N° de minute
2024/2
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11 Mars 2024
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N° RG 22/00326 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BCGG
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[S] [TU] [F] [D], agissant en son nom personnel et comme représentant de l'indivision successorale [LR]/ [D], [BK] [E] [D], [UN] [N] [Z] [D], [YW] [C] [G] [FH], [A] [Y] [LR], [GB] [X] [O] EPOUSE [T], [TA] [H] [O] EPOUSE[PZ], [YC] [K] [D] EPOUSE [I], [MK] [U] [CM] [D], [H] [BK] [LR] EPOUSE [PF], [V] [RT] [LR] EPOUSE [R], [E] [J] [L] [LR]
C/
COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE
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COUR D'APPEL DE CAYENNE
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
ARRET DU 11 MARS 2024
APPELANT :
Monsieur [S] [TU] [F] [D], agissant en son nom personnel et comme représentant de l'indivision successorale [LR]/ [D]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
Représenté par Me Jean-yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE
Monsieur [BK] [E] [D]
Monsieur [UN] [N] [Z] [D]
Monsieur [YW] [C] [G] [FH]
Monsieur [A] [Y] [LR]
Madame [GB] [X] [O] EPOUSE [T]
Madame [TA] [H] [O] EPOUSE[PZ]
Madame [YC] [K] [D] EPOUSE [I]
Madame [MK] [U] [CM] [D]
Madame [H] [BK] [LR] EPOUSE [PF]
Madame [V] [RT] [LR] EPOUSE [R]
Monsieur [E] [J] [L] [LR]
INTIME :
COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE représentée par son Président en exercice
[Adresse 12]
[Adresse 12]
Représentée par Me Julie PAGE, avocat au barreau de GUYANE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOUCHARE, Président de chambre
GREFFIER :
Madame DESGREZ, Directrice de Greffier
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT :
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
DEBATS
A l'audience publique du 11 Décembre 2023
ARRET
Contradictoire
Prononcé par M. BOUCHARE, Président de chambre à l'audience publique du 11 Mars 2024 date indiquée à l'issue des débats.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par requête réceptionnée au greffe le 07 avril 2021, la collectivité territoriale de la Guyane (CTG) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités suite à l'expropriation d'une parcelle cadastrée [Cadastre 10], située à [Localité 15] appartenant aux consorts [D], indivisaires, de superficie de 4731 m².
Au sein de cette requête, le prix proposé était le suivant :
Pour la parcelle [Cadastre 10] : 255 474 euros au titre de l'indemnité principale et 30 657 euros au titre de l'indemnité de dépossession.
Par ordonnance du 15 avril 2021, la visite des lieux a été fixée au 3 juin 2021.
Par ordonnance du 3 juin 2021, la visite des lieux a été repoussée au 21 juillet 2021 en raison de la tardive de l'ordonnance de transport par l'expropriant.
Le 21 juillet 2021, un transport sur les lieux a été effectué en présence de Maître MARCAULT-DEROUARD, conseil de L'indivision [D] en sa qualité de représentant de l'indivision successorale, et Monsieur [M] [W], commissaire du gouvernement.
A l'issue du transport, l'audience a été renvoyée au 11 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 28 septembre 2021, la CTG, représentée par son conseil Me PAGE, avocat inscrit au barreau de la Guyane, contestait tout d'abord sur le fondement des articles 114 du code de procédure civile, les demandes des consorts [D] relatives à la nullité du mémoire déposé par la CTG en affirmant que cette nullité n'est prévue par aucun texte et en indiquant que les consorts [D] n'établissent pas l'existence d'un grief.
Sur l'indemnité principale, la CTG soutenait que la parcelle [Cadastre 4] était enclavée de sorte qu'elle ne pouvait recouvrir la notion de terrain à bâtir au sens de l'article 322-3 du code de l'expropriation. En conséquence, les termes de comparaison produits par les expropriés ne sauraient être retenus.
Par ailleurs, ces termes étaient intégralement postérieurs à l'annonce des travaux de sorte que s'ils devaient être retenu pour l'évaluation de l'indemnité, une pondération devait nécessaire être appliquée conformément à l'article 322-2 du code de l'expropriation.
De plus, cette parcelle souffrirait d'un manque d'infrastructure rendant difficile son accessibilité et le passage d'une ligne électrique limiterait sa valeur.
