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05/07/2022 | FRANCE | N°20/00471

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20/00471


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022





N° RG 20/00471 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GN6U



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 12 Décembre 2019, RG





Appelant



M. [A] [V], demeurant [Adresse 2] / FRANCE



Représenté par Me Solène ROYON, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000244 du 02/03/2020 accord

ée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)









Intimés



M. [S] [N] [B]

né le 29 Mars 1943 à ROVON, demeurant [Adresse 1]



Mme [R] [H]-[L] épouse [B]...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022

N° RG 20/00471 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GN6U

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 12 Décembre 2019, RG

Appelant

M. [A] [V], demeurant [Adresse 2] / FRANCE

Représenté par Me Solène ROYON, avocat au barreau de CHAMBERY

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/000244 du 02/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CHAMBERY)

Intimés

M. [S] [N] [B]

né le 29 Mars 1943 à ROVON, demeurant [Adresse 1]

Mme [R] [H]-[L] épouse [B]

née le 19 Juin 1945 à LORIA (espagne), demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Fabian LORICHON, avocat au barreau de BONNEVILLE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 2] pris en la personne de son syndic en exercice, l'agence SARL AGENCE IMMOBILIERE DES VALLEES dont le siège social est situé Lieu Dit Chez [M] - [Adresse 2]

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 mars 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [B] et Mme [R] [F]-[L], épouse [B], sont propriétaires, depuis 1998, du lot n° 10 de l'ensemble immobilier en copropriété horizontale dénommé [Adresse 2] (Haute-Savoie), à savoir un appartement dans un chalet jumelé et la jouissance exclusive mais indivise avec le lot n° 9, du sol occupé par la construction et du terrain attenant d'une superficie d'environ 172 m² (jardin).

Le lot n° 9, soit l'appartement voisin, est la propriété de M. [A] [V].

En 2006, M. [V] a entrepris des travaux sur son lot de copropriété consistant notamment en un agrandissement et un rehaussement de la partie du chalet lui appartenant.

M. et Mme [B] se sont plaints de l'inachèvement constant de ces travaux, des nuisances qu'ils entraînent, ainsi que de leur non conformité au règlement de copropriété.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2015, leur conseil a ainsi mis M. [V] en demeure de remettre le chalet mitoyen dans son état initial et de démolir les constructions effectuées sans autorisation du syndicat des copropriétaires, mais également de cesser tous troubles anormaux de voisinage consistant notamment en l'entreposage sauvage de déchets de matériaux de construction dans le jardin indivis.

N'ayant pas obtenu satisfaction, par actes délivrés les 18 et 19 novembre 2015, M. et Mme [B] ont fait assigner M. [V] et le syndicat des copropriétaires [Adresse 2] devant le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains pour obtenir la remise dans son état initial du chalet mitoyen appartenant à M. [V], sous astreinte, ainsi que la condamnation de ce dernier à débarrasser le jardin indivis des divers déchets et matériels qui y sont entreposés, sous astreinte. Ils ont également demandé la condamnation de leur voisin au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et de jouissance, celle de 2.000 € au titre de la résistance abusive et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] s'est opposé aux demandes, soutenant avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires pour réaliser les travaux litigieux.

Le syndicat des copropriétaires n'a pas constitué avocat devant le tribunal.

Les parties n'ont pas donné suite à une proposition de médiation faite par le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 19 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains a :

déclaré recevables les demandes de M. et Mme [B],

condamné M. [V] à remettre les lieux dans leur état initial, c'est-à-dire dans leur état avant les travaux de 2006-2007 et ce sans astreinte,

condamné M. [V] à payer à M. et Mme [B] chacun la somme de 1.500 € au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

rejeté la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [B] fondée sur la résistance abusive de M. [V],

rejeté les autres demandes de M. et Mme [B],

rejeté la demande d'exécution provisoire,

condamné M. [V] à payer à M. et Mme [B] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [V] aux dépens, qui comprendront le coût des procès-verbaux des 2 octobre 2006 et 2 juillet 2015, avec distraction au profit de Me Merotto.

