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21/06/2011 | FRANCE | N°11/00720

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre commerciale, 21 juin 2011, 11/00720


JM/ MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre commerciale

Arrêt du Mardi 21 Juin 2011

RG : 11/ 00720

Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 16 Mars 2011, RG 10R123

Appelante

La SA SYNERGIE,
dont le siège social est situé 11 avenue du Colonel Bonnet-75016 PARIS

représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistée de Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS

Intimées

La SARL JOB CONCEPT,
dont le siège social est situé Zone industrielle de Moutti

Sud-Espaces leaders-74540 ALBY SUR CHERAN

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
assistée de la SELARL ANNIC...

JM/ MV

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre commerciale

Arrêt du Mardi 21 Juin 2011

RG : 11/ 00720

Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 16 Mars 2011, RG 10R123

Appelante

La SA SYNERGIE,
dont le siège social est situé 11 avenue du Colonel Bonnet-75016 PARIS

représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistée de Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS

Intimées

La SARL JOB CONCEPT,
dont le siège social est situé Zone industrielle de Moutti Sud-Espaces leaders-74540 ALBY SUR CHERAN

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
assistée de la SELARL ANNICK HINGREZ, avocats au barreau d'ANNECY

Mme Marie Charlotte X...
demeurant Exploitant sous l'enseigne MC PLACEMENT-...-74700 SALLANCHES

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
assistée de Me Marie LETOUBLON, avocat au barreau d'ANNECY
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 001104 du 18/ 04/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Chambéry)

- =- =- =- =- =- =- =- =-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 23 mai 2011 par Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonctions de Président, qui a entendu les plaidoiries en présence de Madame BRUGADE, Vice-Présidente placée, avec l'assistance de Madame VIDAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonction de Président, qui a procédé au rapport,
- Madame ZERBIB, Conseiller,
- Madame BRUGADE, Vice-présidente placée.

- =- =- =- =- =- =- =- =-

OBJET DU LITIGE

La société SYNERGIE, est une entreprise de travail temporaire qui exploite un réseau d'environ 300 agences sur tout le territoire national.
Le 04/ 08/ 2010 elle a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce d'ANNECY aux fins qu'il désigne un huissier avec mission de procéder à une mesure de constat et de se faire communiquer un certain nombre de documents : planning de travail, contrats de mission des intérimaires, correspondances avec ses anciens clients, documents commerciaux et tous éléments de nature à retracer l'activité commerciale réalisée par la société JOB CONCEPT d'une part et Mme X..., exerçant sous l'enseigne MC PLACEMENT, d'autre part, et ce, depuis le mois de janvier 2010.
Dans cette requête, elle faisait état de ce que depuis le début de l'année 2010 une part conséquente de ses clients et intérimaires avaient été démarchés puis captés par la société JOB CONCEPT et l'entreprise MC PLACEMENT, situées à proximité de ses agences de Haute Savoie, respectivement dirigées par ses anciennes employées, Mme Y...et Mme X... qui l'avaient quittée dans le courant du premier trimestre 2010, et ce à l'instigation de M. Z..., responsable chez elle des secteurs Savoie/ Haute Savoie qui l'avait incitée à libérer ces salariés de leurs clauses de non concurrence, qui avait organisé, alors qu'il travaillait à son service, la création et le démarrage de ces entités concurrentes et qu'elle avait finalement licencié pour faute lourde en juin 2010 après avoir constaté son implication dans cette affaire, notamment au regard des éléments précités ainsi que des courriels relatif à la société JOB CONCEPT saisis sur son ordinateur professionnel et de la circonstance qu'il n'avait pas répercuté à la Direction mais au contraire étouffé les faits de fouilles de dossier intervenues en avril et mai dans ses agences de SALLANCHES et ANNEMASSE et aussi de ce qu'il était associé de la société JOB CONCEPT.
Elle en concluait qu'elle avait donc tout intérêt à faire procéder à une mesure de constat et de recherche des conditions d'exploitation d'activité et de réalisation du chiffres d'affaires des deux entreprises concernées depuis le début de l'année.
A la suite de cette requête, une ordonnance a été rendue le 20/ 08/ 2010 étant précisé que, pour préserver le secret des affaires elle prévoyait que l'ensemble des éléments recueillis seraient conservés par l'huissier jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par décision de justice contradictoire ou accord des parties, les pièces devant être restituées au président du tribunal de commerce d'ANNECY à défaut d'avoir engagé une instance dans un délai de trois mois.
Le 21/ 09/ 2010 les huissiers commis se sont rendus au siège des entreprises concernées et ont procédé à leur mission avec l'assistance d'experts informatiques, un certain nombre de documents et informations ayant été collectés puis séquestrés en leurs Etudes.
Par actes du 15/ 12/ 2010 la société SYNERGIE a alors assigné d'une part la société JOB CONCEPT et d'autre part Mme X... (MC PLACEMENT) devant le juge des référés du tribunal de commerce d'ANNECY aux fins qu'il l'autorise à prendre connaissance et copie des éléments collectés et séquestrés.
La société JOB CONCEPT a conclu à la nullité de la requête à fin de constat, en l'absence d'éléments justifiant de ne pas procéder contradictoirement et subsidiairement au débouté en raison du défaut d'urgence et de l'existence de contestations sérieuses.
Mme X..., quant à elle, a sollicité la rétractation de l'ordonnance.
Par ordonnance du 16/ 03/ 2011 le juge des référés a :
- ordonné la jonction des deux procédures,
- débouté la société SYNERGIE de ses demandes,
- ordonné la nullité de la requête du 04/ 08/ 2010, la rétractation de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010 et des mesures consécutives ordonnées et la nullité du constat réalisé en exécution de cette ordonnance le 21/ 09/ 2010,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le premier juge a estimé que l'absence de motifs tant dans l'ordonnance sur requête que dans la requête elle-même sur les circonstances justifiant que la mesure d'instruction ne soit pas prise contradictoirement avait pour conséquence la nullité de la requête ainsi que la rétractation de l'ordonnance et des mesures consécutives et la nullité du constat.
Par déclaration reçue au greffe le 30/ 03/ 2011, la société SYNERGIE a relevé appel de cette ordonnance.
Elle a été autorisée à procéder par voie d'assignation à jour fixe pour l'audience du 23/ 05/ 2011.