Concernant l'indemnité de dépréciation, cette demande ne serait soutenue par aucun élément probant.
Dans son dernier mémoire, le commissaire du gouvernement proposait l'évaluation suivante : 70 000 euros au titre de l'indemnité principale et 9 000 euros au titre de l'indemnité de remploi.
Pour justifier cette évaluation, le commissaire du gouvernement soutenait au regard des dispositions de l'article 322-3 du code de l'expropriation, que la parcelle [Cadastre 4] serait dépourvue de voie d'accès direct à la voie publique mais seulement à une route nationale dont l'accès est interdit. De plus, l'absence d'aménagement facilitant son accessibilité, la présence d'une ligne électrique la traversant et l'existence d'une servitude d'éloignement dépréciait nécessairement sa valeur qui ne pouvait être fixé au prix pivot de 110€/m². Sur les termes de comparaison, le commissaire du gouvernement indiquait produire quatre termes permettant d'établir que le prix proposé par l'exproprié ne correspondait pas à la situation d'une parcelle enclavée sans aucun aménagement de sorte qu'il n'existe aucun fondement pour fixer le prix de la parcelle à 110€/m². Le commissaire du gouvernement soutenait par ailleurs en référence à l'article L322-2 du code de l'expropriation, que les évolutions favorables du marché en raison de l'annonce des travaux ne sauraient être prises en considération.
Dans leurs dernières conclusions, les consorts [D]-[LR], représentés par leur conseil Me MARCAULT DEROUARD, avocat inscrit au barreau de la Guyane, sollicitaient du tribunal de :
- fixer l'indemnité principale de dépossession à 110€/m² soit un montant total de 520 410 euros,
- fixer l'indemnité de dépréciation du surplus à la somme de 1 216 720 euros,
- fixer le montant de l'indemnité de remploi à 104 082 euros,
- condamner la CTG au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Concernant sa prétention principale concernant la visite des lieux, se fondant sur les dispositions de l'article R311-9 et R311-10 du code de l'expropriation et 643 et 644 du code de procédure civile ainsi que sur l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, l'indivision [D] soutenait que les délais de convocations pour la visite des lieux le 3 juin 2021 n'avaient pas été respectés étant précisé que [TU] [D], représentant de l'indivision, indiquait vivre en Martinique. De plus, les consorts [D] indiquait que la CTG n'avait pas respecté son obligation de leur notifier un mémoire introductif motivé encourant de ce fait la nullité du mémoire. De manière générale, l'indivision [D] soutenait que les droits de la défense ont été bafoués en raison de délais de convocation ne permettant pas sa présence lors de la visite sur les lieux, ni de répondre utilement aux mémoires de l'expropriant. Il soutenait que si la procédure fait effectivement de la représentation par avocat, une obligation, cela ne pouvait valoir pour la visite sur les lieux qui requiert la présence de l'exproprié.
Au soutien de ses prétentions concernant l'indemnité principale de dépossession, l'indivision [D], sur le fondement des articles 322-2 et 322-6 du code de l'expropriation, affirmait que la date de référence devait être fixée au 5 février 2013, date de la dernière modification du PLU de [Localité 15]. L'indivision [D] ajoutait, sur le fondement de l'article 322-3 du code de l'expropriation, que les parcelles concernées devaient revêtir la caractéristique de terrains à bâtir au motif que la zone est constructible au regard du PLU et qu'elle est traversée par une ligne électrique établissant son accessibilité aux réseaux.
Sur la fixation de l'indemnité principale, en se référant à l'article 322-8 du code de l'expropriation, l'indivision [D] soutient que ces parcelles se situent dans une zone d'aménagement différé et qu'un prix pivot de 110 euros/m² a été retenu lors de la phase amiable, que l'historique des ventes de parcelles fait état d'un prix de vente bien supérieur à 15 euros/m² et que des parcelles dans la même zone ont été cédées à un prix de 110 euros/m².
Sur l'indemnité de dépréciation, sur le fondement de l'article L321-1 du code de l'expropriation, l'indivision [D] indiquait que l'expropriation concerne une partie d'un ensemble dont il est propriétaire, que cette expropriation partielle aurait pour effet de priver d'accès à la voie publique l'excédent augmentant ainsi le risque d'habitation illégale. Pour ces raisons, L'indivision [D] sollicite qu'un préjudice fixé à une valeur de 110euros/m² pour l'excédent soit prononcé.
