Le VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT, LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
dans la cause 06 / 02487-3ème Chambre
Dossier communiqué au Ministère Public le 3 septembre 2007
FP / BS
opposant :
APPELANT
Monsieur Nabti X...,
...
représenté par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assisté de la SCP BUREAU DU COLOMBIER-VERNIER, avocats au barreau de CHAMBERY
à :
INTIMEE
Monsieur Le PROCUREUR GENERAL,
Parquet Général-Palais de Justice-73000 CHAMBERY
représenté par Madame MASSA, Substitut Général
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 2 octobre 2007 avec l'assistance de Madame TAMBOSSO, Greffier,
et lors du délibéré, par :
-Monsieur FRANCKE, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance du Premier Président en date du 3 septembre 2007,
-Monsieur PARIS, Conseiller,
-Madame MERTZ, Conseiller.
-=-=-=-=-=-=-=-=-
M. Nabti X..., né le 8 janvier 1957, de nationalité algérienne, a épousé Mme Nassera Y..., de nationalité française, le 1er octobre 2000 à Sétif en Algérie.
Deux enfants sont issus de cette union :
-Soundous, né le 19 mars 2002.
-Amir, né le 25 janvier 2004.
Le 18 septembre 2003, M.X... a souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française, sur le fondement de l'article 21-2 du Code civil.
Le 19 juillet 2004, le Ministre chargé des naturalisations refusait d'enregistrer la déclaration au motif que la preuve de la communauté de vie n'a pas été suffisamment rapportée.
M.X... a assigné le ministère public devant le tribunal de grande instance de Chambéry le 6 septembre 2004.
Par jugement en date du 28 septembre 2006, le tribunal de grande instance de Chambéry a :
-déclaré recevable en la forme le recours de M.X...,
-dit que l'opposition du gouvernement à l'acquisition par
M.X... de la nationalité française est légitime,
-débouté M.X... de ses demandes,
-constaté l'extranéité de M.X...,
-ordonné la mention prévue par l'article 28 du Code civil, et l'a condamné aux dépens.
M.X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 10 novembre 2006.
Par conclusions signifiées le 9 mars 2007, il demande à la Cour de :
-juger son appel recevable,
-dire qu'il est de nationalité française en application de la déclaration souscrite en qualité de conjoint de français par application de l'article 21-2 du Code civil,
-statuer ce que de droit sur les dépens.
Il soutient notamment qu'il y a une communauté de vie entre lui et son épouse, et que la condamnation du 7 juin 2004 est intervenue postérieurement à la déclaration du 18 septembre 2003.
Par conclusions du 10 septembre 2007, auxquelles le présent arrêt renvoie expressément pour l'exposé des moyens, le ministère public demande à la Cour de :
-débouter l'appelant de l'ensemble de ses prétentions,
-constater son extranéité.
Sur ce,
Selon l'article 21-2 du Code Civil, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi no98-170 du 16 mars 1998 applicable à la cause, l'étranger ou l'apatride qui épouse un ressortissant français peut acquérir la nationalité française par simple déclaration, à la double condition que cette déclaration soit faite un an à compter du mariage, délai supprimé à la naissance d'un enfant, et que la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux.
Les articles 21-1 et suivants et 26 et suivants du code civil prévoient dans le cadre de la procédure de déclaration de nationalité par le conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française des pouvoirs précis de l'autorité judiciaire ou administrative chargée de cette procédure.
Le juge d'instance ou le ministre délivre l'enregistrement ou le refuse en vérifiant si l'intéressé remplit les conditions légales.
Parmi ces conditions légales, l'autorité chargée de l'enregistrement vérifie la continuité de la communauté de vie existant entre les époux, la durée de cette communauté de vie, la connaissance suffisante de la langue française par l'intéressé et si le conjoint du déclarant a conservé la nationalité française.
Elle vérifie aussi le casier judiciaire pour s'assurer de l'existence ou non d'une condamnation pouvant faire obstacle à l'acquisition de la nationalité française conformément à l'article 21-27 du Code Civil disposant que " Nul ne peut acquérir la nationalité française s'il a été l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis.
Ces conditions sont appréciées à la date de la déclaration conformément à l'article 21-2 du code civil.
Le ministère public dans ses conclusions écrites se fonde sur l'absence de continuité de communauté de vie et sur l'existence de faits constitutifs d'indignité.
La communauté de vie et sa continuité que doit établir le déclarant se prouve par tous moyens.
Deux enfants ont issus de l'union des époux X... : Soundous née le 19 mars 2002 et Amir Mohamed né le 25 janvier 2004.
Il ressort d'une attestation d'hébergement émanant du directeur de la Sasson en date du 7 juillet 2003 que les époux X... et leur enfant Soundous sont hébergés dans le cadre d'une prise en charge d'aide sociale dans le foyer Jean Yves Guillaud sis à Aix les Bains depuis le 1er juin 2003.
