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06/05/2008 | FRANCE | N°07/01114

France | France, Cour d'appel de chambéry, 06 mai 2008, 07/01114


Le SIX MAI DEUX MILLE HUIT, LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

dans la cause 07 / 01114- 3e Chambre

opposant :

APPELANTE

Madame Christiane X... épouse Y..., demeurant ...

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assistée de la SELARL ALPSTEG-VINIT-SUGIER, avocats au barreau de THONON LES BAINS

à :

INTIME

Monsieur Patrick, Jean-Claude, Robert Y..., demeurant ...

représenté par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assisté de la

SCP MERMET-BALTHAZARD-LUCE et NOETINGER-BERLIOZ, avocats au barreau de THONON LES BAINS

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Le SIX MAI DEUX MILLE HUIT, LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

dans la cause 07 / 01114- 3e Chambre

opposant :

APPELANTE

Madame Christiane X... épouse Y..., demeurant ...

représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour assistée de la SELARL ALPSTEG-VINIT-SUGIER, avocats au barreau de THONON LES BAINS

à :

INTIME

Monsieur Patrick, Jean-Claude, Robert Y..., demeurant ...

représenté par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assisté de la SCP MERMET-BALTHAZARD-LUCE et NOETINGER-BERLIOZ, avocats au barreau de THONON LES BAINS

- =- =- =- =- =- =- =- =-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience non publique des débats, tenue le 25 mars 2008 avec l'assistance de Madame TAMBOSSO, Greffier,
et lors du délibéré, par :

- Madame CARRIER, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur Le Premier Président en date du 19 décembre 2007,

- Monsieur FRANCKE, Conseiller,
- Madame MERTZ, Conseiller.

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Par jugement en date du 27 février 2007, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS a :

- constaté le désistement de Madame X... de sa demande en divorce,
- constaté que la décision autorisant les époux à résider séparément a été rendue le 2 juin 2000,
- prononcé le divorce des époux X... / Y... à leurs torts partagés,
- débouté Madame X... de sa demande de contribution aux charges du mariage et de sa demande de prestation compensatoire,
- condamné Monsieur Y... à verser à Madame X... la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- débouté chaque partie de ses autres demandes,
- dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.

Madame Christine X... a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 7 mars 2008, elle demande à voir prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux, subsidiairement pour altération définitive du lien conjugal.
Elle demande à voir condamner Monsieur Y... à lui payer une prestation compensatoire de 900 000 € et la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 20 mars 2008, Monsieur Patrick Y... conclut à l'irrecevabilité de la demande en divorce présentée par l'épouse en cause d'appel et demande à voir prononcer le divorce sur le fondement de l'article 238 du Code Civil.

Il conclut au débouté de la demande de prestation compensatoire, subsidiairement demande à se voir donner acte de ce qu'il abandonne à Madame X... l'usufruit de la maison d'ARMOY ayant constitué le domicile conjugal sous réserve du paiement par celle-ci du solde du prêt contracté pour son acquisition et de la récompense qui lui est due pour avoir assumé le remboursement dudit prêt aux lieu et place de l'épouse et en sus de la pension alimentaire allouée par l'ordonnance de non-conciliation.
Il demande à se voir donner acte de ce qu'il renonce à titre de prestation compensatoire à toute récompense sur l'immeuble d'ANTIBES, propriété de l'épouse entièrement financée par ses soins, ces renonciations n'étant toutefois consenties que dans la mesure où aucune prestation compensatoire n'est allouée à l'épouse sous forme d'un capital.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le divorce
Dans le cadre de la première instance, Madame X... s'est désistée de sa demande en divorce mais ce désistement est resté sans emport sur la procédure en cours et n'a pas mis fin à l'instance compte tenu de la demande reconventionnelle de l'époux en divorce pour faute, à laquelle l'épouse s'opposait et sur laquelle le premier juge a statué. Selon l'article 564 du Code de Procédure Civile, les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses. La demande en divorce formulée en cause d'appel par Madame X..., tendant à voir écarter la demande en divorce de l'époux et prononcer le divorce aux torts de celui-ci, est par conséquent recevable.
Selon les dispositions des articles 238 et 246 du Code Civil, dont l'application en la cause en vertu de l'article 33 II b 2e alinéa de la loi du 26 mai 2004 n'est pas contestée, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal en présence d'une demande reconventionnelle formulée sur ce fondement et suite au rejet d'une demande principale pour faute.
Il convient conformément à l'article 246 alinéa 1 d'examiner préalablement la demande en divorce pour faute.
L'épouse reproche au mari ses nombreuses liaisons, un comportement violent, un défaut de contribution aux charges du mariage et un comportement tyrannique et méprisant à son égard.
Les attestations de Madame Z... en date du 16 septembre 1994 reconnaissant une relation adultère avec Monsieur Y... de février à octobre 1991 et de Madame Barbara A... en date du 6 février 2000, rapportant qu'elle avait rencontré Madame B..., qui lui avait été présentée par Monsieur Y..., à l'occasion de la mise en vente de la maison dont elle était propriétaire à BALLAISON dans le courant du mois de juin 1999, qu'elle les avait revus ensemble par la suite dans le cadre de négociations relatives à cette vente et constaté que les intéressés se comportaient en amoureux, se tenant par la main et se faisant des sourires tendres, Monsieur Y... lui ayant confirmé qu'il vivait le grand amour avec Madame B... et qu'il entendait quitter sa femme, établissent suffisamment les manquements au devoir de fidélité reprochés à Monsieur Y... et constitutifs d'une cause de divorce par application de l'article 242 du Code Civil, sans qu'il y ait lieu à examiner les autres griefs invoqués par l'épouse.

