JM/ MV
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 17 Janvier 2012
RG : 10/ 02938
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 10 Novembre 2010, RG 09/ 1431
Appelantes
Mme Marcelle X... demeurant...-74000 ANNECY Mme Christine X... épouse Y... demeurant...-74410 ST JORIOZ Mme Viviane X... épouse Z... demeurant...-74940 ANNECY LE VIEUX Mme Véronique X... épouse A... demeurant...-74000 ANNECY
représentées par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistées de Me Françoise ROYANNEZ, de la selarl ASTREE JURIS, avocats au barreau de LYON
à
Intimées
la SCI K. M. D sise 13 Rue de la Préfecture-74000 ANNECY la SARL AGENCE CENTRALE 13 Rue de la Préfecture-74000 ANNECY
représentées par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assistées de la SELARL JURISOPHIA, avocats au barreau d'ANNECY
la SNC PHARMACIE DE BONLIEU 15 rue de la Préfecture-74000 ANNECY sans avoué constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 05 décembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Monsieur Morel, Conseiller.
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FAITS ET PROCEDURE
Les consorts X... sont usufruitiers et nus propriétaires d'un local commercial situé au rez de chaussée de la copropriété " ...", ... à ANNECY, qu'ils ont donné à bail dérogatoire à la société AGENCE CENTRALE qui exerce une activité d'agence immobilière, pour une durée de 23 mois du premier décembre 2005 au 31 octobre 2007, puis à la SCI KMD pour une durée de 8 mois du premier novembre 2007 au 30 juin 2008, étant précisé que ces deux sociétés ont la même gérante. Le 30 mai 2008, les consorts X... ont donné ces locaux à bail commercial à la SNC PHARMACIE DE BONLIEU. Le 2 juillet 2008, il ont fait délivrer à la SCI KMD un sommation d'avoir à restituer les clés, puis par acte du 3 septembre 2008, ils l'ont assignée en référé expulsion, procédure qui a abouti à une ordonnance de rejet en date du 20 octobre 2008, en raison de l'existence d'une contestation sérieuse tenant à ce que la société AGENCE CENTRALE, intervenue volontairement à l'instance, prétendait pouvoir bénéficier de la propriété commerciale sur le local litigieux, décision qui a été confirmée en appel par un arrêt du 31 mars 2009. C'est ainsi que par acte du 10 juillet 2009, les consorts X... ont assigné la SCI KMD, la société AGENCE CENTRALE et la SNC PHARMACIE DE BONLIEU devant le tribunal de grande instance d'ANNECY aux fins qu'il ordonne l'expulsion de la SCI KMD et de la société AGENCE CENTRALE et les condamne à leur payer une indemnité d'occupation ainsi que des dommages et intérêts et une indemnité procédurale. La SNC PHARMACIE DE BONLIEU n'a pas comparu devant le premier juge. Par jugement réputé contradictoire du 10 novembre 2010 le tribunal a :- dit que la société AGENCE CENTRALE était bénéficiaire d'un bail commercial aux mêmes conditions que le précédent à compter du premier novembre 2007,- débouté les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes,- condamné les consorts X... à payer à la SCI KMD et à la société AGENCE CENTRALE une indemnité de 1. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire du jugement. Le tribunal a estimé qu'il ressortait des productions que la société AGENCE CENTRALE avait été, avec l'accord des consorts X... et sous couvert de la SCI KMD, laissée en possession du local après l'expiration du premier bail, de sorte qu'elle devait bénéficier du statut des baux commerciaux en application de l'article L 145-5 du code de commerce. Par déclaration reçue au greffe le 31 décembre 2010 les consorts X... ont relevé appel de cette décision. Les parties ont conclu, à l'exception de la SNC PHARMACIE DE BONLIEU, qui, intimée à une personne habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avoué.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts X... demandent à la cour :- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,- d'ordonner l'expulsion des sociétés KMD et AGENCE CENTRALE et de tous occupants de leur chef dans les huit jours de la signification de l'arrêt, si besoin, avec l'aide de la force publique,
- de fixer à 1. 418 euros HT, soit 1. 695, 93 euros TTC le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle que ces deux sociétés seront tenues in solidum de payer, en deniers ou quittances, depuis le premier juillet 2008 jusqu'à la libération effective des locaux,- de les condamner in solidum à payer à l'indivision la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel, outre celle de 10. 000 euros en réparation du préjudice moral,- de les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 5. 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,- de les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de la signification du 2 juillet 2008, soit la somme de 160 euros, et celui de la sommation dénégatoire du 2 mars 2009, soit la somme de 210, 15 euros. Il soutiennent que, faute d'avoir été inscrite au registre du commerce et des sociétés du chef du local litigieux, la société AGENCE CENTRALE ne peut prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux, le bail de 23 mois qui lui avait été consenti n'ayant pas été renouvelé à son profit, et les locaux ayant été valablement reloués pour une durée de 8 mois à la société KMD avec faculté de sous-location au profit de la société AGENCE CENTRALE, laquelle a, au demeurant, reconnu plusieurs fois que son occupation était précaire et ne lui conférait pas la propriété commerciale.
