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28/06/2022 | FRANCE | N°20/00854

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 28 juin 2022, 20/00854


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 28 Juin 2022





N° RG 20/00854 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPUY



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LE BAINS en date du 24 Juin 2020, RG 2018J2008





Appelante



S.A.S. PREFA CONSEIL, dont le siège social est situé 113 Route de Villeneuve - 38200 VIENNE



Représentée par Me Guillaume PUIG, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Nicolas BO

URGEY, avocat plaidant au barreau de VIENNE









Intimée



S.A.S. PREFA DU LEMAN dont le siège social est situé Allée des Charbonniers - Z.A. des Charbonniers - 74...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 28 Juin 2022

N° RG 20/00854 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPUY

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LE BAINS en date du 24 Juin 2020, RG 2018J2008

Appelante

S.A.S. PREFA CONSEIL, dont le siège social est situé 113 Route de Villeneuve - 38200 VIENNE

Représentée par Me Guillaume PUIG, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Nicolas BOURGEY, avocat plaidant au barreau de VIENNE

Intimée

S.A.S. PREFA DU LEMAN dont le siège social est situé Allée des Charbonniers - Z.A. des Charbonniers - 74160 FEIGERES

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Nadine MOINE-PICARD, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 10 mai 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

Par acte sous seing privé en date du 28 août 2014, la société Prefa Leman sise à Feigères (74), le mandant, a régularisé un contrat d'agent commercial à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014 avec la société Prefa conseil sise à Luzinay (38), le mandataire.

Aux termes de ce contrat, la société Prefa Leman qui exerce une activité de fabrication, négoce d'éléments préfabriquées en béton et d'armatures pour le béton, a confié à la société Prefa conseil, le mandant d'assurer la représentation de ses produits en vue de la négociation et la conclusion de contrats de vente au nom et pour le compte du mandant.

La rémunération de l'agent commercial avait été fixée comme suit :

- Un fixe de 8 000 euros HT mensuel, payable à la fin de chaque mois,

- Une commission annuelle fixe de 22 500 euros HT si le chiffre d'affaires annuel HT hors coût du transport, réalisé grâce à l'action de l'agent commercial est supérieur à 1 500 000 euros HT, payable dans le mois de l'encaissement de ce chiffre d'affaires, la période de référence allant du 1er septembre d'une année au 31 août de l'année suivante,

- Une commission annuelle variable de 3% sur le chiffre d'affaires dépassant 1 500 000 euros HT, sur cette même période et payable dans le mois qui suit l'encaissement de ce chiffre d'affaires supplémentaire, déduction faite du cumul de la commission variable précédemment payée depuis le début de la période de référence.

Le contrat a prévu une clause de non concurrence et, conclu pour une durée indéterminée, une résiliation à tout moment moyennant le respect d'un délai de préavis dont la durée varie en fonction de l'ancienneté des relations contractuelles.

Il était par ailleurs prévu que la résiliation anticipée à l'initiative du mandant, justifiée par une faute grave de l'agent commercial, priverait ce dernier de tout droit à indemnisation.

Aux termes d'un avenant du 28 mai 2015, et à compter du 1er septembre 2015, la rémunération de l'agent commercial a été modifiée comme suit, :

Une rémunération variable sur le chiffre d'affaires hors le coût du transport de 6% jusqu'à 2 500 000 euros HT et de 3% au-delà.

Cet avenant a également prévu une résiliation anticipée du contrat si le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année écoulée n'était pas au moins égal à 2 000 000 euros HT facturés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 décembre 2017, la société Prefa Leman a informé son agent commercial qu'elle mettait fin au contrat d'agent commercial qui les liait, et ce à l'issue d'un préavis de trois mois compter de la réception de cette notification, précisant que la résiliation était justifiée par l'existence d'une faute grave à raison notamment de l'absence de mise en 'uvre des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs, rappelant que ces derniers n'avaient jamais été atteints depuis la conclusion du contrat, et sans indemnité de rupture.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 novembre 2017, la société Prefa conseil par l'intermédiaire de son conseil a contesté la régularité de cette résiliation.

