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17/06/2024 | FRANCE | N°22/00064

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 17 juin 2024, 22/00064


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 3]



Chambre Civile





















ARRÊT N° 59 /2024



N° RG 22/00064 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BARA





S.A.S. PPG GUYANE Représentée par son Président Monsieur [I] [H] domicilié audit siège.





C/



[N] [Y] [X]

S.A.R.L. PIZZ MAD

S.C.I. SCI GALERIE DE [Localité 9]

S.A. ALLIANZ ASSURANCES









ARRÊT DU 17 JUIN 2024





Jug

ement Au fond, du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 20 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 19/01581





APPELANTE :



S.A.S. PPG GUYANE Représentée par son Président Monsieur [I] [H] domicilié audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 9]



Représentée par Me ...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 3]

Chambre Civile

ARRÊT N° 59 /2024

N° RG 22/00064 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BARA

S.A.S. PPG GUYANE Représentée par son Président Monsieur [I] [H] domicilié audit siège.

C/

[N] [Y] [X]

S.A.R.L. PIZZ MAD

S.C.I. SCI GALERIE DE [Localité 9]

S.A. ALLIANZ ASSURANCES

ARRÊT DU 17 JUIN 2024

Jugement Au fond, du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 20 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 19/01581

APPELANTE :

S.A.S. PPG GUYANE Représentée par son Président Monsieur [I] [H] domicilié audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Clémence JOUAN, avocate au barreau de GUYANE

INTIMES :

Monsieur [N] [Y] [X]

[Adresse 12]

[Localité 7]

Représenté par Me Maurice CHOW-CHINE, avocat au barreau de GUYANE

S.A.R.L. PIZZ MAD

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.C.I. SCI GALERIE DE [Localité 9]

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentées par Me Stephan DOUTRELONG, avocat au barreau de GUYANE

S.A. ALLIANZ ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Elisabeth EWSTIFEIEFF, avocatre au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2023 en audience publique et mise en délibéré au 26 février 2024 prorogé au 17 juin 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Monsieur Yann BOUCHARE, Président de chambre

Madame Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Lysiane DESGREZ, Directrice de greffe, présente lors des débats et Madame Joséphine DDUNGU, Greffière placée, lors du prononcé.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 1er novembre 2008, l'immeuble sis [Adresse 11] à [Localité 9] appartenant à la SCI GALERIE DE [Localité 9] a été détruit par un incendie.

Des locaux de cet immeuble étaient loués à la SAS PPG GUYANE, anciennement SAS LA SEIGNEURIE GUYANE en vertu d'un bail commercial en date du 11 juillet 2005 et à la SARL PIZZ MAD anciennement SARL PIZZA KWATA, suivant un bail commercial signé le 30 janvier 2008.

Par actes d'huissier du 17 mars 2010 et du 22 mars 2010, la SAS PPG GUYANE a assigné devant le tribunal de Grande instance de Cayenne la SCI GALERIE DE [Localité 9] et la compagnie d'assurances AGF PAYSAN aux fins d'obtenir sur le fondement des articles 1719 et 1733 du Code civil, paiement de la somme de 858 731 € en réparation du préjudice résultant de l'incendie, outre les entiers dépens et les frais irrépétibles en application de l'article 700 du CPC.

Par acte d'huissier du 25 février 2011, la même a appelé au litige Monsieur [Y] [X] [N], propriétaire du champ voisin de l'immeuble dans lequel l'incendie a pris naissance au regard de l'enquête réalisée, sur le fondement de l'article 1384 ancien du Code civil.

Les procédures ont été jointes.

Par jugement en date du 3 février 2016, le tribunal de Grande instance a :

' dit l'action de la SAS PPG GUYANE à l'encontre de la SCI GALERIE DE [Localité 9] et de son assureur irrecevable et non fondée en son principe,

' débouté la SCI GALERIE DE [Localité 9] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

' déclaré Monsieur [Y] [X] [N] et son assureur ALLIANZ solidairement responsables du préjudice subi par la SAS PPG GUYANE et la SARL PIZZ MAD.

' sursis à statuer sur les demandes quant aux préjudices,

' ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [U] afin de permettre au tribunal de statuer sur les préjudices dont il est demandé réparation et fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à 5 000 € à la charge de la SARL PIZZ MAD et 4 000€ à la charge de la SAS PPG GUYANE.

