La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2023 | FRANCE | N°22/00200

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 12 juin 2023, 22/00200


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]



Chambre Civile





















ARRÊT N°



N° RG 22/00200 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBMH





S.A.R.L. CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLO GIE - CERAG TECH





C/



[I] [A]

[M] [U] épouse [A]









ARRÊT DU 12 JUIN 2023





Ordonnance Référé, origine Président du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 01 Avril 2022,

enregistrée sous le n° 21/00175





APPELANTE :



S.A.R.L. CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLO GIE - CERAG TECH

[Adresse 6]

[Adresse 6]



représentée par Me Sylvie COMPPER-GAUDY, avocat au barreau de GUYANE







INTIMES :



Monsieur ...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

Chambre Civile

ARRÊT N°

N° RG 22/00200 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBMH

S.A.R.L. CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLO GIE - CERAG TECH

C/

[I] [A]

[M] [U] épouse [A]

ARRÊT DU 12 JUIN 2023

Ordonnance Référé, origine Président du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 01 Avril 2022, enregistrée sous le n° 21/00175

APPELANTE :

S.A.R.L. CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLO GIE - CERAG TECH

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Sylvie COMPPER-GAUDY, avocat au barreau de GUYANE

INTIMES :

Monsieur [I] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Stéphan DOUTRELONG, avocat au barreau de GUYANE

Madame [M] [U] épouse [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Stéphan DOUTRELONG, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023 en audience publique et mise en délibéré au 12 Juin 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

M. Yann BOUCHARE, Président de chambre

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Fanny MILAN, Greffier, présent lors des débats et Johanna ALFRED, Greffier, présente lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] ont fait assigner le 24 novembre 2021 la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE (ci-après dénommée CERAG TECH) aux fins de voir notamment ordonner l'expulsion de cette dernière du local commercial qu'elle occupe et la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance de référé en date du 1er avril 2022, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Cayenne a :

- constaté l'occupation illicite du local commercial situé au rez de chaussée de l'immeuble bâti sur la parcelle cadastrée [Cadastre 4] situé [Adresse 2] à [Localité 5] par la société CERAG TECH,

- ordonné l'expulsion de la société CERAG TECH et tous les occupants de son chef des locaux commerciaux situés au rez de chaussée de l'immeuble bâti sur la parcelle cadatrée [Cadastre 4] situé [Adresse 2] à [Localité 5], avec au besoin le concours de la force publique,

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] à la somme de 1000 euros par mois,

- condamné la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à verser à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] la somme de 3000 € à titre provisionnel en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période allant du 24 novembre 2021 et le 23 février 2022,

- condamné la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à verser à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Stéphan DOUTRELONG- SELAS CHONG SIT DOUTRELONG- avocat au barreau de Guyane,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration en date du 6 mai 2022, la SARL CERAG TECH a interjeté appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.

Aux termes des dernières conclusions en date du 9 juin 2022 , auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la SARL CERAG TECH sollicite que la cour :

- réforme l'ordonnance du juge des référés en date du 1er avril 2022 en toutes ses dispositions,

- constate que la société CERAG TECH est titulaire d'un bail,

- dise n'y avoir lieu à expulsion de la société CERAG TECH,

- dise n'y avoir lieu à versement d'une indemnité d'occupation provisionnelle au profit des époux [A],

- déboute Madame et Monsieur [A] de leur demande au titre du préjudice de jouissance et sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'au titre des dépens,

- condamne Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] aux entiers dépens, en ce compris les frais de première instance et d'appel.

Au soutien de son appel , la société CERAG TECH fait valoir pour l'essentiel :

- qu'il existait à son nom une ordonnance de consignation des loyers en date du 27 mars 2019 prenant acte de l'existence d'un bail commercial,

- que l'acte notarié d'acquisition des lieux litigieux par les époux [A] mentionne que "l'acquéreur a reçu dès avant ce jour du vendeur le contrat de location",

- qu'elle a versé 6000 euros sur le compte de l'ancien propriétaire feu M. [F] dont elle ignorait le décès, et 9000 euros directement auprès du Notaire, la difficulté résidant dans le fait que ni l'ancien propriétaire, ni le notaire n'ont voulu lui remettre de quittances de loyers,

- qu'il existe un bail commercial signé le 31 mai 2010 entre l'ancien propriétaire de l'immeuble litigieux, Monsieur feu [R] [F] et la société CERAG-IT, et un bail signé entre la société CERAG-IT et la société CERAG TECH en qualité de sous-locataire, les deux sociétés disposant ainsi chacune d'un titre,

