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10/01/2012 | FRANCE | N°11/00054

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre civile - première section, 10 janvier 2012, 11/00054


CB/MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile - première section

Arrêt du Mardi 10 Janvier 2012

RG : 11/00054

- arrêt de la cour de cassation du 14 Septembre 2010

- arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 28 avril 2009

- jugement du tribunal de grande instance de Bonneville du 15 décembre 2008

Appelante

la SAS SUPRA FRANCE,

dont le siège social est situé 705 avenue du Môle - 74460 MARNAZ

représentée par la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT, avoués à la cour

assistée de la SCP LEGI CONSULTANTS, avoca

ts au barreau de LYON,

Intimée

SA T2S,

dont le siège social est situé 44 allée du Mont Blanc - 74300 CLUSES

représentée par la SC...

CB/MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile - première section

Arrêt du Mardi 10 Janvier 2012

RG : 11/00054

- arrêt de la cour de cassation du 14 Septembre 2010

- arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 28 avril 2009

- jugement du tribunal de grande instance de Bonneville du 15 décembre 2008

Appelante

la SAS SUPRA FRANCE,

dont le siège social est situé 705 avenue du Môle - 74460 MARNAZ

représentée par la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT, avoués à la cour

assistée de la SCP LEGI CONSULTANTS, avocats au barreau de LYON,

Intimée

SA T2S,

dont le siège social est situé 44 allée du Mont Blanc - 74300 CLUSES

représentée par la SCP FORQUIN-REMONDIN, avoués à la cour

assistée de la SELARL JURIS MONT-BLANC, avocats au barreau de BONNEVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

ordonnance du Premier Président en date du 10 novembre 2011

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 29 novembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Monsieur Billy, Président de chambre,

- Monsieur Leclercq, Conseiller

- Madame de La Lance, Conseiller.

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Attendu que la Sas Supra France, pour la fourniture de pièces de colonnes de direction nommées Inner ring à une société, Delphi USA devenue Nexteer automobile, équipementier de General motors, a confié par contrat du 15 mars 2005 le contrôle de ces pièces à la Sas T2S ;

Que cette dernière n'a pas fourni un volume de pièces vérifiées correspondant aux quantités fixées par le contrat et a notifié à Supra France fin 2007 qu'elle résiliait le contrat à la fin de mars 2008, puis y a mis fin au 29 juillet 2008 ;

Que la Sas Supra France a fait assigner la Sas T2S en vue de lui voir imposer de poursuivre l'exécution du contrat devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bonneville, lequel a, par ordonnance du 14 août 2008, renvoyé l'affaire devant le juge du fond en enjoignant à T2S de poursuivre l'exécution du contrat à ses clauses et conditions sous astreinte, et que le tribunal, par jugement du 15 décembre 2008, a dit que le contrat est à durée déterminée, prononcé sa résiliation aux torts réciproques des parties et condamné la Sas Supra France à payer à la Sas T2S 92.993,16 € outre intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2008 et les dépens ;

Que la cour de céans, par arrêt du 28 avril 2009, a, réformant le jugement, dit que le contrat est à durée indéterminée, constaté que les parties y ont mis fin d'un commun accord et les a déboutées de leurs demandes respectives laissant à chacune la charge de se dépens ;

Que la Cour de cassation, chambre commerciale, par arrêt du 14 septembre 2010, a cassé l'arrêt en toutes ses dispositions aux motifs, d'une part, que la cour d'appel avait rejeté la demande de T2S tendant à ce que Supra, qui demandait la restitution de la machine de tri, lui paie le prix convenu sans rechercher en quoi leur volonté commune de mettre un terme aux relations contractuelles aurait fait obstacle à la mise en oeuvre de dispositions du contrat imposant le rachat de la machine de tri par Supra, et d'autre part que la cour avait rejeté la demande de la société T2S tendant à la condamnation de la société Supra à lui payer des notes de débit et factures après avoir relevé que la société Supra ne démontrait pas que T2S avait manqué à son obligation de moyens sur le nombre de pièces à contrôler par jour ou par semaine et que les difficultés de maintenir la cadence étaient liées aux dysfonctionnements de la machine de tri à la conception et à la réception de laquelle Supra avait été associée, sans rechercher si la société T2S avait au moins en partie exécuté les prestations contractuellement prévues dont elle sollicitait le paiement ;

