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11/02/2003 | FRANCE | N°01/00319

France | France, Cour d'appel de chambéry, 11 février 2003, 01/00319


Le ONZE FEVRIER DEUX MILLE TROIS LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont le teneur suit : dans la cause 01/00319 - Chambre commerciale

(MJB/EM) opposant : APPELANTE LA SA CREDIT LYONNAIS SUISSE, dont le siège social est ... représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assistée de la SCP BENOIST-DESFONTAINE, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS à : INTIME Me Roger Y... A..., ès qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL DECATECH ET DE MME Danielle X... NEE Z..., demeurant ... à 1225 CHENE-B

OURG (Suisse), lui même demeurant ... représenté par la SCP BUTTI...

Le ONZE FEVRIER DEUX MILLE TROIS LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont le teneur suit : dans la cause 01/00319 - Chambre commerciale

(MJB/EM) opposant : APPELANTE LA SA CREDIT LYONNAIS SUISSE, dont le siège social est ... représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assistée de la SCP BENOIST-DESFONTAINE, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS à : INTIME Me Roger Y... A..., ès qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL DECATECH ET DE MME Danielle X... NEE Z..., demeurant ... à 1225 CHENE-BOURG (Suisse), lui même demeurant ... représenté par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour assisté de la SELARL BRAUD etamp; SORET, avocats au barreau de THONON COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 09 décembre 2002 avec l'assistance de Madame T, Greffier Et lors du délibéré, par : - Madame B, Président - Madame G Conseiller - Monsieur B, Conseiller -=-=-=-=-=-=-=-=-

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, statuant en matière commerciale, le 24 novembre 2000, qui a :

Déclaré nulle et de nul effet l'hypothèque conventionnelle, publiée le 20 octobre 1994, volume 94 V, N° 6628, prise contre Madame Z... épouse X..., sur un immeuble bâti sis sur la commune d'ARBUSIGNY, cadastré section A lieudit "Les Gargues-Dessous" n ° 739 et 550,

a ordonné sa radiation,

a condamné le CREDIT LYONNAIS (SUISSE) à payer à Maître Roger Y... A..., ès-qualité la somme de TROIS MILLE FRANCS (3.000 F) sur le

fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'a condamné aux dépens,

Vu l'appel interjeté par le Crédit Lyonnais Suisse et ses conclusions déposées le 20 novembre 2002,

Vu les conclusions déposées par Me Chatel A..., mandataire liquidateur de la société Decatech et de Mme X... née Z..., le 4 décembre 2002,

Attendu que la société Decatech a été mise en liquidation judiciaire le 8 novembre 1991, que le 15 novembre 1991, la procédure a été étendue à Mme X..., que Mme X... a contracté un emprunt auprès du Crédit Lyonnais Suisse le 15 septembre 1994 devant un notaire d'Annemasse pour financer l'acquisition d'une maison individuelle, qu'elle a consenti une inscription hypothécaire sur l'immeuble en garantie du remboursement de l'emprunt ;

Attendu que le Crédit Lyonnais Suisse trouve injuste que Me Chatel A... puisse poursuivre la vente de l'immeuble au profit des créanciers antérieurs de Mme X..., alors que c'est au moyen des deniers prêtés par le Crédit Lyonnais Suisse que Mme X... a acheté cet immeuble ;

Attendu, il est vrai, que le Crédit Lyonnais Suisse, qui a contracté avec une personne dessaisie de ses pouvoirs d'administration et de disposition par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, est un créancier hors procédure qui ne pourra poursuivre le recouvrement de sa créance qu'après la clôture de la liquidation ; que les créanciers antérieurs de Mme X..., qui ont régulièrement déclaré leurs créances, vont bénéficier de l'enrichissement réalisé irrégulièrement par celle-ci pendant sa liquidation judiciaire ;

Attendu que ce résultat est la conséquence de l'application des dispositions d'ordre public des lois sur les procédures collectives ;

Attendu que si, en vertu de l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la convention européenne des droits de l'homme, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international, et si ces dispositions s'appliquent aussi bien aux droits incorporels qu'aux biens corporels, il est aussi admis par les principes généraux du droit international auxquels fait référence la convention que, pour des causes d'utilité publique, et spécialement en vertu du principe d'égalité entre les créanciers, il soit apporté des limites et des dérogations aux droits des parties sur leurs biens dans le cadre de l'application des lois relatives aux procédures d'apurement collectif du passif;

Attendu que les règles sur le dessaisissement du débiteur et l'inopposabilité des actes passés irrégulièrement à la collectivité des créanciers répondent à la nécessité, dans une situation où le débiteur a pris des engagements auxquels il ne peut faire face, de mettre fin à une gestion préjudiciable à la société, et de préserver dans la mesure du possible le patrimoine du débiteur dans l'intérêt collectif de ses créanciers ;