Sur la prestation compensatoire

Si le mariage a duré 27 ans, la vie commune n'a duré que 20 ans. Madame X... est âgée de 60 ans. Elle a une formation d'infirmière qu'elle indique avoir exercée pendant 15 ans avant le mariage et justifie par son relevé CRAM qu'elle a cessé toute activité professionnelle à compter de 1978. Le choix de ne pas exercer d'activité professionnelle pendant le mariage est présumé avoir été fait en accord avec l'époux. Il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas repris son activité d'infirmière après une interruption de plus de 20 ans et alors qu'elle était âgée de 54 ans à la date de la séparation. Elle justifie que ses droits à retraite seront dérisoires, de l'ordre de 110 € par mois.

Les documents produits par Monsieur Y... concernant la pratique par Madame X... de l'astrologie ne suffisent pas à démontrer que cette activité aurait d'une part été exercée à titre professionnel et d'autre part qu'elle aurait été rémunératrice.

Les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens.
Madame X... n'a pas versé aux débats de déclaration sur l'honneur datée et signée comportant l'évaluation des immeubles dont elle est propriétaire ainsi qu'il lui en avait été fait injonction par ordonnance du 7 juin 2007. Il résulte des actes versés aux débats qu'elle est usufruitière de l'ancien domicile conjugal sis à ARMOY (74), acquis par ses soins en 1983 au prix de 1 250 000 F, pour avoir fait donation de sa nue-propriété à ses filles en 1993. Cet immeuble est composé d'un terrain de 4 000 m² environ et d'une villa d'une surface habitable de 220 m² sur deux étages et a été évalué 3 000 000 F en 1997 dans le cadre d'une demande de prêt. Madame X... est également propriétaire d'un appartement dans une résidence avec piscine à ANTIBES, acheté en 1997 au prix de 1 060 000 F composé d'un séjour cuisine et de deux chambres, avec terrasse, parking et cave, estimé 300 000 € au 7 janvier 2008 par un agent immobilier d'ANTIBES.
L'immeuble d'ARMOY, dans la mesure où il est sorti du patrimoine de Madame X..., n'a pas à être retenu pour sa valeur vénale mais seulement pour sa valeur de rendement. Le patrimoine immobilier dont dispose Madame X..., mis en location, devrait lui procurer un revenu mensuel qui peut être estimé entre 3 000 et 4 000 €. Elle aura alors la charge d'un loyer.
Monsieur Y... est directeur marketing et travaille en Suisse. Il a été victime d'un grave accident de la circulation au mois d'octobre 2003 qui l'a contraint à s'arrêter de travailler pendant de nombreux mois puis de reprendre à temps partiel. Les éléments de procédure en cours font apparaître qu'il sera indemnisé de l'intégralité de son préjudice économique par l'assureur du tiers responsable. Il reconnaît d'autre part avoir repris son travail à plein temps. Il y a en conséquence lieu de considérer que sa situation est au moins équivalente à celle qu'il avait à la date de l'accident et, en l'absence d'une quelconque justificatif de la réalité de sa situation actuelle et au regard de son revenu à la date de l'ONC (60 000 F par mois), d'estimer son revenu actuel à la somme de 10 000 € par mois. Il y a lieu également d'estimer que l'endettement et le passif bancaire de 69 315 € dont il fait état dans sa déclaration sur l'honneur, à les supposer justifiés par la baisse de ses revenus consécutive à son accident, seront apurés par l'indemnité qui lui sera versée en réparation de son préjudice économique. Il ne fournit aucun élément sur ses conditions d'hébergement, se prétendant locataire, moyennant un loyer mensuel de 2 000 €, de locaux dont Madame X... établit qu'ils sont à l'adresse de son employeur, alors qu'il résulte du rapport d'expertise médicale et de la lettre de l'administration fiscale cantonnale qu'il verse aux débats qu'en 2004 et 2005 il habitait CONCHES avec Madame B... au domicile de celle-ci.
Il indique dans sa déclaration sur l'honneur datée du 16 janvier 2008 ne disposer d'aucun patrimoine. Toutefois, les relevés de ses comptes bancaires versés aux débats font apparaître des mouvements en provenance de comptes à terme. Il est d'autre part acquis qu'il était le seul héritier de son père décédé en juin 2004, ce dernier ayant vendu respectivement en 2002 et 2003 la maison sise à MONTMERLE SUR SAONE et l'appartement sis à VILLEURBANNE dont il était propriétaire. Il est hautement improbable qu'à son décès, rien ne soit resté de ces ventes et en l'absence d'explication plausible ou de justificatif de la réalité de cette situation, il y a lieu de considérer que les relevés de compte versés aux débats ne reflètent pas la réalité de la situation de Monsieur Y... et que, contrairement à ses allégations, il dispose d'un patrimoine. En l'absence d'autres éléments, il y a lieu de considérer que ce patrimoine lui a permis ou lui permettra d'acquérir la propriété de son logement.
Les allégations de l'épouse concernant un compte à la Banque SAN PAOLO sont dépourvues de fondement, le bordereau de remise de chèque tiré sur cette banque invoqué faisant apparaître que l'émetteur du chèque est un tiers.
Il résulte du relevé de son compte épargne retraite à la Compagnie ALLIANZ arrêté au 1er janvier 2004 qu'à cette date, les droits acquis de Monsieur Y... à pension de retraite en 2012 étaient de 67 752 FS par an soit 5 646 FS par mois et ses fonds libres de 55 077 FS.
Monsieur Y... n'a droit à récompense au titre du financement de la maison d'ARMOY et de l'appartement d'ANTIBES qu'autant qu'il démontre qu'il a agi dans une intention libérale et que les remises des fonds effectuées au cours du mariage et ayant permis l'acquisition de ces biens ne traduisaient pas la volonté de compenser les conséquences de la renonciation de Madame X..., dans l'intérêt de la famille, à son indépendance financière et à ses droits à retraite. Il en résulte que ce droit à récompense est, en l'état, hypothétique.