Que la Sas Supra France a saisi la cour par déclaration du 10 janvier 2011 ;

Attendu que, expliquant que T2S est spécialisée dans le contrôle dimensionnel de pièces, que Supra France a accepté son offre définissant les prestations, le prix et l'engagement sur la capacité hebdomadaire des pièces à traiter, que T2S a réalisé ou fait réaliser avec ou par les sociétés Atis et Secad une machine dédiée au contrôle dimensionnel et au tri subséquent des pièces, que, après une année de mi-régime, la pleine production a été atteinte en novembre 2006, qu'elle a alors découvert que T2S était incapable de satisfaire son engagement sur la capacité hebdomadaire de tri, qu'en outre un nombre important de pièces déclarées non conformes étaient mises au rebut alors que de nouveaux contrôles les déclaraient satisfaisantes, aggravant ainsi les retards dans ses opérations de tri, qu'elle a demandé à T2S de respecter ses engagements dont la violation la mettait en grande difficulté vis à vis de son client, et que T2S a cessé ses prestations en voulant lui faire supporter le coût de la machine dédiée, que sa demande de dommages et intérêts n'est pas nouvelle, que, nonobstant l'ordonnance de référé, T2S a cessé sa prestation le 5 janvier 2009 modifiant ainsi les termes du litige, que le contrat est à durée déterminée puisque celui avec Delphi corporation LLC est à durée déterminée et qu'elle n'avait donc aucun motif de s'engager à durée indéterminée avec son propre fournisseur, et que la proposition de contrat de T2S se référait au "marché", que cette dernière ne pouvait donc pas cesser sa prestation avant le terme, qu'un simple échange de correspondances ne peut pas justifier une rupture, que les allégations du caractère injurieux de propos tenus par Supra France ne sont pas rappelées dans la correspondance adressée onze mois plus tard, que le jugement n'a jamais été définitif, qu'elle a toujours payé aux échéances convenues, voire en avance, sauf les quelques factures litigieuses, que le contrat ne prévoit pas de pénalités, qu'un préavis de 14 jours, alors que le contrat a duré plus de trois ans, est notoirement insuffisant, que la mise en place d'une machine de tri n'est qu'un moyen mis en place par le prestataire sous sa responsabilité et qu'elle-même n'avait pas à valider la machine, qu'elle a été contrainte de mettre en place un contrôle du diamètre 8.04 à la place de T2S, que celle-ci a violé ses engagements en ne mettant pas en place les moyens permettant d'assurer les capacités de tri visées au contrat, que son préjudice doit être évalué à la date du jugement, que la mise au rebut de 61.892 pièces conformes mais rejetées par T2S constitue un manque à gagner de 132.144,87 €, qu'elle a engagé 19.613,68 € de frais pour réaliser un contrôle manuel du diamètre 8.04, 487.876,36 € de frais de transports exceptionnels dus au retard, que deux incidents de qualité chez Delphi ont conduit à un nouveau contrôle des pièces pour 15.492, 32 €, que T2S a tenté d'obtenir de passer le prix de 60 à 193,20 € le mille, soit un surcoût pour elle de 426.240 € par an (64.000 pièces sur 50 semaines), soit 1.138.060,08 € pour les deux ans et huit mois restant à courir, et la perte d'une chance de 75 % d'obtenir la poursuite du contrat après 2012 pour une durée totale de 12 années, soit 3.711.267,31 €, qu'elle a dû réaliser sa propre machine pour un coût de 221.411,75 €, qu'elle-même n'a aucune obligation de rachat de la machine qui n'est envisagée que dans l'hypothèse d'un arrêt du marché, c'est à dire la cessation de ses relations avec Nexteer, que T2S a toujours reconnu qu'elle n'avait pas d'obligation de ce chef, que T2S reconnaît devoir des notes de débit pour 58.578,35 €, que d'autres sont fondées pour 51.182,68 €, en sorte que le solde de facture dû s'élève à 53.291,88 €, la Sas Supra France demande de dire que le contrat