COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022
N° RG 20/01167 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GRAX
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 07 Octobre 2020, RG 2020F00169
Appelante
S.A.R.L. AQUATHERMO FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Jonathan AZERAD, avocat plaidant au barreau de LYON
Intimés
M. [V] [T]
né le 26 Novembre 1960 à [Localité 5](ITALIE), demeurant [Adresse 3]
Mme [D] [U] épouse [T]
née le 19 Janvier 1970 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
Représentés par Me Damien DEGRANGE, avocat au barreau de CHAMBERY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 21 juin 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- M. Michel FICAGNA, Président,
- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,
- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
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Il a été procédé au rapport.
La société Aquathermo sise [Adresse 2] a démarché à domicile M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] pour leur proposer le remplacement de leur ancienne chaudière par un système de chauffage de type pompe à chaleur ' Air/Eau', associée à un ballon d'eau chaude ECS.
Il a été remis à ces derniers un document intitulé : ' fiche prévisite avant étude synthèse' mentionnant un prix total de 16 000 € et un montant d' aides et de subventions d'un montant équivalent, dans les termes suivants :
- CITE : 4 800 +120
- ANAH: 5 600
- Coup de Pouce : 5 500
Le 26 avril 2019, la société Aquathermo a fait signerpar M. [T] un bon commande d'un montant global de 16 000 € dont :
- 14 000 € TTC au titre des équipements : une pompe à chaleur Air/Eau comprenant un groupe extérieur d'une puissance de 12 kw et un ballon eau-chaude 200 L, sans indication de la marque,
- et 2 000 € au titre d'un 'forfait installation et mise en service'.
Ce prix était entièrement financé par un crédit affecté, Cofidis remboursable en 180 mensualités fixes de 147,09 €.
L'installation a été réalisée et la facture en date du 29 mai 2019 a été réglée par la société Cofidis.
A partir de juillet 2019, M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] ont relancé la société Aquathermo relativement aux démarches à accomplir pour les subventions, en particulier celle de l'ANAH, sans résultat.
Ayant pris contact directement avec l'ANAH, cet organisme leur a indiqué par courrier du 10 décembre 2019, que le dossier de subvention avait été initié le 22 octobre par l'entreprise donc bien après le début des travaux , mais qu'il n'avait jamais été finalisé par un dépôt, de sorte que la prime ne pouvait plus être attibuée.
Par acte en date du 27 juillet 2020, M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] ont fait assigner la SARL Aquathermo France devant le tribunal de commerce de Chambéry aux fins de la voir condamner à leur payer la somme principale de 5'600'€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'ils prétendent avoir subi en raison du non-respect des obligations contractuelles de la SARL Aquathermo France et à titre subsidiaire en raison du non-respect de son obligation d'information précontractuelle.
Par jugement rendu le 7 octobre 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a':
- condamné la SARL Aquathermo France à payer, en deniers ou quittances valables, à M.'[V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] :
- la somme de 5'600'€, montant principal de la cause sus-énoncée,
- les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 13 février 2020,
- la somme de 2'500'€ à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les dépens,
- rejeté toutes autres demandes.
Le tribunal a retenu :
- que le bon de commande signé entre les parties ne met en aucun cas à la charge de la SARL Aquathermo France l'obligation contractuelle d'effectuer la demande de prime auprès de l'ANAH, et que la fiche de synthèse produite et non signée n'éclaire pas plus le tribunal sur ce point,
- qu'en tant que professionnelle la SARL Aquathermo France aurait dû informer les époux [T] qu'ils devaient déposer un dossier auprès de l'ANAH avant l'exécution des travaux, s'ils souhaitaient obtenir une prime de cet organisme, et qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'elle n'a jamais indiqué aux époux [T] qu'ils leur appartenaient d'effectuer les démarches nécessaires auprès de l'ANAH aux fins d'obtenir le versement de la somme de 5'600'€,
- qu'en conséquence, il convient de retenir que la SARL Aquathermo France a commis une faute en n'informant pas les époux [T], cette faute de la SARL Aquathermo France a causé un préjudice à M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] correspondant au montant de la prime non-perçue (5'600'€),
- qu'il n'est pas démontré que la SARL Aquathermo se serait rendue coupable de pratique commerciale trompeuse.