Par déclaration du 24 mars 2020, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.

L'affaire a été clôturée à la date du 14 février 2022 et renvoyée à l'audience du 15 mars 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 17 mai 2022, prorogé successivement à ce jour, l'appelant n'ayant déposé son dossier à la cour qu'à la date du 2 juin 2022.

Par conclusions notifiées le 22 octobre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [V] demande en dernier lieu à la cour de :

Vu la loi du 10 juillet 1965, et notamment son article 25,

Vu la loi du 10 juillet 1991, et notamment son article 37,

A titre principal,

dire et juger que M. [V] a bien respecté la règle d'unanimité exigée par le règlement de copropriété le Crêt Blanc (sic) et que ses travaux sont en conséquence réguliers,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [V] à remettre les lieux en l'état antérieur aux travaux débutés en 2006-2007,

A titre subsidiaire,

dire et juger que la demande de nullité de la clause du règlement de copropriété est un moyen nouveau tendant à une fin identique aux demandes de première instance, et la déclarer recevable,

dire et juger que les dispositions du règlement de copropriété imposant un vote à l'unanimité pour les constructions additionnelles solidaires et traitées dans le même style sur une partie privative (p10 du règlement) sont contraires aux dispositions de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965,

dire et juger que cette disposition est entachée de nullité, la déclarer nulle et de nul effet,

en conséquence, dire et juger que M. [V] a obtenu une décision ferme à la majorité des voix des copropriétaires pour effectuer les travaux litigieux lors de l'assemblée générale du 18 mars 2006,

dire et juger que les travaux sont donc réguliers,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [V] à remettre les lieux en l'état antérieur aux travaux débutés en 2006-2007,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [V] à verser à M. et Mme [B] chacun la somme de 1.500 € au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

En tout état,

dire et juger que M. [V] n'a pas commis de trouble anormal de voisinage,

dire et juger que les travaux de M. [V] ne portent pas atteinte aux parties communes,

dire et juger que les travaux de M. [V] ne portent pas atteinte au droit de propriété des consorts [B],

dire et juger qu'il n'y a pas lieu de modifier l'état descriptif de division, ou subsidiairement, que si cela était nécessaire, les frais d'expertise si elle était ordonnée à cette fin seraient supportés par les époux [B],

dire et juger qu'il n'y a aucune résistance abusive,

débouter les consorts [B] de l'ensemble de leurs demandes,

condamner M. et Mme [B] à verser à M. [V] la somme de 3.600 € (3.000 € HT soit 3.600 € TTC) sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [B] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Solène Royon.

Par conclusions notifiées le 13 octobre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. et Mme [B] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 5,10, 11, 15,42 et 43 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu les articles 9 et 13 du décret du 17 mars 1967,

Vu les articles 544 et 545, 815-9 et 1382 anciens (devenu 1240) du code civil,

Vu l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- déclare recevable les demandes de M. et Mme [B],

- condamne M. [V] à remettre les lieux dans leur état initial, c'est-à-dire dans leur état avant les travaux de 2006-2007,

- condamne M. [V] à payer a minima à M. et Mme [B] chacun la somme de 1.500 € au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

- condamne M. [V] à payer à minima à M. et Mme [B] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [V] aux dépens qui comprendront les procès-verbaux des 2 octobre 2006 et 2 juillet 2015 avec distraction au profit de Me Merotto,

l'infirmer en ce qu'il :

- rejette la demande d'astreinte pour la remise en état des lieux dans leur état initial,

- rejette le surplus de demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

- rejette la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [B] fondée sur la résistance abusive de M. [V],

- rejette les autres demandes de M. et Mme [B] dont notamment celle de voir constater des empiétements, et une occupation de leur jardin et de leur place de parking,