entre les parties est à durée déterminée, dire la résiliation par T2S abusive, de la condamner à lui payer 3.711.267,31 € de dommages et intérêts et, subsidiairement 876.538,98 €, de débouter T2S et de la condamner à lui payer 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, alléguant que le contrat a été préparé et rédigé par Supra et ne vise pas le contrat conclu par elle avec l'équipementier Delphi USA, que le contrat précisait que la machine devait être reprise par Supra à la fin des relations contractuelles, et qu'il s'agissait d'une faculté seulement en cas de résiliation imputable à T2S, que, par contrat du 20 février 2006, Supra lui a confié aussi des opérations d'ébavurage, que Supra n'a pas cessé d'augmenter ses exigences, faisant des critiques permanentes et infondées et lui imposant une baisse des prix, que Supra elle-même ne livrait pas les quantités prévues dans le délai convenu, qu'elles se sont rapprochées en septembre 2007 pour déterminer les conditions de transfert et de rachat de la machine de tri, que plusieurs rencontres ont eu lieu, que Supra n'a fait aucune offre claire en sorte qu'elle a écrit le 10 décembre 2007 que ses prestations prendraient fin au 31 mars 2008, ajoutant qu'elle était prête à céder la machine selon les termes du contrat et à assurer le transfert de compétence, que Supra continuait néanmoins la discussion et qu'elle acceptait de prolonger le tri jusqu'à fin juillet 2008, que le dirigeant de Supra tenait le 28 janvier 2008 des propos insultants et orduriers à l'égard du personnel de T2S, que lors d'une réunion le 29 mai 2008 elle a confirmé sa décision ferme de cesser le contrat le 31 juillet et le confirmait par courrier du 4 juillet, que le contrat stipule que la durée prévisible du marché est de 6 ans à compter du 1/9/2005, qu'il ne s'agit donc pas d'une durée ferme et que le contrat est à durée indéterminée, que chaque partie peut y mettre fin à tout moment, qu'elle a cessé ses prestations le 5 janvier 2009, respectant l'ordonnance de référé qui prescrivait la poursuite de l'exécution jusqu'à la décision du juge du fond, qu'elle a donc respecté un préavis suffisant, que ses griefs sont le comportement gravement injurieux, agressif et menaçant du dirigeant de Supra, les retards systématiques de paiement, la pratique systématique de notes de débit sur T2S pour compenser les factures exigibles, le non respect par Supra des volumes de pièces par lancement, et l'attitude déloyale de Supra pendant toutes les négociations de septembre 2007 à mai 2008 sur le transfert de la machine de tri, qu'elle avait une obligation de moyens et non de résultat, que les difficultés d'exécution sont dues aux dysfonctionnements de la machine à la conception de laquelle Supra a été associée, que celle-ci a expressément accepté le principe de cette reprise et a conclu en ce sens en première instance, que sa prétention nouvelle en appel est irrecevable, que sa demande de dommages et intérêts est également nouvelle, que les préjudices allégués ne sont pas justifiés, que Supra a déjà déduit ses notes de débit des factures réglées, la Sas T2S conclut à la réformation du jugement, à la qualification de contrat à durée indéterminée, subsidiairement à l'imputabilité de la résiliation à la Sas Supra France, à l'obligation de celle-ci d'acquérir la machine de tri et sa condamnation à lui payer 238.420 € HT soit 285.150,32 € TTC, à l'irrecevabilité, et subsidiairement au débouté, de la demande d'obligation pour elle-même de conserver la machine de tri à titre de sanction et à celle de dommages et intérêts, à la condamnation de la Sas Supra France à lui payer 118.611,92 € ainsi que 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le contrat précise, article 5, que "la durée prévisible du marché, aux volumes définis ci-dessus, est de 6 ans à compter du 01/09/2005" ;

