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05/07/2022 | FRANCE | N°20/00561

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20/00561


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022





N° RG 20/00561 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOJG



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 06 Avril 2020, RG 16/00719





Appelante



S.C.I. BLANDIN, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocats postulants au barreau de THONON-LES-BAINS

R

eprésentée par Me Thierry D'ORNANO, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE









Intimés



Mme [E] [L] épouse [O]

née le 24 Avril 1980 à [Localité 8], demeurant...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022

N° RG 20/00561 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOJG

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 06 Avril 2020, RG 16/00719

Appelante

S.C.I. BLANDIN, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocats postulants au barreau de THONON-LES-BAINS

Représentée par Me Thierry D'ORNANO, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE

Intimés

Mme [E] [L] épouse [O]

née le 24 Avril 1980 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]/ANGLETERRE

Mme [X] [L] épouse [PZ], demeurant [Adresse 11]/IRLANDE DU NORD

M. [A] [S], demeurant [Adresse 2]/ROYAUME UNI

M. [R] [U], demeurant [Adresse 4] /ROYAUME UNI

M. [C] [Y], demeurant [Adresse 1]/IRLANDE DU NORD

Mme [W] [Y], demeurant [Adresse 1]/IRLANDE DU NORD

Mme [P] [HS], demeurant [Adresse 5]/ROYAUME UNI

S.A.R.L. MSC PROMOTIONS LIMITED, demeurant [Adresse 9]/IRLANDE DU NORD

Représentés par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats au barreau d'ALBERTVILLE

Syndicat des copropriétaires de la résidence LA CALECHE représenté par son syndic la SARL AGENCE OLIVIER, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représenté par la SCP PIANTA & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 10 mai 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

L'ensemble immobilier La calèche a été construit sur une parcelle cadastrée section AL numéro [Cadastre 7] le bourg nord à [Localité 10], le document regroupant le règlement de copropriété et l'état descriptif de division ayant été établi le 6 avril 2006.

Cette copropriété comprend deux locaux à usage commercial au rez-de-chaussée constituant les lots n°11 et 12, outre une réserve constituant le lot n°13, ainsi que cinq appartements constituant les lots n°8, 9, 10, 14 et 15, les lots n°1 et 2 étant des box de garage et les lots n°3 à 7 des caves.

La SCI Blandin est propriétaire des locaux à usage commercial ainsi que de la réserve, les autres lots sont répartis comme suit :

- appartement n°1 « Ty mynydd » propriété de M. [A] [S] et de son épouse [T] (lot n°8),

- appartement n°2 « Donard » propriété indivise de Mme [E] [O] née [L] et de Mme [X] [PZ] née [L] (lot n°9),

appartement n°3 « Errigal » propriété de M. [R] [U] et de son épouse [V] (lot n°10),

- appartement n°4 « Slemish » propriété indivise de M. [C] [Y] et de Mme [W] [Y] née [L], (lot n°14),

- appartement n°5 « White eagle » propriété de M. [P] [HS] et de son épouse [F] (lot n°15).

Le syndic de la copropriété La calèche est la société Agence Olivier.

La SCI Blandin a donné à bail les lots dont elle est propriétaire à la société SETC, exploitante d'un bar à l'enseigne « Chez [G] », le gérant de la société SETC, M. [G] [J] étant également gérant de la SCI Blandin.

Par acte d'huissier en date du 13 janvier 2014, la société SETC a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains aux fins de revendiquer le bénéfice d'un bail commercial sur les terrasses situées en face des lots n°11 et 12, faisant état d'une occupation permanente de ladite terrasse depuis 2007.

Par jugement rendu le 21 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains a rejeté les demandes de la société SETC, jugement confirmé le 9 avril 2019 par la cour d'appel de Chambéry.

Parallèlement, par acte du 14 octobre 2013, le syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche a assigné la société SETC devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-bains aux fins de voir ordonner le démontage des aménagements extérieurs réalisés sur les parties communes sans autorisation, soit deux terrasses.

Par ordonnance de référé du 23 janvier 2014, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-bains a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite compte tenu d'une tolérance continue depuis 2007.

