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17/06/2024 | FRANCE | N°23/00290

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 17 juin 2024, 23/00290


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]



Chambre Civile





















ARRÊT N° 76 /2024



N° RG 23/00290 - N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BGNM





S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE venant aux droits de BNP PARIBAS GUYANE (par traité de fusion en date du 27 juin 2016 avec effet au 1er octobre 2016)





C/



[Z] [R]









ARRÊT DU 17 JUIN 2024





Jugement au fond, du juge des contentieux de la

protection de CAYENNE, décision attaquée en date du 09 Juin 2023, enregistrée sous le n° 23/00337





APPELANTE :



S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE venant aux droits de BNP PARIBAS GUYANE (par traité de fusion en date du 27 juin 2016 avec ef...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]

Chambre Civile

ARRÊT N° 76 /2024

N° RG 23/00290 - N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BGNM

S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE venant aux droits de BNP PARIBAS GUYANE (par traité de fusion en date du 27 juin 2016 avec effet au 1er octobre 2016)

C/

[Z] [R]

ARRÊT DU 17 JUIN 2024

Jugement au fond, du juge des contentieux de la protection de CAYENNE, décision attaquée en date du 09 Juin 2023, enregistrée sous le n° 23/00337

APPELANTE :

S.A. BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE venant aux droits de BNP PARIBAS GUYANE (par traité de fusion en date du 27 juin 2016 avec effet au 1er octobre 2016)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jeannina NOSSIN, avocate au barreau de GUYANE

INTIMEE :

Madame [Z] [R]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2024 en audience publique et mise en délibéré au 17 juin 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Monsieur Laurent SOCHAS, Président de chambre

Mme Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Lysiane DESGREZ, Directrice de greffe, présente lors des débats et Madame Joséphine DDUNGU, Greffière placée, lors du prononcé.

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [R] [Z] a ouvert un compte courant près de la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE, sans autorisation de découvert, le 17 mars 2021.

Après lettre de relance, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE a adressé par lettre recommandée avec accusé réception du 13 septembre 2022 à Madame [R] [Z], une mise en demeure d'avoir à régulariser sous quinzaine son solde débiteur de 1354,90 euros au titre du compte courant.

Le 21 novembre 2022, la clôture du compte a été notifiée à Madame [R] [Z] par lettre recommandée avec accusé réception.

Par ailleurs, suivant offre préalable acceptée le 11 juin 2021, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE a consenti à Madame [R] [Z], un prêt personnel de 40 000 € au taux annuel de 3,90 %, remboursable en 60 mensualités de 749,83 euros assurance comprises.

En l'absence de régularisation, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE a par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 août 2022, adressée à Madame [R] une mise en demeure de payer sous quinzaine la somme de 2 984,68€.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2022, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE a prononcé la déchéance du terme.

Par exploit d'huissier du 5 avril 2023, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE a fait citer Madame [R] devant le juge du contentieux de la protection de Cayenne, aux fins de la voir sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamnée à lui payer :

' au titre du compte de dépôt, la somme de 1 422,39 euros et 36 586,08 euros au titre du prêt, avec intérêts au taux conventionnel, outre la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC et les entiers dépens.

Par jugement du 9 juin 2023, le juge du contentieux de la protection de Cayenne a déclaré irrecevables les demandes en paiement de la banque au titre du compte courant et au titre du prêt personnel, ainsi que la demande formulée en application de l'article 700 du CPC. Le juge a condamné la Banque aux entiers dépens et constaté l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue le 28 juin 2023, l'établissement de crédit a interjeté appel de ce jugement.

Le 8 août 2023, avis était donné à l'appelant d'avoir à signifier la déclaration d'appel, en l'absence de constitution de l'intimé dans le mois de la transmission de la déclaration d'appel qui lui a été faite par le greffe, lequel y procédait le 16 août 2023.