' réservé les dépens,

' condamné solidairement Monsieur [Y] [X] [N], la SAS PPG GUYANE et la Compagnie ALLIANZ à payer à la SCI GALERIE DE [Localité 9] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Par arrêt du 12 mars 2018, la cour d'appel de Cayenne a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, a étendu l'expertise à l'examen des préjudices occasionnés à la SCI GALERIE DE [Localité 9] et condamné solidairement Monsieur [Y] [X] et son assureur ALLIANZ à payer une indemnité provisionnelle d'un montant de 100 000€ à la SARL PIZZ MAD, une indemnité provisionnelle de montant de 50 000 € à la SCI GALERIE DE [Localité 9], outre les entiers dépens et les frais irrépétibles au titre de l'article 700 du CPC.

L'expert a déposé son rapport au greffe le 20 juin 2020.

Le 2 décembre 2020, au visa de ce rapport la SAS PPG GUYANE a sollicité du tribunal judiciaire de Cayenne en ouverture de rapport, la condamnation solidaire de la compagnie ALLIANZ et de son assuré Monsieur [Y] [X] au paiement de la somme de 329 518€ en réparation des préjudices subis du fait de l'incendie du 1er novembre 2008, une indemnité de procédure de 30 000€ sur le fondement de l'article 700 de CPC, outre les dépens.

Le 1er mars 2021, l'assureur ALLIANZ a, au visa du même rapport d'expertise et du contrat d'assurance, sollicité la fixation de l'indemnité due à la société PPG GUYANE à la somme de 283 906,33 euros, ainsi qu'au rejet de ses demandes en doublement des intérêts et de frais irrépétibles.

Par jugement du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Cayenne a :

' condamné in solidum Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ, à payer à la SAS PPG GUYANE la somme de 224 142,05 €, augmentée des intérêts au taux légal,

' condamné in solidum Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ à payer à la SARL PIZZ MAD la somme de 72 759 ,41€ augmentée des intérêts au taux légal ;

' condamné in solidum Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ à payer à la SCI GALERIE [Localité 9] la somme de 79 164, 54€ augmentée des intérêts au taux légal ;

' condamné in solidum Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ à payer à la SAS PPG GUYANE la somme de 105 376€ augmentée des intérêts au taux légal ;

' condamné Monsieur [Y] [X] [N] à payer à la SARL PIZZ MAD la somme de 34 207 € augmentée des intérêts au taux légal ;

' condamné Monsieur [Y] [X] [N] à payer à la SCI GALERIE [Localité 9] la somme de 37 218 € augmentée des intérêts au taux légal ;

' condamné in solidum Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ à payer à la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ MAD et la SCI GALERIE [Localité 9] la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article 700 du CPC,

' ordonné l'exécution provisoire des condamnations in solidum de Monsieur [Y] [X] [N] et la compagnie ALLIANZ et aux dépens.

Par déclaration du 14 février 2022, la SAS PPG GUYANE a interjeté appel de cette décision.

Monsieur [Y] [X] s'est constitué le 12 avril 2022.

Le 11 mars 2022, la compagnie ALLIANZ s'est constituée.

Le 18 octobre 2022, la compagnie ALLIANZ a interjeté appel incident du jugement et a assigné en appel provoqué la société SARL PIZZ'MAD et la SCI de LA GALERIE [Localité 9].

Le 9 mars 2023, la SARL PIZZ'MAD et la SCI de LA GALERIE [Localité 9] se sont constituées.

Par dernières conclusions reçues le 28 août 2023, la société PPG GUYANE a demandé à la Cour, au visa de l'article 1104, 1153-1, 1231-1, 1231-6, 1240, 1355 du code civil, de :

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à la somme de 224 142, 05€ la condamnation in solidum prononcée à l'encontre de Monsieur [Y] [X] et de la compagnie ALLIANZ,

' juger que la compagnie ALLIANZ n'est pas fondée à opposer une limitation de sa garantie, à défaut de justifier d'une telle limitation dans le contrat souscrit par Monsieur [Y] [X] et qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 3 février 2016 et à l'arrêt du 12 mars 2018,

' en conséquence juger que la somme complémentaire de 105 376 € mise à la charge de Monsieur [Y] [X] sera supportée in solidum par la compagnie ALLIANZ et Monsieur [Y] [X],