Attendu que l'application combinée de ces règles aboutit en l'espèce à une solution inéquitable pour le Crédit Lyonnais Suisse ; que, néanmoins, la recherche de l'intérêt général justifie ces règles, qui n'ont pas été édictées spécialement pour régir la situation particulière dont fait état le Crédit Lyonnais Suisse, que, par ailleurs, le jugement d'ouverture de la procédure collective a nécessairement été publié, et que le Crédit Lyonnais Suisse aurait pu éviter de se retrouver dans une situation préjudiciable en se renseignant sur la situation de sa débitrice ; que, pour tous ces motifs, l'atteinte qu'il subit du fait de l'application de ces règles

dans son patrimoine n'est pas disproportionnée au regard de l'intérêt collectif protégé ;

Attendu que les principes légaux fondant l'inopposabilité à la procédure collective des droits consentis au Crédit Lyonnais Suisse par Mme X..., s'opposent à ce que le Crédit Lyonnais Suisse puisse se prévaloir d'un enrichissement sans cause à l'égard des créanciers dont l'intérêt est représenté par le liquidateur, ce qui aboutirait à éluder l'application de ces principes ;

Attendu que s'agissant des fautes reprochées au mandataire liquidateur, il convient d'observer qu'il ne s'est pas écoulé un délai anormalement long entre l'ouverture de la procédure collective à l'égard de Mme X... et la date à laquelle l'emprunt a été contracté ; que le Crédit Lyonnais Suisse a été victime de la malhonnêteté de Mme X..., qui lui a dissimulé qu'elle était en liquidation en faisant une déclaration mensongère devant notaire, et que le Crédit Lyonnais Suisse ne saurait en rendre responsable le liquidateur au motif qu'il l'aurait laissé bénéficier des apparences de la solvabilité en s'abstenant d'entreprendre toute mesure d'exécution en Suisse contre elle ; qu'il n'est nullement justifié que Mme X... bénéficiait en Suisse d'un patrimoine de nature à justifier de telles mesures ;

Attendu que la responsabilité éventuelle du mandataire liquidateur dans le fait que la procédure n'est pas encore clôturée, ce qui prive, pour l'instant, le Crédit Lyonnais Suisse de la possibilité de recouvrer sa créance, serait, à la supposer établie, sans incidence sur l'inopposabilité de l'acte contesté à la procédure collective ;

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement ;

Qu'il paraît équitable d'allouer à Me Chatel A..., ès qualités, une indemnité complémentaire sur le fondement des dispositions de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. ,

Par ces motifs

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement,

Condamne le Crédit Lyonnais Suisse à payer à Me Chatel A..., ès qualités, une indemnité complémentaire de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC,

Le condamne aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Buttin - Richard et Fillard, avoués.

Ainsi prononcé en audience publique le 11 février 2003 par Madame B, Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame T, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 01/00319
Date de la décision : 11/02/2003

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Liquidation judiciaire - Effets - Dessaisissement du débiteur - Acte postérieur - Inopposabilité à la procédure collective - /.

Le principe général d'égalité entre les créanciers, qui permet de déroger aux droits de l'individu sur sa propriété dans le cadre d'une procédure d'apurement du passif, est conforme aux dispositions de l'article 1du Protocole Additionnel N°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. En outre, les règles de dessaisissement du débiteur et d'inopposabilité des actes passés irrégulièrement à la collectivité des créanciers répondent à la nécessité de mettre fin à la gestion préjudiciable d'une société et de préserver dans la mesure du possible le patrimoine du débiteur dans l'intérêt des créanciers. En conséquence, le mandataire-liquidateur, représentant les créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre du dirigeant d'une société, peut poursuivre la vente d'un immeuble alors même que l'immeuble, grevé d'une hypothèque, a été acquis après l'ouverture de la procédure collective grâce à un emprunt bancaire. Le banquier, qui avait la possibilité de se renseigner sur la situation de son débiteur suite à la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective, est un créancier hors procédure qui ne peut poursuivre le recouvrement de sa créance qu'après la clôture de la liquidation, l'atteinte à son patrimoine consécutif à la nullité de l'hypothèque n'étant pas disproportionnée au regard de l'intérêt collectif protégé

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Liquidateur - Responsabilité.

Le mandataire-liquidateur n'est pas responsable du préjudice subi par un prêteur suisse, qui a ignoré l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de l'emprunteur, devenant ainsi un créancier hors procédure, dès lors qu'il ne s'est pas écoulé un temps anormalement long entre l'ouverture de la liquidation judiciaire et la date de l'emprunt et que l'absence de mesure d'exécution prise en Suisse par le mandataire-liquidateur ne saurait s'analyser comme la volonté de faire bénéficier le débiteur d'une apparence de solvabilité mais est justifiée par l'absence de patrimoine suffisant pour agir en Suisse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2003-02-11;01.00319 ?
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