- que le montant de l'indemnité d'occupation fixé à titre provisionnel par le juge des référés est de 1000 euros alors que le loyer convenu dans le bail principal est de 800 euros,

- que les époux [A] ne justifient pas de leurs prétentions au titre du préjudice de jouissance, et que la société CERAG TECH, locataire en second rang, ne peut être tenue responsable de ce prétendu préjudice.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 24 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] sollicitent au visa de l'article 835 alinéa 1er et 2 du code de procédure civile que la cour d'appel confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, et y ajoutant, déboute la société CERAG TECH de l'intégralité de ses demandes, et condamne cette dernière à lui payer une somme de 3500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance pour lesquels il sera fait éventuellement application, à l'égard de Maître DOUTRELONG, des dispositions de l'article 699 du CPC.

A l'appui de leurs demandes, les époux [A] exposent successivement:

- qu'ils sont propriétaires de l'ensemble immobilier constitué de trois locaux situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 4] situé [Adresse 2] à [Localité 5] en vertu d'un acte notarié dressé le 7 juin 2016 par Me [W] [H], et qu'aux termes de cet acte de vente, les consorts [F] (vendeurs) ont déclaré qu'une partie de cet ensemble immobilier est actuellement louée au profit de la société CERAG pour un usage commercial moyennant un loyer annuel hors charges de 12 000 euros; qu'ils ne sont pas en possession du contrat de bail, et ce contrairement à la clause stéréotypée figurant à l'acte de vente,

- qu'il apparaît que la société CERAG TECH occupe le local à usage de dépôt d'une superficie de 160 m2 situé au rez de chaussée de l'ensemble immobilier, dans lequel elle a installé un établissement secondaire, ainsi que cela est établi par l'extrait Kbis,

- que les époux [A] ont officiellement informé la société CERAG TECH le 10 mars 2021 qu'ils étaient propriétaires du local que cette dernière occupe, et qu'en l'absence de contrat de bail et de paiement de loyers, ils lui ont signifié le même jour une sommation interpellative de leur communiquer plusieurs renseignements concernant l'occupation du local,

- que la société CERAG TECH n'a jamais transmis de copie du bail, ni procédé au paiement des loyers dont elle est redevable, et a seulement répondu dans un premier temps qu'elle avait un bail conclu avec l'ancien propriétaire moyennant un loyer de 1000 euros par mois, pour ensuite contester être titulaire d'un bail, puis finalement affimer que le bail a été conclu avec la société CERAG-IT pour un loyer de 1000 euros par mois, ce bail n'ayant cependant pas été produit en première instance,

- que le bail commercial conclu le 31 mai 2010 entre M. [F] et la société CERAG-IT n'autorise aucune sous-location au profit du preneur, et qu'en l'absence de stipulation contraire, la sous-location est interdite en application de l'article L145-31 du code de commerce, de sorte que la société CERAG TECH est dépourvue de tout titre d'occupation légitime.

Le présidente de la chambre civile a, en application de l'article 905 du code de procédure civile, fixé la date d'appel de l'affaire à bref délai à l'audience du 9 septembre 2022. A cette date, l'affaire a été renvoyée au 13 janvier 2023, puis mise en délibéré au 8 mars 2023. Le délibéré a été prorogé au 12 mai 2023 en raison d'une surcharge de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expulsion de la société CERAG TECH

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage illicite, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue par elle-même un trouble manifestement illicite.

Il est constant en l'espèce que selon acte authentique en date du 7 juin 2016 établi devant Me [W] [H], notaire, (pièce n°1 versée aux débats par les intimés), Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] ont acquis auprès des consorts [F] un ensemble immobilier sis à [Adresse 2], comprenant trois locaux à usage professionnel mesurant respectivement 160m2 (dépôt situé à l'arrière), 69 m2 (ancien local du médecin) et 130 m2 (ancienne pharmacie) situé sur le terrain cadatré [Cadastre 4] lieudit [Localité 3], d'une surface de 3 a et 63 ca.

Le contrat de vente fait apparaître en page 7 un paragraphe intitulé "CONTRAT DE LOCATION" comportant les mentions suivantes:

"Le Bien est actuellement loué au profit de la société CERAG pour un usage commercial aux termes d'un bail sous seing privé établi conformèment à la loi du 6 juillet 1982 pour une durée de NEUF années.

Le VENDEUR déclare ne pas être en possession du contrat de bail.

Le loyer annuel hors charges et taxes est actuellement de douze mille euros (12 000,00 eur).

