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23/04/2002 | FRANCE | N°1997/03199

France | France, Cour d'appel de chambéry, 23 avril 2002, 1997/03199


LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1997/03199 - section 2 VNM/FDF opposant : M. X... Y... ... ; APPELANT Représenté par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, Avoués associés et ayant pour Avocat la SCP MILLIAND-DUMOLARD du barreau d'ALBERTVILLE ; à : SA CLUB MEDITERRANEE dont le siège social est 25 RUE VIVIENNE - 75002 PARIS ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX INTIMEE APPELANTE INCIDENTE Représentée par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat Me BEAUMONT du barreau de PARIS ; STE MUT

UELLE DE DIGNE LES BAINS dont le siège social est 14 PLACE ...

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1997/03199 - section 2 VNM/FDF opposant : M. X... Y... ... ; APPELANT Représenté par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, Avoués associés et ayant pour Avocat la SCP MILLIAND-DUMOLARD du barreau d'ALBERTVILLE ; à : SA CLUB MEDITERRANEE dont le siège social est 25 RUE VIVIENNE - 75002 PARIS ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX INTIMEE APPELANTE INCIDENTE Représentée par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat Me BEAUMONT du barreau de PARIS ; STE MUTUELLE DE DIGNE LES BAINS dont le siège social est 14 PLACE DU TAMPINET - 04000 DIGNE LES BAINS ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX INTIMEE Sans avoué constitué ; CPAM DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE dont le siège social est 4 RUE ALPHONSE RICHARD - 04000 DIGNE LES BAINS ; INTIMEE APPELANTE INCIDENTE Représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, Avoués associés et ayant pour Avocat la SCP BAYETTI-DEEUDEUX-DOUARINOU du barreau de DIGNE ; COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 27 Février 2002 avec l'assistance de Madame Z..., Greffier Et lors du délibéré, par : - Monsieur XXX, Conseiller, faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 26 Novembre 2001 - Monsieur XXX, Conseiller - Madame XXX, Conseiller

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Le 1er janvier 1993, au cours d'une sortie de ski accompagnée par un préposé de la SA CLUB MEDITERRANEE, dans le cadre d'un séjour de vacances organisé par cette dernière dans la station de La Plagne, est survenu un accident par lequel Monsieur Y... X... a chuté et s'est gravement blessé.

Par jugement du 1er juillet 1997, le tribunal de Grande Instance d'Albertville a, notamment, déclaré la SA CLUB MEDITERRANEE responsable pour moitié de l'accident, et, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice corporel de Monsieur Y... X..., ordonné une expertise médicale.

Par déclaration au greffe en date du 16 octobre 1997, Monsieur Y... X... a interjeté appel de cette décision. Par conclusions du 7 septembre 2001 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, il demande l'infirmation du jugement déféré quant à la responsabilité, et sollicite que l'entière responsabilité de la SA CLUB MEDITERRANEE soit retenue dans la survenance de l'accident. Il soutient, à cette fin, que l'organisateur du séjour de vacances et de la sortie de ski serait tenu envers ses clients d'une obligation de résultat dont il ne pourrait s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une faute de la victime imprévisible et irrésistible, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. Au surplus, les circonstances révéleraient une grave faute de la préposée de la SA CLUB MEDITERRANEE dans son obligation de surveillance, d'information et de vigilance dans son rôle d'encadrement du groupe qu'elle accompagnait.

Pour le surplus, il demande à la Cour d'évoquer la question de l'indemnisation de son préjudice, et sollicite la condamnation de la SA CLUB MEDITERRANEE à lui payer diverses sommes à ce titre, détaillées poste par poste, et pour l'exposé desquelles il est renvoyé aux dites conclusions.

Il demande encore condamnation de la SA CLUB MEDITERRANEE à lui payer la somme de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau

code de procédure civile.

La SA CLUB MEDITERRANEE, par conclusions du 19 décembre 2001 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, forme quant à elle appel incident du jugement déféré, et conclut au rejet de toutes demandes de Monsieur Y... X..., au moyen qu'elle ne serait en rien responsable de l'accident et que notamment sa préposée n'aurait commis aucune faute en lien avec la survenance de ce dernier. Subsidiairement, elle demande que seule une infime part de responsabilité soit laissée à sa charge, et qu'il soit dit n'y avoir lieu à évocation sur la liquidation du préjudice de Monsieur Y... X....