' réformer le jugement rendu le 20 janvier 2022 en ce qu'il n'a pas statué sur la demande de la société PPG tendant à mettre à la charge de la compagnie ALLIANZ une indemnité de 50 000 € en réparation du préjudice résultant des manquements de la société ALLIANZ dans la gestion du sinistre et du retard dans l'indemnisation du préjudice,

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à voir appliquer le double du taux légal aux indemnités qui lui ont été allouées et à fixer le point de départ de ces intérêts à compter du 3 février 2016,

' débouter la compagnie ALLIANZ de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' condamner in solidum Monsieur [Y] [X] et la compagnie ALLIANZ à payer à la société PPG est de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens lesquels seront recouvrés pour ceux la concernant par Maître Clémence JOUAN.

Par dernières conclusions reçues le 12 juin 2023, la compagnie ALLIANZ a demandé à la Cour, de :

' déclarer la société PPG mal fondée en son appel,

' l'en débouter ainsi que toutes ses demandes, fins et conclusions,

' confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cayenne en date du 20 janvier 2022, en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [Y] [X] et la compagnie ALLIANZ à payer à la société PPG la somme de 224 142,05€ augmentés des intérêts au taux légal,

' recevoir la compagnie ALLIANZ en ses conclusions d'intimée contenant appel incident et appel provoqué,

' infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [Y] [X] et la compagnie ALLIANZ à payer à la SARL PIZZ MAD la somme de 72 759,41€ augmentés des intérêts au taux légal, à payer à la SCI galerie [Localité 9] la somme de 79 164,54 euros augmentés des intérêts au taux légal,

' infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur [Y] [X] et la compagnie ALLIANZ à payer aux trois sociétés la somme de 3000 € chacune, en application de l'article 700 du CPC outre les dépens,

' en conséquence, jugé que la SCI GALERIE [Localité 9] ne peut prétendre percevoir une indemnisation de la compagnie ALLIANZ, en conséquence la condamner à rembourser la somme de 50 000 € trop-perçue provisionnellement,

' juger que la société PIZZ MAD ne peut prétendre percevoir qu'une somme de 106 966 € et la condamner à rembourser à la compagnie ALLIANZ la somme de 7838,10 euros trop perçue provisionnellement,

' juger que la société PPG ne peut prétendre apercevoir qu'une somme de 283 906,33 euros et la débouter du surplus de ses demandes, notamment de doublement des intérêts et de sa demande au titre du préjudice subi,

' débouter Monsieur [Y] [X] de sa demande de se voir garantir par la compagnie ALLIANZ de toute condamnation prononcée à son encontre,

' débouter Monsieur [Y] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la compagnie ALLIANZ,

' débouter les trois sociétés de leur demande au titre de l'article 700 et les condamner chacune à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du CPC,

' condamner les trois sociétés en tous les dépens dont distraction au profit de Me Élisabeth EWSTIFEIEFF.

Par dernières conclusions reçues le 11 septembre 2023, Monsieur [Y] [X] a sollicité de la Cour qu'elle condamne la compagnie ALLIANZ, en sa qualité d'assureur, à garantir l'intégralité des condamnations financières mises à sa charge et relatives au sinistre du 1er novembre 2008 ; qu'elle déboute toutes les parties des demandes formées à son encontre ; qu'elle condamne in solidum les trois sociétés ainsi que la compagnie ALLIANZ à lui payer la somme de 8000 € en application de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Me Maurice CHOW CHINE.

Les sociétés SARL PIZZ'MAD et la SCI de LA GALERIE [Localité 9] n'ont pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.

Sur ce, la Cour,

Sur l'évaluation des préjudices subis par les victimes

Il ressort de l'ensemble des éléments de procédure qu'il n'est pas contesté que l'incendie survenu le 1er novembre 2008 est à l'origine des préjudices causés à la SARL PIZZ'MAD, à la SCI de LA GALERIE [Localité 9] et la SAS PPG Guyane ; que de plus, la responsabilité de Monsieur [Y] [X] [N], propriétaire où a eu lieu le départ de feu, est acquise.

S'agissant des préjudices subis par la SARL PIZZ'MAD et la SAS PPG Guyane, il y a lieu, à la lecture du rapport d'expertise du 16 mars 2020, d'arrêter leur évaluation aux sommes respectives de 106 966€ et de 329 518€ ; d'autant que ces sommes ne sont pas contestées par les parties en appel.

