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18/05/2022 | FRANCE | N°22/00081

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 18 mai 2022, 22/00081


COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 18 Mai 2022





RG : N° RG 22/00081 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7QK





Appelante

Mme [Z] [U] [H]

née le 13 Août 1983 à DAKAR

12 bis Rue Lamartine

01000 BOURG EN BRESSE

hospitalisée à l'EPSM74

assistée de Maître Anne-sophie CA

RTIER-BIERLAIRE, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

530, rue de la Patience

CS20 149

74805 LA ROCHE SUR FORON CEDEX

non compar...

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

----------------

Première Présidence

ORDONNANCE

STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES

du Mercredi 18 Mai 2022

RG : N° RG 22/00081 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7QK

Appelante

Mme [Z] [U] [H]

née le 13 Août 1983 à DAKAR

12 bis Rue Lamartine

01000 BOURG EN BRESSE

hospitalisée à l'EPSM74

assistée de Maître Anne-sophie CARTIER-BIERLAIRE, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY

Appelés à la cause

Etablissement EPSM 74

530, rue de la Patience

CS20 149

74805 LA ROCHE SUR FORON CEDEX

non comparant

M. [R] [U] (père)

5 place Georges Brassens

18570 TROUY

non comparant

Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX Dossier communiqué et réquisitions écrites en date du 16 mai 2022

*********

DEBATS :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 18 Mai 2022 à 10h devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Madame Sophie Messa, greffière

L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 18 Mai 2022 après-midi,

Le 27 janvier 2022, Mme [Z] [U] [H] a été admise, par décision du même jour du directeur du centre psychothérapique de l'Ain, en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers.

Par ordonnance du 7 février 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a autorisé la poursuite de ctete hospitalisation.

La patiente a été transférée à l'EPSM74.

Par ordonnance du 4 mai 2022, la juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville a rejeté la demande de mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète sans consentement présentée par Mme [Z] [U] [H].

Par courrier motivé transmis au greffe de la cour d'appel le 9 mai 2022, Mme [Z] [U] [H] a interjeté appel de cette ordonnance.

Les convocations et avis d'audience ont été adressées aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.

L'avis médical prévu par l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique a été communiqué au greffe le 16 mai 2022. Il mentionne que la patiente est suivie en psychiatrie depuis plusieurs années pour une schizophrénie paranoïde. Elle a été réhospitalisée en janvier 2022 suite à une nouvelle décompensation psychotique aigüe avec syndrôme délirant aigü, associant phénomènes hallucinatoires interprétatifs et intuitifs.

Son investissement dans les médiations thérapeutiques lui permet d'entrer actuellement en lien plus facilement avec les soignants. Le contact reste cependant fluctuant. Elle peut reconnaître une certaine amélioration de son état clinique.

Les phénomènes hallucniatoires et interprétatifs demeurent présents, elle peut être encore convaincu d'actes de malveillance de la part des équipes de soins.

L'amélioration clinique demeure fragile et l'adhésion aux soins n'est pas acquise, ce qui justifie la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte.

A l'audience publique du 18 mai 2022, Mme [Z] [U] [H] a comparu. Elle a indiqué que la mesure n'était plus justifiée. Ce qui avait entraîné la mesure c'est qu'il y avait des arachnides dans son appartement, elle a fait appel aux pompiers pour les neutraliser. Elle pense qu'un membre du personnel de l'hôpital a fait un double de ses clés, ou son père, car des affaires ont disparu chez elle.

Elle entendait bien des voix, mais c'est le seul symptôme qu'elle avait. Grâce au traitement, ces voix se sont transformées en pensées, et se sont espacées dans le temps. Il est totalement faux de dire qu'elle voyait des créatures, qu'elle avait des hallucinations visuelles. Elle est prête à continuer à observer le traitement en dehors de l'hôpital. Elle n'est plus dangereuse pour elle ou autrui.

Elle aurait subi au CPA des agressions sexuelles, viols durant son sommeil, et des agressions vervbales et autres. Elle ne veux plus retourner là-bas.

Elle ne peut pas exercer sa liberté de culte.

Ses liens sont totalement rompus avec ses amis et sa famille, car elle n'a pas le droit d'avoir accès à son téléphone dans l'unité. Elle ne peux avoir accès aux applications qui lui sont indispensables pour gérer mon budget.

Il y a des faits de malveillance : il y aurait des crachats dans ses liquides de la part de patients et/ou de soignants, en témoignent les aphtes qu'elle a dans la bouche. Ce matin elle a eu des crachats dans son thé, elle l'a senti, elle a tout vomi.

Elle a été victime de vols de serviettes hygiéniques, crèmes Nivéa. Des soignants viennent se mettre dans les draps de son lit, vu l'odeur qui s'en dégage. Des soignants et/ou des patients portent ses vêtements, des personnels féminins portent ses dessous, elle le sent quand elle les porte.