Par acte en date du 11 juin 2018, la société Prefa conseil a fait assigner la société Prefa du Leman devant le tribunal de commerce de Thonon les Bains aux fins de voir constater l'irrégularité substantielle de la procédure de rupture, les manquements graves du mandant dans l'exécution du contrat, et leur incidence directe sur le non-respect des objectifs contractuels, et aux fins de voir condamner la société Prefa du Leman à lui payer la somme de 256 258 euros au titre de son droit à indemnité de rupture, soit trois années de commissions outre 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture et enfin la remise sous astreinte des éléments comptables permettant le calcul des commissions sur la période de septembre 2014 à juin 2018, sollicitant des rappels de commissions.

Par jugement du 24 juin 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Thonon les Bains a :

Pris acte de l'application volontaire par la société Prefa du Leman des dispositions de l'article L 134-11 du code de commerce, en excluant de facto toute notion de faute grave,

Dit et juger que la rupture du contrat d'agent commercial ne repose sur aucune faute grave du mandataire,

Pris acte de la régularité de la procédure de rupture,

Condamné la société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil la somme de 85 420 euros à titre d'indemnité de rupture,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes y compris celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Prefa du Leman aux dépens.

La société Prefa du Leman a interjeté appel de ce jugement le 30 juillet 2020 et la société Prefa conseil le 27 août 2020.

Par ordonnance en date du 18 décembre 2021, la première présidente de la cour d'appel de Chambéry, saisie à la requête de la société Prefa du Leman, aux fins d'aménagement de l'exécution provisoire a rejeté la demande de cette dernière.

Aux termes de ses conclusions en date du 30 août 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Prefa conseil demande à la cour de :

Vu les articles 1104 et 1240 du code civil,

Vu les articles L. 134-1 à L. 134-17 du code du commerce,

Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code du commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence produite,

' Confirmer le jugement en première instance en que qu'il a dit et jugé que :

- la société Prefa Leman a appliqué volontairement les dispositions de l'article L. 134-11 du code du commerce, en excluant de facto toute notion de faute grave,

- la rupture du contrat d'agent commercial conclu entre les parties ne repose sur aucune faute grave du mandataire,

' Réformer partiellement le jugement en première instance en ce qu'il a limité la condamnation de la société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil la somme de 85.420 euros au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial au lieu des 256.258 euros au titre de son droit à indemnité de rupture (trois années de commissions) à titre principal, 170.838,66 euros à titre subsidiaire (deux années de commissions),

Statuant à nouveau sur ce chef,

A titre principal,

' Condamner la société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil la somme de 256.258 euros au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial autitre de son droit à indemnité de rupture (trois années de commissions) à titreprincipal,

A titre subsidiaire,

' Condamner la société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil 170.838,66 euros à titre subsidiaire (deux années de commissions),

En tout état de cause,

' Infirmer jugement en première instance en que qu'il a débouté la société Prefa conseil de l'ensemble de ses autres demandes,

' Condamner société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil 15.000 euros au titre des dommages et intérêts pour brusque rupture,

' Acter la résistance de la société Prefa Leman dans la communication des éléments comptables, des factures et des encaissements strictement nécessaires aux calculs des commissions à devoir à son mandataire pour la période de septembre 2014 à juin 2018,

' Dire et juger la société Prefa Leman a modifié unilatéralement la liste des produits objets du mandat conclu,

En conséquence,

' Ordonner remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard par la société Prefa Leman des éléments suivants de septembre 2014 à juin 2018 :

- la comptabilité de la société Prefa Leman,

- l'ensemble des factures des ventes réalisées sur le secteur de la société Prefa conseil,

- les factures de douane associées,

- l'ensemble des bordereaux de livraison,

' Condamner société Prefa Leman à payer à la société Prefa conseil les rappels de commissions suivants par application des article L. 134-6 et L134-7 du code de commerce, soit :

- 17.992,13 euros hors taxes de rappel de commissions sur la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2017,

- 4.656,13 euros hors taxes au titre de solde des commissions dues et non contestées jusqu'au 30 novembre 2017,

- 31.161,69 euros TTC au titre des commissions dues du 1er décembre 2017 au 13 avril 2018,