Les parties font leur affaire personnelle de tous comptes de prorata de loyers, remboursement éventuel de loyers d'avance ou dépôts de garantie et de tous comptes de charges (...)

Le VENDEUR déclare n'avoir aucun litige en cours avec son locataire.

L'ACQUEREUR a reçu dès avant ce jour du VENDEUR le contrat de location et dispense le notaire soussigné de relater aux présentes les charges et conditions de ce bail.

La transmission de bail sera notifiée au locataire par les soins du notaire sousigné".

Il ressort de la sommation interpellative en date du 10 mars 2021 (pièce n°3 versée aux débats par les intimés) que les époux [A] ont informé la SARL CERAG TECH être maintenant propriétaires du bien immobilier qu'elle occupe en sollicitant de cette dernière des renseignements concernant l'occupation des locaux.

[K] [V], responsable d'agence de la société CERAG TECH ainsi interpellée a répondu occuper le local depuis 2010, être titulaire d'un bail que la société allait fournir sous 48 heures, pour un loyer de 1000 euros par mois, les paiements des loyers étant en suspend , en précisant "il faut voir avec MR [G] [T], le gérant de la société actuellement en MARTINIQUE".

Constatant qu'aucune copie du bail ne leur était transmise, les époux [A] ont signifié à la société CERAG par acte d'huissier le 18 octobre 2021 (pièce n°5 versée aux débats par les intimés) une mise en demeure de leur produire le contrat de bail dont celle-ci serait titulaire.

Il ressort des conclusions de première instance de la SARL CERAG TECH que cette dernière a notamment sollicité sa mise hors de cause in limine litis en faisant valoir d'une part, qu'il existait bien un bail commercial entre l'ancien propriétaire Monsieur [F], maintenant décédé, et la société CERAG-IT, ayant son siège social en Martinique, et d'autre part, que son entité juridique étant différente, elle n'avait rien à voir avec le litige.

Aucun contrat de bail n'a été produit en première instance.

La société CERAG TECH produit en cause d'appel :

- la copie d'un contrat de bail commercial conclu le 31 mai 2010 entre [R] [F] (ancien propriétaire de l'immeuble décédé) et la société CERAG-IT (pièce n°11), portant sur un local d'une superficie de 146 m2 sis [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de 800 euros,

- un contrat intitulé "bail commercial" conclu le 29 novembre 2012 (pièce n° 12), dont il ressort que la société CERAG TECH a loué à la société CERAG-IT une partie du local concerné (surface de 40 m2) moyennant un loyer mensuel de 300 euros.

La société CERAG TECH indique en cause d'appel occuper les lieux en vertu de ce contrat de sous-location qui lui a été consenti par la société CERAG-IT, en précisant que le bail commercial dont cette dernière est titulaire autorise la sous-location.

Aux termes des dispositions de l'article L145-31 du code de commerce relatif au bail commercial, "Sauf stipulation contraire au bail et accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte (...). Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le propriétaire doit faire connaître s'il entend concourir à l'acte. (...)"

Le paragraphe 12 du contrat de bail versé aux débats intitulé "CESSION ET SOUS-LOCATION" indique : "Le preneur pourra s'il remplit les conditions légales consentir une location-gérance du fonds de commerce par lui exploité et concéder au locataire-gérant un droit d'occupation des lieux loués.

Le preneur devra notifier au bailleur toute mise en location-gérance ou sous-location et lui remettre une copie du contrat si demande.

Le preneur ne pourra en outre céder son droit au présent bail si ce n'est à son successeur dans son commerce, mais en totalité seulement.(...)"

Or, le contrat en date du 29 novembre 2012 signé par CERAG-IT et CERAG TECH produit par l'appelante est un contrat de bail commercial classique, et non un contrat de location- gérance ou de sous-location.

La société appelante ne produisant par ailleurs aucun élément justifiant la notification de ce contrat passée entre les sociétés CERAG-IT et CERAG-TECH au propriétaire des lieux, il ne peut qu'être constaté que la sous-location du local concerné n'a pu être valablement consentie.

Si la société appelante indique que l'acte notarié d'acquisition des lieux litigieux par les époux [A] mentionne que "l'acquéreur a reçu dès avant ce jour du vendeur le contrat de location", il doit cependant être constaté que l'acte de vente fait expressèment apparaître que le vendeur a déclaré ne pas être en possession du contrat de bail, et la mention soulevée par la société appelante apparaît effectivement être une clause stéréotypée laissée par erreur à l'acte.

