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05/07/2022 | FRANCE | N°20/00168

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20/00168


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022





N° RG 20/00168 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GM7E



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 16 Janvier 2020, RG 17/01351





Appelants



M. [A] [E]

né le 03 Avril 1979 à [Localité 4] (MALI), demeurant [Adresse 1]



Mme [I] [O] [V] [X]

née le 18 Avril 1979 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]


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Intimée



S.A.S. SODIMOB PA, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par Me Claris...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 05 Juillet 2022

N° RG 20/00168 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GM7E

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 16 Janvier 2020, RG 17/01351

Appelants

M. [A] [E]

né le 03 Avril 1979 à [Localité 4] (MALI), demeurant [Adresse 1]

Mme [I] [O] [V] [X]

née le 18 Avril 1979 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

Représentés par la SELARL CABINET COMBAZ, avocats au barreau de CHAMBERY

Intimée

S.A.S. SODIMOB PA, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELAS FIDAL, avocats plaidants au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 21 juin 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

M. [A] [E] et Mme [I] [X] ont acquis par acte du 18 décembre 2014 une maison d'habitation située à [Localité 7] (74), nécessitant des travaux de rénovation avant emménagement.

Ils ont ainsi sollicité la société FHDS Annemasse, sis à [Localité 6] ( 74), exerçant sous l'enseigne Mobalpa, devenue société Sodimob.

Plusieurs offres et devis ont été proposés par la société FHDS Annemasse. Des bons de commandes ont signés.

La société FHDS Annemasse a sous-traité une partie des travaux objets des bons de commandes à une société dénommée 'aace société coopérative Prestige Home Consulting' sise à [Localité 3], inscrite au registre du commerce et des sociétés d'Annecy depuis le 6 septembre 2013, représentée par M. [C].

Dans des circonstances litigieuses objet du présent procès, cette société aace/Prestige Home Consulting est en outre intervenue, sans devis signé, pour la réalisation d'autres travaux portant notamment sur le chauffage, les menuiseries, la plomberie, les peintures, les cloisons, le plancher, l'électricité...

En cours de chantier les maîtres d'ouvrage ont déploré des retards et carences importantes de le déroulement des travaux.

Ils ont été contraints de se reloger provisoirement de février 2015 jusqu'en juillet 2015 dans des gîtes ruraux.

Par ailleurs, ils ont fait constater les malfaçons par un expert amiable, le 7 avril 2015.

Par ordonnance de référé en date du 17 novembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire des société FHDS Annemasse et aace/prestige home consulting, et désigné M. [B] [F] pour y procéder.

L'expert judiciaire, a déposé son rapport le 3 mars 2017 au terme duquel il a conclu à la nécessité de reprendre l'essentiel des travaux réalisés par la société aace/ Prestige Home Consulting pour un coût total de 80 000 €, l'expert précisant que la société FHDS était 'directement concernée' pour un montant de 5 181 € TTC et 'indirectement par le reste du budget des travaux de reprise, soit 74 800 €'.

La société Prestige Home Consulting a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 6 août 2015 prononcé par le tribunal de commerce d'Annecy et d'un jugement de clôture pour insuffisance d'actif en date du 17 février 2016. La société aace/Prestige Home Consulting n'a pas participé aux opérations d'expertise bien que régulièrement convoquée à son adresse en Suisse et en l'étude de son liquidateur, Me [W].

Par acte du 22 août 2017, M. [A] [E] et Mme [I] [X] ont assigné la société FHDS Annemasse devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains sur le fondement des articles 1134 et 114 7 du code civil, aux fins notamment de voir condamner la société FHDS à leur payer :

- 80.000 € au titre du préjudice matériel,

- 16.000 euros outre 500 euros par mois de juillet 2015 jusqu'à l'exécution de la présente décision au titre du préjudice moral,

- 8.650 euros au titre des frais de déménagement,

- 4.000 euros au titre des frais du relogement.

La société défenderesse a soulevé la nullité du rapport d'expertise pour défaut d'impartialité de l'expert et a fait valoir notamment que les consorts [E] /[X] ont directement conclu avec la société AACE/Prestige Home Consulting qui leur facturait ses prestations et que si sa responsabilité devait être retenue, elle ne pourrait être condamnée qu'à indemniser un préjudice de perte de chance pour les demandeurs d'avoir contracté avec un entrepreneur plus diligent, préjudice dont le montant ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance de sorte que le montant doit être réduit.

Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :

- débouté la société FHDS Annemasse de sa demande tendant à la nullité de l'expertise,

- condamné la société FHDS Annemasse à payer à M. [A] [E] et Mme [I] [X] la somme de 11.671 euros (onze mille six cent soixante et onze euros) à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel actualisé en fonction de l'indice BT 01 au jour de l'exécution avec pour indice de référence le dernier indice connu au jour du chiffrage par l'expert soit décembre 2016,

- condamné la société FHDS Annemasse à payer à M. [A] [E] et Mme [I] [X] la somme de 1.030,57 euros (mille trente euros cinquante sept centimes) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice immatériel,

- condamné la société FHDS Annemasse à payer la somme de 3.500 euros (trois mille cinq cents euros) à M. [A] [E] et Mme [I] [X] au titre de larticle 700 du code de procédure civile,

- débouté la société FHDS Annemasse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société FHDS Annemasse au paiement des entiers dépens de l'instance en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais de l'expertise,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du présent jugement.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 10 août 2021, M. [A] [E], et Mme [I] [X] demandent à la cour :

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants, anciens du code civil,

Vu la théorie de l'apparence,

Vu les dispositions de l'article 1240 nouveau du même code,

- de réformer le jugement sur le quantum des condamnations en retenant le principe d'une réparation intégrale,

- de condamner la société Sodimob venant aux droits de FHDS à verser les sommes suivantes à l'indivision [E] [X] :

- au titre du préjudice matériel, 80 000 € ttc actualisé en fonction de l'indice bt0l au jour de l'exécution avec pour indice de référence le dernier indice connu au jour du chiffrage par l'expert soit décembre 2016,

- au titre du préjudice immatériel : 16 000 € outre 500 € par mois de juillet 2015 jusqu'à exécution de la décision à intervenir,

- au titre du déménagement 8650 € ttc

- au titre du relogement pendant les deux mois de travaux de reprise 4000 €

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile 10 000 € à parfaire,

- au titre des dépens : les dépens de référé, d'instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Ils soutiennent :

- qu'il n'existe pas de motifs d'annulation de l'expertise,

- que les prestations de FHDS ne se limitaient pas à un simple contrat de fourniture et pose d'une cuisine et d'une salle de bain, mais qu'il existe des éléments factuels permettant d'établir la commune volonté des parties de contracter pour la réalisation de travaux dont l'objet est la création d'une cuisine, d'une salle de bain et la modification des deux étages de la maison,

- que leur seule relation commerciale s'est faite avec le salarié de Mobalpa (société Sodimob) qui avait la responsabilité de gérer l'ensemble des travaux, via son maître d''uvre, dans l'enveloppe financière qu'il lui avait confiée,

- que le fait d'avoir réglé des factures directement à l'entreprise choisie par Mobalpa (société Sodimob) n'implique absolument pas qu'ils aient été en lien contractuel direct,

- que les prestations facturées par Prestige Home Consulting, reprend les prestations qui figurent dans les contrats Mobalpa : peinture, préparation avant pose d'une nouvelle cuisine, modification du réseau électrique, et même conception du dossier de déclaration de travaux,

- que les travaux d'électricité, carrelages, faïences, peinture, plomberie sont sous en-tête Mobalpa,

- subsidiairement, que FHDS a, par son comportement et les instruments utilisés, créé et entretenu une apparence de relation contractuelle au détriment de ses clients,

- très subsidiairement, que la société Sodimob/FHDS serait tenue pour responsable du préjudice causé par sa faute, sur le fondement de l'article ancien 1382 et 1240 nouveau, du code civil,

- que le préjudice qui découle directement de l'ensemble de ces fautes est la nécessité dans laquelle les demandeurs se trouvent aujourd'hui de reprendre la totalité des travaux pour 80 000€ et de se trouver face à l'insolvabilité totale de Prestige Home Consulting liquidée,

- qu' ils ont subi et subissent encore un préjudice de jouissance important ainsi qu'un préjudice économique lourd puisqu'ils ont dû pendant plusieurs mois rembourser un emprunt et assumer un logement précaire.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par rpva le 24.07.2020, la société Sodimob venant aux droits de la société FHDS demande à la cour :

Vu les dispositions des articles 237, 238 et 246 du code de procédure civile, Vu les dispositions des articles 1134 et suivants anciens du code civil,

- d'infirmer le jugement rendu le 16 janvier 2020 (rg n° 17 /01351) par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en ce qu'il a :

- débouté la société FHDS Annemasse de sa demande tendant à la nullité de l'expertise,