Ils ont ensuite conclu le 7 juillet 2003 un contrat de résidence avec le centre communal d'action sociale portant sur un logement sis à Barby 607 résidence des Epinettes.
Le Directeur de la résidence des Epinettes atteste le 23 juillet 2004 que les époux X... occupent l'appartement 607 résidence des Epinettes depuis le 10 juillet 2003.
Des factures de loyer acquittées concernant la période de juillet 2003 à juillet 2004 sont produites.
Plusieurs voisins attestent que les époux X... vivent bien ensemble avec leurs deux enfants.
Il n'est produit aucun élément contredisant ces faits.
La continuité de la communauté de vie est donc établie.
Ensuite si le premier juge ne s'est pas basé sur la condamnation pour séquestration intervenue postérieurement à la déclaration mais sur les faits ayant donné lieu à condamnation, lesquels sont antérieurs, il convient de relever que le premier juge s'est fondé sur l'article 15 du décret no 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française pour juger du bien fondé de l'opposition du gouvernement pour cause d'indignité.
Or la procédure d'opposition obéit à des règles de procédure et de fond précises.
Il ressort de la combinaison des articles 15,31 et de l'article 21-4 du code civil que l'opposition à la nationalité française pour cause d'indignité ressort de la compétence du gouvernement, seul compétent pour refuser la nationalité en vertu d'un décret en conseil d'état.
Ainsi, si l'article 15 du décret suscité permet au juge d'instance de saisir le préfet de la résidence du déclarant afin que celui-ci fasse réaliser par ses services une enquête administrative aux fins de vérifier la continuité de la communauté de vie, le degré de la connaissance de la langue française du déclarant et à permettre d'apprécier s'il y a lieu de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française pour indignité ou défaut d'assimilation, il stipule que " Dans les six mois suivant la réception de la demande d'enquête l'autorité qui a procédé à l'enquête en transmet directement le résultat, assorti de son avis motivé, au ministre chargé des naturalisations. Celui-ci peut faire procéder à toute enquête complémentaire qu'il estime utile quant à la situation du déclarant au regard des motifs permettant de s'opposer à ce qu'il acquière la nationalité française. ".
Si l'article 31 du même décret donne à l'autorité compétente pour enregistrer la déclaration des pouvoirs de vérification quant aux conditions à remplir pour le déclarant, il ne prévoit pas que cette autorité puisse s'opposer à l'acquisition de la nationalité en se fondant sur une cause d'indignité ou de défaut d'assimilation autre que linguistique.
L'article 32 du même décret prévoit en revanche expressément que lorsque le gouvernement veut s'opposer par décret en conseil d'état pour indignité ou défaut d'assimilation à l'acquisition de la nationalité française, le ministre notifie les motifs de fait et de droit qui justifient l'intention de faire opposition à l'intéressé qui dispose d'un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours pour produire un mémoire en défense.
L'article 21-4 du code civil disposant que le gouvernement peut s'opposer par décret en conseil d'état à la nationalité française du déclarant dans le délai d'un an à compter de la date du récépissé ou si l'enregistrement a été refusé n'évoque aucune autre autorité pouvant s'opposer à la nationalité pour cause d'indignité, étant précisé que si le gouvernement veut s'opposer à l'acquisition de la nationalité pour un tel motif, il est tenu d'utiliser la procédure prévue à l'article 21-4 du code civil et l'article 32 du décret suscité.
Le ministre d'ailleurs dans son refus d'enregistrement n'évoque pas la cause d'indignité.
En outre, l'article 32 prévoit des garanties que le gouvernement est tenu de respecter : notification des motifs de fait ou de droit, possibilité pour le déclarant de produire un mémoire en défense dans un délai de quinze jours.
Il s'agit d'une procédure administrative au terme de laquelle le gouvernement prend un décret en conseil d'état, dont la validité tant de forme que de fond ne peut être soumis qu'aux juridictions administratives.
Dès lors le juge judiciaire ne pouvait se baser sur la cause d'indignité pour refuser l'enregistrement.
Le premier juge a donc excédé ses pouvoirs en rejetant la contestation de M.X....
Par ces motifs la Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE l'appel formé par M.X... recevable,
Au fond,
LE DÉCLARE bien fondé,
EN CONSÉQUENCE,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.
STATUANT A NOUVEAU,
CONSTATE que le récépissé prévu par l'article 1043 du Nouveau Code de Procédure Civile a été délivré.
ORDONNE l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité, souscrite le 18 septembre 2003 par M.X....
ORDONNE la mention prévue à l'article 28 du Code Civil.
LAISSE les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'Etat.
Ainsi prononcé le 20 novembre 2007 par Monsieur FRANCKE, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame TAMBOSSO, Greffier.