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23/04/2002 | FRANCE | N°1999/02503

France | France, Cour d'appel de chambéry, 23 avril 2002, 1999/02503


LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1999/02503 - section 2 VNM/FDF opposant : MME BOZON EPOUSE X... FRANCOISE ANDREE JOSETTE demeurant 731 ROUTE DES PECLES - 74400 CHAMONIX MONT BLANC ; APPELANTE Représentée par ME DANTAGNAN, Avoué et ayant pour Avocat la SCP BOUVARD du barreau de BONNEVILLE ; à : M. Y... Z... ... ; PERSONNELLEMENT ET ES QUALITES D'HERITIER DE MME A... JEANINE DECEDEE INTIME Représenté par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat Me GRESY du barreau de VERSAILLES ; M. X

... JEAN-PAUL B... ... ; INTIME Représentée par ME DANT...

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1999/02503 - section 2 VNM/FDF opposant : MME BOZON EPOUSE X... FRANCOISE ANDREE JOSETTE demeurant 731 ROUTE DES PECLES - 74400 CHAMONIX MONT BLANC ; APPELANTE Représentée par ME DANTAGNAN, Avoué et ayant pour Avocat la SCP BOUVARD du barreau de BONNEVILLE ; à : M. Y... Z... ... ; PERSONNELLEMENT ET ES QUALITES D'HERITIER DE MME A... JEANINE DECEDEE INTIME Représenté par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat Me GRESY du barreau de VERSAILLES ; M. X... JEAN-PAUL B... ... ; INTIME Représentée par ME DANTAGNAN, Avoué et ayant pour Avocat la SCP BOUVARD du barreau de BONNEVILLE ; M. C... D... ... ; INTIME Sans avoué constitué ; COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 26 Février 2002 avec l'assistance de Madame E..., Greffier Et lors du délibéré, par : - Monsieur XXX, Conseiller, faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 26 Novembre 2001 - Monsieur XXX, Conseiller - Madame XXX, Conseiller

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Selon compromis de vente en date du 29 août 1982, Mademoiselle Françoise Y... et Monsieur Z... Y... se sont engagés à vendre aux époux Jean-Paul X... et Françoise BOZON un tènement immobilier situé à Chamonix-Mont-Blanc (Haute-Savoie), lieu-dit "Les Pècles d'en Haut", composé d'un terrain de 10 a 16 ca sur lequel sont édifiés une maison d'habitation et deux petits chalets annexes ; le prix convenu était de 800.000 F, se décomposant en 400.000 F au profit de Mademoiselle Françoise Y... et 400.000 F au profit de

Monsieur Z... Y..., cette dernière partie payable pour 100.000 F au comptant, pour 100.000 F dans les quatre ans de la vente sans intérêts, et pour les 200.000 F restant sous forme de rente viagère de 7.800 F payable annuellement. Mademoiselle Jeanine A..., usufruitière de l'immeuble, n'était pas partie au compromis mais avait adressé un courrier à Monsieur X... par lequel elle indiquait ne pas faire valoir ses droits d'usufruitière. Les vendeurs ne s'étant pas présentés pour régulariser la vente devant le notaire qui en était chargé, la présente cour d'appel a, par arrêt du 18 novembre 1986, dit que la vente était parfaite. Le 12 novembre 1987, Mademoiselle Françoise Y... a reçu la quote-part du prix lui revenant soit 400.000 F par l'intermédiaire du conseil des époux Jean-Paul X.... Le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour du 18 novembre 1986 était rejeté par la Cour de Cassation le 16 mars 1988. Par acte notarié du 15 février 1996, Madame Françoise X... a fait donation à Monsieur D... C..., son fils né d'un premier lit, de la nue-propriété de ses droits (soit le tiers indivis) sur un chalet situé à Chamonix, lieu-dit "Les Moussoux", provenant de la succession de ses père et mère, les droits ainsi donnés étant évalués dans l'acte à la somme de 378.000 F, et elle-même se réservant l'usufruit sur le tiers de ces biens, à son bénéfice et à celui de son mari Monsieur Jean-Paul X....

