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07/10/2022 | FRANCE | N°22/00316

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre sociale, 07 octobre 2022, 22/00316


COUR D'APPEL DE CAYENNE

15 avenue du Général de Gaulle - 97300 CAYENNE



Chambre Sociale





















ARRÊT N°33



N° RG 22/00316 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BCEA





S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [J] [F] domicilié en cette qualité audit siège





C/



Organisme CGSS







ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022



Ordonnance référé, origine Pole social du TJ de CA

YENNE, décision attaquée en date du 07 juillet 2022, enregistrée sous le n° 22/00030





APPELANTE :



S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [J] [F] domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

9735...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

15 avenue du Général de Gaulle - 97300 CAYENNE

Chambre Sociale

ARRÊT N°33

N° RG 22/00316 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BCEA

S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [J] [F] domicilié en cette qualité audit siège

C/

Organisme CGSS

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022

Ordonnance référé, origine Pole social du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 07 juillet 2022, enregistrée sous le n° 22/00030

APPELANTE :

S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [J] [F] domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

97351 [Localité 4] GUYANE FRANCE

représentée par Maître Saphia BENHAMIDA, avocat poustulant au barreau de GUYANE et Pierre-Edouard GONDRAN DE ROBERT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

Organisme CGSS

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Maître Régine GUERIL-SOBESKY, avocat au barreau de GUYANE substituée par Maître Charles NEGUEDE, avocat au barreau de GUYANE lors de l'audience du 2 septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 septembre 2022 en audience publique et mise en délibéré au 07 octobre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

M. Hervé DE GAILLANDE, Conseiller

M. Laurent SOCHAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Fanny MILAN, Greffière présente lors des débats et de Mme Marie-France VASSEAUX, Greffière, présente lors du prononcé.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Société [5] est une SARL spécialisée dans l'activité de gardiennage, sécurité et protection des biens et des personnes.

Elle comprend deux établissements à [Localité 4] : un établissement principal, sis parc d'activités de [Localité 4], et un établissement secondaire, sis [Adresse 1].

Sous redressement judiciaire depuis le 14 novembre 2013, elle s'est vue accorder par jugement du 17 juin 2015 du tribunal mixte de commerce de Cayenne un plan de redressement par voie de continuation, pour une durée de dix ans.

Ce même tribunal a, par jugement du 18 décembre 2020, allongé la durée du plan de redressement pour deux ans.

Faisant grief à la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de la Guyane de conditionner la délivrance de l'attestation de vigilance au paiement de sommes qu'elle considère indue, la société [5] a sollicité et obtenu, par ordonnance du 1er juillet 2022, l'autorisation d'assigner celle-ci devant le président du pôle social statuant en référé d'heure à heure aux fins de communication de l'attestation de vigilance sous astreinte, et ce, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de l'urgence, et du trouble manifestement illicite.

Par ordonnance de référé du 07 juillet 2022, le président du pôle social a rejeté cette demande et condamné la société [5] à payer à la CGSS la somme de 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société [5] a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2022.

Elle a présenté une requête aux fins d'assigner à jour fixe le 19 juillet 2022, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 20 juillet 2022, lui faisant obligation d'assigner la CGSS à l'audience du 02 septembre 2022 et de délivrer son assignation avant le 15 août 2022.

Par acte d'huissier du 12 août 2022, elle a assigné la CGSS devant la présente cour.

Aux termes de ses conclusions n°2 du 02 septembre 2022, soutenues oralement à l'audience, elle demande d'infirmer l'ordonnance précitée et, statuant à nouveau, de :

-la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

-infirmer l'ordonnance de référé du 07 juillet 2022,

Et statuant de nouveau,

-la déclarer recevable et bien fondée en sa demande,

En conséquence,

-condamner, sous astreinte de 1 000€ par jour de retard à compter de la signi'cation de « l'ordonnance » à intervenir, la CGSS à lui communiquer l'attestation de vigilance ;

-condamner l'intimée à lui payer la somme de 3 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'intimée aux entiers dépens, en ce compris ceux éventuels d'exécution incluant les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996.