Qu'il s'agit d'une durée convenue et précise, aucun cas de résiliation n'étant de surcroît expressément autorisé au profit de l'une ou l'autre des parties, le paragraphe "résiliation", (article 18) précisant seulement, en cas de rupture, le sort des investissements faits par le "fournisseur" T2S en vue de la seule exécution du marché ;

Que, sur ce point, le jugement ne peut qu'être confirmé ;

Attendu que l'ordonnance du 14 août 2008, en disant "que la Sas T2S devra jusqu'à la décision du juge du fond, poursuivre l'exécution du contrat d'approvisionnement" imposait à celle-ci de poursuivre l'exécution non pas jusqu'au seul prononcé du jugement, mais jusqu'à l'éventuel arrêt de la cour d'appel qui, seul, tranchait définitivement le fond du litige ;

Qu'en cessant sa prestation dès le prononcé du jugement la Sas T2S n'a pas respecté l'obligation mise à sa charge par l'ordonnance ;

Attendu que c'est à tort que la société T2S affirme qu'elle n'était tenue que d'une obligation de moyens, au motif que le contrat indique qu'elle doit (article 5) mettre en place des moyens spécifiques", alors que ces moyens doivent permettre une capacité de tri hebdomadaire moyenne (64.000 pièces) avec un maximum de capacité de 82.000 pièces ;

Attendu qu'il apparaît que les litiges entre les parties trouvent leur source dans le fonctionnement de la machine de tri spéciale ;

Que, à cet égard, l'article 5 stipule que " le fournisseur s'engage à mettre en place des moyens spécifiques pour assurer : - une capacité..." et l'article 13 : "pour ce marché, le fournisseur s'engage à mettre en place une gestion de projet permettant de suivre les étapes de validation des études de l'équipement et de sa réalisation. Le client sera invité aux principales réunions de validation pour avis consultatif" ;

Que cette dernière disposition a été ajoutée au projet initial établi par T2S et qu'il en résulte que "le client" Supra s'était réservé la possibilité de valider la machine, étant évidemment exclu qu'en cas de divergence entre client et fournisseur, le marché puisse se poursuivre avec l'usage d'une machine inspirant à Supra France un avis négatif ;

Que, d'ailleurs, le contrat impose (article 15) la présentation par T2S à Supra d'une documentation spécifique et une visite par cette dernière de l'installation "pour valider le démarrage série de l'opération de tri", et détaille la dite documentation (8 pièces) et indique (article 17) que "la précision sera validée par le client lors de l'étude de détail" ;

Que, malgré cela, la machine a été lancée sans jamais être en mesure de donner satisfaction, et pas seulement de façon quantitative mais aussi de façon qualitative (mesure du diamètre 8.04) ;

Attendu que T2S estime qu'elle était justifiée à résilier le contrat, en raison du comportement gravement injurieux, agressif et menaçant du dirigeant de Supra, des retards systématiques de paiement de celle-ci, de sa pratique systématique et unilatérale de notes de débit sur T2S, son non respect des volumes de pièces par lancement et son attitude déloyale pendant les négociations de septembre 2007 à mai 2008 en vue du transfert de la machine de tri ;

Que le premier grief est fondé sur une unique lettre du 28 janvier 2008, certes particulièrement grossière et injurieuse, mais qui n'a manifestement eu aucune influence sur les relations des parties, étant postérieure au début des négociations sur le transfert de la machine et très antérieure à la rupture, et même à la tentative de rupture de juillet 2008 ;

Que le second est manifestement faux, les premiers paiements étant habituellement antérieurs au terme jusqu'à fin 2007, sauf notes de débit objets d'un autre grief, et les premiers retards n'intervenant qu'en décembre 2007 ;

Attendu que, la pratique de notes de débit a effectivement été unilatérale, ce qui n'est pas contesté, qu'elle a commencé dès septembre 2005, soit dès l'entré en vigueur du marché, que les motifs étaient multiples (lots refusés, factures annulées par le client ou considérées comme non justifiées, lots en retour, etc.) ;

Que, le compte rendu de réunion du 29 septembre 2007 (pièce 1 de T2S) montre une des divergences sur une note de débit du 31 juillet 2007, sur laquelle chaque partie a une opinion divergente, Supra considérant qu'il s'agit de commandes totalement perdues alors que T2S pense que ces comptes rentrent dans le taux de (perte ?) de 1 %, et aucun élément précis ne justifie l'une de ces opinions ;

Que, d'ailleurs, dans un courrier du 17 juin 2008, le responsable de Supra écrit : "concernant les notes de débit soi-disant injustifiées, T2S n'a jamais apporté la preuve de leur non-justification mais ramène toujours les mêmes affirmations", alors que, contestant devoir payer le prix convenu pour les prestations réalisées, au moins partiellement, c'est à elle qu'il appartenait de démontrer qu'elle n'avait pas à payer les factures correspondantes ;

Que, toutefois, la société T2S reconnaît quelle les a acceptées en émettant des avoirs pour un total de 70.059,70 € TTC (sur 131.274,19 €), ce qu'il faut bien admettre comme une reconnaissance de leur bien fondé dans cette limite ;