' Condamner société Prefa Leman au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre l'intégralité des frais d'huissier liés à l'exécution forcée de la décision, les intérêts selon capitalisation et les dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 27 novembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Prefa conseil demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L134-1 à L134-17 du code de commerce,

Vu le jugement rendu le 24 juin 2020 par le tribunal de commerce de Thonon les Bains,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions contractuelles et ses avenants,

Vu les fautes commises par Prefa conseil afférentes à l'insuffisance chronique d'activité et le fait d'avoir accepté des mandats de représentation pour des produits d'une entreprise concurrente sans accord exprès préalable et écrit de la concluante,

' Recevoir l'appel de la concluante et le dire recevable et bien fondé,

En conséquence,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a d'une part, retenu l'absence de faute grave pour la rupture du contrat d'agent commercial et d'autre part, condamné la concluante au versement de la somme de 85 420 euros,

Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

' Dire et juger que la concluante rapporte la preuve de la faute grave dans l'exécution de ses obligations contractuelles par la société Prefa conseil,

' Dire et juger en conséquence que les conditions contractuelles ont été démontrées,

En conséquence,

' Dire et juger qu'aucune indemnité n'est due à Prefa conseil,

' Dire et juger que Prefa conseil ne rapporte pas la preuve du préjudice par elle subi.

' Débouter la société Prefa conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Pour le surplus,

' Dire la société Prefa conseil mal fondée en son appel,

' Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

En tout état de cause,

' Condamner Prefa conseil au versement de la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' La condamner aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Avocats Associés, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu pour une bonne administration de la justice de joindre les deux affaires sous le numéro 20/854.

Sur la rupture pour faute grave

L'article L 134-11 du code de commerce dispose :

« Un contrat à durée déterminée qui continue à être exécuté par les deux parties après son terme, est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée.

Lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. Les dispositions du présent article sont applicables au contrat à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, le calcul de la durée du préavis tient compte de la période à durée déterminée qui précède.

La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil (...).

(') Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeur. »

Le contrat conclu entre les parties stipule à l'article 11 ' Durée du contrat :

« Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014 et pourra être résilié à tout moment par chaque partie, par lettre recommandée avec avis de réception, moyennant le respect d'un préavis d'un mois pour la première année d'exécution du contrat, de deux mois pour la deuxième commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes.

Ce délai de préavis ne s'appliquera pas en cas de faute grave de l'une des parties ou de survenance d'un cas de force majeure.

Le délai de préavis courra à compter de la réception par le destinataire de la lettre recommandée avec avis de réception. »

Il existe par ailleurs un article 12 intitulé « Résiliation anticipée », dont les parties font grand cas dans leurs conclusions, qui prévoit une possibilité de résiliation du contrat par anticipation dans les hypothèses suivantes :

En cas de manquement par l'une des parties au respect de ses obligations contractuelles,

- Si au cours des six premiers mois à compter de la conclusion du contrat, le chiffre d'affaires réalisé par l'agent commercial est inférieur à 600 000 euros HT,

- Dans tous les autres cas, la résiliation anticipée interviendra de plein droit et automatiquement, un mois après une mise en demeure signifiée à la partie défaillante par lettre recommandée avec AR restée infructueuse,

Or, force est de constater que cette clause, dont la rédaction est inappropriée, vise nécessairement le cas d'un contrat à durée déterminée et ne peut s'appliquer au contrat signé entre les parties.

En effet, ce dernier étant à durée indéterminée, donc sans terme défini, il est nécessairement résiliable à tout moment, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 11, et seul un contrat à durée déterminée avec un terme défini peut faire l'objet d'une résiliation anticipée par rapport à ce dernier.

Il y a donc lieu de se référer à l'article 11 précité du contrat ainsi qu'à l'article 13 « Conséquences de la cessation du contrat » qui prévoit que l'agent commercial percevra une indemnité de fin de contrat calculée selon les usages de la profession, ce quelle que soit la cause de la cessation des relations contractuelles, hormis le cas où cette cessation résulterait notamment d'une faute grave de l'agent commercial.