Par jugement du 14 février 2022 signifié le 16 juin 2022 à Monsieur [S] [TU] [F] [D] , le tribunal a :
- débouté Monsieur [BK] [E] [D] , Monsieur [UN] [N] [Z] [D] Monsieur [YW] [C] [G] [FH] Monsieur [E] [J] [L] [LR] Monsieur [B] [Y] [LR] Madame [GB] [X] [O], épouse [T] Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ] Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D] Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF] Madame [V] [RT] [LR], épouse [R] Monsieur [S] [TU] [F] [D] de leur demande de renvoi,
- débouté Monsieur [BK] [E] [D] , Monsieur [UN] [N] [Z] [D] Monsieur [YW] [C] [G] [FH] Monsieur [E] [J] [L] [LR] Monsieur [B] [Y] [LR] Madame [GB] [X] [O], épouse [T] Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ] Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D] Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF] Madame [V] [RT] [LR], épouse [R] Monsieur [S] [TU] [F] [D] de leur demande d'annulation du mémoire introductif,
CONDAMNÉ la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D] , Monsieur [UN] [N] [Z] [D] Monsieur [YW] [C] [G] [FH] Monsieur [E] [J] [L] [LR] Monsieur [B] [Y] [LR] Madame [GB] [X] [O], épouse [T] Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ] Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D] Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF] Madame [V] [RT] [LR], épouse [R] Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 118 275 € au titre de l'indemnité principale d'expropriation,
- condamné la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D], Monsieur [UN] [N] [Z] [D] Monsieur [YW] [C] [G] [FH] Monsieur [E] [J] [L] [LR] Monsieur [B] [Y] [LR] Madame [GB] [X] [O], épouse [T] Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ] Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D] Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF] Madame [V] [RT] [LR], épouse [R] Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 14 227,50 € au titre de l'indemnité de remploi,
- rejeté la prétention au titre de l'indemnité de dépréciation,
- condamné la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D], Monsieur [UN] [N] [Z] [D] Monsieur [YW] [C] [G] [FH] Monsieur [E] [J] [L] [LR], Monsieur [B] [Y] [LR] Madame [GB] [X] [O], épouse [T] Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ] Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D] Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF] Madame [V] [RT] [LR], épouse [R] Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Collectivité Territoriale de la Guyane aux entiers dépens,
- rejeté l'exécution provisoire.
Le 12 juillet 2022, le conseil de Monsieur [S] [TU] [F] [D] interjetait appel de cette décision.
Par mémoire d'appel reçu le 12 octobre 2022 et repris pour l'audience du 11 décembre 2023, Monsieur [S] [TU] [F] [D] et son conseil demandent de :
. Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la CTG à indemniser L'indivision [D] à hauteur de la somme de 18'275 euros au titre de l'indemnité principale d'expropriation.
. Réformer le jugement ce qu'il a condamné la CTG à indemniser l'indivision [D] à hauteur de la somme de 14'227,50 euros au titre de l'indemnité de remploi.
. Réformer le jugement ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'indemnité de dépréciation.
Et statuant à nouveau,
. Fixer l'indemnité principale de dépossession à 110 euros/m² pour la parcelle [Cadastre 10] sises à [Localité 15] pour une superficie de 4731 m², soit la somme de 520'410 euros.
. Fixer l'indemnité de dépréciation du surplus à la somme de 1.216.270 euros.
. fixer le montant de l'indemnité de réemploi la somme de 104'082 euros.
. Condamner la CTG au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par mémoire du 31 janvier 2023 repris à l'audience, le commissaire du gouvernement demande de :
. Fixer l'indemnité de dépossession à 15 €/m² pour un montant de 70'000 euros.
. Fixer l'indemnité de réemploi à 7000 euros.
. Rejeter le principe plus indemnité pour dépréciation du surplus.
La CTG, intimée par conclusions du 10 novembre 2022 reprises pour l'audience du 11 décembre 2023, demande de :
. Fixer le montant de l'indemnité d'expropriation à la somme de 77'000 euros concernant la parcelle [Cadastre 10] soit :
. Indemnité principale : 70'000 euros,
. Indemnité de remploi : 7000 euros,
. Débouter les consorts [LR] de l'ensemble de leurs fins et prétentions.
. Condamner les consorts [LR] à payer à la CTG la somme de 10'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée conformément à l'article 455 du Code de Procédure Civile.