La société SYNERGIE demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise,
- d'autoriser Me A..., huissier de justice, à lui remettre l'ensemble des pièces séquestrées en exécution de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010,
- d'autoriser Me B..., huissier de justice, à lui remettre l'ensemble des pièces séquestrées en exécution de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010,
- de débouter la société JOB CONCEPT et Mme X... exerçant sous l'enseigne MC PLACEMENT de l'ensemble de leurs demandes,
- de les condamner au paiement chacune de la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais qu'elle a exposés en vue des mesures de constat des deux huissiers de justice.
Elle fait valoir qu'aucun texte n'exige que la requête expose explicitement en quoi les circonstances justifient une dérogation au principe du contradictoire mais qu'il suffit qu'elle énonce lesdites circonstances, ce qui était le cas en l'espèce.
Elle ajoute que le premier juge a prononcé une nullité non prévue par les textes et que les conditions de validité de l'ordonnance en ce qui concerne l'exigence de motivation étaient remplies dès lors qu'elle visait les circonstances exposées dans la requête.
Elle soutient qu'il y avait en la cause nécessité de procéder non contradictoirement dès lors qu'il était probable que l'information préalable des intéressées leur aurait permis de dissimuler ou détruire des éléments de preuve, ce qu'avait d'ailleurs déjà fait M. Z...concernant les courriels relatifs à la création de la société JOB CONCEPT qu'il avait supprimés de son ordinateur et qui n'avaient pu être récupérés par l'huissier qu'avec l'intervention d'un expert en informatique.

Mme Marie-Charlotte X..., exploitant sous l'enseigne MC PLACEMENT, demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise,
- de condamner la société SYNERGIE à lui payer une somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la requête n'exposait pas les motifs de nature à expliquer en quoi la mesure sollicitée nécessitait une dérogation à la règle du contradictoire et que l'ordonnance qui se bornait à viser la requête n'est donc pas non plus motivée.
Subsidiairement, elle soutient que l'ordonnance sur requête doit être rétractée pour absence de motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, en l'absence de toute concurrence déloyale, laquelle ne relève que de la seule imagination de la société SYNERGIE.

