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27/05/2008 | FRANCE | N°07/02160

France | France, Cour d'appel de chambéry, 27 mai 2008, 07/02160


AFFAIRE N : 07 / 02160 M. Manuel X... Y... C / PEPINIERE Z... (MADAME LYSIANE A...)

ARRÊT RENDU LE VINGT SEPT MAI DEUX MILLE HUIT
APPELANT :
Monsieur Manuel X... Y...... 74140 ST CERGUES Représentant : Maître Emmanuel DUBREUIL, de la SELARL F. D. A (avocat au barreau de BONNEVILLE)

INTIMEE :
PEPINIERE Z... (MADAME LYSIANE A...)... 74140 MACHILLY Représentant : Maître Sophie CHRISTINAZ, de la SELARL CHRISTINAZ PESSEY-MAGNIFIQUE (avocat au barreau de BONNEVILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 8 Avril 2008 av

ec l'assistance de Madame ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :
Madame BAT...

AFFAIRE N : 07 / 02160 M. Manuel X... Y... C / PEPINIERE Z... (MADAME LYSIANE A...)

ARRÊT RENDU LE VINGT SEPT MAI DEUX MILLE HUIT
APPELANT :
Monsieur Manuel X... Y...... 74140 ST CERGUES Représentant : Maître Emmanuel DUBREUIL, de la SELARL F. D. A (avocat au barreau de BONNEVILLE)

INTIMEE :
PEPINIERE Z... (MADAME LYSIANE A...)... 74140 MACHILLY Représentant : Maître Sophie CHRISTINAZ, de la SELARL CHRISTINAZ PESSEY-MAGNIFIQUE (avocat au barreau de BONNEVILLE)

COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 8 Avril 2008 avec l'assistance de Madame ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :
Madame BATUT, Président de Chambre, Madame BROUTECHOUX, Conseiller Monsieur GREINER, Conseiller

********
Manuel X... Y... a été embauché à compter du 20 mars 1989 par Jean Z... exerçant sous l'enseigne " les pépinières Z... " en qualité d'ouvrier spécialisé position II, niveau II.
L'entreprise a été exploitée ensuite par Lysiane A..., fille de Jean Z....
Selon lettre du 2 septembre 1992, Jean Z... a attesté loger son salarié et sa famille dans un logement qui lui appartenait. Cette mise à disposition d'un logement va être portée sur les bulletins de salaires de Manuel X... Y... à titre d'avantage en nature et ce jusqu'en août 2002.
Suite au décès de Jean Z... survenu courant 2000 et au partage successoral qui en a résulté, la maison dans laquelle était logé Manuel X... Y... a été attribuée à Yvette D..., fille de Jean Z..., laquelle a laissé le salarié dans les lieux sans réclamer une contrepartie financière.
Début 2005, Yvette D... a informé Manuel X... Y... de son souhait de reprendre le logement qu'il occupait et ce à compter du 1er juillet 2005.
Par lettre du 5 août 2005, Manuel X... Y... a réclamé à son employeur :- le versement d'une indemnité mensuelle de 610 € bruts pour couvrir la perte de son avantage en nature ou de lui rechercher un logement de fonction avant le 15 septembre 2005,

- le payement d'heures supplémentaires,
- le payement d'une indemnité pour privation du droit au repos compensateur depuis 1989.
Le 28 septembre 2005, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE de ces demandes et il a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par jugement du 30 octobre 2006, le Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE a :
- jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail n'avait pas lieu d'être prononcée,
- débouté le salarié de ses demandes.
Manuel X... Y... a interjeté appel de la décision le 2 décembre 2006.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 mars 2007 à effet du 12 mai 2007, il a démissionné de l'entreprise en imputant la responsabilité de la rupture à son employeur.
Aux termes de leurs écritures, reprises oralement à l'audience des débats et auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés, conformément aux dispositions des articles R. 516-0 du code du travail devenu R. 1451-1 du même code et 455 du code de procédure civile, les parties demandent à la Cour :
- pour Manuel X... Y... (conclusions reçues au greffe le 17 septembre 2007) :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de la perte de l'avantage en nature depuis le 1er septembre 2002, à savoir 23, 60 € par mois jusqu'en août 2005, date de suppression de la mise à disposition du logement de fonction,
- de réformer le jugement pour le surplus,
- de condamner Lysiane A... exerçant sous l'enseigne Pépinières Z... à lui verser les sommes suivantes :
-9. 891, 92 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,
-1. 048, 70 € au titre des congés payés afférents,
-25. 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation du droit à repos compensateur,
- de requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sa démission trouvant sa cause dans les manquements de son employeur à ses obligations et de condamner celui-ci à lui verser les sommes de :
-5. 100, 78 € à titre d'indemnité de licenciement au jour de la rupture,
-4. 320, 66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 432, 07 € au titre des congés payés afférents,
-17. 282, 64 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle,-269, 03 € à titre de rappel des jours d'intempéries outre 26, 90 € au titre des congés payés afférents,