- condamné la société FHDS Annemasse à payer à M. [A] [E] et Mme [I] [X] la somme de 11.671 euros (onze mille six cent soixante et onze euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel actualisé en fonction de l'indice bt0l au jour de l'exécution avec pour indice de référence le dernier indice connu au jour du chiffrage par l'expert soit décembre 2016

-condamné la société FHDS Annemasse à payer à M. [A] [E] et Mme [I] [X] la somme de 1.030,57 euros (mille trente euros cinquante sept centimes) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice immatériel,

- condamné la société FHDS Annemasse à payer la somme de 3.500 euros (trois mille cinq cents euros) à M. [A] [E] et Mme [I] [X] et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société FHDS Annemasse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société FHDS Annemasse au paiement des entiers dépens de l'instance en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais de l'expertise,

Le confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,

- de constater, dire et juger nul et de nul effet le rapport d'expertise en date du 3 mars 2017 de M. [B] [F], et, en conséquence, rejeter les demandes de M. [A] [E] et Mme [I] [X],

A titre subsidiaire, et si, par extraordinaire, la cour ne juge pas nul le rapport d'expertise en date du 3 mars 2017 de M. [B] [F],

- de constater, dire et juger que les demandes de M. [A] [E] et Mme [I] [X] sont autant irrecevables qu'infondées et, en conséquence, ne pas y faire droit,

A titre infiniment subsidiaire,

- de constater, dire et juger que le quantum des demandes de M. [A] [E] et Mme [I] [X] n'est pas justifié et, en conséquence, les en débouter,

En toute hypothèse,

- de condamner M. [A] [E] et Mme [I] [X] au versement à la société Sodimob de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance, avec pour ceux d'appel, application au profit de Maître Clarisse Dormeval, avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient :

- que les critiques et déductions de l'expert apparaissent infondées, voire arbitraires, et n'entrent surtout pas dans le cadre de la mission qui lui a été confiée,

- qu'aucune réponse précise n'est donnée sur les chefs de mission confiée (notamment: "donner son avis sur la nature et la qualité des prestations auxquelles étaient tenues les sociétés FHDS Annemasse et Prestige Home consulting " ou " donner son avis sur la cause de ces désordres et sur leur éventuelle imputabilité, totale ou partielle, aux prestations confiées aux sociétés FHDS Annemasse et Prestige Home Consulting "),

- que l'expert n'a pas répondu aux observations formulées notamment dans notre dire n° 1, et ne semble pas les avoir prises en compte d'une quelconque manière, et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 276 du code procédure civile: " l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent,

- qu'elle a seulement évoqué le nom de la société AACE/Prestige Home Consulting qu'elle connaissait pour lui avoir sous-traité des travaux de pose,

- que le 24 novembre 2014 elle a adressé deux nouvelles offres aux consorts [E]-[X], portant sur: la cuisine: offre avec appareils ménagers (12.754,14 €) et sans appareils ménagers (10.268,33 €) ; la salle de bains : offre à hauteur de 6.970,82 €, en précisant alors que ces offres n'incluaient pas les prix de la prestation installation, qui serait sous-traitée à la société aace/Prestige Home Consulting,

- que le 27 novembre 2014, en complément de ces offres, elle a transmis d'une part, un devis portant sur la pose de la salle de bain pour un montant de 8.525 € ttc (pièce adverse n° 4.3) ; d'autre part, un devis intitulé "offre pour préparation avant pose nouvelle cuisine " pour un montant de 4.948,90 € ttc (pièce adverse n° 3.3),

- que les consorts [E]-[X] n'ont pas accepté ce second devis,

- que dans ces circonstances, elle leur adressait: s'agissant des travaux relatifs à la cuisine, un devis récapitulatif (pièce adverse n° 3.2) d'un montant total de 14.929,39 €ttc; s'agissant des travaux relatifs à la salle de bain, un devis récapitulatif (pièce adverse n° 4.2) d'un montant total de 14.206,25 € ttc, régularisés, le même jour, par divers bons de commandes,

- qu'il n'y a pourtant jamais eu ni "contrat en bonne et due forme ', ni "devis accepté " et, moins encore, 'd'accord oral " sur d'autres prestations que celles précisément décrites dans les devis récapitulatifs et bons de commande précités,

- que les Consorts [E]-[X] se sont directement entendus avec la société Aace/phc qui, corrélativement, leur facturait directement ses prestations, certains travaux n'ayant manifestement pas fait l'objet d'une facturation (tel est notamment le cas de la peinture et des faïences),

