COUR D'APPEL DE CHAMBERY
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Première Présidence
ORDONNANCE
STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES
du Mercredi 01 Juin 2022
RG : N° RG 22/00086 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G75C
Appelant
M. [D] [W]
né le 25 Octobre 1990
Résidence La Fontaine du Roi
73530 ST JEAN D ARVES
hospitalisé au CHS de la Savoie
assisté de Me Mokrane OUAR, avocat au barreau de CHAMBERY
Appelés à la cause
CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE
73000 BASSENS
non comparant
Mme [S] [W] [T] (tiers à l'admission)
Résidence Leschoseaux
42 chemin des cigales
73530 ST SORLIN D ARVES
non comparante
Partie Jointe :
Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX - dossier communiqué et réquisitions écrites
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DEBATS :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 1er juin 2022 à 10h devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière
L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 1er juin 2022 après-midi,
Le 13 mai 2022, M. [D] [W] a été admis, par décision du même jour du directeur du centre hospitalier spécialisé de la Savoie, en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers.
Les deux certificats médicaux préalables à l'admission retenaient que celui-ci présentait notamment un syndrome délirant paranoïaque avec adhésion au délire importante, des hallucinations auditives, une agitation psychique avec logorrhée, une errance médicale, une incapacité à juger de son état psychique et mental.
Par ordonnance du 24 mai 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a autorisé la poursuite de cette hospitalisation.
Cette décision retenait notamment que M. [D] [W] souffrait d'un délire de persécution ; que l'avis motivé de saisine du juge des libertés et de la détention relevait que le patient n'avait pas conscience de ses troubles de sorte qu'un consentement réel et pérenne en matière de soins ne pouvait être recueilli.
Par déclaration motivée au greffe en date du 25 mai 2022, Maître Mokrane Ouar, conseil de M. [D] [W], a interjeté appel de cette ordonnance.
Les convocations et avis d'audience ont été adressées aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.
L'avis médical prévu par l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique a été communiqué au greffe le 30 mai 2022. Il mentionne que l'état clinique du patient évolue progressivement, que celui-ci se montre moins impulsif et accepte plus facilement le cadre de l'hospitalisation, mais que les idées délirantes empreintes d'éléments de persécution, notamment envers ses voisins persistent, avec une adhésion totale au délire ; que l'adhésion aux soins est fragile ; que les troubles du comportement et les mises en danger (conduite à grande vitesse, course poursuite) ayant justifié l'hospitalisation ne sont que partiellement critiqués et sont banalisés.
A l'audience publique du 1er juin 2022, M. [D] [W] a comparu. Il a indiqué que dès le début il ne refusait pas les soins, qu'il était déjà suivi à l'extérieur par un psychologue, un psychiatre, un addictologue. Il a eu trois années assez difficiles, il avait besoin d'être remis au calme car il était à l'affut du moindre bruit. L'hospitalisation a bien marché selon lui car il a réappris à réentendre des bruits sans être hyper focalisé. Il accepte les soins, mais demande à être un peu plus libre, indiquant que s'il ne se sent pas bien il retournera tout de suite en hospitalisation. Il précise avoir besoin de nature pour se ressourcer. Sur les mises en danger évoquées, il explique avoir peut être conduit un peu vite entre Saint Etienne et l'Ardêche, mais ne pas se souvenir d'une course poursuite. Il pense que l'anti-psychotique qu'on lui donne lui fait du bien. L'isolation chez lui est mauvaise, il pourrait aller vivre chez son père. Les médecins évoquent des hallucinations auditives, mais il n'avait de soucis qu'avec ses voisins d'à côté, il a porté plainte, si les gendarmes disent qu'il n'y a rien de spécial il les croira.
Il demande une hospitalisation partielle, pouvoir sortir le vendredi, samedi et dimanche. Il souffre d'un trouble d'anxiété sociale, être hospitalisé en communauté c'est stressant pour lui. Il va avoir une permission de sortie ce samedi et ce dimanche. Il a déjà eu une permission samedi dernier, ça l'a un peu ressourcé.
Son conseil a indiqué que la question était de savoir s'il y avait une atteinte excessive à la liberté de M. [W]. Son hospitalisation se passe bien, l'évolution est encourageante de l'avis même des médecins. Il a toujours besoin de soins mais sortir du climat anxiogène de l'hospitalisation d'office ne peut que lui être favorable. Il a conscience de la problématique de son voisinage, il a aussi un discours auto-critique, lucide, il dit que ca ne serait peut être pas une bonne idée qu'il réintègre son domicile. Il est d'accord pour la poursuite de l'hospitalisation, mais en milieu ouvert.
Le directeur du centre hospitalier n'a pas comparu.
Le ministère public n'a pas comparu, mais il a requis par écrit le 30 mai 2022 la confirmation de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète. Les réquisitions du ministère public ont été mises à la disposition du patient et de son conseil.
La décision a été mise en délibéré au 1er juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel est recevable en ce qu'il a été formé dans les formes et délais requis.
En application de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3212-3 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L3211-2-1.
En l'espèce, les différentes certificats médicaux figurant au dossier établissent que M. [D] [W] souffrait à son admission de troubles mentaux, avec notamment syndrome délirant paranoïaque et hallucinations auditives. Il était dans l'incapacité de juger de son état psychique.
Le dernier avis médical du 30 mai 2022, soit 17 jours après l'hospitalisation, mentionne une évolution progressive de l'état de santé, que le patient accepte plus facilement le cadre de l'hospitalisation, mais que l'adhésion aux soins reste fragile, que les idées délirantes persistent, que l'adhésion au délire reste totale, que ses troubles du comportement et ses mises en danger ne sont que partiellement critiqués et sont banalisés.
Ces éléments laissent craindre un risque de rupture des soins nécessaires à son état si la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte était levée. Il est par ailleurs démontré que son état mental impose toujours des soins assortis d'une surveillance médicale constante.
La mise en place de permissions de sortie avec évolution progressive, telles qu'évoquées par le patient lors de l'audience, pourront permettre aux soignants d'évaluer l'opportunité de lever l'hospitalisation complète.
En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, les conditions cumulatives de l'article L 3212'1 du code de la santé publique étant caractérisées.
PAR CES MOTIFS,
Statuant après débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire au siège de la Cour d'Appel de Chambéry,
Déclarons recevable l'appel de M. [D] [W],
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry en date du 24 mai 2022 en toutes ses dispositions,
Laissons les dépens de l'instance à la charge du trésor public.
Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.
Ainsi prononcé le 01 juin 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller à la Cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.
LA GREFFIERELE PRESIDENT