-5. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- pour Lysiane A... exerçant sous l'enseigne Pépinières Z... (conclusions reçues au greffe le 12 février 2008) :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Manuel X... Y... de ses demandes aux motifs que :
- les demandes formées au titre des heures supplémentaires ne sont pas justifiées, le salarié ayant été rémunéré des heures supplémentaires qu'il a effectuées,
- la prescription quinquennale s'applique s'agissant du repos compensateur, Manuel X... Y... n'ayant pas dépassé le contingent annuel de 1. 861 heures ouvrant droit au repos compensateur,
- son salarié a choisi d'aller travailler avec son frère et il a valablement démissionné,
- Manuel X... Y... n'a jamais bénéficié d'un logement de fonction mais a profité des largesses de son employeur puis de la générosité de sa propriétaire Madame D... laquelle n'est pas son employeur,
- de condamner Manuel X... Y... à lui verser la somme de 2. 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Attendu que Manuel X... Y... ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec avis de réception du 12 mars 2007, sa demande initiale tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail n'a plus d'objet ; qu'il convient uniquement de statuer sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;
Attendu qu'il est de principe que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.
Que Manuel X... Y... invoque à titre principal à l'encontre de son employeur d'une part le non-payement d'heures supplémentaires et d'autre part la suppression sans compensation de l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un logement de fonction ;
Attendu que s'agissant du premier grief, il résulte des bulletins de salaires que le salarié était rémunéré sur une base mensuelle de 184, 16 heures soit 42 heures 30 par semaine et que les heures qu'il a effectuées au-delà de l'horaire légal de 39 heures hebdomadaire puis de 35 heures lui ont été réglées au taux majoré ;
Attendu qu'en application de l'article L. 212-1-1 du Code du Travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Que cependant, il appartient à ce dernier de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande ;
Qu'il appartient donc à Manuel X... Y... d'apporter des éléments justifiant qu'il aurait effectué des heures supplémentaires au-delà des heures dont il a déjà été rémunéré ;
Qu'il convient de constater que le salarié ne produit aucun décompte des heures supplémentaires qu'il affirme avoir effectuées ;
Qu'il se fonde uniquement sur cinq attestations (ses pièces 1 à 5) émanant de cinq anciens salariés aux termes desquelles ceux-ci relatent que : " Manuel X... Y... avait les horaires de travail suivants : 8 heures / 12 heures, 13 heures 30 / 18 heures 30 l'été et 8 heures / 12 heures et 13 heures 30 / 18 heures les trois mois d'hiver " ;
Attendu que ces attestations fort sibyllines, rédigées en termes strictement identiques, sont insuffisantes pour étayer les demandes dès lors qu'elles émanent :
- de salariés ayant soit quitté l'entreprise en 1997 (attestation F...) ou courant de l'année 2000 (attestation C...) antérieurement à la période visée par les réclamations de Manuel X... Y..., soit ayant quitté l'entreprise en mars et juin 2002 (E... et B...) qui ne peuvent donc pas attester des horaires pratiqués par l'appelant jusqu'à son départ courant 2006,
- d'un salarié (G...) qui n'a travaillé que 3 mois au sein des Pépinières Z... d'août à novembre 2005 et qui ne peut pas valablement témoigner de la nature des horaires d'hiver de l'entreprise ;
Que Monsieur E... qui a attesté pour le compte du salarié a également attesté pour le compte de son ancien employeur (pièce 13 de son dossier) et il précise avoir récupéré ou avoir été rémunéré des heures supplémentaires effectuées, situation confirmée par les attestations émanant des autres salariés des Pépinières Z... ;
Que la circonstance que les horaires d'ouverture des Pépinières Z... soient supérieurs à l'amplitude horaire de travail de Manuel X... Y... ne permet pas d'établir l'existence d'heures supplémentaires effectuées par le salarié, celui-ci n'étant pas affecté à l'accueil des clients, assuré par Lysiane A... ou son conjoint ;
Qu'au surplus, les calculs effectués pour le compte du salarié ne prennent nullement en compte les périodes pendant lesquelles il a été absent en raison de la prise de ses congés ou pour maladie ou pour convenance personnelle, ainsi que cela résulte des mentions portées sur ses bulletins de salaires et pendant lesquelles il n'a nécessairement effectué aucune heure supplémentaire ;
Que faute pour Manuel X... Y... d'apporter des éléments de nature à étayer ses demandes, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes dont la décision sera confirmée l'a débouté de ses demandes en payement de ses heures supplémentaires ;
