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17/05/2022 | FRANCE | N°22/00015

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Première présidence, 17 mai 2022, 22/00015


COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence











AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,



Nous, Chantal FERREIRA, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :



Dans la cause N° RG 22/00015 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G5XV débattue à notre audience publique du 12 Avril 2022 - RG au fond n° 22/520

3ème section





ENTRE





S.A.S. AIME CONSEIL, dont le siège social est situé 4114 Pré Bérard - 73210 LA PLAGNE





Ayant pour avo...

COUR D'APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

Nous, Chantal FERREIRA, première présidente de la cour d'appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 22/00015 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G5XV débattue à notre audience publique du 12 Avril 2022 - RG au fond n° 22/520 3ème section

ENTRE

S.A.S. AIME CONSEIL, dont le siège social est situé 4114 Pré Bérard - 73210 LA PLAGNE

Ayant pour avocat postulant la SELARL BOLLONJEON, avocats au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET VIEVILLE et associés, avocats au barreau de Paris

Demanderesse en référé

ET

S.A.S. GESTION ET SERVICE EN IMMOBILIER, dont le siège social est situé 22 square de la Liberté - 73600 MOUTIERS

Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocats au barreau de CHAMBERY

Défenderesse en référé

'''

Exposé du litige

La société Gestion et Service en Immobilier (GSI) a son siège social à Moutiers et exerce une activité d'administration de biens immobiliers et de syndic de copropriété notamment dans les stations de sports d'hiver de Tarentaise.

Courant 2005, elle a embauché en qualité de collaborateurs, madame [I] [T] et monsieur [V] [M]. Tous deux ont quitté l'entreprise, la première le 31 décembre 2018 et le second le 28 février 2019.

Monsieur [J] [C] a été recruté en 2017 et est parti le 7 février 2019.

La société Aime Conseil ayant une activité notamment de syndic de copropriété, a été créée à Aime La Plagne en avril 2019 par monsieur [J] [C] et son épouse, celle-ci étant nommée en qualité de gérante.

Madame [T] a rejoint cette société en novembre 2019.

Indiquant avoir constaté des actes de concurrence déloyale, la société GSI, le 6 mai 2021, a saisi en référé le président du tribunal de commerce de Chambéry, lequel a estimé devoir saisir le tribunal et par jugement en date du 10 novembre 2021, le tribunal a condamné la société Aime Conseil à payer la somme de 116 415 € à titre de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale outre 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 8 décembre 2021, la société Aime Conseil a fait appel de cette décision (N° DA 21/02335 et n° RG 21/02366) puis le 10 février 2022, a fait assigner la société GSI en référé devant le premier président de la cour d'appel de Chambéry afin de voir arrêter l'exécution provisoire de la décision en application de l'article 514-3 du code de procédure civile.

La société Aime Conseil soutient qu'il existe un moyen sérieux d'annulation de la décision en ce que l'un des juges composant la formation de jugement était lorsqu'il était en activité, expert-comptable dans une société SR conseil dont il était aussi administrateur et qu'il a gérée, laquelle a fusionné avec la société d'avocats assurant la défense de la société GSI devant le conseil de Prud'hommes dans l'action l'opposant à monsieur [V] [M] ; que des propos tenus par cette société d'avocat pour le compte de GSI se retrouvent dans les motifs du jugement ; qu'il y a donc bien eu violation du droit au procès équitable et à l'exigence d'impartialité des juges.

Elle soutient aussi l'existence de plusieurs moyens de réformation tirés notamment du fait qu'il n'est pas démontré que monsieur [M] a travaillé pour elle et sur le périmètre de sa clause de non-concurrence ; qu'il n'est pas non plus démontré qu'elle s'est appropriée des données informatiques relatives à la gestion des copropriétés ; que le fait que des copropriétés aient choisi de faire jouer la concurrence ne lui est pas imputable ; que le tribunal a statué ultra petita et s'est substitué à la société GSI pour les modalités de calcul de son préjudice.

La société Aime Conseil fait enfin valoir qu'elle est une jeune société et que si elle dispose de la trésorerie nécessaire pour régler la condamnation assortie de l'exécution provisoire, ce paiement mettrait gravement en péril son existence, d'autant plus que les établissements bancaires ont refusé de lui prêter son concours.

