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16/06/2022 | FRANCE | N°20/01139

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 16 juin 2022, 20/01139


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Jeudi 16 Juin 2022





N° RG 20/01139 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQ3U



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 10 Juillet 2020, RG 18/01323



Appelants



M. [M] [E] [S] [K]

né le 18 Octobre 1987 à ANNECY (74000), demeurant 1 chemin du Letsay - 74940 ANNECY-LE-VIEUX



Mme [B] [J]

née le 09 Août 1988 à ANNECY (74000), demeurant 1 chemin du Letsay

- 74940 ANNECY-LE-VIEUX



Représentés par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY





Intimée



Mme [N] [Z] [D] veuve [G]

née le 25 Septembre 1936 à ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 16 Juin 2022

N° RG 20/01139 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GQ3U

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ANNECY en date du 10 Juillet 2020, RG 18/01323

Appelants

M. [M] [E] [S] [K]

né le 18 Octobre 1987 à ANNECY (74000), demeurant 1 chemin du Letsay - 74940 ANNECY-LE-VIEUX

Mme [B] [J]

née le 09 Août 1988 à ANNECY (74000), demeurant 1 chemin du Letsay - 74940 ANNECY-LE-VIEUX

Représentés par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

Mme [N] [Z] [D] veuve [G]

née le 25 Septembre 1936 à ST JEAN DE MAURIENNE (73300), demeurant 14 rue du Levant - 74960 CRAN GEVRIER

Représentée par Me Myriam QUERE de l'AARPI QUERE & LEVET AVOCATS, avocat au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 15 mars 2022 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon acte authentique du 6 janvier 2017, Mme [N] [D] épouse [G] s'est engagée à vendre à M. [M] [K] et Mme [B] [J], qui se sont engagés à l'acheter, une maison d'habitation implantée sur un terrain de 2227 m², sur la commune d'Annecy le Vieux. Il était stipulé dans cet acte que :

- le vendeur s'interdisait formellement d'apporter au bien des modifications matérielles ou juridiques,

- le vendeur déclarait n'avoir ni créé, ni laissé créer de servitude et qu'à sa connaissance, il n'en existait pas d'autres que celles rapportées en une note annexée à l'acte ou résultant de la situation naturelle des lieux, de la loi ou de l'urbanisme.

La vente a été réitérée par un acte authentique du 29 mai 2017, pour le prix de 890 000 euros.

M. [K] et Mme [J] font grief à Mme [G] d'avoir consenti au syndicat mixte du lac d'Annecy (Syla), par acte administratif du 28 février 2017, une servitude dont ils ont eu connaissance en mars 2018 lorsqu'ils ont découvert que des travaux de canalisation étaient programmés par le Syla.

Par acte du 22 août 2018, M. [K] et Mme [J] ont fait assigner Mme [G] devant le tribunal de grande instance d'Annecy aux fins essentiellement d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 80 000 euros, somme évaluée en se référant à la surface de l'assiette de la servitude.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire d'Annecy a :

- débouté M. [K] et Mme [J] de leurs demandes,

- condamné M. [K] et Mme [J] :

- aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'AARPI Quéré et Levet,

- à payer à Mme [G] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 6 octobre 2020, M. [K] et Mme [J] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, M. [K] et Mme [J] demandent à la cour de :

' infirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens et à payer à Mme [G] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' statuant à nouveau,

- dire et juger que Mme [G] n'a pas respecté les obligations lui incombant en sa qualité de venderesse,

- la condamner à leur payer la somme de 80 000 euros à titre d'indemnisation

- la condamner aux entiers dépens et à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner M. [K] et Mme [J] :

. aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de l'AARPI Quéré et Levet en application de l'article 699 du code de procédure civile

. à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La clôture est intervenue le 28 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort des pièces produites aux débats notamment du compromis du 6 janvier 2017, de l'acte de vente du 29 mai 2017, des annexes au contrat, et des plans, parmi lesquels la pièce 7 des appelants que :

- la propriété litigieuse actuellement cadastrée CD 82, était précédemment cadastrée A 735, 738 et 741 ;

- c'est sous cette ancienne numérotation qu'elle a été acquise par Mme [G] et son époux en 1971, alors qu'elle n'était qu'un terrain nu sur lequel ils ont fait construire la maison vendue,

- cette propriété a une forme particulière destinée à lui donner un accès à la voie publique, si bien qu'en sa portion correspondant pour une majeure partie à l'ancienne parcelle A 741, comprise entre cette voie et la surface principale sur laquelle est implantée la maison, elle est constituée d'une bande de terrain à usage de chemin, sous laquelle passent les canalisations d'eaux usées desservant notamment la maison,

