PL/ DA
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 17 Janvier 2012
RG : 10/ 01632 joint au 10/ 01705 et 10/ 01896
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES-BAINS en date du 10 Juin 2010, RG 08/ 2244
Appelante
la SAS VICAT PRODUITS INDUSTRIELS (V. P. I.), dont le siège social est sis 4 Rue Aristide Bergès BP 34-38081 L'ISLE d'ABEAU cedex
représentée par la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour assistée de Me Françoise ABECASSIS, avocat au barreau de PARIS
Intimés
M. Luc X... Mme Catherine Y... épouse X... demeurant ensemble...-74160 FEIGERES
représentés par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour d'appel de Grenoble assistés de la SELARL Interbarreaux LEGITHEM, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
la SARL AQUA SERP, dont le siège social est sis 283 Route des Tattes de Borly-74380 CRANVES SALES
représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assistée de Me Olivier GONNET, avocat au barreau de LYON
la SARL RICHARD DISTRIBUTION sous l'enseigne LES BLEUES VARIATIONS, dont le siège social est sis 23 Allée des Géomètres-06700 ST LAURENT DU VAR
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistée de Me P. ARMANDO, avocat au barreau de NICE
Société d'assurances L'AUXILIAIRE, dont le siège social est sis 50 Cours Franklin Roosevelt-69413 LYON
représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour assistée de la SELARL TRAVERSO TREQUATTRINI et Associés, avocats au barreau d'ANNECY, et la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 06 décembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Monsieur Morel, Conseiller.
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Les époux X...- Y... ont fait construire en 1998 une piscine dans le jardin de leur propriété de Feigères (Haute-Savoie) au moyen du procédé appelé « bleue variation » ;
Ils ont conclu un marché de travaux avec la SARL Aqua Serp qui a mis en œ uvre le procédé mis au point par la SARL RICHARD distribution à qui elle a acheté les produits nécessaires ;
Le produit utilisé était le mastic Vulkem ;
Ces deux sociétés étaient assurées par la société l'Auxiliaire ;
Des désordres sont apparus rapidement sous forme de taches affectant le fond du bassin ;
En 2000, le bassin était reconstruit par la SARL Aqua Serp ;
La SARL RICHARD distribution a fourni un nouveau produit fabriqué par la SA Vicat Produits Industriels, à savoir le revêtement silico-marbreux Poolprim et Poolimper ;
De nouveaux désordres de même nature apparaissaient en 2000 ;
Les époux X... les ont signalés à la SARL Aqua Serp qui a fait une déclaration de sinistre à l'Auxiliaire ;
Celui-ci a diligenté une expertise dont il est résulté que les désordres provenaient du procédé même de construction du bassin, et a refusé sa garantie ;
À défaut d'accord, les époux X... ont assigné en référé la SARL Aqua Serp l'auxiliaire ainsi que la SARL RICHARD distribution et Vicat produits industriels ;
Par ordonnance du 21 juin 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a ordonné une expertise confiée à M. A...;
Après dépôt du rapport d'expertise, les époux X... ont fait assigner toutes les parties par-devant le tribunal de grande instance de Thonon les bains ;
Par jugement du 10 juin 2010, cette juridiction a :
Condamné in solidum la SARL Aqua Serp, la SARL RICHARD Distribution et la SA Vicat Produits Industriels à payer aux époux X... :
1- la somme principale de 29 519, 80 € au titre de la réparation des désordres de la piscine, 2- la somme de 3 500 € en réparation de leur préjudice de jouissance, 3- la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile,
Dit que dans leurs rapports entre elles la société Aqua Serp sera relevée et garantie des condamnations sus-prononcées en faveur des époux X..., à concurrence des deux tiers par la société RICHARD Distribution, et à concurrence d'un tiers par la société Vicat Produits Industriels.
Débouté les époux X... de leur demande à l'encontre de la mutuelle l'Auxiliaire tant ès qualités d'assureur d'Aqua Serp que d'assureur de RICHARD Distribution.
Débouté la société Aqua Serp de sa demande à l'encontre de la compagnie l'Auxiliaire.
Débouté les sociétés Aqua Serp, RICHARD Distribution, Vicat Produits Industriels et 1'Auxiliaire de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné les Sociétés RICHARD Distribution, Vicat produits Industriels et Aqua Serp, cette dernière relevée et garantie par les deux sociétés sus-désignées dans les mêmes proportions que ci-dessus aux dépens, en ce y compris ceux de référé et d'expertise.