Par conclusions du 31 août 2022, soutenues oralement à l'audience, l'intimée demande de :

-constater que l'appelante ne remplit aucune des conditions permettant la délivrance de l'attestation de vigilance ;

-constater que ni l'urgence, ni le dommage imminent ne sont caractérisés ;

En conséquence,

-confirmer l'ordonnance de référé du 07 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;

-condamner l'appelante à lui payer la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du C.P.C, et aux entiers dépens.

A l'audience du 02 septembre 2022, il a été indiqué aux parties que la décision serait rendue le 07 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs :

1/ Sur la demande de délivrance de l'attestation de vigilance

Le juge des référés a considéré que le fondement de la demande était nécessairement l'urgence s'agissant d'un référé d'heure à heure, la société [5] expliquait que la délivrance de l'attestation de vigilance conditionnait le maintien d'un marché conclu avec EDF et qu'en l'absence du maintien de ce marché, l'entreprise serait en difficulté dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal mixte de commerce suite à l'assignation en liquidation judiciaire de la CGSS.

Il a retenu qu'en application des dispositions de l'article L.243-15 du code de la sécurité sociale, l'attestation de vigilance était délivrée dès lors que la personne était à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement et notamment de l'Urssaf, soit :

-en s'acquittant des cotisations et contributions dues à leur date normale d'exigibilité, ou en ayant souscrit un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues qu'elle respectait ;

-en s'acquittant des cotisations et contributions dues sans être à jour par ailleurs dans le paiement des majorations et pénalités ;

-en contestant le montant des cotisations non payées par recours contentieux.

L'entreprise indiquant se trouver dans ce dernier cas, il a relevé que :

-l'attestation de vigilance ne pouvait être délivrée tant que le tribunal des affaires de la sécurité sociale n'avait pas été saisi, et ce, même si la CGSS avait délivré antérieurement, plus précisément le 04 juin 2021, une telle attestation;

-le pôle social du tribunal avait été en fait saisi par lettre recommandée avec accusé de réception du ler juin 2022 d'oppositions à contraintes portant sur des cotisations échelonnées de juin 2019 à mars 2021, pour lesquelles l'entreprise avait déjà obtenu l'attestation de délivrance précitée de juin 2021.

Il en a déduit que l'urgence évoquée était le résultat de la propre carence de la société [5] qui avait attendu de recevoir l'assignation en liquidation judiciaire, puis le mail d'EDF lui réclamant l'attestation de vigilance pour saisir le pôle social d'oppositions à contraintes qui ne concernaient pas la période de cotisations relative à l'attestation de vigilance demandée, mais des cotisations anciennes de plus d'un an qui n'avaient pas fait l'objet du plan de redressement judiciaire ou d'un plan.

Le juge des référés a encore observé que les pièces produites par la Caisse attestaient, d'une part, que plusieurs échéanciers avaient été accordés depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, échéanciers non respectés et à l'occasion desquels le débiteur avait reconnu sa dette ; d'autre part, que plusieurs plans d'apurement de la Commission des chefs de service 'nanciers et des représentants des organismes de recouvrement des cotisations de sécurité sociale antérieures à juin 2019 n'avaient pas été respectés, le dernier en date du 10 novembre 2021 ayant été résolu en mai 2022, ce qui avait eu pour effet de rendre l'obligation de délivrance de l'attestation de vigilance sérieusement contestable, la dette concernée étant ainsi devenue immédiatement exigible en mai 2022.

Il a par ailleurs exclu tout trouble manifestement illicite ou dommage imminent résultant de l'exercice de la voie de droit que constitue une assignation en liquidation judiciaire en l'absence de violation évidente de la règle de droit, qu'il a jugée non caractérisée puisque sérieusement contestable au vu des éléments précités.