Le 13 novembre 2023 la clôture était prononcée, pour plaidoirie le 11 décembre 2023. A cette date ,il était indiqué aux parties que la décision était mise en délibéré au 11 mars 2024 pour mise à disposition.
Il convient à titre liminaire de constater qu'en appel les demandes et les moyens sont identiques surtout en ce qu'il s'agit de Monsieur [S] [TU] [F] [D] qui reprend les éléments de première instance pour solliciter une prise en compte d'un montant de 110 euros/m², d'attribuer une indemnité de remploi à hauteur de 104'082 euros et en outre une indemnité de dépréciation du surplus.
Le commissaire du gouvernement reprend son analyse mais contrairement à la première instance et la référence de 25 euros/m² prise par le juge, il estime que celle-ci doit être déterminée sur un montant de 15 euros/ m² et de fait inférieure au montant de référence de 24 euros/m² correspondant à un terrain constructible (parcelle [Cadastre 6]) utilisé comment fondement pour l'indemnisation en première instance. Si cet élément est pour lui pertinant il convient d'attribuer une valeur inférieur à celle-ci.
L'intimée et expropriant en quant à elle, adhère au raisonnement et souhaite que le montant soit aligné à celui proposé par le commissaire du gouvernement.
Il convient de reprendre le raisonnement des premiers juges en les corrigeant en cas de besoin. Il faut de reprendre les éléments correspondants au fondement de l'indemnité principale soit la date de référence la notion de terrain à bâtir est le terme de comparaison.
SUR L'INDEMNITÉ PRINCIPALE
Sur la date de référence :
Selon l'article L322-6 du code de l'expropriation, « Lorsqu'il s'agit de l'expropriation d'un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d'urbanisme en application des 1° à 4° de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme, par un document d'urbanisme en tenant lieu, ou par un plan d'occupation des sols en application du 8° de l'article L. 123-1 de ce code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, le terrain est considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d'être compris dans un emplacement réservé.
La date de référence prévue à l'article L. 322-3 est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé. »
En l'espèce, il ressort des dispositions du Plan Local D'urbanisme et des extraits de plan communiqués par le commissaire du gouvernement, que la parcelle [Cadastre 10] se situe sur un emplacement réservé. Ce même Plan Local d'Urbanisme fait mention d'une dernière modification de la zone comprenant les parcelles en date du 7 novembre 2012. Si L'indivision [D] fait référence à la date du 5 février 2013, cette date correspond à la modification de la [Adresse 16] qui ne comprend pas lesdites parcelles.
Il est utile de constater que cette date ne fait plus l'objet de discussion entre les parties pour cela la décision de première instance devra être confirmée.
Conformément aux dispositions de l'article L322-6, la date de référence sera fixée au 7 novembre 2012.
Sur la notion de terrain à bâtir :
Selon les articles L322-3 et L322-4 du code de l'expropriation, la qualification de terrain à bâtir est réservé aux terrains désignés comme constructible par un document d'urbanisme et effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique et un réseau d'eau potable dans les cas où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent. L'évaluation de ces conditions doit être effectué à la date de référence retenue.
En l'espèce, la date de référence retenue est le 7 novembre 2012, c'est à cette date qu'il faudra donc se positionner pour qualifier la parcelle de terrain à bâtir.
Tout d'abord, il ressort de l'analyse du plan local d'urbanisme par le commissaire du gouvernement et par l'indivision [D] que la parcelle [Cadastre 10] se situe dans une zone constructible au sens des règles de l'urbanisme.
Si ce point ne fait pas débat, le fait que cette parcelle soit effectivement desservie par une voie d'accès est contesté par le commissaire du gouvernement et par l'expropriant.
En effet, il ressort de l'étude des plans fournis que la parcelle [Cadastre 10] est longée uniquement par la Route Nationale 2 sans autre voie d'accès possible.
Or l'indivision [D] ne fournit aucun élément de nature à établir qu'il dispose d'une autorisation administrative lui permettant d'accéder à la voirie publique à partir de cette parcelle.
Alors qu'elle supporte la charge de la preuve sur ce point, l'indivision [D] n'a pas établi y compris en appel que cette parcelle dispose effectivement d'une voie d'accès, condition essentielle pour la qualification de terrain à bâtir.
En conséquence, la parcelle [Cadastre 10] ne saurait être qualifiée de terrain à bâtir au sens des articles L322-3 et L322-4 du code de l'expropriation.