La SARL Aquathermo France a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 12 octobre 2020.
L'affaire a été clôturée le 23 mai 2022 et renvoyée à l'audience du 21 juin 2022.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appelante notifiées le 29 juin 2021, la SARL Aquathermo France demande à la cour :
Vu les articles 1103, 1104, 1131 et 1132 du code civil,
Vu les articles du code de la consommation précités,
Vu la jurisprudence susvisée,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- de réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry du 7 octobre 2020 en ce qu'il a condamné la société Aquathermo France au versement d'une indemnité égale à 5'600,00'€ au profit des époux [T] en raison d'un prétendu manquement, à la somme de 2'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de Chambéry du 7 octobre 2020 en ce qu'il a débouté les époux [T] de leur demande indemnitaire afférente à une prétendue politique commerciale trompeuse de la part de la société Aquathermo France,
Par conséquent, statuant à nouveau sur les chefs réformés,
- de débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes,
En tout état de cause,
- de condamner les époux [T] à lui verser la somme de 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Juliette Cochet Barbuat.
Elle soutient :
- que le bon de commande régularisé entre les époux [T] et la société Aquathermo France ne fait aucune référence à un quelconque mandat en vue de réaliser les démarches administratives auprès de l'ANAH pour leur compte, et que la « fiche de prévisite avant étude » dont se prévalent les époux [T] n'a jamais été établi par la société Aquathermo France et ne saurait constituer un engagement contractuel, de sorte que la société Aquathermo France ne s'est jamais engagée à l'obtention de subventions auprès de l'ANAH pour le compte des époux [T],
- que l'information relative aux modalités techniques afférentes à l'obtention d'une telle prime auprès de l'ANAH aurait légitimement pu être ignorée par la société Aquathermo France et que s'agissant d'un contrat de vente et d'installation d'un dispositif de pompe à chaleur, les modalités d'obtention d'une subvention étatique ne saurait être considérée comme ayant un lien direct sur le contenu dudit contrat, de sorte que l'obligation précontractuelle d'information ne saurait être appliquée,
- que l'information querellée avait été portée oralement à la connaissance des époux [T] préalablement à la conclusion du contrat entrepris, la société Aquathermo France ayant ainsi dûment respecté son obligation précontractuelle d'information à l'endroit des époux [T],
- que le cas d'espèce n'entre pas dans les hypothèses précises légalement définies constituant des pratiques commerciales trompeuses, et que l'attitude de la société Aquathermo France ne saurait être considéré comme étant contraire aux diligences professionnelles et susceptible d'altérer de manière substantielle la décision d'achat des époux [T], lesquels doivent être considérés comme étant normalement informé et raisonnablement attentifs et avisés.