- rejette la demande d'exécution provisoire,

au surplus, débouter M. [V] de sa demande nouvelle en appel, à savoir sa demande de nullité de la clause du règlement de copropriété qui exige l'unanimité pour les travaux dont s'agit, qui est de ce fait irrecevable,

Et, à titre principal :

constater que M. [V] a réalisé des travaux d'agrandissement de son demi chalet (augmentation de hauteur et de surface) sans obtenir d'autorisation préalable de l'assemblée générale de la copropriété,

dire et juger que la résolution n° 14, intitulée «point sur les travaux du chalet numéro un», inscrite au procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 mars 2006 ne constitue pas une véritable décision, qui est dès lors est soit nulle soit inexistante,

dire et juger qu'aucune décision valable n'a jamais été prise par l'assemblée générale des copropriétaires pour ratifier les travaux déjà réalisés par M. [V], qui au surplus empiètent tant sur les parties communes que sur le lot privatif des consorts [B], le chalet mitoyen leur appartenant également,

dire et juger que les travaux d'agrandissement réalisé par M. [V] sont illégaux et ont violé la clause d'harmonie de l'immeuble inscrite au règlement de copropriété,

condamner M. [V] à remettre les lieux dans leur état initial, c'est-à-dire avant les travaux de 2006-2007, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du mois qui suivra la signification de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la juridiction de céans considérait que la résolution n° 14 constitue une véritable décision,

dire et juger en ce cas qu'elle ne constitue qu'une simple décision de principe quant à l'approbation d'un projet de travaux dont la réalisation avait déjà commencé sans aucune autorisation,

dire et juger que ce seul simple accord de principe ne pouvait devenir un véritable accord sur les travaux définitifs qu'à la condition que M. [V] fournisse l'accord de la mairie et également un projet ultérieur de modification de l'état descriptif de division, qui devait aussi être soumis à une prochaine assemblée générale pour approbation définitive,

constater que plus de 10 années après l'assemblée générale de 2006, aucun projet n'a été fourni,

dire et juger que la condition exigée par l'assemblée générale de 2006 pour ratifier définitivement les travaux, à savoir approuver un projet modificatif d'état descriptif de division fournie préalablement par Monsieur [K] ne s'est jamais réalisée,

constater au surplus que le règlement de copropriété stipule expressément l'obligation impérative d'obtenir l'accord préalable et unanime de tous les copropriétaires pour toute édification de construction supplémentaire, afin de préserver l'harmonie d'ensemble,

dire et juger qu'une telle stipulation est parfaitement valable,

constater que M. [V] a réalisé divers aménagements et diverses constructions dans la copropriété sans avoir obtenu au préalable une décision unanime des copropriétaires réunis en assemblée générale,

constater au surplus que le projet modificatif de l'état descriptif de division, nécessaire à la modification de la répartition des charges, dont l'approbation conditionnait un accord définitif de ratification des travaux déjà effectués par M. [V], devait également être voté à l'unanimité en application de l'article 11 de la loi de 1965,

constater qu'aucun vote à l'unanimité pour modifier la répartition des charges n'a jamais été adopté, et pour cause aucun projet de modification n'a jamais été apporté par M. [V] alors qu'il s'y était engagé devant l'assemblée en 2006,

dire et juger qu'il n'est dès lors pas possible de considérer que les travaux réalisés par M. [V] aient été définitivement ratifiés par l'assemblée générale, les conditions pour ce faire n'ayant jamais été remplies,

dire et juger que ces travaux n'ont pas été ratifiés par l'assemblée, qu'ils sont donc illégaux, et que M. [V] doit être condamné à remettre les lieux en état, aux conditions susvisées,