- que la simple communication du nom de la société AACE/Prestige Home Consulting, aux consorts [E]-[X], ne saurait permettre de retenir sa responsabilité à raison des prestations que les consorts [E]-[X] ont souhaité confier directement à la société aace/phc après s'être entretenus et avoir négocié seuls avec elle,

- que si, par improbable, la cour devait néanmoins estimer qu'elle aurait "joué un bien mauvais tour à ses clients" pour les avoir mis en relation avec la société Prestige Home Consulting, cela ne pourrait, au plus, induire qu'une perte de chance pour les consorts [E]-[X] (celle, si on suit les appelants, de ne pas avoir pu contracter avec une autre entreprise (et alors même qu'ils en avaient sollicité d'autres au préalable !) qui aurait réalisé les travaux litigieux dans des conditions plus acceptables (ce qui n'est évidemment pas certain) et n'aurait pas été placée en liquidation judiciaire (ce qui n'est pas plus évident)),

- que les préjudices allégués sont infondés et excessifs.

MOTIFS

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire

Aux termes des articles 237 et 238 du code de procédure civile le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité. Il doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

L'article 246 du même code dispose que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien. Le juge du fond apprécie souverainement l'objectivité et l'impartialité d'un rapport d'expertise ainsi que la portée dudit rapport.

En l'espèce, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

En effet, l'expert a indiqué avec prudence et en respectant les limites de ses compétences qu'il ' semble que la responsabilité de la société FHDS Annemasse s'étende au-delà des stricts bons de commande. Le tribunal appréciera'. Pour le reste il est justifié des convocations adressées à la société aace Prestige Home Consulting, de la réponse aux dires et de l'absence de partialité de l'expert.

Sur les relations contractuelles entre les parties

Les consorts [E] [X] se sont adressés à la société Mobalpa pour la réfection de leur cuisine et de leur salle de bain.

Ces travaux nécessitant d'autres travaux de 'préparation' , la société FHDS a adressé les maître d'ouvrages à la société aace Prestige Home Consulting, son traitant pour la pose de la cuisine, et qu'elle leur a désigné comme étant ' son maître d'oeuvre'.

Il était très clair cependant que ce maître d'oeuvre n'était pas un salarié de la société FHDS.

Dans un message du 22 octobre 2014, signé '[H] [C] aace société coopérative', adressé à M. [E], M. [C] indique qu'il lui adresse trois devis :

- transformation de la cuisine en salle d'eau : 22 497,81 €

- transformation de la pièce à vivre en cuisine : 16860,26 €

- multiples modifications et transformation selon liste au RDC et 1er ét - création velux salle d'eau, cheminée etc.: 58 474, 32 €.

pour un total de 88 937 €.

M. [C] ajoute qu'il se tient à disposition pour répondre à toutes les question techniques et architecturales. Il conseille même aux maîtres d'ouvrage de réfléchir à la possibilité d'une rénovation radicale avec démolition de l'ensemble de l'intérieur.

Ce message est explicite en ce qu'il s'agit d'une initiative et d'une proposition émanant de la société aace Prestige Home Consulting et non d'une sous-traitance de travaux par la société FHDS, laquelle n'est pas intervenue dans l'élaboration de ces devis.

Ce message démontre l'existence d'une relation contractuelle directe entre les maîtres d'ouvrage et la société aace Prestige Home Consulting, à laquelle ils ont d'ailleurs réglé directement les prestations.

Par ailleurs, les maîtres d'ouvrage ont signé deux devis avec la société FHDS :

- l'un concernant la salle de bain, ( pièce 4.2 ) faisant état de la fourniture par ses soins de mobiliers et équipements sanitaires pour un montant de 3133,93 € et faisant état de ' travaux de renovation par Prestige Homme Consulting selon offre du 27 novembre 2014 ref phc/aace 20141101, pour un montant de 8 525 € ( de dernier devis signé par les maîtres d'ouvrage, pièce 4.3),

- l'autre concernant la cuisine ( pièces 3.2), faisant état de la fourniture de meubles et d'équipements divers ainsi que de la pose pour un montant de 14 929,39 €. L'offre pour 'préparation avant pose de la nouvelle cuisine' d'un montant de 4948,90 € n'a pas été intégrée au devis car manifestement non accepté ( pièce 3.3 : absence de signature des maitres d'ouvrage sur ce devis),

Il résulte de ces éléments que les maîtres d'ouvrage ne peuvent soutenir valablement qu'ils pensaient n'avoir qu'un seul contractant alors qu'ils ont, dans le cadre des deux devis de la société FHDS, pu constater que l'intervention de la société Prestge Home Consulting était limitée aux seuls travaux de rénovation de 8 525 € visés à la pièce 4.3 qu'ils produisent.