La société GSI conclut au rejet de la demande et indique qu'elle est une PME qui emploie 69 salariés dont 8 gestionnaires de copropriété (dont faisaient partie madame [T] et monsieur [C]) sous la supervision et le management de deux co-directeurs du service syndic (dont monsieur [M]) soumis à une obligation contractuelle de non-concurrence pendant deux ans ; qu'après la création d'Aime Conseil, elle a constaté que 4 copropriétés la quittaient au profit de cette société ; qu'elle a été autorisée par le président du tribunal de commerce de Chambéry saisi sur requête, à recourir aux services d'un huissier qui a pu constater des agissements déloyaux qui ont donné lieu à une procédure au fond et à la décision frappée d'appel.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, la société GSI fait valoir que le jugement a toutes chances d'être confirmé en appel à défaut de cause d'annulation ou de réformation ; qu'en effet les actes de concurrence déloyale sont établis par la motivation du jugement tout comme l'appréciation du préjudice en résultant ; que la distance avec le juge mis en cause est établie par la chronologie des faits et les règles qui encadrent le secret professionnel de l'avocat dans une société pluriprofessionnelle d'exercice ; qu'il n'existe pas non plus de conséquences manifestement excessives puisque la société Aime Conseil ne justifie pas d'une situation financière telle que l'exécution du jugement compromettrait sa pérennité ; qu'elle se contredit elle-même puisqu'elle indique qu'en cas de paiement, elle disposerait encore d'une trésorerie de l'ordre de 10 000 €.

A titre subsidiaire, la société GSI demande que soit enjoint à la société Aime Conseil de consigner la somme de 125 015,87 € selon décompte arrêté au 6 mars 2022.

En tout état de cause, elle demande la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

La procédure de première instance ayant été introduite le 13 mars 2020, la présente procédure est soumise aux dispositions relatives à l'exécution provisoire telles qu'elles résultent du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

En application de l'article 514 nouveau du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Selon l'article 514-3 du même code, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En l'espèce, la société Aime Conseil soutient l'existence d'un moyen sérieux d'annulation en ce que l'un des membres de la formation de jugement du tribunal de commerce de Chambéry était membre de la société d'expertise comptable SR Conseil qui a absorbé la SELARL d'avocats LEXALP pour donner lieu à une nouvelle société dénommée LEXALP - SPE SAS SR Conseil, l'un des avocats de cette société ayant assuré en 2020 la défense de la société GSI devant le Conseil de prud'hommes d'Albertville dans la procédure opposant cette société à monsieur [V] [M].

Cependant, la procédure devant le tribunal de commerce a été initiée en 2021 et devant cette juridiction la société GSI était représentée par un cabinet d'avocat sans lien avec le Groupe SR Conseil.

Il apparaît en outre qu'une fois les opérations de fusion-absoption accomplies en 2019, le juge mis en cause s'est retiré complètement le 6 janvier 2020 (pièce 151 de GSI) par la cession de toutes ses actions, comme l'ont fait simultanément tous les membres de sa famille qui détenaient des actions.

Si la cour d'appel devra répondre au point de savoir si ce juge pouvait siéger au tribunal de commerce en 2021 dans une affaire intéressant une société dont la défense a été assurée en 2020 devant une autre juridiction par un avocat membre de la société absorbée, ce moyen ne peut constituer au stade du présent référé un moyen sérieux susceptible d'arrêter l'exécution provisoire.

Il en est de même pour l'emploi de l'expression 'faisceau d'indices' qui n'a rien d'exceptionnel dans une décision judiciaire.

Quant au fait que pour le calcul du préjudice, la méthodologie employée ait consisté à retenir 1,5 fois le chiffre d'affaires HT avec un coefficient de pondération, ceci peut tout simplement s'expliquer par le fait que l'affaire a été jugée par des juges consulaires, soit par des professionnels du commerce et de l'industrie, sans que le recours à cette méthodologie soit le signe d'une collusion avec l'une des parties.

La preuve de moyens suffisamment sérieux pour entraîner l'arrêt de l'exécution provisoire n'étant pas rapportée, il ne sera pas fait droit à la demande principale.

En revanche, s'agissant d'une condamnation portant sur des dommages-intérêts dont le montant est susceptible de varier selon l'appréciation qu'en fera la Cour, intéressant de surcroît deux sociétés commerciales en concurrence sur le marché de la gestion des copropriétés en Tarentaise, la consignation du montant des condamnations en principal, doit être ordonnée.

La présente décision étant prononcée dans l'intérêt exclusif de la société Aime Conseil, celle-ci supportera les dépens du référé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de référé

Vu l'article 514-3 du code de procédure civile

Rejetons la demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire

Ordonnons la consignation par la société Aime Conseil de la somme de 124 415 € à la Caisse des dépôts et consignation dans l'attente de l'arrêt à intervenir

Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Disons que la société Aime Conseil supportera les dépens du référé.

Ainsi prononcé publiquement, le 17 mai 2022, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Chantal FERREIRA, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 22/00015
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;22.00015 ?
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