A titre plus subsidiaire, si par impossible la juridiction de céans considérait que les travaux réalisés par M. [V] ont bien été ratifiés par une décision véritable de l'assemblée générale de 2006, et qu'ils n'empiètent pas sur le lot privatif des consorts [B],

constater néanmoins qu'aucun état descriptif de division n'a jamais été ni présenté ni voté, qu'aucune modification des tantièmes de charges n'a donc été faite à ce jour alors que M. [V] s'était engagée à contacter son notaire pour ce faire,

dire et juger que l'absence de modification des charges ensuite des travaux réalisés par M. [V] est contraire aux articles 5, 10 et 11 de la loi de 1965,

dire et juger qu'en suite de la décision de l'assemblée générale d'autoriser les travaux de M. [V], et en l'absence de présentation d'une nouvelle répartition validée par elle par la suite, la répartition des charges est dès lors devenue illégale,

dire et juger qu'en application de l'article 11 alinéa 3 de la loi de 1965, à défaut de décision de l'assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges dans les cas prévus aux alinéas précédents, tout copropriétaire peut saisir le tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble à l'effet de faire procéder à la nouvelle répartition rendue nécessaire,

par conséquent, déclarer nulle et non écrite l'actuelle répartition des charges, et plus précisément l'article 4 du règlement de copropriété de l'immeuble le [Adresse 2], en date du 8 juin 1986, qui répartit les charges de conservation, d'entretien et d'administration des parties communes, entre les copropriétaires,

procéder à la nouvelle répartition des charges rendues nécessaires par les travaux effectués par M. [V] tant sur son lot privatif que sur les parties communes de l'immeuble,

si pour ce faire la cour ordonne une expertise judiciaire avant-dire droit sur la répartition des charges, dire et juger qu'elle se fera aux frais avancés du syndicat et/ou de M. [V], puisque c'est sur lui que pesait l'obligation de présenter un projet modificatif de l'état descriptif de division, en consultant pour ce faire son notaire, et autoriser les consorts [B] à le faire en cas de carence des autres parties,

constater en effet que près de 15 ans après l'assemblée générale de 2006, M. [V] n'a fait aucune diligence pour présenter le moindre projet de modification d'état descriptif de division et de tantièmes de charges,

dire et juger que cette abstention est fautive, et qu'elle est en lien de causalité avec le préjudice subi par les consorts [B] qui sollicitent ce document sans succès depuis des années,

condamner M. [V] à la somme de 2000 € en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

constater que depuis de nombreuses années, et encore actuellement, les époux [B] ont été, et sont encore, victimes d'atteintes à leur droit de propriété, d'empiétement sur leur lot privatif, de troubles de jouissance et de troubles anormaux de voisinage,

constater que l'agrandissement effectué par M. [V] n'a non seulement pas été autorisé en assemblée générale mais qu'au surplus il empiète à la fois sur le lot privatif des consorts [B] mais aussi sur les parties communes,

en conséquence, condamner M. [V] à démolir tous les ouvrages et toutes les constructions qui empiètent sur le lot privatif des consorts [B], sous astreinte de 150 € par jour de retard, et ce à compter d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

par ailleurs, dire et juger que le fait pour M. [V] d'avoir seul occupé et d'occuper encore seul à ce jour le jardin attenant au chalet mitoyen et les deux places de parking, alors que les consorts [B] bénéficient également d'un droit de jouissance exclusive, bien que indivise, constitue une utilisation privative de ce bien indivis par un seul indivisaire, et que par conséquent celui-ci doit verser une indemnité d'occupation en contrepartie (article 815-9 du code civil),

dire et juger que le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [V] sera évaluée à hauteur de 10'000 € correspondant à l'utilisation privative du jardin et du parking par un seul indivisaire durant plus de 10 ans,

