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20/03/2012 | FRANCE | N°11/00245

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre civile - première section, 20 mars 2012, 11/00245


CB/ MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile-première section

Arrêt du Mardi 20 Mars 2012

RG : 11/ 00245

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Annecy en date du 09 Décembre 2010, RG 09/ 525

Appelante

Mme Ouarda X... veuve Y...
née le 26 Avril 1946 à SAINT ARNAUD-ALGERIE,
demeurant...-74210 ST FERREOL

représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avocats au barreau de Chambéry, ayant pour conseil la SELARL PADZUNASS-SALVISBERG, avocats au barreau d'Albertville,

Intimé

M. Calixte

Z...
né le 20 Avril 1926 à DOUSSARD (74210),
demeurant...-74210 FAVERGES

représenté par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJ...

CB/ MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile-première section

Arrêt du Mardi 20 Mars 2012

RG : 11/ 00245

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Annecy en date du 09 Décembre 2010, RG 09/ 525

Appelante

Mme Ouarda X... veuve Y...
née le 26 Avril 1946 à SAINT ARNAUD-ALGERIE,
demeurant...-74210 ST FERREOL

représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avocats au barreau de Chambéry, ayant pour conseil la SELARL PADZUNASS-SALVISBERG, avocats au barreau d'Albertville,

Intimé

M. Calixte Z...
né le 20 Avril 1926 à DOUSSARD (74210),
demeurant...-74210 FAVERGES

représenté par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats au barreau de Chambéry, ayant pour conseil la SELARL TOUSSET-GAILLARD, avocats au barreau d'Annecy

- =- =- =- =- =- =- =- =-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 20 février 2012 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Monsieur Billy, Président de chambre,

- Monsieur Leclercq, Conseiller

-Monsieur Morel, Conseiller.