- ont été annexés tant au compromis qu'à l'acte de vente :

' deux pages de l'acte d'achat de la propriété par Mme [G] et son époux ; il y est indiqué l'existence de servitudes antérieures et sous le titre 'Collecteur d'eaux usées', il est rappelé que par lettre du 4 août 1971, le syndicat intercommunal des communes riveraines du lac d'Annecy a demandé aux vendeurs l'autorisation de faire passer un collecteur d'égouts notamment sous la parcelle 741, les époux [G] étant subrogés dans les droits des vendeurs pour consentir cette autorisation aux conditions et réserves qu'ils jugeront nécessaires,

' le plan du réseau des eaux usées.

La maison construite par les époux [G] puis vendue aux appelants a été et est toujours raccordée au réseau d'eaux usées, géré désormais par le Syla.

Il résulte de ce qui précède que M. [K] et Mme [J] ne pouvaient ignorer ni cet état de fait, ni consécutivement le fait que la propriété qu'ils acquéraient était nécessairement grevée d'une servitude en tréfonds relative aux canalisations d'eaux usées passant sous sa partie à usage de chemin d'accès à la voie publique.

Si l'acte du 28 février 2017, que Mme [G] a signé au profit du Syla, a été qualifié de constitutif d'une servitude, force est de constater à la lecture de son contenu qu'il prend acte de la situation des lieux et en tire les conséquences juridiques. Il est donc davantage confirmatif d'une servitude qui existait déjà et ne modifie pas la situation des lieux, étant observé d'ailleurs que M. [K] et Mme [J] qui indiquent avoir supporté la réalisation de travaux à compter de mars 2018, ne prétendent pas que ces travaux ont eu pour effet une aggravation de la servitude antérieure.

Les appelants présentent leur demande indemnitaire sur le fondement, d'une part, de l'article 1638 du code civil selon lequel Si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.

Au regard de ce qui vient d'être dit, les conditions d'application de ce texte ne sont nullement réunies : M. [K] et Mme [J] ne peuvent pas être considérés comme non informés de l'existence de la servitude de tréfonds relative aux canalisations d'eaux usées desservant notamment leur propre maison ; par ailleurs, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, même en admettant qu'ils ignoraient cette servitude, dès lors qu'elle n'est que la conséquence normale de la nature et de la situation de l'immeuble et qu'elle est située sous le chemin d'accès à leur maison, sa connaissance ne les aurait pas conduits à renoncer à leur achat.

Les appelants invoquent, d'autre part, un manquement de Mme [G] à ses obligations de venderesse, notamment à son obligation de délivrance, faute contractuelle à l'origine d'un préjudice constitué à la fois par une perte de chance d'acquérir la propriété à un moindre prix et un trouble de jouissance.

Sur ce point également, au regard de ce qui a été dit ci-dessus, aucune faute ne peut être imputée à Mme [G] ; elle n'a notamment apporté aucune modification matérielle au bien, postérieurement au compromis du 6 janvier 2017, et la modification juridique créée par l'acte du 28 février 2017 n'est qu'apparente dès lors qu'elle ne fait que mettre le droit en adéquation avec les faits et tend à conforter la situation des deux parties à cet acte, et donc des appelants se trouvant aux droits de Mme [G].

En toute hypothèse, M. [K] et Mme [J] ne peuvent obtenir une indemnité que s'ils établissent l'existence des préjudices qu'ils allèguent. Or, la servitude litigieuse étant la contrepartie du raccordement de leur maison au réseau collectif d'eaux usées, ils ne peuvent pas sérieusement prétendre que son existence est de nature à réduire sa valeur, si bien que la perte de chance de l'acquérir à un moindre prix n'est pas démontrée. D'autre part, compte tenu de l'assiette et de la nature de cette servitude, ils ne justifient d'aucun trouble dans la jouissance du chemin d'accès à leur maison.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel doivent être supportés par M. [K] et Mme [J] avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de Mme [G].

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ne sont réunies qu'en faveur de Mme [G], à laquelle les appelants sont condamnés à verser la somme de 2 000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer devant la cour.

PAR CES MOTIFS, après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme les dispositions critiquées du jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [K] et Mme [B] [J] :

- aux dépens d'appel, l'AARPI [A] et [L] étant autorisée à recouvrer directement à leur encontre ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,

- à payer à Mme [N] [G] née [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 16 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01139
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.01139 ?
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