à titre subsidiaire, si la juridiction de céans ne considère pas qu'une indemnité d'occupation est due, constater que le jardin en jouissance exclusive et indivise est jonché de divers déchets, outils, matériels, matériaux et objets entreposés par M. [V] ce depuis de nombreuses années, et encore à ce jour,

dire et juger que les consorts [B] n'ont ni à en supporter la vue ni à se voir priver de leur propre droit de jouissance sur ce jardin à jouissance indivise (et pour lequel M. [V] refuse toute séparation'),

constater que M. [V] se gare volontairement au milieu du parking pour en occuper les deux emplacements, que cela démontre une volonté de nuire,

dire et juger que M. [V] abuse de son droit de jouissance tant du jardin que du parking et de ce fait commet une faute en lien de causalité avec les préjudices, tant moral que de jouissance, subis par les demandeurs,

en conséquence, dire et juger que M. [V] est responsable des préjudices subis par les consorts [B],

condamner M. [V] à payer à M. et Mme [B] la somme de 10.000 € à chacun en réparation de leur préjudice de jouissance, et 5.000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral,

condamner M. [V] à débarrasser les divers éléments qui encombrent ce jardin, sous astreinte de 150 € par jour de retard, et ceux à compter du 7ème jour qui suivra la signification de l'arrêt à intervenir,

interdire à l'avenir à M. [V] d'entreposer quoi que ce soit dans le jardin indivis et sur la terrasse privative des consorts [B] et lui interdire d'utiliser les deux emplacements de parking,

lui enjoindre de laisser libre une place de parking à l'usage exclusif des consorts [B],

dire que M. [V] sera condamné à la somme de 500 € à chaque nouvelle infraction à ces interdictions, qui pourra être constatée par tous moyens,

dire et juger que malgré les différentes demandes effectuées auprès de l'appelant principal, les consorts [B] ont été contraints de saisir la juridiction afin de régulariser la situation de la copropriété, en souffrance depuis 10 ans, ne serait-ce que pour régulariser l'état descriptif de division et les tantièmes de charges ensuite des travaux effectués par M. [V],

condamner M. [V] à payer la somme de 2.000 € au titre de la résistance abusive,

condamner M. [V] à payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

le condamner aux entiers dépens qui englobent le coût des procès-verbaux de huissier du 2 octobre 2006, 2 juillet 2015 et 4 août 2020, dont distraction au profit de Me Fabian Lorichon en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 2], qui a reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelant par acte délivré à une personne habilitée le 1er juillet 2020, et des conclusions des intimés le 28 octobre 2020, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur l'existence d'une autorisation des travaux réalisés par M. [V]

M. [V] soutient avoir été dûment autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires pour la réalisation des travaux contestés par M. et Mme [B], tandis que ces derniers soutiennent qu'aucune autorisation ne lui a été délivrée, les décisions dont il se prévaut étant inexistantes.

En application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.

Il est ainsi acquis que M. et Mme [B] ne peuvent plus contester les décisions ayant fait l'objet d'un vote lors des assemblées générales de la copropriété tenues en 2006 et 2007.

Le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 mars 2006 contient un point n° 14 intitulé «point sur les travaux du chalet n° 1 - durée environ 2 ans, pas terminés à ce jour (rappel de ranger correctement les matériaux et de tenir l'environnement acceptable)» et qui contient le texte suivant :

«Monsieur [V] présente un projet de modification de son chalet, surface habitable supplémentaire de 11,15 m² selon plan ci-joint. Une demande auprès de la mairie est en cours. Les copropriétaires présents ne s'opposent pas à ce projet; seul Madame [U] s'abstient d'où 6 copropriétaires sont pour, représentant 8901 tantièmes.

Monsieur [V] s'engage à transmettre l'autorisation de la mairie au syndic. Monsieur [V] contactera son notaire pour projet de modificatif de l'état descriptif du règlement de copropriété (millièmes actuels: 542) - présentation de ce projet pour approbation à la prochaine assemblée générale.»

Cette résolution a bien fait l'objet d'un vote puisqu'il est rappelé le nombre de tantièmes approuvant celle-ci. La partie de la résolution devant faire l'objet d'une prochaine assemblée générale est limitée au seul projet de modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, et non aux travaux eux-mêmes qui ont été autorisés.