Elle est assistante sociale des personnels actuellement en congé longue maladie depuis janvier 2021. A ce titre elle va sans doute être convoquée pour une expertise. Or elle n'a pas accès à son courrier. Il est temps qu'elle rentre chez elle. Chez elle, elle était suivie par un psychiatre et elle suivait une psychothérapie, elle était assidue à ces prises en charge. Elle souhaite continuer à bénéficier de ces suivis en libéral.

On lui a dit que le 15 juin elle retournerait au CPA. C'est hors de question pour elle.

Au besoin, pour prendre la décision, il faut ordonner une expertise.

Elle attribue les voix plutôt à un envoutement, ce sont des pratiques qui se font beaucoup au Togo.

Son conseil a indiqué ne pas avoir d'observation particulière s'agissant de la procédure. Elle a soutenu que Madame était très certainement schizophrène, mais que tous les schizophrènes ne sont pas en hospitalisation sous contrainte, que certains suivent leur traitement à l'extérieur. Elle ne paraît pas dangereuse ni pour elle-même ni pour les autres. On ressent une grande souffrance dans ce qu'elle décrit de sa situation aujourd'hui. Son hospitalisation est certainement contre-productive. Elle est suivie à l'extérieur, à un logement, une situation professionnelle, elle peut être suivie à domicile.

Le directeur du centre hospitalier n'a pas comparu.

Le ministère public n'a pas comparu, mais il a requis par écrit le 16 mai 2022 la confirmation de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

La décision a été mise en délibéré au 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel est recevable en ce qu'il a été formé dans les formes et délais requis.

En application de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L3212-3 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1- ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2- son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L3211-2-1.

L'hospitalisation initiale de Mme [Z] [U] [H], en date du 26 janvier 2022, faisait suite à un passage par les urgences médicales générales. Elle présentait des hallucinations cénesthésiques et visuelles dans le cadre d'un syndrôme délirant aigü. Il semble qu'elle avait arrêté tous ses traitements. Elle avait déjà fait l'objet de plusieurs hospitalisations. Avant son transfert à l'USIP de l'EPSM74, elle ne voyait aucun intérêt à prendre ces traitements et verbalisait son intention de ne pas les suivre à la sortie de son hospitalisation.

Elle verbalisait déjà à l'époque des actes de maltraitances de la part des professionnels, notamment le fait qu'ils crachent dans ses aliments. Les médecins estimaient qu'elle ne se rendait pas compte que cela résultait de ses hallucinations olfactives et cénesthésiques.

Un certificat mensuel du 21 avril 2022 mentionnait que la patiente se montrait très sthénique et opposante depuis son arrivée à l'EPSM74, présentait toujours des hallucinations à mécanisme interprétatif et persécutif, qu'elle restait dans le déni de ses troubles et de sa maladie et restait opposée aux soins.

L'avis motivé du 2 mai 2022 mentionnait un état clinique stationnaire. La patiente se disait cependant satisfaite du traitement en cours, mais l'adhésion aux soins n'était pas acquise.

L'avis mottivé du 16 mai 2022, dont le contenu a été repris ci-dessus, mentionne une amélioration dans le contact avec les soignants et une certaine amélioration de son état clinique.

Il résulte de ces constatations et de l'audience que Mme [Z] [U] [H] souffre selon les médecins d'une schizophrénie paranoïde ; qu'elle a fait une rechute de cette affection fin janvier 2022 ; que si son état clinique semble s'être quelque peu amélioré, cette amélioration apparaît cependant récente (moins d'un mois) et par ailleurs extrêmement progressive ; que les symptômes qu'elle a présentés à son admission (hallucinations notamment) sont manifestement toujours présents quatre mois après ; que si elle reconnaît avoir pu souffrir d'hallucinations auditives, tout en montrant une certaine ambivalence sur leurs origines (elle évoque un possible envoûtement), elle reste dans le déni complet des autres hallucinations, olfactives et cénesthéniques notamment, alors que ses paroles à l'audience apparaissent confirmer les observations des soigants sur ce point (sensations qu'on a porté ses vêtements, que l'on a craché dans ses aliments, dires selon lesquels on aurait abusé d'elle dans son sommeil...) ; qu'elle apparaît par ailleurs ambigüe quant à la conscience de la réalité de ses problèmes psychiatriques; que son adhésion aux soins apparaît encore fragile et également ambigüe ; qu'alors même que sa rechute semblait s'inscrire dans une rupture de traitement, l'amélioration très progressive de son état de santé justifie le maintien de son hospitalisation complète, afin d'éviter une sortie trop prématurée qui ferait courir le risque, encore bien trop grand, d'une rechute qui engendrerait quasi inévitablement une nouvelle hospitalisation.

En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, les conditions cumulatives de l'article L 3212'1 du code de la santé publique étant caractérisées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats tenus en audience publique et par ordonnance contradictoire, au siège de la cour d'appel de Chambéry,

Déclarons recevable l'appel de Mme [Z] [U] [H],

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bonneville en date du 4 mai 2022 en toutes ses dispositions,

Laissons les dépens de l'instance à la charge du trésor public.

Disons que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du Code de la santé publique.

Ainsi prononcé le 18 mai 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la Cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00081
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;22.00081 ?
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