- =- =- =- =- =- =- =- =-

Attendu que monsieur Gilbert Z... est décédé le 25 mars 2007, laissant un frère jumeau, monsieur Calixte Z... ;
Que, le 28 juin 2004, il a déposé un testament en l'étude notariale d'Annecy de la Scp A.../B.../C.../D..., léguant tous ses biens à madame Ouarda Y... née X... et, en cas de prédécès de cette dernière, à madame Sonia E...née Y..., à qui il louait une partie de sa maison, et qu'il institue légataire universelle ;
Que le tribunal de grande instance d'Annecy, par jugement du 9 décembre 2010, a constaté l'abandon par madame Y... de sa demande d'annulation de l'assignation, dit le testament nul et nuls les actes liés à ce testament notamment dans le cadre des opérations de succession ouvertes devant maître F..., notaire à Annecy, débouté madame Y... et l'a condamnée à payer à monsieur Calixte Z... 3. 000 € par application de l'article 70 du code de procédure civile ;
Que madame Y... en a interjeté appel par déclaration du 31 janvier 2011 ;
Attendu que, alléguant que (relations amicales, abandon par la famille), l'intimé se fonde sur un rapport du docteur G...citant un document concernant l'hospitalisation à Annecy du 13 au 27 juin 2006 qui n'a pas été communiqué et qui selon lui contient des erreurs, que d'autre part il résulte d'un courrier du docteur H...du 23 avril 2008 à monsieur Z... que l'intégralité du dossier médical n'a pas été communiquée selon un choix qui n'est pas précisé, que rien n'indique que monsieur Z... ait communiqué au docteur G...toutes les pièces reçues, que le tribunal s'est appuyé sur les expertises en reconnaissant qu'elles ne sont pas contradictoires, que l'expertise graphologique a été faite le 19 février 2008, qu'aucune autre pièce que le testament n'a été fourni à l'expert, que les conclusions de madame I...sont imprécises et dubitatives, qu'elle conclut à une rédaction de la main du de cujus mais donne un avis médical, que les éléments médicaux utilisés par le docteur G...sont postérieurs de plus d'une année au testament, que la défaillance constatée en 2005-2006 fait suite à un accident vasculaire cérébral, que le jour du testament monsieur Gilbert Z... a vendu un ensemble immobilier et le notaire instrumentaire atteste de sa pleine capacité, que Calixte Z... ne s'est jamais occupé de son frère et a refusé la charge tutélaire envisagée, madame Y... demande de réformer le jugement, de dire le testament valable, de débouter monsieur Z... et le condamner à lui payer 4. 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et subsidiairement d'ordonner une expertise des capacités intellectuelles de monsieur Gilbert Z... à la date du testament et une enquête sociale sur les relations du de cujus avec la famille Y... ;
Attendu que, soutenant que le testament révèle l'insanité d'esprit de son auteur, que l'expertise graphologique conclut que " le signataire avait perdu tout jugement rationnel et sens logique... la mise en page en " éventail "... les mots grossissant, témoins d'humeur instable et influençable, peuvent également faire penser que monsieur Gilbert Z... n'avait pas la pleine possession de son équilibre émotionnel et à ce titre a pu faire l'objet d'un abus de faiblesse de la part d'autrui ", qu'il souffrait d'une infection mentale dans la période de rédaction (cf lettre CCAS du 15 septembre 2006, saisine du juge des tutelles en novembre 2006, compte rendu du service gériatrie du 20 septembre 2006 disant " des troubles cognitifs évolués qui évoluent depuis de nombreuses années ", compte rendu du 31 août 2005 " syndrome démentiel avec une altération sévère des fonctions cognitives " confirmé par lettre du docteur J...du 31 mars 2008), que le docteur G...estime que l'état de monsieur Z... était " gravissime " dès l'examen du 15 juillet 2005, qu'" un tel état... remonter sûrement à plusieurs mois voire plusieurs années " et que la rédaction du testament " est un exemple caricatural et schématique ne prêtant à aucune discussion, d'une agraphie très sévère, le texte n'ayant pu être rédigé par son auteur que sous la dictée ", que madame Y... a entrepris des manoeuvres pour faire signer le testament par monsieur Z..., qu'elle a pris soin de lui pendant un temps très limité dans ce but, qu'elle l'a ensuite délaissé pour le laisser dans une situation dénoncée par plusieurs personnes, que ces rapports sont livrés à la critique des parties, qu'ils sont probants, que madame Y... a bénéficié le 8 juin 2002 de la vente par monsieur Gilbert Z... d'un bien à Saint Ferréol évalué à 53. 357, 16 € et, le même jour les consorts E.../Y...ont bénéficié d'une autre vente pour 32. 014, 29 €, qu'il s'agit d'un seul bien ayant fait l'objet d'un règlement de copropriété, que la demande d'expertise n'a pour but que de retarder la décision, que l'enquête sociale est inutile, monsieur Z... conclut à la confirmation du jugement, et à la condamnation de madame Y... à lui payer 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les éléments médicaux produits sont tous postérieurs de plus d'un an au testament litigieux ;
Attendu que, toutefois, à la suite de l'admission de monsieur Gilbert Z... au centre hospitalier de Rumilly pendant près d'un mois en unité de convalescence " pour réautonomisation au décours d'un AVC ischémique survenu le 15 juillet " précédent, le docteur K...a établi le 31 août 2005 un certificat indiquant que " l'examen clinique a montré en outre une surdité bilatérale sévère et un syndrome démentiel avec altération sévère des fonctions cognitives (MMS = 8/ 30) attribué à une leucoencéphalopathie individualisée sur le scanner initial " ;
Que, le 20 septembre 2006, le docteur L...note que " le principal symptôme invalidant chez ce patient est l'anosognosie des troubles, majorant les risques de chute " ;
Attendu que, examinant le testament lui-même à la demande de la famille de monsieur Z..., madame I..., graphologue et psychologue, écrit que " les inégalités d'espacement, le mélange des lettres minuscules et de lettres majuscules au sein du texte et surtout au sein d'un même mot laissent à penser que le signataire avait perdu tout jugement rationnel et sens logique au moment où le testament a été rédigé. La mise en page du texte dite " en éventail (lignes montantes au début du texte, puis de plus en plus descendantes), les mots grossissant, témoins d'humeur instable et influençable, peuvent également faire penser que monsieur Gilbert Z... n'avait pas la pleine possession de son équilibre émotionnel et à ce titre a pu faire l'objet d'un abus de faiblesse de la part d'autrui " ;