Ils ont manifestement, en dehors de la société FHDS, passé un marché directement avec la société aace/Prestige Home Consulting pour le surplus des travaux objets des trois devis adressés 22 octobre 2014.

Les demandes des maîtres d'ouvrage fondée sur l'existence d'un contrat ou l'apparence d'un contrat conclu exclusivement avec la société FHDS et portant sur l'intégralité des travaux réalisés à leur domicile par la société aace/Prestige Home Consulting est mal fondée.

Il sera donc retenu que la société FHDS est responsable contractuellement seulement au titre des travaux objets des bons de commandes signés concernant la salle de bain et la cuisine y compris pour les travaux réalisés par sa sous-traitante dans le cadre des travaux référencés 'ref phc/aace 20141101" pour un montant de 8 525 €.

Sur la faute délictuelle reprochée à la société FHDS

L'expert des consorts [E] [X], M. [D] [Y], indiquait le 16 avril 2015 au terme d'un rapport très détaillé et documenté par de nombreuses photographies:

' Il est rare de constater autant de graves malfaçons sur un même chantier, sur presque tous les lors et difficile de croire que ce sont des artisans enregistrés à la chambre des métiers qui ont réalisé ce saccage, à l'exception de la faïence murale qui présente peu de malfaçon. Le chantier n'a fait l'objet d'aucune coordination, le plombier passant avant le peinture, le cuisiniste idem et ce dernier passant avant la pose du revêtement de sol, etc.(...) Le chantier n'a fait l'objet d'aucune coordination, le plombier passant avant le peintre, le cuisiniste idem et ce dernier passant avant la pose du revêtement de sol etc.

D'autre part l'expert judiciaire indique notamment quant à lui :

" il est évident que M.[E] et Mme [X] n'ont pas eu conscience de se retrouver seuls face à la société Prestige Home Consulting, la société FHDS Annemasse n'assurant plus son assistance y compris sur les travaux qu'elle a sous-traité à la société Prestige Home Consulting pour la salle de bains. Elle aurait au moins pu conseiller à M. [E] et Mme [X] de s'adjoindre un maître d''uvre digne de ce nom pour les travaux qu'elle estime ne pas être de sa responsabilité. Au lieu de cela, elle les a orientés vers l'entreprise Prestige Home Consulting qui n 'avait aucune compétence :

Ni de maître d ''uvre.

Ni de coordination des travaux.

Ni de savoir-faire d'entreprise.

Elle a donc joué un bien mauvais tour à ses clients et était loin de tenir l'engagement premier de maîtrise de l'opération y compris coordination qui accompagnait les devis et bons de commande du 27/11/14 (annexe 4). (...) celle-ci ( la société Prestige Home Consulting) a profité du désordre ambiant pour travailler sans devis, sans marché et a produit des factures au fil de l'eau suivant les caprices du chantier qu 'elle était finalement la seule à gérer. En ce qui concerne la pièce 12-4 que vous évoquée, elle ne fait que confirmer que c'est la société FHDS Annemasse qui a amené la société aace/phc. La société FHDS Annemasse a fait la maîtrise d''uvre des aménagements de cuisine et de salle de bains. Dans le désordre décrit ci-dessus, elle a laissé croire à M. et Mme [E]-[X] qu'elle s'occupait de l'ensemble de leurs préoccupations. En tout cas, elle ne les a pas alertés sur le fait que leur mission s'arrêtait à ces deux espaces et qu'il fallait qu'ils s'organisent pour le reste des travaux au lieu de les laisser sans aucun repère avec cette entreprise étrangère de très mauvaise qualité qu'elle avait introduit dans l'opération. (...) c'est la société aace/phc qui a réalisé ces travaux d'une façon très médiocre sans même les finir (...) " Mais la faute réside encore, de la part de FHDS, dans le fait d'avoir fait le choix d'une société non seulement incompétente et dont l'objet social est étranger aux travaux du bâtiment, mais qui, de plus, n'est évidemment pas assurée, alors que l'assurance est en l'espèce obligatoire.'