Par jugement du 21 juillet 1999, le tribunal de Grande Instance de Bonneville a, notamment, déclaré l'action recevable en ce qu'elle est dirigée notamment contre M. X..., accueilli l'action paulienne intentée par Madame Jeanine A... et Monsieur Z... Y... et en conséquence déclaré inopposable à ces derniers la donation

consentie par Madame Françoise X... à Monsieur D... C....

Par déclaration au greffe en date du 19 août 1999, les époux Jean-Paul X... ont interjeté appel de cette décision. Par conclusions du 23 juillet 2001 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, ils soulèvent tout d'abord l'irrecevabilité de l'action en ce qu'elle est dirigée contre Monsieur Jean-Paul X..., qui ne détient aucun droit de propriété sur les biens objets de la donation attaquée. Sur le fond, ils demandent la réformation du jugement déféré, et le débouté de l'ensemble des réclamations des consorts F....

Ils soutiennent notamment, à cette fin, qu'ils ont toujours eu l'intention de régler le solde du prix dû aux vendeurs, mais que ce n'est qu'à cause du comportement de ces derniers qu'ils n'ont pu y parvenir, notamment par la revente du bien cédé entre eux. Dès lors, leurs adversaires auraient eux-mêmes créé les conditions du retard dans le règlement de leur créance. Par ailleurs, il soulignent la faible valeur des droits donnés à Monsieur D... C..., ainsi que la difficulté pour un créancier à les liquider en cas de besoin puisqu'il faudrait au préalable provoquer le partage entre Madame Françoise X... et ses deux cohéritiers. Enfin et surtout, ils font valoir que le bien cédé entre les parties représente une valeur non négligeable, que le produit de sa vente permettrait largement de désintéresser les consorts F... et que, dès lors, la condition nécessaire de l'insolvabilité du débiteur manque en l'espèce. Au surplus, il n'y aurait eu aucune intention de nuire dans la passation de l'acte de donation, uniquement destinée à dispenser Madame Françoise X... des charges d'entretien de l'immeuble tout en lui en conservant les revenus par la réserve d'usufruit.

Ils demandent encore condamnation de Monsieur Z... Y..., tant personnellement qu'en sa qualité d'héritier de Mademoiselle Jeanine A..., à leur payer la somme de 250.000 F à titre de dommages-intérêts, exposant que, par ses actions intempestives conjointement avec cette dernière, il aurait contribué à l'aggravation de leur préjudice ; ils demandent, pour les mêmes raisons, qu'il soit condamné en ces mêmes qualités au refus de tout intérêt sur les sommes dues au titre des précédentes décisions de justice, le cas échéant à titre de dommages-intérêts complémentaires et avec compensation. Ils réclament encore condamnation de Monsieur Z... Y... à leur payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Z... Y..., demande, par conclusions du 14 décembre 2001 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, en son nom personnel et en qualité de seul héritier de Mademoiselle Jeanine A... décédée le 30 avril 2001, la confirmation pure et simple du jugement déféré, sauf à majorer l'indemnité qui avait été allouée à lui-même et à Mademoiselle Jeanine A... par le premier juge ; il demande en conséquence condamnation de Madame Françoise X..., Monsieur X..., enfin Monsieur D... C... à lui payer à titre personnel et ès qualités d'héritier, la somme de 250.000 F à titre de dommages-intérêts, subsidiairement la condamnation de Madame Françoise X... seule au paiement de cette somme. Il se prévaut essentiellement, à l'appui de sa position, de ce que sa créance au titre de la vente, et telle qu'elle résulte des différentes décisions de justice pour les indemnités complémentaires, s'élève à 1.028.414,63 F sauf mémoire, cette créance ne cessant d'augmenter du fait des intérêts qui

courent, et qu'elle excède de toute évidence la valeur vénale du bien vendu entre les parties au prix de 800.000 F en 1982 ; par ailleurs les époux Jean-Paul X... seraient réellement insolvables, ayant beaucoup de dettes notamment envers des organismes bancaires, et en contre partie des revenus totalement insuffisants pour y faire face ainsi qu'il résulte des pièces qu'il verse aux débats. Dans ces circonstances, l'acte de donation passé par Madame Françoise X... au profit de son fils aurait bien eu pour objet de diminuer le patrimoine de ses débiteurs en fraude de ses droits, et le jugement devrait donc être confirmé.

