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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00314

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20/00314


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY









Chambre Civile - 1ère section



Arrêt du Mardi 14 Juin 2022





N° RG 20/00314 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GNQF



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALBERTVILLE en date du 05 Juillet 2019, RG 15/01116





Appelant



M. [L] [K]

né le 19 Février 1972 à ANNECY (74000), demeurant 81 Rue du Collège - 73300 ST JEAN DE MAURIENNE



Représenté par l'AARPI ASSIER & SALAUN, avocats au barreau d'ALBERTVILLE<

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Intimé



M. [L] [X]

né le 02 Juillet 1981 à CHAMBERY (73000), demeurant 81 rue du Collège - 73300 SAINT JEAN DE MAURIENNE



Représenté par la SELARL ALCYON, avocats au ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre Civile - 1ère section

Arrêt du Mardi 14 Juin 2022

N° RG 20/00314 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GNQF

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ALBERTVILLE en date du 05 Juillet 2019, RG 15/01116

Appelant

M. [L] [K]

né le 19 Février 1972 à ANNECY (74000), demeurant 81 Rue du Collège - 73300 ST JEAN DE MAURIENNE

Représenté par l'AARPI ASSIER & SALAUN, avocats au barreau d'ALBERTVILLE

Intimé

M. [L] [X]

né le 02 Juillet 1981 à CHAMBERY (73000), demeurant 81 rue du Collège - 73300 SAINT JEAN DE MAURIENNE

Représenté par la SELARL ALCYON, avocats au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 12 avril 2022 par Mme Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de M. Michel FICAGNA, Président de Chambre, régulièrement empêché, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

M. [L] [K] est propriétaire d'un appartement aménagé dans les combles au troisième étage d'un ensemble immobilier situé 81 rue du Collège à Saint-Jean-de-Maurienne dont il a fait l'acquisition le 12 septembre 2007.

M. [L] [X] est également propriétaire d'un appartement dans ce même ensemble immobilier situé en-dessous au deuxième étage qu'il a acquis en décembre 2006.

Par acte du 11 septembre 2015, M. [L] [K] a fait assigner M. [L] [X] devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux fins de paiement de dommages et intérêts, lui reprochant d'avoir entraîné le fléchissement du plancher par le retrait de deux cloisons.

Par jugement avant-dire droit du 29 janvier 2018, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. [H]. Ce dernier a été remplacé par M. [P]. Le rapport d'expertise a été déposé le 23 juillet 2018

Par jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2019, le tribunal de grande instance d'Albertville a :

débouté M. [L] [K] de l'ensemble de ses demandes,

débouté M. [L] [X] de sa demande de dommages et intérêts,

condamné M. [L] [K] à payer à M. [L] [X] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros), en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [L] [K] au paiement des entiers dépens.

M. [L] [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel en date du 28 février 2020.

L'affaire a été clôturée le 28 mars 2022 et renvoyée à l'audience du 12 avril 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 26 mai 2020, M. [L] [K] demande à la cour de :

Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

- voir infirmer le jugement du 5 juillet 2019,

- voir condamner M. [L] [X] à rétablir à l'identique les cloisons sur chaque solive et ce, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard,

- le voir condamner à payer à M. [L] [K] :

- 3 992,75 euros TTC représentant le coût des travaux de remise en état,

- 1 500 euros au titre des frais de déplacements,

- 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 3 000 euros pour résistance abusive et injustifiée,

- 12 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le voir condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Me André Salaun.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, en substance que :

* lors de la réalisation de travaux au sein de son appartement, il a pu constater que les cloisons démontées par M. [X] allaient au contact de chaque solive, établissant ainsi que les cloisons de M. [X] ne s'arrêtaient pas au faux plafond, contrairement aux conclusions de l'expert judiciaire sur lesquelles s'est fondée la décision du premier juge et que cette constatation est incontestablement établie par le constat dressé par Me [J], huissier de justice, les 29 mai et 11 juin 2019,

* les cloisons démolies par M. [X] étaient donc bien actives et que leur suppression a déstructuré la résistance en flexion du plancher générant des vibrations inacceptables en termes de confort et un important préjudice financier dû à une perte de valeur vénale du logement en cas de revente, cela a également fragilisé la poutraison et engendré des fissures dans la cloison séparant le séjour de la cuisine,

* il est établi que M. [X] a refixé les éléments de cuisine, initialement fixés dans les cancalons, dans les solives à la suite de l'affaissement de son plafond et que ces éléments constituent des charges supplémentaires qui ont accentué le fléchissement des solives,

* le concluant et son épouse n'ont pu vivre dans le logement lors de la réalisation des travaux, ils ont dû déplacer une partie de leurs meubles chez M. [S] à Saint Michel de Maurienne situé à 13 kilomètres de Saint Jean de Maurienne et ils ont résidé chez celui-ci pendant un mois environ.