Par acte en date du 4 novembre 2015, le syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche a assigné la société SETC devant le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-bains statuant en la formation des référés aux fins de la contraindre à appliquer les dispositions du règlement de copropriété suivantes : « les commerces ne pourront être ouverts qu'entre 7h et 21h. Les commerces bruyants tels que « boîtes de nuit » sont interdits ».

Par ordonnance de référé du 1er décembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-bains a fait interdiction à la société SETC d'ouvrir son commerce entre 21h et 7h sous astreinte de 500 € par infraction passé le délai de 8 jours à compter de la signification de ladite ordonnance, et dit que l'astreinte provisoire courrait pour une durée de 4 mois.

La société SETC a interjeté appel de cette décision et par arrêt du 30 avril 2016, la cour d'appel de Chambéry a confirmé en totalité ladite ordonnance.

Par décision du 10 juillet 2018, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains a débouté le syndicat de sa demande de liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance de référé du 1er décembre 2015 et arrêt d'appel du 30 août 2016, à défaut d'infraction constatée pendant le délai d'application de l'astreinte. Il a également dit qu'en cas de violation de l'interdiction faite à la société SETC d'exploiter le bar et la terrasse entre 21h et 7h, telle que définie par l'ordonnance du 1er décembre 2015 et arrêt d'appel du 30 août 2016, elle sera redevable envers le syndicat des copropriétaires de l'immeuble La calèche d'une astreinte de 1 000 € par infraction constatée sur une période maximale d'un an à compter de la date de signification du jugement.

Par acte du 8 mars 2016, la SCI Blandin a fait assigner la société de droit anglais [Localité 10] ski chalets promotions limited (MSC), Mme [E] [O] et Mme [X] [PZ], avec dénonciation au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains aux fins de voir dire et juger que l'activité de location en meublé de tourisme des 5 appartements « Ty mynydd », « Donard », « Errigal », « Slemish », « White eagle » exercée par la société [Localité 10] ski chalets promotions limited, et des lots 6, 7 et 9 exercée par Mme [E] [O] et Mme [X] [PZ] au travers de leur société [Localité 10] ski chalets promotions limited s'analyse en une activité commerciale qui contrevient à certaines dispositions du règlement de copropriété, et que la transformation par Mme [E] [O] et Mme [X] [PZ] de leur garage en buanderie et en sauna contrevient à l'article 18 du règlement de copropriété.

Par acte du 10 novembre 2017, la SCI Blandin a appelé en cause certains des autres copropriétaires :

- M. [A] [S], propriétaire avec son épouse [T] du lot n°8,

- M. [R] [U], propriétaire avec son épouse du lot n°10,

- Mme [W] [Y] et M. [C] [Y], propriétaires avec les époux [K] et [B] [H], [Z] [I] et [N] [D] du lot n°14,

- M. [P] [HS], propriétaire avec son épouse [F], du lot n°15.

- Le syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche.

Par jugement rendu le 6 avril 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains a :

enjoint aux époux [Y] de démonter le sauna au sein de leur garage et de remettre celui-ci dans sa configuration d'origine,

ordonné au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche pris en la personne de son syndic en exercice l'agence société Olivier de vérifier la mise en 'uvre de cette injonction dans les deux mois de la signification de la présente décision,

débouté la SCI Blandin du surplus de ses demandes,

débouté les défendeurs de leur demande reconventionnelle,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SCI Blandin aux dépens, dont distraction au profit de Me Paul Salvisberg,

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

La SCI Blandin a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 25 mai 2020.

L'affaire a été clôturée le 25 avril 2022 et renvoyée à l'audience du 10 mai 2022.