Le fait que l'unanimité n'ait pas été obtenue est indifférent au fait que cette résolution, qui n'a jamais été contestée, est désormais définitive et que M. [V] est bien fondé à s'en prévaloir comme d'une autorisation valable donnée par la copropriété. En effet, la majorité appliquée ne peut plus être contestée, ni le fait que ce point ne figurait pas à l'ordre du jour (ce qui est partiellement inexact au demeurant).

L'assemblée générale du 26 mai 2007 n'a procédé quant à elle à aucun vote concernant les travaux, seul un point d'information y figurant en point n° 16.

Pour retenir que M. [V] n'a pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale, le tribunal a retenu qu'il ne justifiait pas de l'accord unanime des copropriétaires prévu par le règlement de copropriété.

Toutefois, et quand bien même le règlement de copropriété prévoit que pour certains types de travaux l'accord unanime des copropriétaires doit être obtenu (page 10 du règlement), il appartenait aux copropriétaires opposants ou défaillants de contester la résolution n° 14 rappelée ci-dessus s'ils entendaient en poursuivre la nullité, une telle action étant désormais forclose.

Les intimés soutiennent que les autorisations d'urbanisme auraient été obtenues par M. [V] par fraude. Toutefois, force est de constater que les autorisations d'urbanisme existent (pièces n° 1 et 7 de l'intimé) et n'ont fait l'objet d'aucun recours, leur validité ne peut être contestée dans le cadre du présent litige, une telle contestation étant de surcroît indifférente à sa solution.

M. et Mme [B] soutiennent encore que l'autorisation délivrée par l'assemblée générale aurait été de principe et conditionnelle.

Toutefois, les termes rappelés ci-dessus ne conditionnent pas les travaux autorisés à un engagement quelconque de M. [V], et le projet est suffisamment décrit pour que l'autorisation ne soit pas de principe, un plan ayant d'ailleurs été fourni, le moyen est donc inopérant.

Aussi, c'est à tort que le tribunal a retenu que l'autorisation donnée par l'assemblée générale du 18 mars 2006 n'était pas valable et a condamné M. [V] à remettre les lieux en état antérieur.

Le jugement sera infirmé de ce chef, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande subsidiaire de l'appelant, et nouvelle en appel, tendant à voir prononcer la nullité de la clause du règlement de copropriété.

2/ Sur les demandes relatives aux empiétements

M. et Mme [B] soutiennent que les constructions réalisées par M. [V] empiètent sur les parties communes.

Toutefois, dès lors que ces travaux ont été autorisés et qu'il n'est pas démontré que les travaux réalisés ne seraient pas conformes à l'autorisation délivrée, cette demande ne peut qu'être rejetée.

3/ Sur les demandes relatives à l'atteinte au droit de propriété de M. et Mme [B]

M. et Mme [B] soutiennent que les travaux réalisés par M. [V] portent atteinte à leur propriété puisqu'ils ont eu pour conséquences :

- la modification d'éléments mitoyens,

- des empiétements,

- des troubles anormaux de voisinage (notamment infiltrations d'eau).

Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a rejeté l'ensemble de ces demandes, les pièces produites n'établissant pas les modifications et empiétements allégués sur leurs parties privatives, ni les troubles de voisinage.

4/ Sur l'état descriptif de division et le règlement de copropriété

M. et Mme [B] sollicitent qu'il soit dit que la répartition actuelle des charges de copropriété est illégale faute de modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété suite aux travaux réalisés par M. [V].

L'article 11 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que, sous réserve des dispositions de l'article 12 ci-dessous, la répartition des charges ne peut être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires. Toutefois, lorsque des travaux ou des actes d'acquisition ou de disposition sont décidés par l'assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l'assemblée générale statuant à la même majorité.

En cas d'aliénation séparée d'une ou plusieurs fractions d'un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale statuant à la majorité prévue à l'article 24.