S'agissant du préjudice subi par la SCI de LA GALERIE [Localité 9], c'est à juste titre et de manière spécialement motivée que le premier juge a évalué les pertes pécuniaires consécutives à l'incendie à la somme de 116 382€, tenant compte de la perte de revenus locatifs ; qu'en effet, l'augmentation des loyers pratiqués par la société postérieurement au sinistre est à mettre en corrélation avec la reconfiguration des lieux et non pas avec la survenance du sinistre ; que de plus, les pas-de-porte d'un montant total de 45 000€ facturés aux nouveaux locataires suite au sinistre ont bien été déduits de l'estimation du préjudice proposé par la SCI de LA GALERIE [Localité 9] ; qu'il en est de même de la somme de 64 641€ qui avait déjà été versée à la SCI de LA GALERIE [Localité 9] par son assureur au titre des loyers perdus entre novembre 2008 et août 2012.

Dès lors, le moyen de Monsieur [Y] [X] concluant à une absence de préjudice subi par la SCI de LA GALERIE [Localité 9], doit être rejeté en l'espèce.

Enfin, l'évaluation des préjudices de la SARL PIZZ'MAD et de la SCI de LA GALERIE [Localité 9] doit tenir compte des indemnités provisionnelles fixées par l'arrêt du 12 mars 2018 de la Cour d'appel de Cayenne et versées par la compagnie ALLIANZ ; soit 100 000 € au profit de la SARL PIZZ'MAD et 50 000 € au profit de la SCI de LA GALERIE [Localité 9].

Ainsi, le montant des indemnités définitives dues à la SARL PIZZ'MAD, à la SCI de LA GALERIE [Localité 9] et la SAS PPG Guyane seront arrêtés comme suit :

' 6 966 € alloués à la SARL PIZZ'MAD (106 966 € - 100 000 €),

' 66 382 € alloués à la SCI LA GALERIE [Localité 9] (116 382 € - 50 000 €),

' 329 518 € alloués à la SAS PPG Guyane.

Sur la garantie due par la compagnie ALLIANZ

S'opposant à la limitation de garantie invoquée par la compagnie ALLIANZ, la société PPG soutient notamment que la police d'assurance produite par la compagnie ALLIANZ est illisible et que les conditions générales n'ont pas été signées par Monsieur [Y] [X] ; que le premier juge ne pouvait donc valablement se fonder sur cette pièce.

Pour autant, la police d'assurance multirisques habitation produite par la compagnie ALLIANZ contient bien des conditions particulières, des conditions générales ainsi qu'un annexe extension de garantie. Présentés en appel, ces documents sont lisibles. De même, cette police d'assurance a été conclue entre les parties le 23 mai 2005, elle a été signée par Monsieur [Y] [X], lequel a inscrit de manière manuscrite la mention « Lu et approuvé » sur le formulaire ; ce faisant il a attesté avoir reçu un exemplaire des différentes composantes de ce contrat d'assurance (pièces 1,2 et 3 conclusions ALLIANZ).

En revanche, il est à constater que le bien assuré aux termes du contrat d'assurance produit par la compagnie ALLIANZ est « une maison individuelle de 4 pièces », située 2 lot. Cotonnière Ouest à [Localité 8], dont Monsieur [Y] [X] est locataire (conditions particulières pièce 1 conclusions ALLIANZ).

Or, le terrain sinistré se trouve sur la commune de [Localité 9] et est décrit comme « un terrain laissé en friche, non bâti, propriété de Monsieur [Y] [X]», selon l'expertise de POLYEXPERT GUYANE en date du 12 février 2010 (pièce 13 conclusions ALLIANZ).

De sorte que le contrat d'assurance fourni par l'assureur au cas d'espèce, ne concerne pas le bien où se trouvait le foyer de l'incendie, au jour du sinistre.

Mais, en tout état de cause, il ressort de la lecture des clauses générales du contrat d'assurance que les dommages causés aux tiers suite à l'incendie du terrain incendié sis [Localité 9] demeuraient couverts par la garantie « Responsabilité civile de particulier et de chef de famille », et ce indifféremment de l'habitation assurée au titre de la police.

En effet, cette responsabilité a vocation à garantir pécuniairement, et de manière générale, toutes les conséquences des dommages que l'assuré ou une personne vivant à son foyer peut causer à quelqu'un.