Attendu que, concernant le cinquième grief, la société T2S ne peut sérieusement reprocher à Supra d'avoir "fait mine de vouloir reprendre la machine de tri par transfert en ses usines pour conduire T2S à mettre en oeuvre les modifications souhaitées par Supra sur cet équipement industriel afin d'en faciliter l'exploitation directe chez Supra" alors que, aux termes du contrat, il lui appartenait de mettre en place une machine dédiée au tri demandé avec une capacité de rendement imposée et que pendant toute l'application du contrat des ajustements ont été nécessaires qui ne sont pas parvenus à l'obtention de cette capacité ;

Que ce grief n'est donc pas fondé ;

Attendu que, enfin, sur le non respect par Supra des volumes de pièces par lancement, il résulte de sa note en pièce 15 que c'est en milieu d'année 2007 que le volume fourni est anormalement descendu à 2.400, alors que le contrat prévoyait 3.000 pièces par lancement et qu'elle indique avoir accepté 2.800 pièces auparavant, que ses protestations ont entraîné un retour à 2.950 pièces jusqu'en juillet 2008, mois "depuis lequel le nombre de pièces par lot évolue d'une manière anormale" ;

Que la société Supra ne le conteste pas, se bornant à répliquer que, en toute hypothèse, T2S était dans l'incapacité d'exécuter ses obligations ;

Qu'il n'apparaît pas que cette difficulté ait eu d'autre effet que d'augmenter les tensions entre les parties ;

Qu'il est toutefois manifeste que la société Supra n'était elle-même pas toujours en mesure d'honorer le contrat, et que d'ailleurs, il résulte de ses indications que la résiliation effective en janvier 2009 ait été bienvenue dans la mesure où la production automobile a fortement baissé en 2009 en sorte que l'équipementier client a pu satisfaire les besoins du constructeur en puisant dans les stocks accumulés pendant neuf mois ;

Que, néanmoins, cette situation ne causait pas de difficulté à T2S qui, en raison de ses propres difficultés, n'était elle-même pas en mesure d'assurer la capacité demandée ;

Attendu que, dès lors, la rupture du contrat qu'elle a décidée et imposée à son partenaire lui est entièrement imputable ;

Attendu que, concernant le préjudice, cette demande ne peut être considérée comme nouvelle en appel ;

Que, en effet, le juge des référés, en renvoyant le débat à une audience au fond, a imposé la poursuite de l'exécution du contrat, qu'à la suite du jugement la Sas T2S s'est considérée déliée de cette obligation et a procédé à la résiliation, et que la demande d'indemnisation à raison de la résiliation est présentée en conséquence de l'évolution du litige ;

Que cette prétention est donc recevable ;

Attendu qu'il apparaît que l'idée de la rupture était envisagée par les deux parties dès la réunion du 27 septembre 2007 où T2S a proposé la reprise de la machine par Supra ;

Que Supra n'y a pas été hostile puisque les pourparlers ont duré plusieurs mois, jusqu'en mai 2008 ;

Que, par ailleurs, son attitude, notamment en ce qui concerne les notes de débit et les volumes de pièces par lancement, est de nature à diminuer l'appréciation de son préjudice ;

Attendu que, concernant les 61.982 inner rings rejetés alors qu'ils étaient conformes, ce chiffre n'est qu'une extrapolation sur la durée de vie du contrat déduite par monsieur X..., expert sollicité par Supra, sur le fondement de la déclaration du 7 février au 23 août 2006 de non conformité de 102.680 pièces et de la conclusion, de contre-vérifications effectuées ensuite jusqu'au 8 décembre 2006, établissant que 49,17 % d'entre elles étaient en réalité conformes ;

Qu'il s'agit donc d'un préjudice hypothétique non indemnisable ;

Attendu que le second chef de préjudice invoqué est constitué par les frais engagés pour réaliser un contrôle manuel du diamètre 8.04 ;

Que, toutefois, ce coût résulte des seules affirmations de la société Supra, que monsieur X... n'a fait que reprendre cette affirmation et que Supra a, en outre, déjà pris ce coût en compte dans ses notes de débit ;

Que cette prétention doit aussi être rejetée ;

Attendu que le troisième chef est constitué par 487.876,36 € de coûts de transports exceptionnels qu'elle aurait dû assumer du fait des retards connus par T2S, transport par avion au lieu du bateau ;