En l'état de ses premières et dernières conclusions reçues le 29 août 2023, la Banque demande à la Cour de :

- réformer la décision en toutes ses dispositions,

- déclarer la banque recevable et bien-fondée en ses demandes

- dire et juger que l'action est recevable car engagée dans les 2 ans du premier impayé non régularisé,

- condamner Madame [R] à payer la somme de 1 422,39 euros arrêtée au 15 décembre 2022, outre les intérêts au taux contractuel à compter du 16 décembre 2022, jusqu'à parfait paiement au titre du compte à vue,

- condamner Madame [R] à payer la somme de 36 990,49 euros en principal et intérêts arrêtés au 7 juillet 2023 qui sera augmentée des intérêts au taux contractuel du 8 juillet 2023 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt,

- condamner Madame [R] à supporter le paiement de la somme de 2 500€ au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Bien que citée à étude, l'intimée ne s'est pas constituée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.

Sur ce, la Cour,

Sur le prêt personnel

Le jugement attaqué a rejeté la demande de paiement de la Banque au titre du prêt personnel au motif que l'historique de paiements n'a pas été produit ; que dès lors les sommes exactes dues ne pouvaient pas être appréciées, la demande n'était pas justifiée et la forclusion de l'action ne pouvait pas être examinée.

Il y a lieu de préciser, comme l'a rappelé le premier jugement, qu'il n'appartient pas au juge de procéder à l'analyse et la synthèse de l'ensemble des relevés de compte courant de l'emprunteur aux fins de contrôler les échéances qui ont pu être prélevées ou non. L'établissement de crédit doit verser au débat, un historique clair, concernant uniquement le prêt en litige, reprenant l'ensemble des sommes en principal, intérêts et accessoires, apparaissant au crédit ou au débit du compte.

Or, l'appelante produit un tableau récapitulatif qui ne permet pas en soi, de contrôler l'exactitude des sommes réglées et impayées. Afin de contrôler avec certitude le premier incident de paiement, il est donc indispensable d'examiner chacun des relevés de compte produits par la Banque.

Pour autant, il s'évince néanmoins de l'examen combiné de ces deux pièces que la première échéance non payée et non régularisée date bien du 5 avril 2022.

Ainsi, l'assignation en justice ayant été introduite le 5 avril 2023, l'action a donc été exercée dans le délai biennal et n'est pas forclose.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la réalisation des obligations précontractuelles

Aux termes de l'article L. 311-9 en vigueur au moment du contrat, devenu l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et consulte le ficher prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation devenu l'article L. 751-1 du même code, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 devenu l'article L. 751-6.

En l'espèce, l'appelante justifie d'une consultation du FICP à l'égard de Madame [R], aux fins d'ouverture du compte courant au mois de mars 2021, comme elle le précise aux termes de ses écritures. Ainsi, cette consultation ne saurait être valable pour l'octroi du prêt souscrit le 11 juin 2021.

Au surplus, il est à précisé que le document produit par la Banque en guise de consultation du FICP ne mentionne aucune date, de sorte qu'il ne répond pas, en tout état de cause, aux exigences légales attendues.

Par conséquent, elle ne justifie pas avoir dûment satisfait à son obligation de consultation de la solvabilité de l'emprunteur, avant conclusion du contrat.

Dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer plus avant sur les autres obligations précontractuelles soulevées par la Banque, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels en application de l'article L. 341-2 du code de la consommation.

Sur le montant de la créance

En vertu de l'article L. 341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Compte tenu de l'incapacité de la Banque à justifier d'une quelconque preuve de consultation du FICP, il y a lieu au regard de la gravité du manquement contractuel, de prononcer la déchéance en totalité des droits aux intérêts contractuels.

Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Ainsi, s'agissant du compte entre les parties, la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE est fondée à se voir appliquer le taux légal à sa créance pour les mensualités régulièrement payées avant la déchéance du terme ; qu'à compter de cette dernière les intérêts au taux contractuel dont elle a été déchue viendront s'imputer sur le capital restant dû ainsi que les éventuels paiements effectués par le débiteur à compter de la dite déchéance du terme, la somme restant due au terme de ces déductions produisant intérêt au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil.

Il y a lieu en l'espèce d'arrêter la créance de la banque au jour du prononcé de la déchéance du terme, soit le 21 novembre 2022. Le capital restant dû à cette date est donc de 38 138,32 €.

A la lecture du contrat, du tableau d'amortissement, du décompte de la créance, Madame [R] reste redevable envers la banque de la somme de 33 336,42 euros, à savoir :

38 138,32 (capital restant dû suivant l'échéancier au 21 novembre 2022) '1908,04 € (sommes des intérêts contractuels dont le prêteur est déchu) = 28 230,28 €.

