse de trésorerie les ayant conduit à renoncer à certains projets. La cour observe ici que la réalité de ces projets n'est en rien démontrée et relève en outre qu'au terme de la présente décision, ils auront en définitive payé la moitié seulement du prix d'une installation photovoltaïque qui fonctionne et sans débourser le moindre intérêt. M. [T] [I] et Mme [Z] [G] ne démontrent par ailleurs aucun préjudice de jouissance dont ils se prévalent pourtant. En conséquence, ce poste de préjudice ne saurait être retenu.

M. [T] [I] et Mme [Z] [G] revendiquent enfin l'indemnisation d'un préjudice moral consistant dans le fait d'avoir été 'contraints de subir des désagréments' liés aux travaux pour une installation inutile et inesthétique. Ils disent encore avoir perdu du temps dans les démarches administratives relatives à cette installation et avoir souffert d'une angoisse de devoir rembourser un crédit ruineux. La cour relève que l'installation qui fonctionne parfaitement n'est pas inutile, que le caractère inesthétique est une notion subjective que ne corrobore aucun élément du dossier. Enfin, rien en dehors des seules affirmations des intéressés, ne permet de dire qu'ils ont été contraints à souscrire les contrats litigieux. Ce dernier poste de préjudice ne doit pas non plus être retenu.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [I] et Mme [Z] [G] de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile

Conformément aux disposition de l'article 696 du code de procédure civile, la société BNP Paribas Personnal Finance qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'est, par ailleurs, pas inéquitable de faire supporter par la société BNP Paribas Personnal Finance partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par M. [T] [I] et Mme [Z] [G] en première instance et à hauteur d'appel. Aussi sera-t-elle condamnée à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande de la société BNP Paribas Personnal Finance en restitution de la somme de 27 800 euros,

- condamné la société BNP Paribas Personnal Finance à payer à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] la somme de 12 929,60 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

Statuant à nouveau sur ces deux points,

Condamne solidairement M. [T] [I] et Mme [Z] [G] à payer à la société BNP Paribas Personnal Finance la somme de 930,04 euros,

Ajoutant au jugement déféré,

Dit que la société Ecorénove prise en la personne de la SELARL Jérôme Allais, mandataire liquidateur est tenue de reprendre, à ses frais, le matériel livré et installé au domicile de M. [T] [I] et Mme [Z] [G] (panneaux solaires, ballon thermodynamique et leurs accessoires) et de remettre en état les lieux, dans le délai de 3 mois à compter de la signification de la décision, avec un délai de prévenance de 15 jours,

Dit qu'à défaut, M. [T] [I] et Mme [Z] [G] pourront disposer du matériel comme bon leur semble,

Condamne la société BNP Paribas Personnal Finance aux dépens d'appel,

Condamne la société BNP Paribas Personnal Finance à payer ensemble à M. [T] [I] et Mme [Z] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 07 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01537
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.01537 ?
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