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13/02/2023 | FRANCE | N°21/00405

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 13 février 2023, 21/00405


COUR D'APPEL DE CAYENNE

15 avenue du Général de Gaulle - 97300 CAYENNE



Chambre Civile





















ARRÊT N°12



N° RG 21/00405 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-62C

NR/FM



[P] [W] [U]

[X] [Y] [U]





C/



[K] [S] [E]







ARRÊT DU 13 FEVRIER 2023



Jugement au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CAYENNE, décision attaquée en date du 26 juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/01

009





APPELANTES :



Madame [P] [W] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée par Me Jean-Yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE



Madame [X] [Y] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Jean-Yves MARCAULT-DERO...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

15 avenue du Général de Gaulle - 97300 CAYENNE

Chambre Civile

ARRÊT N°12

N° RG 21/00405 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-62C

NR/FM

[P] [W] [U]

[X] [Y] [U]

C/

[K] [S] [E]

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2023

Jugement au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CAYENNE, décision attaquée en date du 26 juillet 2021, enregistrée sous le n° 20/01009

APPELANTES :

Madame [P] [W] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jean-Yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE

Madame [X] [Y] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE

INTIMEE :

Madame [K] [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Julie PAGE, avocate au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 novembre 2022 en audience publique et mise en délibéré au 13 février 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 03 septembre 2016, Mme [K] [E] a épousé M. [B] [U].

Ce dernier est décédé le 31 août 2017, laissant pour lui succéder Mme [E] et deux filles nées d'une précédente union: Mmes [P] [U] et [X] [U].

Mme [E] a, dans le cadre du règlement de la succession de [B] [U], sollicité le remboursement auprès de la succession de la somme de 50 000€, faisant valoir que cette somme correspondait à un prêt accordé au défunt avant leur mariage.

N'obtenant pas satisfaction, Mme [E] a, par acte d'huissier du 16 juillet 2020, assigné devant le tribunal judiciaire de Cayenne Mmes [P] [U] et [X] [U] aux fins d'obtenir la condamnation de la succession à lui payer la somme précitée et l'inscription de sa créance au passif successoral de [B] [U].

Par jugement contradictoire du 26 juillet 2021, le tribunal a :

-condamné la succession de feu [B] [U] à payer à [K] [E] la somme de 50.000€ en remboursement des sommes prêtées au cours de l'année 2015 ;

-ordonné l'inscription de cette créance au passif de la succession ;

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné Mmes [P] [U] et [X] [U] aux dépens.

Par déclaration reçue le 14 septembre 2021, Mmes [P] [U] et [X] [U] ont interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

Aux termes de leurs premières conclusions du 08 décembre 2021 et dernières du 03 juin 2022, les appelantes demandent :

A titre principal ,

-d'infirmer la décision contestée en ce qu'elle a condamné la succession de feu [B] [U] à payer à Mme [K] [E] la somme de cinquante mille euros en remboursement des sommes prêtées au cours de l'année 2015 ;

Statuant à nouveau, de :

-constater l'absence de preuve de l'existence d'un contrat de prêt entre Mme [K] [E] et M. [B] [U],

En conséquence,

-débouter l'intimée de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, a minima ,

-constater l'intérêt personnel et l'intention libérale de l'intimée,

En conséquence, en tout état de cause,

-débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

-condamner l'intimée au paiement au profit de chaque défenderesse, de la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

L'intimée a constitué avocat le 19 octobre 2021 et communiqué ses premières conclusions le 30 janvier 2022.

Par dernières conclusions du 06 septembre 2022, elle demande de :

-confirmer le jugement entrepris ;

-dire et juger qu'elle est créancière de la succession de [B] [U] au titre de deux prêts d'un montant total de 50 000 euros ;

-condamner la succession à lui payer la somme de 50 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019 ;

-dire et juger que cette créance devra être inscrite au passif successoral de [B] [U];

-condamner solidairement les appelantes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de Me Julie Page, avocat.

La clôture de l'instruction est intervenue le 14 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs :

1/ Sur la demande de condamnation en paiement

Le tribunal a considéré que si Mme [E] échouait à rapporter la preuve du prêt allégué selon les exigences de l'article 1359 alinéa 1er du code civil, elle pouvait se prévaloir d'une impossibilité morale de se procurer un écrit en ce que le prêt était intervenu au cours de la période de concubinage avec [B] [U] qui avait précédé leur mariage ; que cette relation était particulièrement forte, caractérisée par un lien d'attachement non réductible à une seule attirance charnelle ; que le mariage célébré peu de temps après démontrait une affection profonde et une volonté de perdurer ensemble.

Il a jugé que le commencement de preuve par écrit tel qu'exigé par l'article 1362 alinéa 1er du code civil se déduisait des quatre chèques, relevés de compte et factures produits.