La société CERAG TECH se prévaut par ailleurs de ce que le paiement d'une partie des loyers et la mise sous séquestre d'une autre partie des loyers sont démontrés, et que les échanges avec le notaire montrent que ce dernier n'a jamais contesté l'existence d'un bail au profit de la société CERAG.

Les pièces produites par l'appelante démontrent que le gérant de la société CERAG-IT a effectivement échangé avec le notaire s'agissant du bail conclu entre la société CERAG IT et feu Monsieur [F], puis au sujet de la vente intervenue ensuite au profit des époux [A].

L'appelante produit ainsi les pièces suivantes :

- un mail en date du 17 mai 2016 de Me [H] à [D] [E], gérant de la société CERAG IT, qui l'informe de ce qu'elle est chargée du règlement de la succession de Monsieur [R] [F] décédé le 2 janvier 2015, que le compte bancaire sur lequel sont versés les loyers doit être clôturé, et que l'ensemble des loyers doit être viré sur le compte de l'office notarial (pièce n°1) ;

- un mail du 30 janvier 2018 de Monsieur [S] [X], lequel indique ne pas recevoir de facture de loyers, le notaire lui répondant qu'une quittance de loyer lui sera remise une fois le paiement des loyers effectués (pièce n°2),

- un courrier adressé à Me [H] le 27 avril 2018 dans lequel [D] [E], gérant de la CERAG-IT, sollicite l'envoi de factures ou quittances concernant les loyers versés pour l'expert-comptable de la société, et indique l'éventualité de faire jouer son droit de préemption concernant la vente de l'ensemble immobilier que la société loue en vertu du contrat de bail commercial, et s'enquiert également des éléments de prix inhérents à cette cession (pièce n°3),

- l'ordonnance du 27 mars 2019 rendue sur requête de la société CERAG-IT par le président du tribunal judiciaire de Cayenne autorisant l'ouverture d'un compte séquestre afin d'y recevoir les loyers dûs au titre du bail commercial souscrit entre CERAG-IT et Monsieur [F] (pièces n°7 et 8),

- l'ensemble des relevés de comptes de la société CERAG-IT faisant ressortir les prélèvements correspondants aux loyers séquestrés de 2016 à 2019.

L'ensemble de ces éléments confirme l'existence du bail commercial conclu entre la société CERAG-IT et Monsieur [F], ensuite décédé, mais n'établit aucunement l'existence d'un titre permettant à la société CERAG TECH d'occuper les lieux, l'ensemble des échanges et pièces ne concernant que la société CERAG-IT.

Le juge de première instance a par ailleurs exactement constaté qu'il ressortait de la sommation interpellative versée aux débats par les époux [A] que la société CERAG TECH indiquait occuper les locaux en vertu d'un bail commercial.

Le bail commercial versé en cause d'appel conclu entre les sociétés CERAG-IT et CERAG TECH n'étant pas un titre valablement conclu, il sera par conséquent fait droit à la demande des époux [A] tendant à voir constater l'occupation illicite du local commercial litigieux par la société CERAG TECH, et tendant à voir ordonner l'expulsion de cette dernière.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a constaté l'occupation illicite du local commercial situé au rez de chaussée de l'immeuble bâti sur la parcelle cadastrée [Cadastre 4] située [Adresse 2] à [Localité 5] par la CERAGH TECH, et ordonné l'expulsion de cette dernière ainsi que de tous occupants de son chefs du local commercial.

Sur la demande au titre d'une indemnité provisionnelle d'occupation

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile dans son deuxième alinéa, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut allouer une provision au créancier.

Les intimés sollicitent la confirmation du juge de première instance en ce qu'il a condamné la société CERAG TECH, occupante illicite du local leur appartenant, à leur payer une indemnité d'occupation d'un montant de 1 000 euros par mois, correspondant au montant déclaré par celle-ci en réponse à la sommation interpellative du 10 mars 2021 dans laquelle elle reconnaît occuper depuis 2010 le local appartenant aux époux [A], et être redevable d'une somme de 1000 euros par mois à titre de loyer.

La société appelante CERAG TECH souligne ne pas être l'occupante principale des lieux litigieux, celle-ci étant la société CERAG-IT. Elle relève par ailleurs que le juge des référés a retenu un montant pour l'indemnité d'occupation de 1000 euros par mois alors que le loyer convenu dans le bail principal est de 800 euros.