Que, rappelant ces phrases de madame I..., le docteur G...écrit à la suite : " notre interprétation de l'écriture du testament relève en fait d'une analyse neurologique qui est une évidence et est un exemple comme on en rencontre très rarement tellement il est schématique " ;
Qu'il écrit plus loin que " il est clair qu'avec un MMS à 8/ 30 une tutelle s'imposait de façon absolument formelle déjà à cette date. D'autre part, il est clair qu'un tel état, tant sur le plan du scanner que sur le plan du déficit cognitif, ne peut pas s'installer en quelques jours mais remonte sûrement à plusieurs mois voire plusieurs années avec une évolution progressivement aggravée. Cette notion doit être très clairement précisée. Rappelons qu'un sujet normal a un MMS 30/ 30 et qu'à 8/ 30 l'effondrement est tel que, pour donner un exemple, les thérapeutiques anti maladie d'Alzheimer ne sont plus autorisées car totalement inefficaces à des chiffres même beaucoup plus élevés. Un MMS à 8/ 30 et (sic) un MMS totalement effondré. L'état démentiel est donc démontré à cette date et ne souffre aucune discussion " ;
Que, par ailleurs, il examine le testament lui-même et en dit : " ce texte est véritablement un exemple typique de ce qu'on pourrait appeler un cas d'école pour étudiants de neurologie, car il correspond typiquement à ce qu'on décrit sous le nom de " troubles de l'expression écrite " dans le chapitre des aphasies. On en retrouve toutes les caractéristiques essentielles :... On peut se demander même si la lecture de ce texte est une évidence pour un neurologue, comment elle ne met pas en éveil les personnes qui ont été amenées à le voir " ;
Qu'il conclut que " 1) Monsieur Z... Gilbert présentait en 2005 un état démentiel gravissime qui, en fonction des données du scanner et du MMS, remontait certainement à plusieurs années. 2) Du reste cette preuve est apportée par la rédaction même du testament daté du 28 juin 2004 et qui est un exemple caricatural et schématique ne prêtant à aucune discussion, d'une agraphie très sévère, le texte n'ayant pu être rédigé par son auteur que sous la dictée " ;
Attendu que, certes, le docteur M...écrit au docteur J..., médecin traitant de monsieur Gilbert Z..., semble-t-il suite à l'hospitalisation de 2006 que " nous avons décidé de placer le patient sous curatelle devant les difficultés de maintien à domicile et le peu de famille. Aucun diagnostic de démence n'a été posé mais il est évident que monsieur Z... présente des troubles cognitifs évolués qui évoluent depuis de nombreuses années " ;
Qu'un médecin, à la suite de l'hospitalisation en service de gastro-entérologie en juin 2006, écrit également que, " dans ses antécédents on note :... syndrome démentiel débutant... " ;
Qu'il apparaît toutefois que c'est justement que le docteur G...peut écrire que " les praticiens ultérieurement parlent de " démence débutante ou même d'absence de diagnostic de démence " parce qu'ils n'ont pas eu en mains la totalité du dossier, c'est donc une erreur d'analyse car la réalité est tout à fait différente ", et que cette analyse ne peut qu'être suivie au regard de la comparaison du certificat du docteur K...du 31 août 2005 et de celui du docteur M...de 2006 qui ignore manifestement l'existence du premier, étant précisé que cet écrit du docteur M...n'est pas incompatible avec les autres ;
Attendu que, l'adjointe au maire de Saint Ferréol, en charge du CCAS, écrit le 15 septembre 2006 que " monsieur Z... dispose de beaucoup de biens et est incapable de les gérer, ce qui pose un nouveau problème. Il nous a été demandé de le placer sous tutelle " ;
Qu'à la suite du décès de monsieur Z..., le docteur N...écrivait le 29 mars 2007, que ce dernier présentait " une démence dégénérative sous-jacente, un syndrome confusionnel... " ;
Que le docteur J..., dans un certificat manifestement précautionneux postérieur au décès, reprend les termes du certificat du docteur K..., sans s'impliquer autrement, mais qu'il ne fait aucune réserve et tout porte à penser qu'il n'aurait pas établi ce certificat s'il l'avait considéré comme contraire à la vérité ;
Attendu que les témoignages apportés par madame Y... ne méritent pas plus de crédit que les certificats médicaux et d'experts, d'autant moins pour l'attestation de monsieur Frédéric O..., acquéreur d'un des biens du défunt à la date même du testament ;
Qu'à la demande de madame Y..., le notaire qui a reçu cet acte de vente, en a adressé à l'avocat de cette dernière un extrait en écrivant que cet acte " établit que toutes les parties étaient en pleine possession de leur capacité ", ce qui ne constitue toutefois pas une preuve de la santé d'esprit de monsieur Z..., d'autant que cet extrait ne contient même pas la mention relative au paiement ;
Que l'absence de demande d'annulation de cette vente, soumise de surcroît à des conditions plus strictes par l'article 414-2 du code civil, est à la discrétion de la victime bénéficiant de cette nullité relative, et n'a pas de signification quant à l'opinion des héritiers de monsieur Z... sur l'état de ce dernier en juin 2004 ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que monsieur Z... rapporte la preuve de l'insanité d'esprit, telle qu'elle est exigée par les articles 414-2 (489-1 à la date du testament) et 901 du code civil et que c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité dudit testament ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré,
Déboute les parties de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame X..., veuve Y..., aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon.
Ainsi prononcé publiquement le 20 mars 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre civile - première section
Numéro d'arrêt : 11/00245
Date de la décision : 20/03/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2012-03-20;11.00245 ?
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