Aux termes de ses conclusions d'appel n°2 notifiées le 31 mars 2022, la SCI Blandin demande à la cour de :

Vu les articles 9, 15 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu les articles 15, 17 du règlement de copropriété,

Vu les constats de la SCP Mottet Duclos Tissot et les pièces produites,

vu le bulletin officiel des finances publiques ' impôts « BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 »,

Vu la résolution n° 6 du PV de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 octobre 2017,

Vu la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite « loi Hoguet » et son décret d'application n°72-678 du 20 juillet 1972,

' recevoir la SCI Blandin en son appel,

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il enjoint aux époux [Y] de démonter le sauna au sein de leur garage et de remettre celui-ci dans sa configuration d'origine et ordonné au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche pris en la personne de son syndic en exercice l'agence société Olivier de vérifier la mise en 'uvre de cette injonction dans les deux mois de la signification de la présente décision,

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Blandin du surplus de ses demandes et condamné la SCI Blandin aux dépens, dont distraction au profit de Me Paul Salvisberg,

Et statuant à nouveau,

' dire et juger que l'activité de location en meublé de tourisme de courte durée, exercée par la société [Localité 10] ski chalets promotions limited au sein de la copropriété La calèche constitue une activité commerciale,

' dire et juger que cette activité contrevient à la destination de l'immeuble et aux dispositions des articles 15, 17 du règlement de copropriété,

' dire et juger que la transformation du garage appartenant aux époux [Y] en buanderie collective pour permettre à la société [Localité 10] ski chalets promotions limited d'exercer son activité de location en meublé de tourisme de courte durée, contrevient à l'article 18 du règlement de copropriété,

En conséquence,

' prononcer l'annulation de la résolution n°6 votée par l'assemblée générale des copropriétaires du 30 octobre 2017,

' enjoindre à la société [Localité 10] ski chalets promotions limited sous astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir :

- de cesser la commercialisation des cinq appartements (« Donard », « Ty mynydd », « Errigal », « Slemish » et « White eagle ») dans le cadre de son activé de loueur en meublé professionnel,

- de retirer des parties communes toutes les affiches et notices d'information et d'instruction destinées aux clients,

- de supprimer toute mention de ces cinq appartements (« Donard », « Ty mynydd », « Errigal », « Slemish » et « White eagle ») de son site internet et des réseaux sociaux Facebook, Twitter, Linked in, Youtube,

' enjoindre à M. [A] [S], propriétaire de l'appartement n°1 « Ty mynydd », Mmes [E] [O], née [L], [X] [PZ], née [L], [W] [Y], née [L], propriétaires de l'appartement n°2 « Donard », M. [R] [U], propriétaire de l'appartement n°3 « Errigal », M. [C] [Y] et Mme [W] [Y], née [L], propriétaires indivis de l'appartement n°4 « Slemish », et M. [P] [HS], propriétaire de l'appartement n°5 « White eagle », sous astreinte de 1 000 € par jour et infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, de cesser cette activité,

' faire interdiction sous astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir aux propriétaires des cinq appartements de la résidence La calèche : M. [A] [S], propriétaire de l'appartement n°1 « Ty mynydd », Mmes [E] [O], née [L], [X] [PZ], née [L], [W] [Y], née [L], propriétaires de l'appartement n°2 « Donard », M. [R] [U], propriétaire de l'appartement n°3 « Errigal », M. [C] [Y] et Mme [W] [Y], née [L], propriétaires de l'appartement n°4 « Slemish », M. [P] [HS], propriétaire de l'appartement n°5 « White eagle » de louer à la société [Localité 10] ski chalets promotions limited leurs appartements pour lui permettre d'exercer son activité de loueur en meublé professionnel,

' ordonner au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche pris en la personne de son syndic en exercice l'agence Olivier société de prendre toutes mesures utiles afin de faire respecter ces injonctions,

' condamner solidairement Mme [E] [O], Mme [X] [PZ], la société [Localité 10] ski chalets promotions limited, M. [A] [S], M. [R] [U], Mme [W] [Y], M. [C] [Y] et Mme [F] [P] [HS] à payer à la SCI Blandin la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner Mme [E] [O], Mme [X] [PZ], la société [Localité 10] ski chalets promotions limited, M. [A] [S], M. [R] [U], Mme [W] [Y], M. [C] [Y] et Mme [F] [P] [HS] aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Alterius.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, en substance, que :