Il en résulte que les arguments de la société Prefa conseil tirés d'un non respect du contrat faute de mise en demeure préalable, sont inopérants, le contrat prévoyant expressément qu'il pouvait être résilié à tout moment.

La lettre adressée le 11 octobre 2017 par la société Prefa du Leman à la société Prefa conseil est ainsi rédigée :

« En date du 28 août 2014, la société Prefa du Leman a régularisé un contrat d'agent commercial avec la société Prefa conseil dont vous êtes le président, pour une durée indéterminée à compter du 1er septembre 2014.

Aux termes de ce contrat la société Prefa conseil s'est engagée à réaliser un chiffre d'affaires minimum de 2 millions d'euros HT pour la première année, chiffre d'affaires qu'elle n'a pas réalisé.

Alors que la résiliation anticipée du contrat était encourue de ce fait, nous avons néanmoins décidé de poursuivre notre relation contractuelle.

C'est dans ces conditions que nous avons régularisé le 28 mai 2015, un premier avenant afin de modifier votre rémunération et de maintenir à 2 millions d'euros HT le chiffre d'affaires minimum à réaliser pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016.

Au cours de cette période vous avez réalisé un chiffre d'affaires de 1 349 791,74 euros HT soit une somme inférieure à l'objectif fixé.

Une nouvelle fois, nous avons décidé, malgré la non atteinte des objectifs fixés et bien que la résiliation anticipée du contrat soit encourue, de poursuivre notre relation contractuelle et nous avons régularisé un deuxième avenant non daté.

Aux termes de cet avenant, nous sommes convenus de maintenir le chiffre d'affaires à réaliser pour la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2017 à deux millions d'euros HT, chiffre d'affaires dont vous avez reconnu le caractère réaliste et réalisable.

Pour la période du 1er septembre 2016 au 31 août 2017, vous avez réalisé un chiffre d'affaires de 1 252 454, 17 euros HT, somme une nouvelle fois inférieure à l'objectif fixé.

C'est pourquoi, comme nous vous l'avons déjà indiqué verbalement, nous vous informons par la présente de notre décision de mettre fin au contrat qui nous lie à l'issue d'un préavis de trois mois commençant à courir à compter de la réception de la présente nonobstant l'existence d'une faute grave qui aurait pu nous permettre de nous dispenser de tout préavis.

En effet la présente résiliation est justifiée par l'existence d'une faute grave de la société Prefa conseil, à raison notamment de l'absence de mise en 'uvre par cette dernière des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs et ce à plusieurs reprises, alors que lesdits objectifs avaient pourtant été reconnus par elle comme étant réalistes et réalisables.

En conséquence, la société Prefa conseil ne saurait revendiquer une quelconque indemnité de rupture. »

Selon l'article L 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et l'article L 134-13 du même code énonce que cette réparation n'est pas due lorsque la cessation est provoquée par la faute grave de l'agent commercial. Ces dispositions sont d'ordre public.

Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la faute grave est constituée par un manquement important au devoir d'un bon professionnel, portant atteinte à la finalité du contrat d'agence et rendant impossible le maintien du lien contractuel, la preuve devant en être apportée par le mandant, et un manque d'efficacité commerciale ou de rigueur administrative tel qu'il est allégué par la société Prefa du Léman, ne sauraient caractériser cette faute.

Il résulte, par ailleurs des conclusions des parties, des pièces produites dont de nombreux échanges de courriels et des éléments comptables que:

La société Prefa leman antérieurement à la conclusion du contrat avec la société Prefa conseil, ne disposait pas d'agent commercial. Elle souhaitait développer son activité sur la Suisse, secteur géographique qui a été confié à la société Prefa conseil sachant qu'il existait une frilosité de la clientèle suisse à l'égard des entreprises françaises.

La réalisation d'un chiffre d'affaires HT de 1 349 791,74 euros du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 puis de 1 252 454,17 euros du 1er septembre 2016 au 31 août 2017 démontre objectivement une réelle prospection de l'agent et exclut tout refus de collaborer de sa part.

A aucun moment il n'a été adressé de reproche ou de mise en garde à la société Prefa conseil relativement à la réalisation de ses objectifs commerciaux et nonobstant cette non réalisation des avenants ont été conclus entre les parties.