Qu'il est toutefois étonnant que cette demande n'ait pas été présentée plus tôt dans la procédure alors que ces coûts sont nécessairement connus depuis une date antérieure à la résiliation, et que d'ailleurs ils sont invoqués dans certains courriers échangés à l'époque ;

Que, pour partie, ils figurent, selon l'expert comptable, dans certaines notes de débit (les deux premiers postes pour 3.157,29 €) en février et juin 2007, qui n'étaient pas contestées, et ont ainsi déjà été déduits des factures dues ;

Que, pour le reste (427.199,43 €), si le principe en est admis, aucune facture ni preuve de paiement n'est produite, en sorte que cette prétention doit aussi être rejetée ;

Attendu que, concernant les nouveaux contrôles de pièces pour 15.492,32 € dus à des incidents qualité avec la société SMC America, aucune facture n'est là encore produite non plus que preuve de paiement, mais seulement l'attestation, de surcroît sans respect des formes imposées par le code de procédure civile, de l'expert comptable de Supra qui ne peut donc qu'être déboutée ;

Attendu que la demande relative au préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat (3.711.267,31 €) est fondée sur un calcul proposé par monsieur X... sur la base de la demande de T2S en décembre 2007 de voir porter le coût de sa prestation de 60 € par mille pièces à 193,20 €, le préjudice étant constitué par le surcoût engendré, que T2S aurait ainsi évalué à (193,20 - 60 =) 133,20 € pour mille, soit 426.240 € par an pour 64.000 pièces, 1.138.060,08 € pour la durée du contrat de 2 ans et huit mois restant à courir et une perte de chance de 75 % de voir le contrat se prolonger six autres années, compte tenu que la durée de vie d'un équipement automobile élémentaire comme le sont les inner rings, excède les douze ans et qu'un équipementier satisfait maintient ses relations avec ses prestataires ;

Que, toutefois, l'existence même de ce préjudice de surcoût ne résulte d'aucun élément du dossier ;

Que Supra indique elle-même qu'elle n'a pas eu à fournir de pièces pendant neuf mois en 2009 en raison d'une baisse de production automobile ;

Que le fait que T2S ait exprimé une insatisfaction, à l'usage, du prix convenu, ne prouvait pas que ce prix était favorable à Supra, ni que Supra ne pouvait pas l'obtenir par ailleurs et encore moins que le prix normal dans ce cas aurait été celui exprimé par T2S qui ne repose sur aucun élément justifié d'estimation, même dans la demande de celle-ci à l'époque ;

Que Supra demande subsidiairement, à ce titre, l'indemnisation du coût de la machine de tri qu'elle a fait réaliser à la suite de la résiliation du contrat ;

Que la seule preuve produite en est, là encore, une autre attestation de son expert comptable, toujours non conforme aux exigences du code de procédure civile, et faisant état, non du montant demandé de 221.411,75 € mais du prix de 127.661,75 €, le solde étant estimé par monsieur X... à raison de 30.000 € de coût forfaitaire d'implantation et 63.750 € de rémunération de personnel directement affecté (hors coût de structure) pour une durée totale de 8,5 hommes-mois ;

Que, toutefois, la Sas Supra France s'est engagée par l'article 18 du contrat, ainsi qu'il résulte des attendus suivants, à reprendre la machine construite aux frais de la Sas T2S et que la résiliation du contrat n'est pas un motif suffisant de rachat d'une nouvelle machine ;

Attendu que T2S demande le paiement de la facture du 15 août 2008 de 31.778,67 €, qu'elle avait redemandée par message du 2 septembre 2008, que Supra ne conclut pas expressément sur cette prétention, qu'elle ne conteste pas la réalisation de la prestation facturée conformément au contrat et qu'il convient donc de faire droit à la demande ;

Que T2S prétend aussi au paiement d'autres factures pour un montant de (57.125,95 - 31.778,67=) 25.347,28 €, mais que le décompte n'en est pas précisé et que la cour ne voit pas, parmi les diverses lettres de relance au dossier, de factures qui seules ou additionnées, égalent ce montant, en sorte que la demande doit être rejetée de ce chef ;

Que, par ailleurs elle demande aussi le paiement des sommes retenues par Supra au titre de notes de débit non acceptées pour 61.485,97 €, et que, en l'absence de justification de celles-ci, il convient de faire droit également à cette prétention ;