- le caractère optionnel des quatre prestations visées par l'article 261 D du code général des impôts est indifférent et seul compte le fait que ces prestations soient proposées par l'hébergeur dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle. Or il n'est pas contesté par la société [Localité 10] ski chalets que celle-ci fournit en complément de la location meublée des 5 appartements les prestations suivantes, accueil personnalisé des clients, fourniture du linge de maison, nettoyage, fourniture de petits déjeuners et des repas et accès au sauna,

- la location des appartements passe exclusivement par la société [Localité 10] ski chalets et non par les copropriétaires qui n'ont aucun lien de droit avec les clients de la société [Localité 10] ski chalets de sorte qu'il n'existe contrat de location saisonnière conclu entre les copropriétaires et leur prétendus locataires lesquels ne sont liés juridiquement qu'à la société [Localité 10] ski chalets, ce qui caractérise l'activité commerciale para hôtelière de cette société,

- le constat du 19 mars 2022 réalisé par Me [M] à la demande de la SCI Blandin confirme le caractère récurrent de l'activité para hôtelière exercée par la société [Localité 10] ski chalets dans la copropriété La calèche depuis sa création pour le compte de tous les propriétaires des appartements,

- indépendamment des critères retenus par l'administration fiscale, la jurisprudence civile considère que l'activité de location de logements pour de courte durée constitue une activité commerciale, ce qui est le cas en l'espèce, l'activité de location de meublés de tourisme exercée par les propriétaires des appartements et la société [Localité 10] ski chalets au sein de la résidence La calèche constitue donc bien une activité commerciale interdite par le règlement de copropriété de l'immeuble,

- le roulement hebdomadaire de locataires dans l'immeuble engendre des nuisances pour la SCI Blandin, mais qu'en tout état de cause, il n'est pas nécessaire que la SCI Blandin démontre en plus de la violation du règlement de copropriété, que celle-ci lui occasionne des nuisances personnelles,

- le refus de voter en faveur du projet de résolution n°6 de l'assemblée générale du 30 octobre 2017 constitue un abus de majorité puisque cette délibération a été votée non dans l'intérêt de la copropriété, mais pour le seul intérêt particulier de la majorité des copropriétaires,

- aux termes de l'assignation du 10 novembre 2017, la SCI Blandin a demandé à titre principal l'annulation de la résolution n°6 votée par l'assemblée générale des copropriétaires du 30 octobre 2017, et le fait que cette procédure ait été jointe à celle initiée en 2014 est sans conséquence sur la recevabilité de cette demande qui a bien été formée à titre principal.

Aux termes de leurs conclusions n°1 notifiées le 4 avril 2022, la société [Localité 10] ski chalets promotions limited, Mme [E] [O], Mme [X] [PZ], M. [A] [S], M. [R] [U], Mme [W] [Y], M. [C] [Y] et Mme [P] [HS] demandent à la cour de :

' donner acte aux époux [Y] de ce qu'ils ont démonté le sauna au sein de leur garage et ont remis celui-ci dans sa configuration d'origine,

Vu l'absence d'activité commerciale pratiquée par la société [Localité 10] ski chalets promotions limited et les intimés,

Vu l'absence de nuisances démontrée par la SCI Blandin,

Vu l'absence d'atteinte aux parties communes démontrée,

' débouter la SCI Blandin de la totalité de ses demandes,

' confirmer le jugement rendu le 6 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-bains en ce qu'il a débouté la SCI Blandin de la totalité de ses demandes,

' reconventionnellement, condamner la SCI Blandin à verser à chacun des concluants la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par la SCI Blandin, responsable des agissements de sa locataire la société SETC des dispositions impératives du règlement de copropriété d'une part et des termes de l'arrêt rendu le 30 août 2016 par la cour d'appel de Chambéry et par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains le 10 juillet 2018,

' condamner la même à verser à chacun des concluants la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la même aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de Me Paul Salvisberg, avocat au barreau d'Albertville sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, en substance, l'argumentation suivante :

- les époux [Y] ont procédé au démontage de leur sauna sous le contrôle du syndicat des copropriétaires,