Ainsi que le reconnaît la société Prefa leman dans ses conclusions (p7) la société Prefa conseil était autorisée à développer d'autres produits auprès d'autres fournisseurs, ce qu'elle a fait auprès dee entreprises Betontec et Chapsol au vu et au su de la société Prefa leman ainsi qu'il résulte des procès-verbaux de chantiers communiqués, aux termes desquels M. [B] dirigeant de Prefa conseil apparaît à la fois comme représentant de Prefa leman et de Betontec.

Par ailleurs, il résulte du courrier du dirigeant de la société Murstyle que c'est en accord avec la société Prefa Leman que Prefa conseil a proposé un produit de cette marque (mur en L) qui venait ainsi compléter la gamme et permettait de garder une clientèle auprès des deux entreprises.

A cet égard la société Prefa leman ne peut sérieusement arguer du fait que cette activité lui aurait nui alors que la production du grand livre compte client de Prefa conseil montre que le chiffre généré par cette activité parallèle a représenté entre 4,3% et 17% de son chiffre d'affaires total selon les années.

Les produits faisant l'objet du contrat d'agent commercial étaient les suivants :

pré murs, pré murs 1, pré murs une face, pré dalles, faces berlinoises.

Il résulte des éléments de comptabilité que les prédalles à l'export (Suisse) ont représenté un chiffre de :

- 26 363 euros en 2014

- 33 027 euros en 2015

- 115 270 euros en 2016

- 0 euros en 2017,

et que ce produit a été retiré par Prefa leman des articles que proposait Prefa conseil (pièce 6 et 6.2 Prefa conseil, échanges de courriels)

Enfin ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'application volontaire par la société Prefa leman des dispositions de l'article L 134-11 du code de commerce, excluant de facto toute notion de faute grave, conduit nécessairement à retenir que la rupture du contrat d'agent commercial conclu entre les parties ne repose sur aucune faute grave du mandataire et que la procédure est régulière.

Sur l'indemnité compensatrice

L'article L 134-12 alinéa 1 du code de commerce dispose que « En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. »

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges :

- Le code de commerce ne fournit pas d'indication sur la façon dont l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial doit être calculée et il est d'usage de fixer cette dernière à deux années de commissions.

- Cette indemnité a pour finalité de compenser la perte de clientèle subie par l'agent du fait de la rupture et en l'espèce il est établi que le contrat d'agent a été rompu au bout de seulement trois années de relations commerciales.

Au regard de cette durée, il y a lieu de fixer cette indemnité à la somme réduite de 85 420 euros correspondant à une année de commissions.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu que d'une part les parties avaient échangé à plusieurs reprises sur l'absence de réalisation des objectifs et que d'autre part la rupture brutale suppose l'absence de préavis ou un préavis insuffisant ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le jugement qui a rejeté la demande indemnitaire de la société Prefa conseil sera confirmé.

Sur les rappels de commission

L'article L 134-6 du code de commerce dispose que :

« Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe. »

Par ailleurs, l'article L 134-7 du même code, énonce :

« Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence. »

En l'absence d'élément nouveau, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément que les premiers juges, ont débouté la société Prefa conseil de sa demande tendant à obtenir la comptabilité de la société Prefa leman, l'ensemble des factures des ventes réalisées et des factures de douane associées ainsi que des bordereaux de livraison ainsi que de sa demande tendant à obtenir des rappels de commissions qu'elle prétend lui être dus.

Il sera ajouté d'une part que la société Prefa conseil est en possession de tous les doubles de factures et qu'elle validait ces dernières avant leur envoi au client, d'autre part que le paiement des commissions n'a donné lieu à aucune difficulté ni aucun contentieux durant la durée d'exécution du contrat.

Le jugement qui a rejeté les demandes de la société Prefa conseil sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'artilce 700 au profit de l'une quelconque des parties.

Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des procédures n° 20/854 et 20/970 sous le numéro 20/854,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à la charge de chacune des parties le montant des dépens exposés par elles devant la cour.

Ainsi prononcé publiquement le 28 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00854
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.00854 ?
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