Les époux sont codébiteurs solidaires de prêts immobiliers souscrits pour l'acquisition de la maison d'ARMOY qui arrivent à échéance respectivement en 2009 et en 2014.

Le patrimoine dont dispose Madame X... ne suffit pas à compenser la disparité dans les conditions de vie des parties consécutives au divorce tenant à la disparité de leurs revenus actuels et futurs et justifie, au regard de la durée du mariage, le versement par Monsieur Y... d'une prestation compensatoire de 180 000 € payable en 72 échéances mensuelles de 2 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, et contradictoirement,
REFORME le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Vu l'ordonnance de non-conciliation en date du 2 juin 2000,
PRONONCE le divorce d'entre :
Madame Christiane X..., née le 20 août 1948 à SEUILLET (Allier)
et Monsieur Patrick Y..., né le 22 juin 1947 à BADEN BADEN (RFA),
mariés le 11 octobre 1980 à ANTIBES (Alpes Maritimes),
aux torts exclusifs de l'époux.
ORDONNE la mention du divorce en marge de l'acte de mariage ainsi qu'en marge des actes de naissance des époux conformément aux dispositions de l'article 1082 du Code de Procédure Civile.

COMMET Monsieur le Président de la Chambre des Notaires de Haute Savoie, avec faculté de délégation, pour procéder aux opérations de liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux, sous la surveillance du juge du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS chargé des liquidations et des partages qui en fera rapport en cas de difficulté.

DIT qu'en cas d'empêchement du notaire ou du juge, ils seront remplacés par simple ordonnance rendue sur requête.

CONDAMNE Monsieur Patrick Y... à payer à Madame Christiane X... la somme de 180 000 € à titre de prestation compensatoire.

DIT que cette somme est payable au moyen de 72 échéances mensuelles successives de 2 500 € indexées.
DIT que ces échéances sont payables d'avance avant le cinq de chaque mois, au domicile de la créancière.
DIT qu'elles sont révisables chaque année à la date anniversaire du présent arrêt, les échéances devant être revalorisées par le débiteur lui-même sans qu'une mise en demeure soit nécessaire, en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé, série France entière, hors tabac (base 100 en 1998), publié par l'I. N. S. E. E, l'indice de base étant celui du mois de mai 2008 :
pension d'origine x dernier indice paru indice de base

CONDAMNE Monsieur Patrick Y... à payer à Madame Christiane X... la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP FORQUIN RÉMONDIN par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Ainsi prononcé le 6 mai 2008 par Madame CARRIER, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame TAMBOSSO, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 07/01114
Date de la décision : 06/05/2008
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

DIVORCE


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, 27 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2008-05-06;07.01114 ?
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