Force est de constater que la description des désordres et les photographies jointes au rapport de M. [Y], sont édifiantes concernant l'incompétence de cette société aace-Prestige Home Consulting :

- les planchers : ' tout est à refaire'

- le carrelage de la cuisine : ' absence sous le meubles de cuisine adossés, deux désafleurement $gt; à 2 mm, défaut sur les plinthes, absence de carrelage au sol du local technique,

- cloisons et menuiseries intérieures : ' piètre qualité', décalages importants, absence de planéité, travail ' très mal réalisé'

- peinture : ' mauvaise prestation', l'ensemble est à refaire,

- plomberie, chauffage sanitaire, VMC : ' tout est à refaire en raison d'une qualité de mise en oeuvre désastreuse'

- électricité : mauvaise position de l'interrupteur VMC, boites d'interrupteur et de prises non fixées et incomplètes, absence de mise en place du spot encastré au dessus de la douche. ( risque d'électrocution)

- faïences : ' nombreux défauts de finition'

Or, la société FHDS Annemasse avait indiqué dans son courrier du 27 novembre 2014, accompagnant son offre détaillée :

' Nous avons apporté le plus grand soin à la conception de ce nouvel espace à vivre afin qu'il devienne pour vous et votre famille un lieu privilégié de bien être. Notre équipe technique est en mesure de réaliser les prestations de pose et travaux nécessaires à l'agencement de votre projet, avec l'assurance d'un bonne coordination et sous couvert de notre garantie décennale.'

La société aace/Prestige Home Consulting avait été présentée par la société FHDS comme étant : ' son maître d'oeuvre' ou bien, comme étant connue d'elle pour : 'lui avoir sous-traité des travaux de pose', alors que la société aace/phc n'avait aucune compétence dans ce domaine. En effet, il était aisé pour la société FHDS de se procurer un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour vérifier que cette société avait pour objet social : ' consulting en immobilier et tout contrat de courtage, transaction immobilière et fonds de commerce' et qu'elle était donc sans compétence dans le domaine de l'exécution de travaux du bâtiment.

La société FHDS a commis une faute en n'attirant pas l'attention des maîtres d'ouvrages sur l'incompétence notoire de la société aace/Prestige Home Consulting dans le domaine du bâtiment, et dont il convenait de vérifier avant toute chose si elle était assurée.

Cette faute a fait perdre une chance aux maîtres d'ouvrage de recourir à un maître d'oeuvre compétent qui aurait été en mesure de déceler les insuffisances de la société aace/prestige home consulting. Cette perte de chance doit être évaluée à 50 % au vu de l'ensemble des circonstances et notamment du budget suffisant dont disposaient les maîtres d'ouvrage pour financer leurs travaux et le coût d'un maître d'oeuvre.

L'expert judiciaire chiffre à 80.000 € TTC le montant total des travaux nécessaires pour la reprise des malfaçons affectant la maison des consorts [E] [X] en ce compris les frais de maîtrise d''uvre. Il estime que sur ces 80.000 euros, seuls 5.181 euros peuvent être directement imputés à la société défenderesse. Ce montant sera retenu au vu des conclusions de l'expert.

Pour le surplus des préjudices retenus par l'expert, ils s'agit de défauts d'exécution commis par la société aace/Prestige Home Consulting pour un montant de 74.800 euros, dans le cadre de ses relations contractuelles directes avec les maîtres d'ouvrage.

En ce qui concerne le préjudice immatériel, il convient de confirmer le jugement par adoption de motifs, en ce qu'il a justement retenu le montant total de 15 904 € correspondant au préjudice de jouissance (frais de logement pendant le retard de travaux, frais de déménagement et de relogement pendant les travaux de reprise à venir).

Au titre de ces deux préjudices, la société FHDS Annemasse est débitrice à hauteur de 50 % de leurs montants correspondant au préjudice de perte de chance de 50 % subie par les maîtres d'ouvrage.

En conséquence, la société Sodimob sera condamnée à payer la somme de 5181 € + 37 400 € + 7 952 € = 50 533 €.

Il n'y a pas lieu a indexation s'agissant d'un préjudice essentiellement lié à une perte de chance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

La société FHDS Annemasse, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux entiers dépens en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais de l'expertise.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant de nouveau sur le tout,

Déclare la société FHDS Annemasse responsable des préjudices de M. [A] [E] et de Mme [I] [X],

Condamne la société Sodimob venant aux droits de FHDS à payer à M. [E] et Mme [X] la somme de 50 533 €, à titre de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu a indexation,

Condamne la société Sodimob venant aux droits de FHDS à payer à M. [E] et Mme [X] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

Condamne la société Sodimob aux dépens de première instance en ce compris les dépens de l'instance en référé les frais d'expertise judiciaire et d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00168
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.00168 ?
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