- il résulte de l'étude du site internet de la société [Localité 10] ski chalets promotions limited que les appartements sont loués simplement meublés ou, sur option et moyennant un supplément, avec une prestation de petit-déjeuner et de nettoyage, ainsi ces prestations ne sont pas automatiques et sont à la discrétion du client, de sorte que s'agissant de la résidence La calèche on ne peut pas parler de « résidence hôtelière » compte tenu du caractère non automatique des prestations listées au 4-b de l'article 261 D du code général des impôts,

- il n'est nullement mentionné dans les documents produits par la demanderesse ni la fourniture automatique de linges de maison, ni l'accueil de la clientèle, ni le nettoyage des locaux régulier, de sorte que la SCI Blandin ne démontre pas que la société [Localité 10] ski chalets cumule trois des quatre critères prévus par l'article 261 D du code général des impôts,

- la présence de diverses affiches mentionnant l'acronyme [Localité 10] ski chalets ne prouve pas une utilisation de la copropriété comme une résidence de tourisme, et ces affiches ont toutes été retirées depuis maintenant près de 2 ans,

- il va de soi que la majeure partie des propriétaires d'appartements dans une station de ski les loue à la semaine et fournit soit directement, soit par l'intermédiaire d'une agence au moins le linge ainsi qu'une prestation d'accueil des locataires, et qu'en l'occurrence le règlement de copropriété autorise expressément dans un contexte de station de ski : « les locations en meublé par appartement entier », de sorte que la location à la semaine à des touristes est nécessairement autorisée,

- l'allégation de la SCI Blandin selon laquelle les copropriétaires ne louent jamais leur bien en direct est fausse et rien ne lui permet de l'affirmer. Par ailleurs, le fait que la société [Localité 10] ski chalets se fasse payer pour réaliser le ménage des parties communes démontre qu'il ne s'agit pas d'une résidence de tourisme qui inclurait cette prestation de nettoyage des communs dans les commission qu'elle prélève sur chaque location, et la société [Localité 10] ski chalets commercialise les appartements de la résidence La calèche sur son site internet, de sorte que la prétendue mainmise de la société [Localité 10] ski chalets sur la copropriété La calèche n'est pas démontrée,

- aucun des copropriétaires de la résidence ne se plaint de nuisances et la SCI Blandin ne démontre à aucun moment l'existence d'une « atteinte aux parties communes » imputables aux intimés,

- la SCI Blandin ne justifie pas avoir saisi le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains d'une demande spécifique aux fins d'annulation de toute ou partie de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 octobre 2017,

- le refus de voter en faveur du projet de résolution n°6 ne constitue pas un abus de droit mais l'expression de la majorité des copropriétaires, et c'est à celui qui prétend que le titulaire d'un droit en a abusé d'en apporter la preuve, étant précisé que l'existence d'intérêts communs entre copropriétaires distincts ne peut à elle seule faire présumer que les votes de ces copropriétaires s'exercent toujours nécessairement et indistinctement à l'encontre de l'intérêt collectif,

- l'éventuelle irrégularité de l'activité de la société [Localité 10] ski chalets sur le territoire national ne concerne que le parquet et le cas échéant les propriétaires des appartements loués et la SCI Blandin n'a à cet égard, aucun intérêt à agir étant donné qu'elle est tierce à tout lien contractuel entre la société [Localité 10] ski chalets et les propriétaires des appartements, et qu'elle ne démontre pas en quoi l'intervention de la société [Localité 10] ski chalets lui causerait un quelconque préjudice,

- l'interdiction d'ouverture au-delà de 21h n'a jamais été respectée par la société SETC et la SCI Blandin et que cela génère des nuisances pour les copropriétaires qu'il convient d'indemniser.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 31 août 2020, le syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche demande à la cour de :

' donner acte au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche de ce qu'il s'en rapporte à justice quant à l'ensemble des demandes formées tant par la société appelante que par les intimés,

' condamner la SCI Blandin ou qui mieux le devra à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence La calèche la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner aux dépens la partie qui succombera à la procédure.