Par ordonnance du 4 février 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimé remises au greffe le 30 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture est en date du 28 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages et intérêts

Selon l'article 1383 du code civil devenu l'article 1241 « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence. »

L'expert judiciaire, M. [P], a constaté la fissuration du carrelage en deux endroits et son décollement dans le salon de M. [K], ainsi que la présence de fissures dans la cloison entre la cuisine et le salon tout en précisant que ces désordres sont apparus entre 2013 et 2014 et qu'ils ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination.

Selon l'expert, le décollement et la fissuration du carrelage sont liés à un manque de rigidité du support sur lequel a été posé le carrelage et les fissures de la cloison au niveau des points de tension sont normales et ne démontrent pas un mouvement de l'ensemble de l'immeuble.

Il estime que les cloisons retirées par M. [X], constituées en deux tiers en briques creuses et un tiers en blocs de verres, ne sont pas et n'ont pas pu devenir porteuses dans la mesure où les suspentes métalliques reliant le faux plafond et le plancher ne peuvent reprendre des charges de compression et où les cloisons détruites n'étaient pas en contact avec les solives supportant le plancher de M. [K].

Ainsi selon l'expert ni le retrait des cloisons, ni la pose d'un meuble suspendu au plafond dans la cuisine n'ont altéré la stabilité du plancher de M. [K].

Pour contester les conclusions de l'expert judiciaire, M. [K] se fonde sur des calculs qu'il a effectués dont il fait longuement état dans ses conclusions, ainsi que sur deux avis techniques réalisés non contradictoirement par Messieurs [I] et [D].

Par ailleurs, devant la cour, il produit un constat d'huissier en date des 29 mai et 11 juin 2019, effectué alors qu'il entreprenait par lui-même les travaux de confortement des solives du plancher après avoir déposé et évacué le carrelage, puis ôté le plancher.

S'agissant des calculs effectués par M. [K] aux termes desquels il prétend montrer que du fait de la dépose d'une cloison dans son appartement, la pose du carrelage n'a, au final, pas entrainé de surcharge du plancher par rapport à l'état antérieur, force est de constater qu'il n'a pas soumis ces derniers à l'expert judiciaire et qu'ils n'ont aucune valeur probante. Il en est de même des notes techniques rédigées par lui, ou du moins dont l'origine est inconnue, qu'il verse au débat.

M. [D], qui a visité les deux appartements en 2015, et constaté les mêmes désordres que ceux mis en évidence par M. [P], a indiqué dans son rapport que quand bien même les cloisons ôtées par M. [X] « n'étaient peut-être pas porteuses ce qui serait difficile à démontrer aujourd'hui on constate qu'avec le temps elles sont devenues actives en participant à la rigidité du plancher », précisant que le phénomène a été aggravé par la suspension d'un élément de cuisine et que ces éléments sont à l'origine du décollement et de la fissuration du carrelage et de la cloison.

C'est par une exacte appréciation des faits de la cause et une motivation pertinente que le premier juge a retenu que :

- M. [D] n'étaye aucunement les raisons qui lui font dire que dans le cas présent, les cloisons sont devenues actives, alors que dans le même temps il reconnaît que « la démolition de cloisons réputées non porteuses peut avoir des conséquences sur le fléchissement du plancher supérieur » ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un phénomène systématique.

- M. [D] ne donne donc aucune explication sur ce qui peut conduire à un tel phénomène dans le cas précis, et alors que l'expert judiciaire a effectué des calculs précis montrant que la suspension du meuble de cuisine n'a pas d'incidence sur les désordres, les affirmations de M. [D] sur ce point ne reposent sur aucun élément technique.

- M. [I], quant à lui, affirme que la structure métallique soutenant les cancalons du faux plafond (blocs de briques creuses) est suffisamment dense pour engendrer un transfert de masse aux solives et que par ailleurs, la constitution suffisamment solide des cloisons contribue à supporter ponctuellement les solives et à rigidifier le plancher.