Il a enfin écarté toute intention libérale de Mme [E], dont la preuve incombait à Mmes [U], en ce que la dite intention libérale ne pouvait se réduire au seul intérêt matériel trouvé par Mme [E] qui pouvait bénéficier d'une piscine rénovée au domicile du couple et que l'exclusion de toute intention libérale coïncidait avec la situation juridique et patrimoniale des intéressés, notamment leur concubinage lors de la remise des fonds, et la vocation de ces derniers, soit la réhabilitation d'un bien propre de [B] [U], opération dans laquelle l'investissement de la somme de 50 000€ ne présentait aucun intérêt matériel équivalent.

Le tribunal a en conséquence fait droit à la demande de Mme [E] et condamné la succession du défunt à lui payer la somme sus-mentionnée.

Les appelantes, à titre principal, contestent l'existence du prêt allégué, dont la preuve n'est pas rapportée conformément aux dispositions de l'article 1376 du code civil.

Elles contestent toute impossibilité morale de Mme [E] de se procurer un écrit confirmant l'existence du prêt au regard du seul lien conjugal ayant existé entre leur père et l'intimée.

Les appelantes soutiennent en outre que les chèques et relevés de compte produits par l'intimée ne peuvent constituer des commencements de preuve par écrit d'un contrat de prêt, et prétendent que les attestations versées aux débats par l'intimée doivent être écartées comme émanant de sa proche famille et comme étant parfaitement identiques.

Enfin, elles font valoir et reprennent à titre subsidiaire l'intention libérale de l'intimée au regard de la vie conjugale du couple, de l'absence de démarche de divorce, de l'intérêt personnel qu'avait Mme [E], qui vivait dans le bien propre de [B] [U], à l'amélioration du bien, mais aussi du fait que les fonds ont été remis quelques mois avant leur mariage, qui n'a été précédé d'aucun contrat préalable.

Elles prétendent au demeurant que l'intimée doit rapporter la preuve de l'absence d'intention libérale.

L'intimée se prévaut de l'impossibilité morale la dispensant de la présentation d'un écrit pour prouver l'existence du prêt en ce qu'elle était la concubine de son bénéficiaire ; que leur attachement était profond comme en témoigne leur mariage.

Elle affirme rapporter la preuve du prêt par les pièces qu'elle produit : chèques et preuve de leur encaissement, ainsi que des attestations.

Elle conteste toute intention libérale, soulignant qu'elle n'avait aucun intérêt à l'amélioration d'un bien propre de [B] [U] sur lequel elle n'avait aucun droit et soutenant qu'elle participait par ailleurs aux dépenses de la vie commune en fonction de ses facultés contributives.

Il n'est pas contesté que Mme [E] et [B] [U] ont vécu en concubinage avant de se marier ; que la remise des fonds, objet du litige, est intervenue pendant cette période de concubinage.

Mme [E] peut donc se prévaloir d'une impossibilité morale d'obtenir un écrit conforme aux dispositions de l'article 1376 du code civil pour démontrer l'existence d'un prêt au regard des liens sérieux et durables d'affection ayant existé entre les intéressés lors de la remise des fonds.

Comme l'a retenu le tribunal, les copies de chèques, factures, relevés bancaires versées aux débats établissent la remise de fonds d'un montant total de 50 000€ au profit de [B] [U] et constituent un commencement de preuve par écrit du prêt dont le remboursement est sollicité.

L'intention libérale ne se présumant pas, il appartient aux appelantes de démontrer que l'intimée en était animée au moment de la remise des fonds.

Le tribunal, là encore, a pu considérer pour des motifs pertinents que la cour adopte, que la preuve de l'intention libérale alléguée n'était pas rapportée, étant au surplus observé que :

-l'intention de poursuivre la vie commune n'implique pas la renonciation à tout remboursement ;

-l'intérêt personnel de Mme [E] à l'amélioration du bien ne justifiait pas en tout état de cause un investissement financier aussi important que celui consenti ;

-le fait que les fonds aient été remis quelques mois avant le mariage permet d'en déduire que l'intimée ne souhaitait pas qu'ils fussent considérés comme une contribution de sa part aux charges du mariage.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes principales de Mme [E].

2/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mmes [P] [U] et [X] [U] aux dépens et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en leur recours, les appelantes supporteront la charge des dépens d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée l'intégralité des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Une somme de 2 000€ lui sera allouée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne du 26 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne solidairement Mmes [P] [U] et [X] [U] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Julie Page, avocate ;

Condamne solidairement Mmes [P] [U] et [X] [U] à payer à Mme [K] [E] la somme de 2 000€ (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le Greffier La Présidente de chambre

Fanny MILAN Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00405
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;21.00405 ?
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