La SAS Vicat Produits Industriels en a interjeté appel par déclaration au greffe du 12 juillet 2010,
La SARL RICHARD Distribution en a interjeté appel par déclaration au greffe du 19 juillet 2010,
La SARL Aqua Serp en a interjeté appel par déclaration au greffe du 11 août 2010,
Vu les dernières conclusions de la SARL Aqua Serp du 16 novembre 2011 intitulées « conclusions récapitulatives et en réponse no 3 » qui tendent à la réformation du jugement déféré pour voir :
- Débouter les époux X... des demandes formées contre elle ;
- A titre subsidiaire, confirmer les dispositions du jugement qui ont condamné les autres intervenants à la garantir des condamnations prononcées contre elle ;
- Condamner l'Auxiliaire à la garantir des mêmes condamnations ;
- Condamner in solidum Vicat Produits Industriels, RICHARD Distribution, et l'Auxiliaire, ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Forquin et Remondin, avoués associés ;
Vu les dernières conclusions de la SARL RICHARD Distribution du 19 septembre 2011 intitulées « conclusions récapitulatives » qui tendent à la réformation du jugement déféré pour voir :
- déclarer irrecevable l'action des époux X... au visa des articles 1792-4 du Code civil et de l'article 1648 du Code civil ;
- A titre subsidiaire, à voir débouter les époux X... de leurs demandes contre elle ;
- À voir condamner l'Auxiliaire à la garantir de toute éventuelle condamnation qui pourrait être prononcée contre elle ;
- À voir débouter les époux X... de leurs demandes d'indemnisation d'un préjudice immatériel et réduira de plus justes proportions l'indemnisation des travaux de réfection du revêtement de la piscine ;
Condamner les époux X... ou tout succombant à payer une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens avec application pour ceux d'appel des dispositions de l'article 699 du même code au profit de la SCP Dormeval et Puig, avoués associés ;
Vu les dernières conclusions de la SA Vicat produits industriels du 5 septembre 2011 intitulées « conclusions d'appel en réponse et récapitulatives 2 » qui tendent à la réformation du jugement déféré pour voir :- déclarer irrecevable l'action des époux X... par application de l'article 1648 du Code civil,- à titre subsidiaire, débouter les époux X... de leurs demandes et les condamner à payer une indemnité de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Fillard et Cochet Barbuat, avoués associés ;- à titre infiniment subsidiaire, à voir limiter la responsabilité de la société Vicat produits industriels à 10 % de l'indemnisation du préjudice des époux X... dont le montant sera réduit à plus justes proportions ;
Condamner solidairement les époux X... et les sociétés Aqua Serp et RICHARD distribution aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Fillard et Cochet Barbuat, avoués associés ;
Vu les dernières conclusions de la société d'assurances l'Auxiliaire du 25 mai 2011 intitulées « conclusions récapitulatives no 2 » qui tendent :- À titre principal, à la confirmation du jugement déféré :- A titre subsidiaire, à voir réduire de plus justes proportions les indemnités pouvant être accordées aux époux X... ;
- Condamner en tout état de cause in solidum les époux X..., la SARL RICHARD distribution et la SA Vicat produits industriels à lui payer une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec application de l'article 699 du même code au profit de la SCP Bollonjeon, Arnaud et Bollonjeon, avoués associés ;
Vu les dernières conclusions des époux X... du 29 août 2011 qui tendent à la confirmation en son principe du jugement déféré sauf à voir augmenter l'indemnisation de leur préjudice dans les conditions suivantes :
- Actualiser la condamnation principale, soit la somme de 29 519, 80 € sur l'indice du coût de la construction postérieur au 3 juin 2009 ;
- Condamner l'auxiliaire solidairement avec ses assurés et la SA Vicat produits industriels à leur payer la somme de 29 519, 80 € avec actualisation sur l'indice du coût de la construction postérieure au 3 juin 2009 ;
Condamner solidairement la SARL Aqua Serp, la SARL RICHARD distribution, la SA Vicat produits industriels et l'auxiliaire à leur payer la somme de 13. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des différents préjudices, le tout avec les intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 1999 outre capitalisation ;
Condamner solidairement la SARL Aqua Serp, la SARL RICHARD distribution, la SA Vicat produits industriels et L'Auxiliaire à payer aux époux X... la somme de 17. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de référé, de première instance et d'appel, lesquels incluront les frais de constat et d'expertise judiciaire, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP Franck Grimaud et Alexis Grimaud, avoués associés près la cour d'appel de Grenoble en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE :
1- demandes des époux X... contre RICHARD distribution (s'agissant principalement du mastic Vulkem) :
Attendu que les époux X... invoquent différents fondements :
- Les dispositions de l'article 1792-4 du Code civil ;
Mais attendu qu'un simple mastic est par nature un produit indifférencié, susceptible de servir à d'autres usages que la construction de piscines ;
Attendu en conséquence que ce texte ne saurait recevoir application en l'espèce ;
- Les dispositions de l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que les époux X... n'ont pas contracté directement avec RICHARD distribution, qu'au surplus, la jurisprudence qu'ils citent concerne seulement la garantie due par le fabricant de matériaux au titre de son obligation de délivrance conforme ;