Elle demande encore condamnation de Monsieur Y... X... à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La CPAM DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE demande, par conclusions du 10 avril 2000 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, l'infirmation du jugement déféré, et la condamnation de la SA CLUB MEDITERRANEE à réparer les entières conséquences de l'accident. Elle demande en conséquence sa condamnation à lui payer la somme principale de 966.237,65 F correspondant au montant total des prestations qu'elle a versées au 28 mars 2000, celle de 5.000 F au titre de l'indemnité forfaitaire, enfin celle de 3.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI

Sur la responsabilité

Monsieur Y... X... soutient que la SA CLUB MEDITERRANEE aurait été débitrice à son égard d'une obligation de résultat en sa qualité d'organisatrice d'un séjour de vacances. Il faut rappeler, à cet égard, que la loi du 13 juillet 1992 relative à la responsabilité des personnes pratiquant l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours est inapplicable à l'espèce puisqu'elle n'est entrée en vigueur qu'à compter du 1er décembre 1994 alors que l'accident est survenu le 1er janvier 1993. En toute hypothèse, l'activité au cours de laquelle l'accident a pris place était une activité sportive de ski alpin, dans la pratique de laquelle le client a une participation tout à fait active, Monsieur Y... X... étant tombé alors qu'il évoluait, seul, à l'aide de ses skis ; dans un tel cas, l'obligation contractuelle de sécurité pesant sur l'organisateur ou l'accompagnateur ne peut consister qu'en la mise en place des moyens nécessaires et adaptés propres à assurer une sécurité normale des clients, et non pas en la garantie totale d'une absence d'accident.

Dès lors, il appartient à Monsieur Y... X..., ainsi que l'a justement retenu le premier juge, de rapporter la preuve d'une faute de la SA CLUB MEDITERRANEE telle qu'elle ait été à l'origine de l'accident, directement ou par l'intermédiaire de l'un de ses préposés.

En l'espèce, Monsieur Y... X... expose qu'il évoluait dans le groupe encadré par Madame Danielle A... salariée de la SA CLUB MEDITERRANEE, et que lui-même ainsi que Monsieur Baudouin B... ont été dans l'après-midi vers 15 heures distancés par la monitrice et le reste du groupe, les perdant même de vue ; ils ont alors tenté

de les rejoindre, mais, tout en les apercevant plusieurs fois en contrebas, n'ont pu y parvenir que près d'une heure plus tard vers 15 heures 50, parce que la monitrice ne s'est à aucun moment arrêtée suffisamment longtemps pour que le groupe se reforme complètement, notamment au départ d'une remontée mécanique ; il indique encore qu'il se sentait fatigué, et angoissé par la crainte de ne pas retrouver son chemin pour rejoindre le centre de vacances par les remontées mécaniques et les pistes, alors que l'heure de fermeture de ces dernières approchait. Alors qu'enfin il parvenait à rejoindre le groupe, il s'est de toute évidence "relâché", se sentant soulagé après une situation de tension, ce qui a provoqué sa chute par un mauvais contrôle de ses mouvements. La description de ces faits est parfaitement corroborée par Monsieur Baudouin B..., dont une attestation est versée aux débats ; celui-ci y confirme notamment que la monitrice avait distancé les deux plus lents skieurs du groupe, lesquels ne parvenaient pas à rejoindre les autres, et que la distance qu'elle avait laissé s'installer ne leur a pas permis de savoir quel itinéraire emprunter, ni de recevoir des consignes précises. De même, deux autres personnes membres du groupe, Madame C... et Monsieur D..., attestent que la monitrice évoluait loin en tête du groupe, ne s'arrêtait pas fréquemment, et distançait de beaucoup les plus lents avant que de s'arrêter pour permettre au groupe de se reformer. Enfin, si Madame Danielle A... dans divers courriers indique ne pas se reconnaître dans la description qui est faite de son attitude, et surtout du climat d'insécurité qui est mentionné par les témoins, elle ne conteste pas pour autant formellement, ni de son côté la SA CLUB MEDITERRANEE dans ses conclusions, la relation des circonstances ayant précédé l'accident, c'est-à-dire le fait que Monsieur Y... X... et Monsieur Baudouin B... auraient été distancés depuis un long moment et