M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] ont formé un appel incident s'agissant du rejet de leur demande indemnitaire formulée à l'encontre de la société Aquathermo France au titre d'une pratique commerciale trompeuse.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 15 avril 2021, M. [V] [T] et Mme [D] [U] épouse [T] demandent à la cour :
Vu les dispositions des articles 1112-1 et 1231 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles L111-1 du code de la consommation,
Vu les dispositions des articles 46 du code de procédure civile et R631-3 du code de la consommation,
Rejetant toutes fins et conclusions contraires,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Chambéry,
- déclarer ainsi les demandes des époux [T] recevables et bien fondées,
Y ajoutant,
- de condamner la société Aquathermo France à verser aux époux [T] la somme de 2'000'€ au titre de la pratique commerciale trompeuse,
- de condamner la société Aquathermo France à verser aux époux [T] la somme de 4'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Aquathermo France aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Ils soutiennent :
- que la société Aquathermo France s'est engagée à assurer les démarches aux fins d'obtenir la prime versée par l'ANAH pour le compte des époux [T], la société Aquathermo France ayant commencé à entreprendre les démarches administratives le 22 octobre 2019, il est également démontré que les époux [T] ont relancé la défenderesse à plusieurs reprises pour connaître l'état d'avancement de leur dossier, de sorte que par son inexécution, la société Aquathermo France à fait perdre aux concluants le bénéfice de l'aide ANAH d'un montant de 5'600'€,
- que la société Aquathermo France a manqué à son obligation d'information précontractuelle en omettant d'informer les époux [T] qu'ils leur appartenaient d'effectuer les démarches nécessaires auprès de l'ANAH aux fins d'obtenir le versement de la subvention et que le dossier devait être déposé avant l'exécution des travaux,
- qu'en mentionnant dans la « fiche de prévisite avant étude », le bénéfice de l'aide ANAH pour un montant de 5'600'€ aux époux [T], la société Aquathaermo France leur a laissé penser que celle-ci serait automatiquement allouée, de sorte que M. et Mme [T] ont été victimes d'une pratique commerciale trompeuse commise par la société Aquathermo France.
MOTIFS
Sur la demande principale
La société Aquathermo ne conteste pas avoir remis à ses clients une fiche sur laquelle figure le détail des fournitures et prestations pour un prix total de 16 000 €.
Cette fiche mentionne au titre des prestations :
- tarif installation dans les règles de l'art
- matériel ( PAC, Compresseur, ballon thermodynamique)
- accessoires ( livraison câblage)
- dépose de votre chaudière
- installation de la PAC
- mise en service PAC
- installation du ballon TD
- formation utilisateur
- désembouage radiateurs système d'eau
- accompagnement administratif et financier
Cette fiche mentionne également le détail et le montant des aides et subventions pour un montant de 16 000 €.
Cette fiche fait nécessairement corps avec le bon de commande.
La prestation d'accompagnement administratif et financier ne peut avoir d'autre objet que la prise en charge des démarches en vue de l'obtention des subventions mentionnées dans la fiche de prévisite.
Il en résulte que la société Aquathermo s'est bien engagée à fournir une prestation d'accompagnement financier et administratif en vue de faire bénéficier ses clients des aides et subventions permettant de couvrir la totalité du prix de l'installation.
D'ailleurs dans un courrier du 4 décembre 2019, la société Aqquathermo a indiqué à ses clients : que sa part du contrat ' a été dûment remplie car vous avez perçu l'intégralité de votre prime coup de pouce et le crédit d'impôt.', ce dont il résulte qu'elle estimait que les démarches relatives à ces deux aides lui incombaient.
Or, les documents contractuels ne précisent pas pour quelle raison l'accompagnement n eporterait pas sur la subvention de l'Anah.
Cela serait d'ailleurs contradictoire avec les termes du courrier de l'ANAH qui fait état d'un 'dossier initié par l'entreprise' en octobre 2019, ce dont il résulte que la société Aquathermo a bien considéré un temps qu'il lui appartenait aussi de saisir l'Anah d'un dossier de demande de subvention.
Il doit donc être considéré que la prestation d'accompagnement à la charge de la société Aquathermo s'étendait aussi à l'obtention de la subvention de l'Anah.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. [T] et Mme [U] avaient droit au bénéfice de cette subvention alors qu'ils l'ont définitivement perdue.
En conséquence, la société Aquathermo doit être déclarée responsable des conséquences dommageables résultant de sa défaillance dans le suivi du dossier de subvention Anah de ses clients.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a condamné la société Aquathermo au montant de la subvention perdue.
Sur la demande de dommages et intérêts pour pratiques trompeuses
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il n'est pas démontré de pratiques trompeuses lors de la signature du bon de commande puisque le principe de la prestation d'accompagnement administratif et financier a été retenu.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Aquathermo à payer à M. [T] et Mme [U] une somme supplémentaire de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Aquathermo aux dépens d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, Le Président,