Attendu qu'implicitement, les époux X... invoquent cette obligation ;
Attendu que d'une part, le défaut rendant la chose impropre à sa destination normale constitue un vice caché,
Attendu qu'il n'en va autrement que dans l'hypothèse où le produit vendu était destiné à un usage particulier, qu'en l'espèce, les époux X... n'en apportent pas la preuve ;
Attendu que d'autre part, il ne résulte pas de leurs explications que le produit vendu par RICHARD distribution ne soit pas conforme à la commande d'Aqua Serp ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement déféré pour débouter les époux X... de leurs demandes contre RICHARD distribution ;
2- Contre Vicat produits industriels (s'agissant des produits Poolimper et Poolprim) :
Attendu qu'à titre principal, les époux X... invoquent encore le défaut de conformité de la chose vendue ;
Mais attendu que les mêmes explications s'imposent que pour l'action contre RICHARD distribution sur le même fondement ;
Attendu que sur le fondement de la garantie des vices cachés, Vicat produits industriels invoque la forclusion prévue par l'article 1648 du Code civil (rédaction de la loi 1804-03-06 promulguée le 16 mars 1804) ;
Attendu que selon les époux X..., le vice affectant la piscine n'aurait été découvert que progressivement, qu'ils ne se sont décidés à agir en justice qu'après avoir constaté le caractère irrémédiable et évolutif des nouveaux désordres et après avoir tenté, en vain, de rechercher une solution amiable ;
Attendu qu'il résulte des explications de l'expert que les désordres sont apparus pour la seconde fois en juillet 2001, qu'en octobre 2001 des analyses de prélèvements ont été faites par le laboratoire du fabricant, à l'insu, semble-t-il du maître de l'ouvrage ;
Attendu que les époux X... écrivent eux même :
" (...) la première négociation avait abouti à une réfection de l'ouvrage (...), ce qui laissait présager une solution identique la seconde fois (c'était sans compter sur l'attitude dilatoire, la carence et la mauvaise foi de la société RICHARD Distribution notamment " (page 10) ;
Attendu qu'ils étaient ainsi conscients de l'inutilité de prolonger les négociations en vue de parvenir à une solution amiable ;
Attendu que les époux X... n'ont assigné les intervenants aux opérations de construction qu'en mai 2005, de sorte qu'ils n'ont pas respecté le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil ;
3- contre Aqua Serp :
Attendu que selon la description de l'expert, les désordres se manifestent par :
- Des taches autour des buses de brassage et en périphérie du bassin ;
Attendu que selon l'expert, ces désordres s'expliquent par la circonstance qu'en dépit de l'application d'un primaire époxidique solvanté appelé Mastiprim, le mastic d'étanchéité Vulkem se diffuse par osmose dans le mortier Pool Imper
-Écaillage du fond du bassin :
Attendu que selon l'expert, le mortier Pool Imper n'a pas suffisamment d'adhérence sur le mastic Vulkem ;
- Dégradation des marges d'escalier et dans une moindre mesure, du revêtement du fond de la piscine qui deviennent abrasifs ;
Attendu que selon l'expert, les particules les plus fragiles du revêtement silico-marbreux disparaissent par usure et les particules les plus dures qui restent en place rendent le revêtement abrasif, que ce désordre n'affecte que dans une faible mesure le fond du bassin ;
Attendu que selon l'expert, les époux X... subissent un préjudice « de moyenne importance » (bas de page 8), que d'autre part, l'expert ne préconise aucune mesure urgente (page 9) ;
Attendu que ces appréciations amènent à penser que la piscine reste utilisable, ce qui n'est pas contesté par les époux X..., puisque ceux-ci évoquent seulement la circonstance que les utilisateurs ont pu se blesser légèrement en raison du caractère abrasif du revêtement, ainsi que des difficultés pour entretenir la piscine ;
Attendu qu'il convient d'en déduire que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination et que sa solidité n'est pas non plus compromise de sorte que les désordres ne relèvent pas de l'article 1792 du Code civil ;
Attendu que la responsabilité de la SARL Aqua Serp ne peut donc être engagée que pour faute prouvée ;
Attendu que ni les explications de l'expert, ni celle des époux X... ne permettent de caractériser la faute de la SARL Aqua Serp ;
Attendu en effet que selon l'expert, les désordres ont pour cause le caractère défectueux des produits mis en oeuvre, qu'il n'est pas établi qu'Aqua Serp pouvait en être consciente, ni qu'elle ait commis une erreur dans leur mise en oeuvre ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré pour débouter les époux X... de leurs demandes contre la SARL Aqua Serp ;
4- Contre l'auxiliaire :
Attendu que l'action directe de la victime contre l'assureur ne peut prospérer que dans la seule mesure où la responsabilité de l'assuré est engagée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que les époux X... doivent être également déboutés de leurs demandes contre l'Auxiliaire ;
Par ces motifs :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,
Déboute les époux X... de toutes leurs demandes ;
Déboutes les autres parties de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux X... aux dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel avec application pour ces derniers des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués adverses qui en ont fait la demande ;
Ainsi prononcé publiquement le 17 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier, Le Président,