Ainsi, à la lecture des conditions générales de la police d'assurance (page 21), ladite garantie stipule que sont assurés « les sinistres qui surviennent dans les départements, territoires d'Outre-Mer ['] et pour les séjours de moins de 3 mois en France métropolitaine et dans tout autre pays ».

Elle stipule encore que sont garanties « les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber [à l'assuré] en raison des dommages corporels, matériels et des pertes pécuniaires consécutives causés à autrui au cours de sa vie privée, par un accident, un incendie, une explosion ['] ».

Il est également précisé que si cette garantie exclut la responsabilité civile du propriétaire ou du maître d'ouvrage pour tous biens immobiliers situés à une adresse autre que celle indiquée aux dispositions particulières, en revanche demeurent garantis les terrains non bâtis.

Enfin, il ressort de l'annexe extension de garantie, in fine, que les garanties strictement rattachées à l'habitation assurée sont les suivantes : incendie et événements assimilés, tempête ouragans et cyclones, action des eaux, vol et vandalisme, bris de glace et responsabilité civile incendie et action des eaux.

La responsabilité civile de particulier et de chef de famille peut donc parfaitement garantir les dommages consécutifs à l'incendie survenu sur un terrain non bâti, même situé à une adresse autre que l'habitation assurée au titre du contrat, comme c'est le cas en l'espèce.

Si Monsieur [Y] [X] argue que son assureur s'est prévalu d'un autre contrat que celui réellement applicable au terrain sinistré afin de tenter d'imposer un plafond de garantie, pour autant force est de constater qu'il ne rapporte pas, pour sa part, la preuve contraire de l'existence d'une autre police d'assurance en lien direct avec le terrain sinistré.

De la même manière, s'il fait valoir que les conditions particulières versées aux débats par la société ALLIANZ concernent uniquement la période du 23 mai 2005 au 31 décembre 2005, il y a lieu de relever que ledit contrat est annuel avec tacite reconduction, comme le stipule les clauses de ce dernier.

Au surplus, Monsieur [Y] [X] ne rapporte pas utilement la preuve de ce qu'il aurait souscrit une nouvelle police d'assurance auprès d'un nouvel assureur. Dès lors, ce moyen ne saurait prospérer en l'espèce.

En conséquence, la police d'assurance du 23 mai 2005 produite par la compagnie ALLIANZ est bien applicable au cas d'espèce.

Monsieur [Y] [X] sera donc débouté de ce chef.

Sur le plafond de garantie applicable

La société PPG GUYANE fait valoir que la compagnie ALLIANZ a évoqué la limitation de sa garantie pour la première fois dans ses conclusions en ouverture de rapport devant le Tribunal judiciaire, postérieurement au jugement du 3 février 2016 et à l'arrêt du 12 mars 2018 revêtus de l'autorité de la chose jugée.

Elle argue que le jugement du 3 février 2016 a prononcé le sursis à statuer et désigné un expert uniquement pour donner son avis sur le chiffrage des préjudices, mais qu'il a définitivement statué sur la responsabilité de Monsieur [Y] [X] et sur la garantie de sa compagnie d'assurances. L'appelante soutient que ledit jugement précisait que l'intimé et son assureur sont tenus à la réparation intégrale du préjudice subi par la SAS PPG et la SARL PIZZ MAD ; elle en déduit que l'emploi du terme « intégral » exclut toute limitation de garantie de la part de la compagnie ALLIANZ. Selon l'appelante, en se prononçant sur le principe de la responsabilité, le tribunal a tranché le droit à l'indemnisation de la société PPG tant dans le principe que dans son étendue.

Elle considère enfin qu'en vertu du principe de la concentration des demandes, la compagnie ALLIANZ aurait dû faire valoir toutes les exceptions et limitations liées à sa garantie au moment où le tribunal a statué sur la responsabilité de Monsieur [Y] [X] et de son assureur en 2016.

Mais en vertu de l'article L113-1 du code des assurances : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

Aux termes de l'article L113-5 du même code « Lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée par le contrat et ne peut être tenu au-delà ».

Ces règles sont d'ordre public conformément à l'article L111-2 du code des assurances.