La société JOB CONCEPT demande à la cour :
A titre principal,
- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société SYNERGIE de toutes ses demandes et ordonné la nullité de la requête du 04/ 08/ 2010 et la rétractation de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010,
A titre subsidiaire,
- de dire que le juge des référés n'est pas compétent compte tenu de la présence de contestations sérieuses,
- de la débouter par conséquent de sa demande visant à la remise des pièces séquestrées,
En toute hypothèse,
- d'ordonner la restitution des pièces entre les mains du président du tribunal de commerce d'ANNECY pour être par lui détruites,
- de condamner la société SYNERGIE au paiement de la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la requête est nulle et que l'ordonnance subséquente doit être rétractée en l'absence de motivation sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire.
Subsidiairement, elle conclut à l'incompétence du juge des référés faute d'urgence et compte tenu des contestations sérieuses résultant de la violation du secret des affaires qu'entraînerait la communication à une entreprise concurrente des documents saisis, alors qu'aucun acte de concurrence déloyale caractérisé ne vient justifier cette mesure.

MOTIFS

Attendu que les mesures d'instruction visées par l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent, en application des dispositions de l'article 473 de ce même code, être ordonnées sur requête que dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse ;
Attendu que le requérant doit expliquer dans sa requête en quoi les circonstances exigent qu'il soit dérogé au principe du contradictoire et que l'ordonnance faisant droit à la requête doit être motivée sur ce point ;
Attendu que la requête litigieuse, si elle relate de façon détaillée, pièces à l'appui, les circonstances conduisant la société SYNERGIE à soupçonner la commission d'actes de concurrence déloyale à son détriment par la société JOB CONCEPT et par Mme X..., exerçant sous l'enseigne MC PLACEMENT, l'amenant à solliciter les mesures de constat et de communication de documents destinées à en rapporter la preuve, n'explique pas en quoi la requérante serait fondée à ne pas utiliser une procédure contradictoire pour les obtenir ;
Que l'ordonnance subséquente, qui se borne à viser la requête, n'est pas plus motivée que celle-ci sur la nécessité qu'il y aurait de ne pas appeler la partie adverse ;
Attendu que l'énoncé de circonstances et la production de pièces permettant de soupçonner la commission d'actes de concurrence déloyale ne peuvent suppléer une motivation inexprimée quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette carence ne pouvant être palliée par des déductions tirées de ces éléments ;
Attendu que cette absence de motifs entraîne la nullité de la requête du 04/ 08/ 2010, la rétractation de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010 et des mesures consécutives ainsi que la nullité des constats réalisés le 21/ 09/ 2010 en exécution de cette ordonnance ;
Qu'il y a lieu aussi d'ordonner la restitution, aux fins de destruction, entre les mains du président du tribunal de commerce d'ANNECY des pièces séquestrées chez les huissiers à la suite des mesures ordonnées par l'ordonnance rétractée du 20/ 08/ 2010, mais seulement lorsque le présent arrêt sera devenu définitif ;
Que, pour le surplus, l'ordonnance entreprise sera confirmée, sauf à préciser que la nullité du constat ordonnée concerne en réalité les deux constats réalisés le 21/ 09/ 2010 en exécution de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010, l'un chez JOB CONCEPT, l'autre chez MC PLACEMENT ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution,

Précise toutefois que la nullité du constat ordonnée concerne en réalité les deux constats réalisés le 21/ 09/ 2010 en exécution de l'ordonnance du 20/ 08/ 2010, l'un chez JOB CONCEPT, l'autre chez MC PLACEMENT,

Ordonne, lorsque le présent arrêt sera devenu définitif, la restitution, aux fins de destruction, entre les mains du président du tribunal de commerce d'ANNECY des pièces séquestrées chez les huissiers à la suite de l'exécution des mesures ordonnées par l'ordonnance rétractée du 20/ 08/ 2010,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société SYNERGIE aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP FORQUIN REMONDIN, avoués, avec application des textes régissant l'aide juridictionnelle.

Ainsi prononcé publiquement le 21 juin 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonctions de Président et Madame VIDAL, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11/00720
Date de la décision : 21/06/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2011-06-21;11.00720 ?
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