Il sollicite enfin condamnation des époux Jean-Paul X... et de Monsieur D... C... à lui payer la somme de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur D... C..., régulièrement assigné à sa personne, n'a pas constitué avoué ; il y a donc lieu de statuer par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI

Sur la recevabilité de l'action à l'égard de Monsieur Jean-Paul X...

Conformément à ce qu'a considéré le premier juge, dès lors que par l'acte de donation Madame Françoise X... a réservé un droit d'usufruit sur les biens donnés notamment au profit de son mari, le créancier qui attaque cet acte a bien intérêt à ce que la décision qui sera rendue sur cette demande soit opposable aussi à cette

personne. Dès lors le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande à l'égard de Monsieur Jean-Paul X... a, à bon droit, été écarté.

Sur le fond

sur la demande principale

Il n'est pas contesté que Monsieur Z... Y... dispose, à l'encontre des époux Jean-Paul X..., d'une créance certaine, liquide et exigible, constituée par le solde du prix de vente du bien cédé selon compromis du 29 août 1982.

D'après les comptes résultant des propres écritures de Monsieur Z... Y..., sa créance à ce titre s'élèverait à la somme totale de 1.028.414,63 F outre intérêts s'élevant, toujours selon ses propres calculs, à la somme d'environ 493.000 F arrêtée au 24 août 1997 soit au total 1.521.428,63 F c'est-à-dire 231.941 euros.

Pour que l'action paulienne prévue par l'article 1167 du code civil aboutisse, il faut encore pour le créancier apporter la preuve que, indépendamment du bien objet de l'acte attaqué, le patrimoine de son débiteur n'est pas suffisant pour le désintéresser. C'est ce qu'affirme Monsieur Z... Y..., en indiquant que le bien immobilier vendu entre les parties, situé "Les Pècles d'en Haut" à Chamonix, présenterait une valeur insuffisante à cet égard, soutenant ainsi qu'il ne pourrait pas même être vendu au prix de l'époque soit 800.000 F compte-tenu de la crise qui affecte le marché immobilier ; pour autant, il ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer qu'effectivement, la valeur de ce bien resterait inférieure au montant total de sa créance.

Les époux Jean-Paul X... soutiennent, à l'inverse que la valeur du bien dont ils sont restés propriétaires excéderait largement la créance de Monsieur Z... Y..., et versent aux débats les documents justificatifs suivants :

- une estimation de la valeur de ce bien établie par l'agence "Arve Immobilier" de Chamonix, pour un montant de 3.403.000 F ;

- une attestation d'une autre agence immobilière dénommée "La Tour", dont le siège social est aussi à Chamonix, estimant le même bien entre 500.000 et 515.000 euros, soit 3.279.785 à 3.378.178 F, ce qui est cohérent ave la première estimation ;

- enfin et surtout un compromis de vente signé avec Madame Corine G... le 17 août 2001 pour le prix de 3.100.000 F net vendeur, ainsi qu'un courrier de Maître DELERCE notaire en charge de la vente, et des documents justificatifs émanant de la BANK OF AMERICA et du CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE en dates des 7 janvier 2002 et 21 décembre 2001 qui démontrent que Madame G... a obtenu le financement nécessaire à l'acquisition de ce bien.

Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que, si les époux Jean-Paul X... sont débiteurs d'autres sommes importantes envers notamment des établissements bancaires, Monsieur Z... Y... est pour sa part au bénéfice d'une inscription d'hypothèque judiciaire prise en premier rang sur le bien dont s'agit pour une créance en principal de 1.185.645 F.

Il apparaît, ainsi, que le patrimoine des époux Jean-Paul X... est suffisant pour désintéresser Monsieur Z... Y..., ce

dernier n'en rapportant pas la preuve contraire. Dès lors, l'acte de donation passé le 15 février 1996 par Madame Françoise X... au profit de son fils D... C... ne peut être considéré avoir été fait en fraude des droits de Monsieur Z... Y...

Le jugement déféré sera donc infirmé dans sa totalité.

sur les demandes reconventionnelles

Les époux Jean-Paul X... sollicitent l'allocation de dommages-intérêts et la remise des intérêts de retard, en réparation du préjudice que leur auraient causé les actions judiciaires entreprises par les consorts F... ; or, il leur appartient de démontrer à cette fin, notamment, que ce comportement serait fautif, et qu'il serait seul à l'origine de leur préjudice consistant en l'augmentation de leur dette par le cours des intérêts. Sur ce point, il n'est pas expliqué, ni a fortiori démontré, en quoi l'exercice de la première action, ayant donné lieu à l'arrêt du 18 novembre 1986, aurait empêché les époux Jean-Paul X... de s'acquitter du prix de vente dont ils étaient débiteurs, et en conséquence en quoi elle aurait causé le préjudice résultant des intérêts courus ; s'agissant de la seconde action ayant donné lieu à l'arrêt du 3 juin 1997, il doit être constaté qu'elle n'était fondée que sur le défaut de paiement du prix par les acquéreurs, situation dont la réalité est particulièrement incontestable, et qu'elle n'a pas abouti uniquement parce que Monsieur Z... Y... l'avait formé seul sans la présence de Mademoiselle Jeanine A... qui conservait des droits d'usufruit sur le bien ; elle ne saurait donc être considérée par elle-même comme fautive. Entre les deux actions (arrêt de 1986 et introduction de la seconde instance en 1993), il s'est écoulé près de sept années au cours desquelles les époux

Jean-Paul X... n'ont pas acquitté à tout le moins les sommes dues incontestablement en vertu de la décision de justice déjà rendue, et n'expliquent ni a fortiori ne justifient par quelle faute de Monsieur Z... Y... ou de Mademoiselle Jeanine A... ils en auraient été empêchés.

Leurs demandes de dédommagement à ce titre apparaissent donc particulièrement infondées, et seront comme telle rejetées.

Les éléments relatifs à la valeur de l'immeuble n'ayant été fournis par les époux Jean-Paul X... qu'en cause d'appel, et ce de manière particulièrement récente, il n'apparaît pas équitable de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur des intimés.

Il ne saurait être alloué à Monsieur Z... Y... qui succombe aucune indemnité à ce titre, et il devra, pour les mêmes motifs, supporter les dépens en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit les époux Jean-Paul X... en leur appel, régulier en la forme.

Au fond :

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Monsieur Z... Y... de toutes ses demandes tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Mademoiselle Jeanine A...

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne Monsieur Z... Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec application, au profit de Maître DANTAGNAN, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi prononcé en audience publique le 23 avril 2002 par Monsieur XXX, faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame XXX, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 1999/02503
Date de la décision : 23/04/2002

Analyses

ACTION PAULIENNE - Conditions

Il appartient au créancier, demandeur à une action paulienne fondée sur l'article 1167 du Code civil, de démontrer que le patrimoine du débiteur est, indépendamment de l'acte attaqué, insuffisant pour le désintéresser. Tel n'est pas le cas lorsque le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier non concerné par l'acte attaqué, dont il est établi par les pièces produites que sa valeur est supérieure à la créance invoquée par le demandeur à l'action, en principal et intérêts


Références :

Code civil, article 1167

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2002-04-23;1999.02503 ?
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