Pour autant, il doit être pris en compte le fait que la parcelle se situe dans une zone privilégiée qui connaît une forte valorisation sur les dernières années, à proximité d'un rond-point et en limite d'agglomération, sans pour autant que cette parcelle puisse obtenir pour elle le qualificatif de privilégiée.
Sur les termes de références retenues et l'évaluation de la parcelle
L'article L322-2 du code de l'expropriation dispose que « Les biens sont estimés à la date de la décision de la première instance (') Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble. »
L'article L322-4 du même code précise que « L'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive. »
Enfin, selon l'article L322-8 du code de l'expropriation, « Sous réserve de l'article L. 322-9, le juge tient compte, des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées. Le juge tient compte des accords intervenus à l'intérieur des zones d'aménagement différé et des périmètres provisoires. Sous la même réserve, il tient également compte, dans l'évaluation des indemnités allouées aux propriétaires, commerçants, industriels et artisans, de la valeur résultant des évaluations administratives rendues définitives en vertu des lois fiscales ou des déclarations faites par les contribuables avant l'ouverture de l'enquête. »
En l'espèce, si différentes évaluations sont présentes au dossier, il convient de se fonder sur les ventes plus récentes pour se servir de bases d'une évaluation qui doit être effectuée par principe au jour de la décision de premier instance même en appel.
Il est important de reprendre l'analyse de première instance.
Au vu de leur ancienneté, certains termes de comparaisons doivent être écartés. Ainsi, ne seront pas pris en compte dans la présente évaluation, les ventes effectuées en 2006 et 2005.
De plus, l'ensemble de ces ventes concernent des ventes de terrain à bâtir et disposant déjà de l'ensemble des équipements adéquats pour sa constructibilité. Concernant les termes de comparaison récents, ils font état d'un prix allant de 24 euros à 177 euros par m², soit un différentiel de prix extrêmement important.
Tout d'abord, un rapport d'évaluation produit par Monsieur [P], expert immobilier, propose une évaluation pour une parcelle située à proximité de celle du défendeur appartenant à la même zone du plan local d'urbanisme à un montant de 2 194 200 euros, soit 90 euros le mètre carré.
Aussi, la vente des parcelles [Cadastre 7],[Cadastre 1] et [Cadastre 2] situé au c'ur de la ville de [Localité 15] fait état d'un prix de 110 euros/m² en 2020, la parcelle [Cadastre 9] à 117 euros par m² en 2020, la parcelle [Cadastre 11] à 100 euros du m² en 2019, la parcelle [Cadastre 5] et [Cadastre 3] à 177 € du m² en 2016, la parcelle [Cadastre 8] à 66 euros le m² en 2020.
Ces ventes qui concernent intégralement des terrains nus en zones constructibles situées en agglomération ne peuvent servir de base de comparaison pour la parcelle [Cadastre 10], terrain en friche situé en limite d'agglomération et dont la qualification de terrain à bâtir a été écartée dans la présente décision.
Le vente de la parcelle [Cadastre 6] situé à proximité en 2018 d'un hectare à 24 € par m² doit être jugée comme un terme de comparaison pertinent en ce que selon l'analyse du commissaire du gouvernement, contesté par aucune des parties, cette vente concerne une parcelle disposant d'une constructibilité très limitée.
Ainsi malgré le fait que la parcelle [Cadastre 10] ne soit pas qualifié de terrain à bâtir, sa situation ainsi que l'augmentation récente des prix dans la zone qui doit être pris en compte dans le calcul de la présente indemnisation, mais la parcelle ne peut être évaluée à plus de 24 euros /m² qui ne peut être retenu que comme un prix plafond. La nature de la parcelle expropriée sous forme d'une bande de terrain qui n'a pas d'accès extérieur et se trouve être en friche l'approche d'un prix correspondant à la moitié de cette somme, toutefois elle doit être un peu augmentée ce qui peut nous ramener à la somme de 15 euros par m² proposé par le commissaire du gouvernement soit :
AE 823 : 4731 € m² x 15 € = 70 965 €
En conséquence, la Collectivité Territoriale de Guyane sera condamnée à verser à l'indivision [D] la somme de 70 965 euros au titre de l'indemnité principale.Sur l'indemnité de remploi :
L'indemnité de remploi est destinée à couvrir les frais qui seraient exposés par les expropriés pour acquérir un bien similaire dont sont déduits les éventuels avantages fiscaux dont ils pourraient aussi bénéficier selon la définition de l'article R.322-5 du Code de l'expropriation. Elle est calculée sur la base de l'indemnité principale. Elle est due même en l'absence effective de remploi.