L'ordonnance de clôture est en date du 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :

« Sont privatives les parties des bâtiments ou des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé. Les parties privatives sont la propriété exclusive de chaque copropriétaire. »

L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit quant à lui :

« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. »

Dès lors, si l'article 8 al 1er de la loi de 1965 dispose que le règlement de copropriété 'détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance', de sorte qu'il peut y être indiqué à quel usage chaque lot se trouve en principe affecté (habitation, local d'activité professionnelle, boutique, commerce, le cas échéant avec certaines exclusions, cave, grenier, garage, box, resserre, entrepôt, atelier, etc...), il est immédiatement précisé, dans son 2 ème alinéa, qu'il 'ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle que définie aux actes, par ses caractères ou sa situation'.

La liberté étant le principe, les dispositions conventionnelles relatives à l'affectation des parties privatives sont strictement interprétées en ce qu'elles limitent les droits des copropriétaires. Ainsi, une affectation qui n'est pas expressément interdite par le règlement de copropriété doit être autorisée, dès lors qu'elle n'est pas contraire à la destination de l'immeuble.

La destination de l'immeuble, qui ne fait l'objet d'aucune définition légale ou réglementaire, est souverainement appréciée par les juges du fond, par référence aux actes, mais également à la situation et aux caractéristiques propres de l'immeuble.

Il est à cet égard généralement admis deux types de clauses d'habitation « bourgeoise » la clause d'habitation bourgeoise dite « exclusive » qui prohibe toute activité professionnelle au sein de 'l'immeuble, réservé à l'usage d'habitation dans son entier, tandis que la clause d'habitation bourgeoise dite « ordinaire permet l'exercice de certaines activités telles les activités libérales, d'enseignement, associatives etc....

Dans l'un et l'autre des cas, et sauf stipulation expresse du règlement de copropriété les admettant par exception, les activités commerciales sont en revanche prohibées.

En l'espèce, l'article 15 portant sur la destination de l'immeuble stipule :

« Chaque copropriétaire a le droit de jouir et de disposer des choses qui constituent sa propriété particulière, à la condition de ne pas nuire aux droits particuliers ou communs des autres propriétaires et de se conformer aux prescriptions formulées ci-après.

Aucune modification ne pouvant compromettre la destination de l'immeuble ne pourra être faite sans le consentement de l'unanimité des propriétaires. Les logements resteront destinés exclusivement à l'habitation.

Cependant des professions libérales sont admises dans les lots à usage d'habitation dans la mesure où elles n'engendrent pas de nuisances supplémentaires au syndicat de copropriété, sous réserve d'obtenir les autorisations administratives nécessaires et de supporter les charges supplémentaires qu'elles génèrent.

Lorsqu'une activité commerciale est permise dans l'immeuble : seuls les lots du rez de chaussée pourront être utilisés commercialement, à condition que les commerces ne soient pas générateurs de nuisances et n'affectent pas la tranquillité de l'immeuble, et sous réserve d'obtention des autorisations administratives nécessaires. »

L'article 17 « Occupation » énonce : « l'immeuble est à usage principal de commerce et d'habitation. Les appartement ne pourront être occupés que bourgeoisement. Les commerces ne pourront être ouverts qu'en 7 heures et 21 heures. Les commerces bruyants tels que « boîte de nuit » sont interdits.

L'exercice de professions libérales sera toutefois toléré, dans les appartements non destinés à cet usage à condition de ne pas nuire à la bonne tenue et à la tranquillité de l'immeuble. »

Enfin l'article 19 « Location » précise que les copropriétaires peuvent louer leurs appartements comme bon leur semblera à la condition que les locataires soient de bonne vie et m'urs.

Il stipule que la transformation des appartements en chambres meublées pour être louées à des personnes différentes est interdite, mais que les location en meublé, par appartement entier sont autorisées.

Il résulte de ces éléments que la clause d'habitation bourgeoise n'est pas exclusive.