Or, l'avis donné par M. [I], qui ne s'est pas rendu sur les lieux, est basé, selon ses dires, sur des expertises et constats analogues, se référant au même type de construction.

Alors que l'expert judiciaire a bien précisé que les suspentes dimensionnées pour la reprise du plafond, ne peuvent pas assurer le transfert de charges du plafond, M. [I] ne fournit aucun élément technique pour affirmer qu'en l'espèce le système de suspensions est dense.

Il conteste les calculs de fluage réalisés par l'expert judiciaire mais n'en fournit aucun.

Enfin, ainsi que l'a relevé le premier juge, ni M. [I] ni M. [D] ne prennent en considération l'ajout important de masse résultant de la pose du carrelage même avec la suppression d'une cloison, alors que la déformation est survenue bien après le retrait des cloisons par M. [X].

Enfin, le constat d'huissier des 29 mai et 11 juin 2019, produit par M. [K], appelle les observations suivantes :

' Lors de la première visite de l'expert judiciaire sur les lieux, ce dernier a indiqué, qu'en l'absence de documents produits, seul un sondage destructif au droit d'une cloison démolie, permettrait d'acquérir la certitude de la disposition des cloisons par rapport au faux plafond (sous ce dernier ou traversant ce dernier) et il a demandé aux parties de lui faire savoir sous quinzaine leur position sur la demande de sondage, proposition qui n'a manifestement pas eu d'écho puisqu'aucun sondage n'a été réalisé, ce alors même que M. [K] soutenait devant l'expert que les cloisons participaient à la rigidité de la structure.

' Ce constat d'huissier, produit bien tardivement, ne comporte aucune investigation technique hormis quelques prises de mesures.

' En effet, le relevé des sections des poutres se limite à la sixième solive dont la largeur est de 9,5 cm. Or il résulte de plusieurs photos que le bois des solives est simplement écorcé et non scié de sorte que les sections sont nécessairement différentes selon les poutres.

' Ni la hauteur des solives, ni leur entraxe ne sont mentionnées. Il en est de même de l'essence du bois dont M. [I] indiquait dans son rapport qu'elle constituait un facteur intervenant dans le calcul des déformations.

' Par ailleurs, il résulte des photos prises par l'huissier de justice, dont certaines sont difficilement exploitables, que les cloisons enlevées s'inséraient dans le faux plafond mais ne dépassaient pas ce dernier, de sorte qu'elle ne servaient pas d'appui aux solives qu'elles affleurent, affleurement dû manifestement au fléchissement de ces dernières.

Ainsi, les constatations faites par l'huissier de justice ne sont pas de nature à modifier les conclusions expertales et il appartenait à M. [K] de solliciter une contre expertise s'il estimait que des éléments nouveaux étaient apparus de nature à modifier la compréhension des désordres.

Il sera ajouté que M. [K] a fait le choix de procéder lui-même aux travaux de réfection et , après évacuation des matériaux de carrelage, de la chape en mâchefer et du plancher bois, indique avoir :

- Moisé les solives avec bastaing de poutre d'épaisseur 5 cm et hauteur 22 cm, avec fixation par tire-fond avec encastrement dans les murs côté rue.

- Posé un isolant avec réfection du plancher (panneau USB3 de 22 mm),

- Posé un revêtement stratifié dans le séjour,

- Posé un PVC dans la cuisine.

Il fait valoir que malgré les travaux, les vibrations subsisteraient, ce dont il ne rapporte pas la preuve, et dans l'affirmative tendrait à montrer que les travaux qu'il a effectués ne sont pas adéquats.

Au final, ainsi que l'a relevé le premier juge, rien ne démontre que le retrait des deux cloisons de son logement et la pose d'un meuble suspendu par M. [X] ont contribué peu ou prou au fléchissement du plancher de M. [K], de sorte que le jugement qui a débouté ce dernier de ses demandes sera confirmé.

Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive

Il est de droit que la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

La cour d'appel doit donc statuer sur les prétentions de première instance de l'intimé, dont les conclusions sont déclarées irrecevables, lorsque ces prétentions ont été accueillies par les premiers juges.

Elle ne doit examiner que celles des prétentions de l'intimé qui avaient été accueillies en première instance.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner cette prétention formée par M. [X] qui a été rejetée par le premier juge.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour et M. [K] qui échoue en son appel est tenu aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour,

Condamne M. [L] [K] aux dépens exposés en appel

Ainsi prononcé publiquement le 14 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président, et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00314
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00314 ?
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