En l'espèce le montant de l'indemnité principal est de 70 965 euros et conformément aux usages habituels, l'indemnité de remploi doit être calculé de la façon suivante : 20% pour la fraction inférieure ou égale à 5000 euros, 15% pour la fraction comprise entre 5001 et 15 000 euros et 10% pour le surplus.
Le montant de l'indemnité de remploi doit donc être fixée à 8.846 euros.
En conséquence, la Collectivité Territoriale de Guyane sera condamnée à verser à l'indivision [D] la somme de 8.846 euros au titre de l'indemnité de remploi.
Sur l'indemnité de dépréciation :
Conformément à l'article L321-1 du code de l'expropriation, une indemnité est due, en cas d'expropriation partielle, pour la dépréciation du surplus non exproprié, cette dépréciation pouvant aussi bien affecter une propriété bâtie, un terrain ou une terre agricole.
A titre liminaire, il n'est pas contesté que l'expropriation est effectivement partielle puisque qu'elle ne concerne qu'une partie de la propriété initiale de l'indivision [D].
Pour autant, il ressort des plans des parcelles que contrairement à ce que soutient l'indivision [D], le projet du demandeur n'a pas pour effet de modifier l'accès à la voie publique.
En effet, le projet a pour but d'élargir une route existante qui longe déjà la parcelle de l'indivision [D] de sorte que la situation d'accès à ladite parcelle est inchangée. Les conséquences du projet sur le risque d'habitat illégal sur la parcelle ne sont aucunement étayées par ailleurs.
En conséquence, la demande relative à l'indemnité de dépréciation sera rejetée intégralement.
Sur les autres demandes :
En application de l'article L312-1 du code de l'expropriation, la collectivité territoriale de Guyane supportera les dépens.
La Collectivité territoriale de Guyane condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à l'indivision [D] une somme qu'il est équitable de fixer à 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire qui ne parait pas compatible avec la nature de l'affaire, sera écartée.
PAR CES MOTIFS
Par arrêt contradictoire rendu en premier ressort, la cour statuant après en avoir délibéré par mise à disposition au greffe :
CONDAMNE la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D], Monsieur [UN] [N] [Z] [D], Monsieur [YW] [C] [G] [FH], Monsieur [E] [J] [L] [LR], Monsieur [B] [Y] [LR], Madame [GB] [X] [O], épouse [T], Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ], Madame [YC] [K] [D] épouse [I] Madame [MK] [U] [IW] [D], Madame [H] [BK] [LR], épouse [PF], Madame [V] [RT] [LR], épouse [R], Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 70 965 euros au titre de l'indemnité principale d'expropriation,
CONDAMNE la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D], Monsieur [UN] [N] [Z] [D], Monsieur [YW] [C] [G] [FH], Monsieur [E] [J] [L] [LR], Monsieur [B] [Y] [LR], Madame [GB] [X] [O], épouse [T], Madame [TA] [H] [O] épouse [PZ], Madame [YC] [K] [D] épouse [I], Madame [MK] [U] [IW] [D], Madame [H] [BK] [LR] épouse [PF], Madame [V] [RT] [LR], épouse [R], Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 8.846 euros au titre de l'indemnité de remploi,
REJETTE la prétention au titre de l'indemnité de dépréciation,
CONDAMNE la Collectivité Territoriale de la Guyane à verser à Monsieur [BK] [E] [D], Monsieur [UN] [N] [Z] [D], Monsieur [YW] [C] [G] [FH], Monsieur [E] [J] [L] [LR], Monsieur [B] [Y] [LR], Madame [GB] [X] [O] épouse [T], Madame [TA] [H] [O], épouse [PZ], Madame [YC] [K] [D] épouse [I] , Madame [MK] [U] [IW] [D], Madame [H] [BK] [LR] épouse [PF], Madame [V] [RT] [LR] épouse [R], Monsieur [S] [TU] [F] [D] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Collectivité Territoriale de la Guyane aux entiers dépens.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de chambre et la Directrice de greffe.
La directrice de greffe Le Président de chambre
Lysiane DESGREZ Yann BOUCHARE