JM/ MV
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre commerciale
Arrêt du Mardi 21 Juin 2011
RG : 10/ 00109
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY en date du 01 Décembre 2009, RG 09/ 1454
Appelants
Mme Monique X... veuve Y...
née le 04 Octobre 1941 à HAIPHONG VIETNAM,
demeurant...-73000 Chambéry
Mme Anne Y... épouse Z...
née le 28 Mai 1967 à CHAMBERY (73000),
demeurant...-73420 VOGLANS
M. Jean-Marie Y...
né le 03 Janvier 1971 à CHAMBERY (73000),
demeurant...-73290 LA MOTTE SERVOLEX
M. Fédéric Y...
né le 16 Juin 1972 à CHAMBERY (73000),
demeurant...-73000 Chambéry
représentés par la SCP FILLARD/ COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour
assistés de la SELARL HB CONSEILS, avocats au barreau d'ANNECY
Intimés
Mme Marie-Monique A... divorcée B...
demeurant...-1223 COLOGNY-SUISSE
représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour
assistée de la SCP LAPORTE et BOUZOL, avocats au barreau de Chambéry
Me Laurent C...,
assigné en déclaration d'arrêt commun
demeurant...-73000 Chambéry
représenté par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assisté de la SELARL PERRIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
SCP de Notaires Michel D...- Benoît E...- Marie-Ange F...,
assignée en déclaration d'arrêt commun,
sise ...-73000 Chambéry
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistée de la SCP VISIER PHILIPPE-OLLAGNON DELROISE et ASSOCIES, avocats au barreau de Chambéry
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 23 mai 2011 par Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonctions de Président, qui a entendu les plaidoiries en présence de Madame BRUGADE, Vice-Présidente placée, avec l'assistance de Madame VIDAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonctions de Président, qui a procédé au rapport et a rendu compte des plaidoiries,
- Madame BRUGADE, Vice-Présidente placée,
- Monsieur GROZINGER, Conseiller.
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FAITS ET PROCEDURE
A la suite du décès en 2002 de M. Paul Y..., sa veuve et ses enfants se sont retrouvés respectivement usufruitière en ce qui concerne Mme X... veuve Y... et nus propriétaire en ce qui concerne les enfants, d'un fonds de commerce exploité dans des locaux situés ...et ...à CHAMBERY faisant l'objet d'un bail commercial consenti par Mme A..., portant sur un magasin avec cuisine et wc attenants, loué en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, objets d'art, horlogerie, radio, disques et télévision.
Le 13/ 01/ 2009, Mme X..., veuve Y..., agissant en qualité d'usufruitière, a notifié à Mme A... une cession de fonds de commerce contenant despécialisation en précisant qu'elle souhaitait faire valoir ses droits à la retraite, et ce en application des dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce.
Par actes des 01 et 02/ 07/ 2009, Mme A... a assigné les consorts Y... devant le tribunal de grande instance de CHAMBERY aux fins qu'il déclare nul et de nul effet l'acte de notification du 13/ 01/ 2009 de la cession du fonds de commerce.
Les consorts Y..., quant à eux, concluaient à ce que la procédure de despécialisation soit déclarée régulière et que la cession de droit au bail soit déclarée parfaite ou qu'il soit enjoint à Mme A... de régulariser l'acte sous astreinte devant les notaires D... et I..., et reconventionnellement sollicitaient l'allocation de dommages et intérêts.
Par jugement du 01/ 12/ 2009, le tribunal a
-déclaré nul et de nul effet l'acte intitulé " notification au bailleur d'une cession de fonds de commerce... " signifié à Mme A... par Mme X... veuve Y... le 13/ 01/ 2009 ainsi que tous les actes subséquents,
- débouté les consorts Y... de toutes leurs prétentions,
- condamné in solidum les consorts Y... à verser à Mme A... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a estimé que Mme X... veuve Y... n'avait pas le pouvoir de délivrer à Mme A... l'acte de cession du fonds de commerce, puisqu'elle n'était qu'usufruitière de celui-ci.
Il a également précisé que Mme X... veuve Y... ne pouvait se prévaloir d'un mandat tacite qui lui aurait été donné par ses enfants nus propriétaires dans le cadre du fonctionnement de l'indivision, puisque pareil mandat ne couvre que les actes d'administration et qu'en tout état, il n'existait pas d'indivision entre une usufruitière et des nus propriétaires.
Il en a déduit que l'acte du 13/ 01/ 2009 était entaché d'une nullité de fond, faute de concours des indivisaires, et qu'il devait donc être annulé.
Par déclaration reçue au greffe le 15/ 01/ 2010, les consorts Y... ont relevé appel de cette décision.
Par acte du 16/ 08/ 2010 les consorts Y... ont assigné la SCP D..., E... et F..., notaires associés à CHAMBERY, et Mo Laurent H..., huissier de justice à CHAMBERY, en déclaration d'arrêt commun.
La clôture de la mise en état a été fixée au 24/ 01/ 2011.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts Y... demandent à la cour :
- de reconnaître la validité de la signification réalisée par Mme X... veuve Y..., ainsi que celle de tous les actes subséquents,
- de déclarer parfaite depuis le 11/ 03/ 2009 la cession de droit au bail ou à tout le moins d'enjoindre sous astreinte à Mme A... de procéder à la régularisation de l'acte de cession devant être reçu en l'étude de Me D... à CHAMBERY, avec le concours de Me I..., notaire à RUMILLY,
- de condamner Mme A... à leur verser, à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice financier, la somme de 150. 000 euros, ainsi que la somme de 3. 000 euros pour réticence abusive et procédure dilatoire,
- de la condamner à leur verser la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la SCP D..., E... et F..., notaires associés à CHAMBERY, et à Me Laurent H..., huissier de justice àeCHAMBERY.