Attendu que la clause de l'article 18 du contrat précisant que, "en cas d'arrêt du marché, quelle qu'en soit la cause, le client rachètera la machine de tri au fournisseur au prix fixé selon la formule suivante : ..." désigne bien évidemment par le mot "marché", comme dans l'article 5 relatif à sa durée ou dans l'article 13, le contrat entre les parties plutôt qu'un contrat de la seule société Supra avec son propre client dont il n'a jamais été question dans les articles précédents du contrat ;

Qu'elle constitue un engagement de la part du "client", c'est à dire de la société Supra ;

Que le fait que, dans un courrier du 18 décembre 2007, la Sas T2S ait écrit que, sur cette question du rachat de l'équipement, "oui, il n'y a pas d'engagement pris par Supra", caractérise soit une méconnaissance des termes du contrat, mais non une renonciation à se prévaloir de ce dernier, soit la reconnaissance que rien n'était définitif dans les discussions en vigueur à l'époque ;

Qu'en effet, ce courrier, comme ceux faisant état de "proposition de rachat de la machine de tri", tels que l'email émanant de Supra (Bertrand Y...) en date du 29 septembre 2007, a été établi à un moment où la résiliation notifiée par T2S n'était pas acquise, dépendant des discussions sur la reprise de la machine de tri ;

Attendu que, par ailleurs, un article 20 du contrat relatif au "traitement des litiges", stipule que, "en cas de non respect continu d'au moins un des engagements du fournisseur, le client mettra en demeure le fournisseur, par lettre recommandée avec AR, en décrivant les dysfonctionnements constatés" avec obligation pour le fournisseur de se mettre en conformité avec le contrat dans les 12 semaines, et précise d'une part qu' "en cas de non rétablissement de la situation à ce terme, le contrat sera résilié de plein droit", et d'autre part que "dans ce cas, le client pourra reprendre l'équipement au prix défini par la formule de calcul, indépendamment de toute clause" ;

Que l'apparente contradiction entre les articles 18 et 20, le premier prévoyant "l'arrêt du marché quelle qu'en soit la cause" , ne peut être résolue qu'en considérant que le cas envisagé par l'article 20 constitue une exception à l'article 18 ;

Attendu que la seule lettre recommandée justifiée est une lettre du 14 janvier 2008, ne faisant aucune allusion, directe ou indirecte, à une possibilité de résiliation ;

Qu'elle ne constitue une mise en demeure que dans la mesure où elle porte que nous "exigeons une adéquation instantanée à nos requêtes qui ne sont que contractuelles" ;

Que l'annexion en pièces jointes de messages électroniques du 12 janvier pourrait constituer la description de dysfonctionnements, mais qu'ils ne contiennent qu'expressions de mécontentement, et exigence de mettre en place les moyens d'une production plus importante avec mention d'une livraison par T2S de 37.175 pièces au lieu de 90.000 sur 7 jours ;

Qu'il n'y a ensuite eu aucune constatation de non mise en conformité et que le contrat s'est poursuivi pendant plus de 12 semaines, plus précisément 6 mois, avec les mêmes errements, et de surcroît l'exigence par Supra devant le juge des référés en août 2008 que le contrat soit poursuivi ;

Attendu que rien ne justifie d'imposer à T2S la conservation de la machine de tri à titre de sanction de l'exécution ou de la résiliation fautive du contrat qui ne prévoit rien de tel ;

Attendu que, dès lors, c'est à juste titre que la Sas T2S réclame le paiement de la somme de 285.150,32 € TTC, dont le calcul du montant n'est pas discuté, et qu'il sera fait droit à ce chef de demande ;

Attendu que la créance de T2S s'élève donc à (31.778,67 +61.485,97+ 285.150,32=)378.414,96 € ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réformant,

Dit que la résiliation du contrat est imputable aux torts de la Sas T2S,

Condamne la Sas Supra France à payer à la Sas T2S la somme de 378.414, 96 € (TROIS CENT SOIXANTE DIX HUIT MILLE QUATRE CENT QUATORZE EUROS QUATRE VINGT SEIZE),

Déboute les parties de leurs autres prétentions, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie doit payer la moitié des dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699du code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.

Ainsi prononcé publiquement le 10 janvier 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre civile - première section
Numéro d'arrêt : 11/00054
Date de la décision : 10/01/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2012-01-10;11.00054 ?
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