cherché à rejoindre le groupe sans qu'elle le leur permette réellement en provoquant un arrêt suffisamment long à cette fin. Par ailleurs, il est encore établi par les différents témoignages que les fixations des skis utilisés par Monsieur Y... X..., et fournis par la SA CLUB MEDITERRANEE, ne se sont pas "déclenchées" au moment de sa chute, et n'ont donc pas entraîné la désolidarisation des chaussures et des skis, facteur entré incontestablement dans la survenance de la fracture dont a souffert Monsieur Y... X... du fait de l'accident.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SA CLUB MEDITERRANEE a commis plusieurs fautes conjuguées, la première par l'intermédiaire de sa préposée Madame Danielle A..., laquelle n'a pas correctement encadré le groupe dont elle avait la charge, alors qu'il n'était composé, selon ses propres dires, que de huit personnes ce qui rendait cet encadrement d'autant plus facile ; il est ainsi inacceptable qu'elle ait laissé deux personnes ne pas être en mesure de rejoindre le groupe durant près d'une heure, ne leur permettant ainsi pas de profiter de son encadrement ni du sentiment de sécurité que procure le fait de se laisser guider dans un domaine skiable que l'on connaît mal, et suscitant à l'inverse chez ces personnes un sentiment de stress et de crainte générateur d'une tension et d'une fatigue anormales lors de la pratique d'un tel sport ; cette situation a, de toute évidence, favorisé un relâchement de l'attention de Monsieur Y... X... lorsqu'il a enfin rejoint le groupe, qui est à l'origine directe de l'erreur commise par lui dans la direction de ses skis et qui a ainsi provoqué l'accident. En second lieu, le matériel fourni à Monsieur Y... X... présentait de toute évidence un réglage inadapté au niveau moyen de ce skieur, puisque ses fixations ne se sont pas ouvertes pour libérer le ski, ce

qui a causé la fracture dont il a été victime.

Ces deux fautes ont directement concouru à la survenance de l'accident, mais conjointement avec celle commise par Monsieur Y... X... qui, voyant qu'il rejoignait enfin son groupe et que la fin de l'après-midi approchait, aurait dû redoubler de prudence et retrouver la concentration nécessaire au contrôle de sa trajectoire et à la maîtrise de ses skis, en s'appuyant sur la sécurité qu'il venait de retrouver ; en ne le faisant pas, il a commis lui aussi une faute directement à l'origine de l'accident. C'est à bon droit que le premier juge a considéré que ces fautes respectives avaient concouru à la survenance de l'accident dans la proportion de la moitié, rien ne permettant d'estimer que le rôle de l'une aurait été prépondérant sur l'autre.

Le jugement déféré sera donc confirmé dans son intégralité.

Sur le préjudice

Le premier juge avait ordonné une expertise pour l'estimer et n'a donc pas, en l'état, évalué les indemnités devant revenir à Monsieur Y... X... et à la CPAM. L'évocation de ce point non jugé est une faculté offerte par l'article 568 du nouveau code de procédure civile et laissée à l'appréciation du juge d'appel. Dans la mesure où la SA CLUB MEDITERRANEE s'oppose à cette possibilité en l'espèce, et que la victime a d'ores et déjà perçu une provision de 15.000 F, il n'apparaît pas opportun de faire droit à la demande à ce titre, et les parties seront renvoyées, pour la liquidation du préjudice, devant le premier juge.

Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties qui succombent chacune en son appel principal ou incident ; néanmoins, Monsieur Y... X... auteur de l'appel principal, supportera les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit Monsieur Y... X... en son appel, régulier en la forme.

Au fond :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à évocation concernant la liquidation du préjudice de Monsieur Y... X..., et renvoie les parties devant le premier juge pour qu'il soit statué sur les points non jugés.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne Monsieur Y... X... aux dépens d'appel, avec application, au profit de Maître DELACHENAL, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi prononcé en audience publique le 23 avril 2002 par Monsieur XXX, faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame XXX, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 1997/03199
Date de la décision : 23/04/2002

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de moyens - Sports

La responsabilité d'un organisateur de séjour de vacances, avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1992, repose sur une obligation de moyens quant à la sécurité de ses cocontractants, lorsqu'un accident est survenu au cours d'une activité de ski alpin encadrée par un préposé de l'organisateur à laquelle le client participe de manière active. N'a pas mis en oeuvre les moyens nécéssaires à assurer cette sécurité l'organisateur, dont le préposé qui encadrait un groupe de skieurs a laissé deux personnes moins à l'aise être di- stancées durant plus une heure sans être en mesure de rejoindre le groupe, cette situation étant directement à l'origine de la fatigue et du manque d'attention de l'un des skieurs qui ont entrainé sa chute, et qui a fourni à ses clients, dont la victime, un matériel non adapté et mal reglé puisque la fixation du ski de cette dernière ne s'est pas ouverte au moment de la chute, ce qui a causé une fracture de la jambe. Cependant, la victime a, quant à elle, commis une faute d'inattention et de manque de maîtrise qui a directement contribué à la survenance de l'accident. La responsabilité doit donc être partagée par moitié entre l'organisateur et la victime


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2002-04-23;1997.03199 ?
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