Qu'il convient également et par voie de conséquence de débouter le salarié de sa demande relative au repos compensateur ;
Attendu que s'agissant du logement de fonction, il est établi notamment par une attestation de Jean Z... du 2 septembre 1992 que celui-ci avait mis à disposition de Manuel X... Y... et de sa famille un logement lui appartenant ;
Que si Lysiane A... soutient que cette attestation a été établie probablement dans le cadre d'une demande de carte de travail ou de regroupement familial, il convient de constater, alors que les motifs ayant éventuellement justifié la délivrance de ce document n'avaient plus d'objet, que Manuel X... Y... a continué à être logé par son employeur d'abord à MACHILLY puis à BONS en CHABLAIS pendant 13 années, sans contrepartie financière et que la mise à disposition de ce logement a été portée sans discontinuer à titre d'avantage en nature pour un montant dérisoire sur ses bulletins de salaires jusqu'en août 2002, date à laquelle Yvette D... est devenue propriétaire de ce logement ;
Que dès lors, Manuel X... Y... est fondé, eu égard aux éléments ci-dessus relatés, à se prévaloir d'un droit acquis au maintien de l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un logement ;
Qu'il importe peu que le logement en cause appartienne en définitive à un tiers au contrat de travail, aucun élément n'imposant que le logement de fonction dont bénéficie un salarié soit la propriété de l'employeur ;
Attendu que la perte par Manuel X... Y... du bénéfice de son logement de fonction suite au partage successoral intervenu en 2002 et à la reprise notifiée par sa propriétaire en 2005 constitue, eu égard aux conditions dans lesquelles le salarié a bénéficié de ce logement de fonction, la modification d'un élément substantiel de son contrat de travail, laquelle ne pouvait pas intervenir sans son accord et elle justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 12 mars 2007 ;
Que la rupture étant imputable à Lysiane A..., elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle-ci sera donc condamnée à verser à son préposé :
- la somme de 5. 100, 78 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- la somme de 4. 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 122-14-5 du code du travail devenu l'article L. 1235-5 du même code, Manuel X... Y... ne justifiant pas de sa situation postérieurement à la rupture du contrat de travail et ne contestant pas travailler avec son frère depuis cette date ;
Attendu que Manuel X... Y... sera débouté de sa demande d'indemnité de préavis, celui-ci ayant déjà été rémunéré ;
Attendu qu'il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Lysiane A... à réintégrer l'avantage en nature relatif au logement de fonction à compter du 1er septembre 2002 et jusqu'en août 2005, soit la somme mensuelle de 23, 60 €, ce point n'étant pas contesté par l'employeur ;
Attendu qu'il convient également de condamner Lysiane A... à verser à son préposé la somme de 269, 03 € outre les congés payés afférents au titre des 3 jours d'intempéries déduits à tort, ce chef de demande présenté pour la première fois en cause d'appel n'étant pas contesté ;
Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elles dans la présente procédure ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de BONNEVILLE du 30 octobre 2006 en ce qu'il a :
- débouté manuel X... Y... de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de repos compensateur,
- condamné Lysiane A... exerçant sous l'enseigne Pépinières Z... à réintégrer l'avantage en nature relatif au logement de fonction à compter du 1er septembre 2002 et jusqu'en août 2005, soit la somme mensuelle de 23, 60 €,
L'INFIRME pour le surplus, STATUANT à nouveau et y AJOUTANT,
DIT que la rupture du contrat de travail intervenue le 12 mars 2007 est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, CONDAMNE Lysiane A... exerçant sous l'enseigne Pépinières Z... à verser à Manuel X... Y... les sommes de :

-5. 100, 78 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-4. 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la présence décision,
-269, 03 € outre 26, 90 € congés payés afférents au titre des trois jours intempéries avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2007, date de la demande en justice,
ORDONNE la capitalisation des intérêts par année entière,
DÉBOUTE Manuel X... Y... de sa demande au titre du préavis et de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de Lysiane A... exerçant sous l'enseigne Pépinières Z....
Ainsi prononcé publiquement le 27 Mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame BATUT, Président de Chambre, et Madame ALESSANDRINI, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 07/02160
Date de la décision : 27/05/2008
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bonneville, 30 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2008-05-27;07.02160 ?
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