Ils soutiennent que Mme X... veuve Y... avait le pouvoir de signifier seule la demande de déspécialisation puisqu'elle était propriétaire d'une partie du fonds de commerce, qu'il s'agissait d'un acte d'administration et qu'elle avait la qualité de codébitrice solidaire représentant les autres coobligés.
En tout état ils font valoir que la nullité de l'acte a été régularisée postérieurement puisqu'ils justifient du mandat qu'ils ont donné à leur mère.
Mme Marie-Monique A... demande à la cour :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- de condamner in solidum les consorts Y... à lui payer une somme complémentaire de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'acte de signification de la cession est entaché d'une nullité de fond, Mme X..., veuve Y... n'ayant pas la qualité de preneur, laquelle appartient à l'indivision Y..., le mandat tacite qu'elle invoque n'existant pas, et les consorts Y... n'ayant pas la qualité de codébiteurs solidaires.
Elle ajoute qu'il s'agit d'une nullité de fond qui n'est pas régularisable.
Elle fait aussi valoir que Mme X... veuve Y... n'ayant jamais eu la qualité de locataire, les dispositions de l'article L 145-51 du code de commerce permettant au locataire de céder son bail pour cause de retraite ne lui sont pas applicables.
La SCP de notaires D..., E... et F... demande à la cour :
- de déclarer irrecevable l'appel en déclaration d'arrêt commun formé à son encontre par les consorts Y... et de les en débouter,
- de condamner in solidum les consorts Y... à leur payer la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'en l'absence de modification des données du litige depuis le jugement entrepris, leur appel en cause est irrecevable puisqu'elle n'était pas partie ni représentée en première instance.
Me Laurent H..., huissier de justice, demande à la cour :
- de déclarer irrecevable la demande en déclaration d'arrêt commun formée à son encontre. et de renvoyer les consorts Y... à mieux se pourvoir.
Il fait valoir qu'en l'absence d'évolution du litige depuis le jugement entrepris, son appel en cause est irrecevable puisqu'il n'était pas partie ni représentée en première instance.
MOTIFS
Attendu que, selon l'article L 145-51 du code de commerce, lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droit à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles ou commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son droit au bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification, étant précisé qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance, ces dispositions étant également applicables à l'associé unique d'une eurl ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée lorsque celle-ci est titulaire du bail ;
Attendu que ce texte dérogatoire, permettant une déspécialisation, ne peut être étendu à d'autres situations ou personnes que celles qu'il vise expressément ;
Attendu qu'en l'espèce Mme X... veuve Y... n'est pas locataire mais seulement usufruitière du droit au bail dont ses trois enfants sont nus propriétaires indivis, de sorte qu'elle ne fait pas partie des personnes visées par l'article L 145-51 ;
Que les indivisaires, n'ayant pas demandé le bénéfice de leurs droits à la retraite ou n'ayant pas été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, ne rentrent pas non plus dans le cadre de ce texte ;
Que la circonstance que Mme X... veuve Y... ait pu demander le bénéfice de ses droits à la retraite est insuffisante pour lui permettre de se prévaloir des dispositions de l'article L 145-51 ;
Qu'il importe peu qu'elle ait été, comme elle le soutient, mandatée par les nus propriétaires indivis pour délivrer l'acte litigieux, dès lors que ces derniers ne satisfaisaient pas à l'une des conditions posées par le texte ;
Attendu que l'acte de notification au bailleur du 13/ 01/ 2009, délivré sur le fondement d'un texte inapplicable, est nul et de nul effet, les demandes reconventionnelles de régularisation de l'acte de cession et de dommages et intérêts ne pouvant donc prospérer ;
Attendu qu'en l'absence de démonstration de ce que le litige aurait évolué depuis le jugement entrepris, la condition posée par l'article 555 du code de procédure civile pour pouvoir attraire la SCP D..., E... et F..., notaires associés à CHAMBERY, et Mo Laurent H..., huissier de justice à CHAMBERY, non parties en première instance, en déclaration d'arrêt commun, n'est pas réunie ;
Que ces demandes sont irrecevables ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Dit irrecevables les demandes en déclaration d'arrêt commun formées à l'encontre de la SCP D..., E... et F..., notaires associés à CHAMBERY, et de Me Laurent H..., huissier de justice à CHAMBERY,
Condamne in solidum Mme Monique X... veuve Y..., Mme Anne Marie Luce Y... épouse Z..., M. Jean Marie Y..., et M. Frédéric Y... à payer, en dédommagement de leurs frais irrépétibles d'appel, à Mme Marie Monique A... la somme de 900 euros et à la SCP D..., E... et F..., notaires associés à CHAMBERY, la somme de 500 euros,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum Mme Monique X... veuve Y..., Mme Anne Marie Luce Y... épouse Z..., M. Jean Marie Y..., et M. Frédéric Y... aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avoués des autres parties.
Ainsi prononcé publiquement le 21 juin 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et signé par Monsieur MOREL, Conseiller faisant fonctions de Président et Madame VIDAL, Greffier.