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge a retenu que :

- si la société MSC fournit un service de réception de la clientèle, la livraison du petit-déjeuner s'effectue à la demande des locataires, quant au nettoyage automatique des appartements, il n'est pas mentionné dans les documents produits par la demanderesse ni la fourniture automatique de linge de maison, de sorte que la SCI Blandin ne démontre pas que la société [Localité 10] ski chalets cumulerait trois des quatre critères prévus par l'article 261 D du code général des impôts, et par voie de conséquence qu'elle exercerait l'activité de loueur en meublé professionnel,

- il résulte donc de ces éléments que si la location de meublés est gérée par la société [Localité 10] ski chalets pour les appartements situés au sein de la copropriété La calèche et s'exerce pour des locations de courte durée, la fourniture de services annexes tels que le ménage, les transferts vers l'aéroport, la fourniture de petits-déjeuners sont optionnels et ne permettent pas d'apparenter cette exploitation à une activité commerciale,

- quand bien même l'activité commerciale de la société [Localité 10] ski chalets serait caractérisée, encore faut-il démontrer les troubles de voisinage susceptibles d'êtres causés par cette activité. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun des copropriétaires de la résidence ne se plaignant de nuisances à ce titre, en ce compris la SCI Blandin à l'origine de la demande,

Il sera ajouté que :

Les extraits de sites internet Directski et Gites.FR montrent que la société MSC n'est pas la seule à assurer la location de ces appartements et confirment que le nettoyage n'est réalisé qu'en fin de séjour, qu'il y a la fourniture de linge moyennant paiement et aucun accueil et petit-déjeuner ne font partie de l'offre de base.

Le fait que la société MSC facture au syndic de l'immeuble les frais de nettoyage des communs montre qu'il ne s'agit pas d'une résidence de tourisme qui inclurait le coût de cette prestation dans les commissions qu'elle prélève sur chaque location.

La présence de diverses affiches mentionnant l'acronyme [Localité 10] ski chalets ne prouve pas une utilisation de la copropriété comme une résidence de tourisme, et il résulte des constats produits ces affiches ont toutes été retirées,

Cette activité doit être considérée comme effectuée dans le cadre d'une location de meublé de tourisme selon la définition qui en est donnée par l'article D 324-1 du code de tourisme (villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offert en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine, ou au mois, et qui n'y élit pas domicile) et n'étant accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d'un service para-hôtelier consistant, comme l'établissent les offres de location produites, en la fourniture optionnelle de linge et d'un nettoyage à la sortie.

A cet égard il sera précisé que la SCI Blandin entretient la confusion avec les offres de location de la société MSC portant sur des chalets situés à [Localité 10] qui comportent, elles, d'importantes et nombreuses prestations (traiteur, transferts, garde d'enfants, location de ski, réservation de moniteurs, services de massage état comme hiver etc...)

Le jugement qui a rejeté la demande de la SCI Blandin sur ce point sera confirmé étant précisé qu'en tout état de cause cette dernière n'a aucun intérêt, ni qualité à agir pour solliciter l'interdiction des propriétaires des cinq appartements de l'immeuble de les louer à la société MSC.

Sur la transformation des garages et caves en buanderie et sauna

S'agissant des dispositions du jugement relatives au sauna, il sera constaté que ces dernières ne sont pas critiquées de sorte qu'elles sont définitives et qu'au surplus elles ont été exécutées.

S'agissant de l'existence d'une buanderie collective dans les garages, sa présence n'est pas plus établie qu'en première instance par le constat réalisé le 19 mars 2022, et, par ailleurs, les photos produites par la SCI Blandin (pièce n°51) n'ont aucune valeur probante.

Sur la demande d'annulation de la résolution n°6 votée par l'AG du 30 octobre 2017

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge a rejeté la demande et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont rejeté la demande.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire application au profit des intimés des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La SCI Blandin qui échoue en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI Blandin à payer à la société MSC promotions limited, Mme [E] [O], Mme [X] [PZ], M. [A] [S], M. [R] [U], M. et Mme [Y], M. et Mme [HS], le syndicat des copropriétaires de la résidence la Calèche, chacun la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Blandin aux dépens exposés devant la cour, avec distraction de ces derniers au profit de Me Salvisberg, avocat.

Ainsi prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00561
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.00561 ?
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