CHAMBRE SOCIALE
AFFAIRE N : 07 / 02162 SA SYNERGIE C / M. Edouard X...
ARRÊT RENDU LE VINGT MAI DEUX MILLE HUIT
APPELANTE :
SA SYNERGIE 11 avenue du Colonel Bonnet 75016 PARIS Représentant : Maître Elisabeth MEYER (avocat au barreau de PARIS)
INTIME :
Monsieur Edouard X... ... ...74000 ANNECY Comparant en personne assisté de Maître COCHET, de la LEXALP SELURL COCHET (avocat au barreau de CHAMBERY)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 1er Avril 2008 avec l'assistance de Madame ALESSANDRINI, Greffier, et lors du délibéré :
Madame BATUT, Président de Chambre, Madame BROUTECHOUX, Conseiller Monsieur GROZINGER, Conseiller
M. Edouard X... a été salarié de la société SYNERGIE, entreprise de travail temporaire, à compter du 27 janvier 2001, en dernier lieu en qualité de responsable de l'agence d'Annecy, jusqu'au 10 juin 2005, date portant effet de sa démission, en l'état de laquelle l'employeur a maintenu la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail pour une durée de deux ans, moyennant la modification du montant contractuel de la contrepartie financière.
Soutenant que cette contrepartie financière ne lui avait été versée ni en juin ni en juillet ni en août 2005, M. X... a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes d'ANNECY, laquelle a enjoint à la société SYNERGIE de lever la clause de non-concurrence, par une ordonnance en date du 16 septembre 2005 infirmée, le 14 février 2006, par arrêt de la cour d'appel de ce siège qui a dit n'y avoir lieu à référé.
Après avoir elle-même saisi en vain le juge des référés prud'homal d'une demande d'indemnisation au titre de la violation de la clause de non-concurrence, la société SYNERGIE a saisi le juge du fond afin d'obtenir cette indemnisation et de voir cesser, sous astreinte, l'activité concurrentielle prétendument déployée par son ancien salarié.
Par jugement rendu le 28 novembre 2006, le conseil de prud'hommes a :
- constaté que M. X... n'était plus lié par une quelconque clause de non-concurrence dès le 1er juillet 2005, faute de paiement de l'indemnité à cette date,- rejeté l'ensemble des demandes de la société SYNERGIE,- condamné celle-ci à payer à M. X... les sommes suivantes :- 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la vie privée,- 1. 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- rejeté les autres demandes de M. X...,- condamné la société SYNERGIE aux dépens.
Celle-ci en a interjeté appel le 12 décembre 2006. L'affaire, radiée le 11 septembre 2007 pour défaut de diligences de la société appelante, a été remise au rôle le 8 octobre suivant.
Aux termes de leurs écritures, soutenues oralement à l'audience des débats et auxquelles il est fait référence pour l'exposé des moyens qui y sont développés, conformément aux dispositions de l'article R. 516-0 du code du travail, devenu l'article R. 1451-1 de ce même code, et de l'article 455 du code de procédure civile, les parties demandent à la Cour :
- La société SYNERGIE (conclusions reçues au greffe le 28 mars 2008)- de condamner M. X... à lui payer les sommes suivantes : + 29. 808 € à titre d'indemnité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter de la citation du défendeur devant la Cour, + 2. 500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,- de rejeter l'ensemble des prétentions de son ancien salarié,- de le condamner au paiement d'une indemnité de 2. 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- M. X... (conclusions reçues au greffe le 29 février 2008)- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- de rejeter toutes les demandes de la société SYNERGIE,- de la condamner au paiement d'une indemnité de 3. 000 € au titre des frais irrépétibles.