Ces moyens sont donc inopérants dès lors que l'indemnisation par l'assureur des préjudices causés par la faute de l'assuré ne peut être déterminée qu'au regard et dans la limite des dispositions contractuelles contenues dans la police d'assurance souscrite par ledit assuré.

Par ailleurs, il convient de spécifier que le jugement définitif rendu le 3 février 2016 a de manière claire, conclut que Monsieur [Y] [X] « et » son assureur étaient tenus à réparation intégrale du préjudice subi par les victimes, termes d'ailleurs repris dans son dispositif.

Ces termes permettent de garantir aux tiers l'assurance de voir indemniser leur entier préjudice, sans précision de la répartition des sommes à payer entre l'assuré fautif et son assureur. Dès lors, et contrairement aux prétentions de la société PPG GUYANE, ces termes ne peuvent valablement suffire en soi à exclure toute limitation de garantie expressément prévue au contrat d'assurance.

C'est ainsi sans contredire l'autorité de la chose jugée de la décision du 3 février 2016, dont les motifs ont été repris par l'arrêt du 12 mars 2018, que le tribunal judiciaire a, dans sa décision du 20 janvier 2022, condamné solidairement Monsieur [Y] [X] et ALLIANZ à verser à la société PPG GUYANE la somme de 224 142,05€ et Monsieur [Y] [X] à payer seul la somme de 105 376 €.

Ainsi, le jugement attaqué a bien ordonné la réparation intégrale du préjudice subi par la société PPG GUYANE évaluée au montant total de 329 518,05€ ; d'où il suit que le moyen développé par l'appelante visant à faire échec au plafond de garantie prévu au contrat, doit être écarté en l'espèce.

S'agissant de ce plafond de garantie, les conditions générales de la police d'assurance du 23 mai 2005 prévoient des maximums de garanties en fonction du sinistre en page 27. S'agissant de la garantie Responsabilités, et plus précisément de la responsabilité de particulier et de chef de famille, sous laquelle s'est placé l'assureur, le plafond de garantie défini pour les pertes pécuniaires consécutives aux dommages matériels est de 400 000 €, et non pas 320 000 € comme le prétend la société ALLIANZ.

Il convient également de relever que ces plafonds d'indemnisation ne sont pas actualisés ; or, il est constant que l'évaluation du dommage doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision.

En l'espèce, les parties ne fournissent aucun barème permettant d'évaluer la revalorisation de ce plafond. La société ALLIANZ évoque aux termes de ses écritures, un plafond de garantie de 376 066€. Pour autant elle ne justifie pas ce montant, d'autant plus qu'eu égard aux constatations précédentes le plafond de garantie prévu contractuellement pour la responsabilité de particulier et de chef de famille est de 400 000€.

Ainsi, s'agissant du compte entre les parties, il y a lieu d'ordonner que le montant du plafond de garantie soit réparti au « marc le franc » entre la société PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI de LA GALERIE [Localité 9], au prorata du dommage subi par chacune des victimes du sinistre, sous réserve de revalorisation après application de l'indice FFB alors en vigueur.

En conséquence, Monsieur [Y] [X] sera condamné à payer aux sociétés victimes du sinistre le surplus des sommes à parfaire.

Sur la demande indemnitaire en réparation du préjudice résultant des manquements dans la gestion du sinistre et du retard dans l'indemnisation

La société PPG demande le versement de dommages et intérêts par la société ALLIANZ à laquelle elle reproche un retard dans l'indemnisation, alors que cette dernière avait une parfaite connaissance des circonstances du sinistre et était alors en mesure d'apprécier le préjudice de la société PPG GUYANE, avant la réalisation de l'expertise ; qu'en s'abstenant de proposer à la société PPG une indemnisation ou à tout le moins de lui verser une provision, plus de 14 ans après le sinistre, la compagnie ALLIANZ a manqué à ses obligations dans le traitement dudit sinistre. La société PPG demande une indemnité de 50 000€ à titre de dommage et intérêts, précisant que contrairement aux autres victimes, elle n'a bénéficié d'aucune indemnisation en dépit de la perte totale de son fonds de commerce.

Mais, lorsqu'il existe un litige sur l'indemnisation du sinistre, lequel fait l'objet d'une procédure judiciaire pendante, l'assureur ne peut valablement exécuter son obligation d'indemnisation à l'égard des tiers qu'une fois évalué de manière définitive le montant du préjudice subi par chacun.