Les sociétés KMD et AGENCE CENTRALE demandent à la cour :- de confirmer le jugement entrepris,- de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la SNC PHARMACIE DE BONLIEU,- de condamner les consorts X... à leur payer une indemnité de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutiennent que la société AGENCE CENTRALE ayant été, avec l'accord des bailleurs, laissée dans les lieux à l'issue du bail initial, sous couvert d'un deuxième bail consenti à la société KMD, elle bénéficie d'ordre public d'un bail commercial, étant rappelé que l'inscription au RCS n'est exigée que lors du renouvellement et non à l'origine.
MOTIFS
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce que, lorsque le preneur d'un bail dérogatoire reste et est laissé en possession des lieux pendant plus de deux ans, il s'opère à son profit un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux ; Attendu qu'il résulte des productions, notamment du courrier adressé le 26 septembre 2007 aux bailleurs par la gérante de la sarl et de la SCI, à la suite duquel un bail de 8 mois a été conclu au profit de la SCI KMD, que la sarl AGENCE CENTRALE, à sa demande, est demeurée dans les lieux à l'issue du bail de 23 mois dont elle était titulaire et a continué d'y exercer son activité commerciale d'agence immobilière, au su et au vu des consorts X..., alors que la SCI KMD, simple prête-nom, ne les a jamais occupés ; Que les deux contrats mentionnant expressément qu'il s'agit de baux à loyer dérogatoires au statut des baux commerciaux, il ne peut être sérieusement soutenu que les parties n'auraient été liées que par une convention d'occupation précaire ; Que la circonstance que la société AGENCE CENTRALE n'ait pas été inscrite au registre du commerce et des sociétés au titre du local dont s'agit ne fait pas obstacle à l'application initiale du statut, cette condition n'étant exigée que lors du renouvellement du bail ; Que le statut des baux commerciaux étant d'ordre public, il s'applique de plein droit dès lors que les conditions visées par l'article L 145-5 sont réunies ;
Que ni la signature du deuxième bail dérogatoire, au demeurant non par elle-même mais par la SCI KMD, ni les termes des courriers qu'elle a pu écrire antérieurement, n'emportent renonciation de la société AGENCE CENTRALE à se prévaloir de son droit au bénéfice du statut des baux commerciaux, cette convention ayant été signée et ces courriers rédigés avant l'expiration du bail dont elle était titulaire, en l'état d'une occupation inférieure a deux ans, donc à une époque à laquelle elle ne possédait pas ce droit auquel elle ne pouvait pas, par conséquent, valablement renoncer ; Que le courrier du 10 juin 2008, dans lequel elle qualifie de précaire la location et demande la propriété commerciale, et celui du 30 juin, avec lequel elle adresse aux bailleurs un chèque représentant le montant de l'indemnité d'occupation, si ils traduisent l'ignorance dans laquelle elle se trouve de ses droits véritables, ne peuvent constituer une renonciation expresse et non équivoque au bénéfice du statut ; Attendu, en définitive, que c'est à bon droit que le premier juge, par des motifs que la cour, pour le surplus, adopte, a retenu que la sarl AGENCE CENTRALE était bénéficiaire d'un bail commercial à compter du premier novembre 2007 ; Attendu que les consorts X... succombent dans leurs prétentions, de sorte que leurs demandes seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Condamne in solidum les consorts X... à payer à la société AGENCE CENTRALE et à la SCI KMD, indivisément, une somme de 1. 200 euros en dédommagement de leurs frais irrépétibles d'appel,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum les consorts X... aux dépens, dont distraction au profit de la SCP FORQUIN REMONDIN, avoués.
Ainsi prononcé publiquement le 17 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier, Le Président,