En l'espèce, il est établi que la société CERAG TECH est occupante sans droit ni titre d'une partie du local appartenant aux époux [A], local qui fait l'objet en réalité d'un bail commercial au profit de la société CERAG-IT moyennant un loyer annuel de 12 000 euros selon les échanges avec le notaire et les sommes séquestrées par la société preneuse tels que visés ci-dessus. .

Si le premier juge a retenu la somme indiquée par la SARL CERAG TECH en réponse à la sommation interpellative, il convient cependant de relever que l'appelante a en réalité indiqué le montant du loyer correspondant au bail commercial effectivement conclu entre la société CERAG-IT et Monsieur [F], loyers dont il ressort qu'ils ont été partiellement réglés au notaire et partiellement mis sous séquestre par la société CERAG-IT.

Dans ces conditions, les époux [A] sont effectivement illégalement privés de la jouissance de leur immeuble du fait de l'occupation partielle de leur locaux par la société CERAG TECH qui ne dispose d'aucun droit ni titre. En considération du bail existant concernant les locaux avec la société CERAG-IT, la société CERAG TECH sera en conséquence condamnée à payer une indemnité d'occupation provisionnelle qui sera fixée plus exactement à la somme de 500 euros par mois, et ce jusqu'à libération effective des lieux, le jugement de première instance étant ainsi infirmé en ce sens;

Sur la demande provisionnelle d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance

Les intimés sollicitent la confirmation du juge de première instance en ce qu'il a condamné la société CERAG TECH à leur payer une indemnité provisionnelle d'un montant de 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance correspondant selon eux à l'indemnité d'occupation due pour la période allant du 24 novembre 2021 au 23 février 2022, et ce compte tenu de l'occupation sans droit ni titre de la société appelante des locaux dont ils sont devenus propriétaires depuis le 7 juin 2016.

La société CERAG TECH souligne que l'évaluation du trouble de jouissance repose sur plusieurs critères, ceux habituellement retenus étant l'inhabilité totale ou partiele du bien, la durée du trouble, la valeur locative du logement, la surface concernée par le trouble, le coût de relogement et le nombre de personnes concernées, le prix d'acquisition du bien et la nature des désordres constatés. Elle relève également que le préjudice de jouissance doit être suffisamment démontré, tant dans son principe que dans son étendue, et estime que les époux [A] ne justifient pas en l'espèce de leurs prétentions au titre de ce préjudice de jouissance. Elle ajoute qu'en tant que sous-locataire, elle ne saurait être responsable du prétendu préjudice des époux [A].

En l'espèce, les intimés ne produisent pas d'autres éléments que ceux produits au soutien de leur demande en expulsion du fait de l'occupation sans droit ni titre de la société CERAG TECH.

S'il est établi que cette dernière occupe une partie des locaux sans droit ni titre, il convient de prendre en considération le fait qu'elle est condamnée à verser une indemnité d'occupation mensuelle fixée à la somme de 500 euros.

En conséquence, la demande d'indemnisation des époux [A] au titre de leur préjudice de jouissance sera plus exactement fixée à la somme de 1500 euros, la décision déférée étant ainsi infirmée en ce sens.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, la société CERAG TECH sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée à payer la somme de 3 000 euros sur ce fondement aux époux [A] au titre des frais exposés en appel.

La société CERAG TECH sera condamnée aux entiers dépens d'appel, les intimés étant autorisés à recouvrer les leurs conformèment aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe le 12 mai 2023,

INFIRME l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] à la somme de 1 000 euros par mois,

- condamné la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à payer à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] la somme de 3000 euros à titre provisionnel en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période allant du 24 novembre 2021 et le 23 février 2022,

Et statuant à nouveau,

- CONDAMNE la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à payer à titre provisionnel à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] une indemnité d'occupation de 500 euros par mois, et ce jusqu'à libération effective des lieux,

- CONDAMNE la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à payer à Monsieur [I] [A] et Madame [M] [U] épouse [A] la somme de 1 500 euros à titre provisionnel en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période allant du 24 novembre 2021 au 23 février 2022,

CONFIRME l'ordonnance de référé pour le surplus,

Et et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE à payer la somme de TROIS MILLE euros (3000€) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel, et LA DEBOUTE de sa demande sur ce fondement,

CONDAMNE la SARL CONCEPTION ET REALISATION ANTILLES GUYANE TECHNOLOGIE aux entiers dépens d'appel, et autorise les époux [A] à recouvrer les leurs conformèment aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le Greffier La Présidente de chambre

Johanna ALFRED Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00200
Date de la décision : 12/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-12;22.00200 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award