En l'espèce, le Tribunal de grande instance a dans son jugement avant dire droit du 3 février 2016 sursis à statuer sur le chiffrage des préjudices, dans l'attente de la réalisation de la mesure d'expertise ordonnée.

Par arrêt du 12 mars 2018, la Cour d'appel a confirmé ce jugement et enjoint à la société ALLIANZ de verser uniquement à la SARL PIZZA KWATA et à la SCI GALERIE DE [Localité 9] des indemnités à titre provisionnel, obligation alors exécutée par l'assureur.

Le rapport d'expertise établi par Monsieur [U] a été déposé le 20 juin 2020 et la compagnie ALLIANZ a fait savoir qu'elle ne s'opposait pas au chiffrage réalisé quant au préjudice subi par la société PPG.

Le fait pour l'assureur de faire jouer la limitation de garantie prévue à sa police d'assurance n'est pas constitutif d'une faute en soi.

Le Tribunal judiciaire a, le 20 janvier 2022, arrêté une appréciation chiffrée des préjudices subis par chacune des sociétés victimes, au vu notamment de l'expertise réalisée, mais la société PPG a interjeté appel de ce jugement.

Dès lors, au cas d'espèce la société ALLIANZ ne peut être tenue pour responsable d'un préjudice découlant d'un retard d'indemnisation à l'égard de la société PPG.

S'il est à déplorer les pertes pécuniaires incontestables subies par la société PPG, la Cour ne peut allouer de dommages et intérêts à l'appelante, à l'encontre de l'assureur, au titre du manquement dans sa gestion du sinistre et du retard d'indemnisation, le moyen apparaissant mal fondé en fait.

La société PPG sera donc déboutée de sa demande.

Il en va de même de la demande de doublement du taux légal, demande qui en l'absence de fondement soumis au contradictoire en cause d'appel, ne peut prospérer.

Les autres demandes

Succombant, Monsieur [Y] [X] [N], la SAS PPG GUYANE, SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9] aux dépens,

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur l'évaluation des préjudices subis par la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9],

Statuant à nouveau,

DIT que le préjudice subi par la SARL PIZZ'MAD suite au sinistre du 1er novembre 2008 est évalué à la somme de 6 966 €,

DIT que le préjudice subi par la SCI LA GALERIE [Localité 9] suite au sinistre du 1er novembre 2008 est évalué à la somme de 66 382 €,

DIT que le préjudice subi par la SAS PPG Guyane suite au sinistre du 1er novembre 2008 est évalué à la somme de 329 518 €,

CONDAMNE solidairement Monsieur [Y] [X] [N] et la société ALLIANZ à indemniser, dans la limite des clauses de la police d'assurance souscrite le 23 mai 2005 par Monsieur [Y] [X] [N], la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9],

DIT que la police d'assurance en date du 23 mai 2005 souscrite par Monsieur [Y] [X] [N] auprès de la compagnie ALLIANZ est applicable au sinistre survenu le 1er novembre 2018 sur le terrain sis [Localité 9] appartenant à Monsieur [Y] [X] [N],

DIT que la société ALLIANZ est fondée à opposer la limitation de garantie prévue au contrat d'assurance du 23 mai 2005,

DIT que le montant de 400 000 € dû au titre du plafond de garantie applicable conformément à la police d'assurance souscrite le 23 mai 2005 par Monsieur [Y] [X] auprès de la société ALLIANZ sera réparti au « marc le franc » entre la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9],

DIT que cette répartition se fera au prorata du dommage subi par la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9], sous réserve de revalorisation après application de l'indice FFB de 1163,60 publié au deuxième trimestre de l'année 2023,

DIT que les montants des préjudices indemnisables après revalorisation, produiront intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt,

CONDAMNE Monsieur [Y] [X] [N] à payer à la SAS PPG GUYANE, la SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9], le surplus des sommes à parfaire,

DEBOUTE Monsieur [Y] [X] [N] de ses demandes,

DEBOUTE la SAS PPG GUYANE de ses demandes indemnitaires et au titre du doublement de l'intérêt,

CONDAMNE solidairement Monsieur [Y] [X] [N], la SAS PPG GUYANE, SARL PIZZ'MAD et la SCI GALERIE [Localité 9] aux dépens,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC,

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Joséphine DDUNGU Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00064
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;22.00064 ?
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