SUR QUOI :
Attendu qu'il ressort des éléments soumis au débat contradictoire que le contrat de travail de M. X... lui faisait interdiction, pour une durée de deux ans après la rupture de celui-ci, dans le département de la Haute-Savoie et les départements limitrophes, de s'intéresser directement ou indirectement, en qualité de salarié ou non, à une entreprise de travail temporaire concurrente, moyennant l'engagement de la société SYNERGIE de lui verser pendant la même période une contrepartie financière d'un montant mensuel correspondant respectivement à 20 % (première année) et 10 % (seconde année) de la moyenne mensuelle de sa rémunération au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise ;
Que M. X... a démissionné de ses fonctions par lettre remise en main propre à son employeur le 19 avril 2005 ; que par lettre du 17 mai 2005, celui-ci a accepté que la fin du préavis de deux mois dû par le salarié soit rapporté au 10 juin 2005 au soir et l'a informé du maintien de la clause de non-concurrence, en lui demandant de lui " transmettre mensuellement toute pièce justifiant de (sa) non-présence à la concurrence afin de (lui) verser la contrepartie financière " ; que par une lettre du 9 juin, la société SYNERGIE lui a confirmé sa décision, au terme de discussions précédentes avec le conseil du salarié, de réévaluer le montant de la contrepartie financière prévue par la clause et lui a adressé un exemplaire, pour signature, du document contractuel prévoyant désormais le versement d'une contrepartie financière mensuelle fixée aux taux modifiés respectifs de 30 % et 20 % de la moyenne de la rémunération de l'intéressé au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise ; qu'il n'est pas contesté que la contrepartie financière payable le 30 juin, vainement réclamée par l'ancien salarié le 7 juillet, mais également celles des 31 juillet et 31 août 2005, ainsi que les suivantes, n'ont pas été réglées ;
Attendu qu'il incombe à l'employeur qui se prétend délivré de l'obligation de payer la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié et qu'à défaut, la contrepartie est due ; qu'à l'inverse, si l'employeur ne verse pas l'indemnité prévue par le contrat de travail, l'ancien salarié est libéré de son obligation de non-concurrence ;
Qu'ainsi, c'est à tort et en inversant la charge de la preuve que la société SYNERGIE a exigé de M. X... qu'il justifie chaque mois d'une situation de non-concurrence ;
Que, dès lors que des actes préparatoires, sans engagement définitif, ne caractérisent pas une violation de l'obligation de non-concurrence, il n'importe que M. X... ait eu pour projet, constaté par une salariée de SYNERGIE à la date du 9 juin 2005 (attestation de Mme A... en date du 13 septembre 2005), de créer à Annecy une société de travail temporaire sous la dénomination " 2L 74 ", dans le cadre d'une franchise TEMPORIS ; qu'il est établi par les documents versés aux débats de part et d'autre que cette société a été constituée en réalité le 5 juillet 2005 par les seuls Sylvain B... et Fabienne C..., et aucun élément probant ne permet d'accréditer la thèse de l'interposition de personne invoquée par la société SYNERGIE ni d'une participation quelconque de M. X... dans cette société ; que s'il est établi que le 9 mai 2005, soit avant la notification par SYNERGIE au salarié démissionnaire du maintien de la clause de non-concurrence, celui-ci a signé un contrat de franchise avec la société Valoris Développement, il ressort des pièces produites que, d'un commun accord des parties, ce contrat a été considéré comme caduc le 30 mai 2005, par une lettre dont la fausseté prétendue du contenu n'est pas démontrée, après que le salarié a eu connaissance du maintien de son obligation de non-concurrence et alors que celle-ci n'avait pas encore pris effet ; qu'en travaillant à compter du 14 septembre 2005 en qualité d'attaché commercial au sein de l'agence GI-V (enseigne TEMPORIS) sise à Lyon, indépendante de celle d'Annecy, M. X... n'a pas davantage contrevenu à cette obligation ; qu'il ressort des propres pièces de la société, en l'occurrence le procès-verbal de constat dressé les 14 et 16 décembre 2005 par un huissier de justice (pièce de l'employeur no 42), que du 14 septembre au 16 décembre 2005, M. X..., chargé de développer pour son nouvel employeur un portefeuille clients, n'a effectué de démarchage que sur le département du Rhône ; qu'il a poursuivi cette activité jusqu'à la date du 10 avril 2006, à laquelle il est devenu le salarié de la société 2L 74 à Annecy, sans avoir jamais été destinataire de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence ;
Qu'en l'état de ces éléments de fait et de preuve, que la société SYNERGIE tente de contredire par de simples suppositions ou allégations, voire par des documents, tels les résultats de l'enquête confiée à un détective privé, impropres, au vu des dates des faits auxquelles ils se réfèrent, postérieures à sa propre carence, à démontrer l'exercice de l'activité concurrentielle fautive invoquée, il doit être retenu que si M. X... a envisagé, dans un premier temps, de créer une entreprise de travail temporaire à Annecy, il a abandonné ce projet après que la société SYNERGIE lui eut notifié qu'elle entendait maintenir la clause de non-concurrence, moyennant l'augmentation de la contrepartie financière, et qu'en définitive, c'est l'employeur qui s'est mis en faute en prenant l'initiative de s'abstenir, sans juste motif, de verser cette contrepartie, en sorte que l'ancien salarié a justement considéré, d'abord au bénéfice d'une ordonnance de référé exécutoire de droit, puis du fait de l'abstention réitérée de la société, qu'il se trouvait délié de toute obligation à l'égard de celle-ci ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société SYNERGIE ;
Que l'employeur peut rapporter la preuve de la violation de la clause de non-concurrence par tous moyens et qu'en tout cas, les investigations menées en l'espèce par le détective mandaté par la société SYNERGIE n'ont concerné que les aspects de la vie professionnelle de son ancien salarié, en sorte que la demande d'indemnisation formée par celui-ci au titre d'une atteinte à sa vie privée ne peut être accueillie et que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a accueilli la demande d'indemnisation de M. Edouard X... pour violation de la vie privée ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. X... ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société SYNERGIE ;
La condamne à payer une indemnité de 1. 200 € à M. X... au titre de l'instance d'appel ;
Condamne la société SYNERGIE aux dépens de la procédure d'appel ;
Ainsi prononcé publiquement le 20 Mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame BATUT, Président de Chambre, et Madame ALESSANDRINI, Greffier.