À ce montant, doit s'ajouter la part de capital amorti des mensualités non payées (8 mensualités non payées d'avril à novembre 2022 assurances comprises), à savoir 28 230,48 + 5 106,14 = 33 336,42 €.

En conséquence, l'intimée sera condamnée à payer à la Banque la somme de 33 336,42 €, produisant intérêt au taux légal à compter de la déchéance du terme du 21 novembre 2022.

Sur le solde débiteur du compte courant

En vertu de l'article L 311-1 du code de la consommation, en vigueur à la date du prêt, « Pour l'application des dispositions du présent titre relatif aux « Opérations de crédit », sont considérés comme :

6° Opération ou contrat de crédit, un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit, relevant du champ d'application du présent titre, sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, [']

12° Autorisation de découvert ou facilité de découvert, le contrat de crédit en vertu duquel le prêteur autorise expressément l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde du compte de dépôt de ce dernier ».

Aux termes de l'article L. 312-1 du même code, les dispositions du droit de la consommation s'appliquent à toute opération de crédit mentionnée au 6° de l'article L. 311-1, qu'elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit ['], dès lors que le montant total du crédit est égal ou supérieur à 200 euros et inférieur ou égal à 75 000 euros.

Par exception, l'article L. 311-4 4° dudit code prévoit que sont exclues du champ d'application de ces dispositions, les opérations consenties sous la forme d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai d'un mois.

En l'espèce, l'appelante fait valoir que la facilité de caisse ou autorisation de découvert d'un montant de 800€ au taux annuel de 15,80%, consentie à Madame [R], était remboursable dans un délai d'un mois ; que dès lors les dispositions du code de consommation n'étaient pas applicables.

Pour autant, le contrat de compte courant rudimentaire, produit par la Banque, ne fait mention d'aucune durée s'agissant des modalités de remboursement de ladite facilité de découvert de 800€ accordée à Madame [R]. De sorte que la Banque échoue à rapporter la preuve de ses allégations.

Ainsi, conformément à l'article L.312-93, lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit.

En l'espèce, l'appelante ne justifie pas avoir proposé au débiteur une nouvelle opération dans le délai imparti, alors même que le découvert constaté dès le 15 novembre 2021 s'est poursuivi jusqu'au 15 décembre 2022, date de clôture effective du compte courant (pièce 12).

Or, l'article L.341-9 du code de consommation prévoit que le prêteur qui n'a pas respecté les formalités prescrites à l'article L. 312-93 ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement.

Il appartient donc à la Banque de produire, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, à la débitrice un décompte des sommes dues au titre du découvert, après déduction de tous les intérêts et frais appliqués à compter du 15 novembre 2021.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef, sauf sur les effets de la sanction civile encourue en l'espèce.

Sur les demandes accessoires

Succombant, l'emprunteur supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Le même sera condamné à verser à l'appelante la somme de 1 300 € en application de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS 

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE de ses demandes en paiement au titre du prêt et dit irrecevables les demandes de cette dernière relatives au compte courant,

Statuant à nouveau,

Sur le solde du compte courant,

DIT que la créance de la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE au titre du solde débiteur du compte courant ouvert au bénéfice de Madame [R] [Z] est certaine, liquide et exigible,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts et frais de la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE au titre du dépassement à compter du 15 novembre 2021,

DIT que la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE produira, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, à Madame [R] [Z], un décompte des sommes dues au titre du découvert, après déduction des intérêts et frais appliqués au titre du dépassement, à compter du 15 novembre 2021.

DIT que la somme restante due au terme de ces déductions produira intérêt au taux légal, à compter du 15 décembre 2022.

Sur le prêt personnel

DIT l'action en paiement de la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE au titre du prêt personnel consenti à Madame [R] [Z], non forclose,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE,

CONDAMNE Madame [R] [Z] à payer à la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE la somme de 33 336,42 €, produisant intérêt au taux légal à compter de la déchéance du terme du 21 novembre 2022.

CONDAMNE Madame [R] [Z] à payer la société BNP PARIBAS ANTILLES GUYANE la somme de 1 200€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE Madame [R] [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le Greffier La Présidente de chambre

Joséphine DDUNGU Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00290
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;23.00290 ?
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