A défaut de décision de l'assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges dans les cas prévus aux alinéas précédents, tout copropriétaire pourra saisir le tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble à l'effet de faire procéder à la nouvelle répartition rendue nécessaire

Ainsi, une telle modification relève du pouvoir de l'assemblée générale des copropriétaires et le juge ne peut se substituer à elle que dans le cas d'une carence de celle-ci, laquelle n'est ici pas établie.

En effet les époux [B] ne justifient pas avoir saisi l'assemblée générale d'une demande de modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété pour tenir compte des travaux réalisés par M. [V]. La demande est donc prématurée et doit être rejetée.

5/ Sur la demande en enlèvement des objets et matériaux encombrant le jardin privatif et indivis

C'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal, après avoir rappelé que seules les dispositions relatives à la copropriété sont applicables (et non celles relatives à l'indivision), et visé les clauses du règlement de copropriété déterminant les conditions d'utilisation des jardins privatifs, a retenu que l'utilisation faite par M. [V] de ce jardin, sans respecter les droits de M. et Mme [B], leur a causé un préjudice.

Il est en effet établi, et d'ailleurs non contesté, que M. [V] entrepose de manière récurrente divers matériels et matériaux dans le jardin, en contravention avec le règlement de copropriété, les photographies et constats versés aux débats étant éloquents.

L'indemnisation prononcée doit être confirmée, M. et Mme [B] ne rapportant pas la preuve d'un préjudice plus important.

Compte tenu du caractère récurrent de cette occupation illicite, il convient d'ordonner à M. [V] de débarrasser tous objets, outils, matériels et matériaux entreposés dans le jardin indivis, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 € par jour de retard, pour une durée de six mois.

Il n'y a pas lieu de prononcer d'interdiction supplémentaire, notamment quant à l'occupation de la terrasse ou de la place de parking, la demande n'étant pas suffisamment précise et les manquements non établis. En effet, M. [V] dispose des mêmes droits que M. et Mme [B] sur ces espaces de sorte qu'il ne peut lui être fait interdiction de les utiliser.

6/ Sur les autres demandes

M. et Mme [B] forment plusieurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral, préjudice de jouissance et résistance abusive.

Le préjudice de jouissance a d'ores et déjà été indemnisé ci-dessus, la demande supplémentaire sera donc rejetée.

Le préjudice moral n'est pas plus établi qu'il ne l'était en première instance, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande à ce titre.

Enfin, les travaux ayant été autorisés, aucune résistance abusive n'est établie à l'encontre de M. [V]. Cette demande sera donc rejetée.

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

Les circonstances de l'espèce justifient que chacune des parties conserve à sa charge les dépens qu'elle a engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains, mais seulement en ce qu'il a :

- condamné M. [A] [V] à remettre les lieux dans leur état initial, c'est-à-dire dans leur état avant les travaux de 2006-2007 et ce sans astreinte,

- rejeté la demande de M. [S] [B] et Mme [R] [F]-[L], épouse [B] tendant à obtenir le retrait sous astreinte des divers éléments qui encombrent le jardin,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Déboute M. [S] [B] et Mme [R] [F]-[L], épouse [B] de leur demande tendant à obtenir la remise des lieux en leur état initial d'avant les travaux réalisés sur son lot par M. [A] [V] en 2006-2007, ces travaux ayant été autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires du 18 mars 2006,

Condamne M. [A] [V] à débarrasser tous objets, outils, matériels et matériaux entreposés dans le jardin indivis entre son lot et celui des époux [B], dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant six mois,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [S] [B] et Mme [R] [F]-[L], épouse [B], de leur demande relative à la nullité de la répartition des charges et à la modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété,

Déboute M. [S] [B] et Mme [R] [F]-[L], épouse [B], du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties en cause d'appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a engagés en appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause.

Ainsi prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00471
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.00471 ?
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