L'appelante fait valoir qu'elle a contesté formellement la décision du directeur de la CGSS de la Guyane et demeure dans l'attente de la décision de la commission de recours amiable ; que, plus encore, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne devant lequel seront débattues, aux audiences des 8 septembre 2022 et 8 décembre suivant, les contestations de l'ensemble des mises en demeure et les oppositions à contraintes émises par l'intimée ; qu'en l'absence de décision exécutoire et définitive, elle est à jour du paiement de ses cotisations sociales et que, dans ces conditions, l'attestation de délivrance doit lui être transmise.

Elle affirme que les « 13 nouvelles mises en demeure », qui ne sont pas comprises parmi celles qui font l'objet de contestations, et dont se prévaut l'intimée pour s'opposer à la délivrance de l'attestation de vigilance, ont été suivies de règlements et que les états de débit ne correspondent en rien au relevé de compte que lui a délivrés la CGSS. Elle déduit notamment de la seule mention dans ce relevé de compte de cotisations impayées au titre des années 2020 à 2022 le paiement par ses soins de toutes les cotisations antérieures, ou leur effacement.

Elle expose qu'il ne revient pas à la cour, dans le cadre du présent litige, d'apprécier le bien fondé de ses contestations devant le pôle social du tribunal judiciaire.

L'appelante se prévaut enfin des dispositions de l'article R.142-21-1 du code de la sécurité sociale, soutenant que la délivrance de l'attestation, réclamée par de nombreux partenaires commerciaux : chambre de commerce et d'industrie de la Guyane, Communauté des communes de l'Ouest guyanais, EDF, service régional administratif de la cour d'appel de Cayenne, est indispensable à la poursuite de son activité. Elle souligne à cet égard qu'elle est le plus important employeur privé du département, et que le refus de délivrance de l'attestation serait à l'origine d'un dommage imminent.

L'intimée réplique qu'en l'état de la dénonciation, le 17 mai 2022, du dernier plan d'apurement dont bénéficiait l'appelante, qui n'avait par ailleurs respecté aucun des 8 échéanciers qui lui avaient été offerts entre 2017 et 2021, l'ensemble de ses dettes sociales est devenu exigible et a justifié, en l'absence d'actif disponible permettant de les payer, son assignation en liquidation judiciaire.

Elle affirme que l'appelante ne conteste pas l'intégralité des mises en demeure dont elle a fait l'objet, de sorte que la délivrance de l'attestation de vigilance est impossible. Elle précise à cet égard  que :

-le passif de l'établissement principal de la société est couvert par 80 mises en demeure, dont 68 font l'objet d'une contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire,

-celui de l'établissement secondaire est couvert par 3 contraintes, auxquelles elle a fait opposition, et une mise en demeure, qui ne fait l'objet d'aucun recours ;

-les 13 mises en demeure non contestées représentent un passif de 760 896,90€, lequel interdit la délivrance de l'attestation sollicitée.

L'intimée affirme au demeurant que les contestations portées devant le tribunal sont manifestement irrecevables comme tardives, puisque relatives à des mises en demeure réceptionnées entre le 24 janvier 2014 et le 07 février 2022.

Elle conteste enfin toute urgence ou dommage imminent, soulignant qu'il n'est versé aux débats aucune pièce permettant d'apprécier l'importance des marchés évoqués par l'appelante au regard de son activité globale.

La cour relève qu'entre le 28 février 2017 et le 02 décembre 2019, l'appelante a sollicité auprès de l'intimé, et obtenu, le bénéfice d'échéanciers successifs lui accordant le report du paiement intégral des cotisations sociales non réglées échues à compter d'octobre 2013 (pièce n° 2/8 de l'intimée), et qu'à ces échéanciers étaient annexées des reconnaissances de dettes sociales, d'un montant croissant, la dernière, signée le 24 décembre 2019, portant sur la somme de 2 261 102,66€ .

L'appelante ne discute pas plus le non-respect de ces échéanciers que la résolution, le 17 mai 2022, du second plan « cotisations de sécurité sociale et de l'assurance chômage » (CCSF) qui avait été accordé le 10 novembre 2021, rendant ainsi exigible l'intégralité du solde des dites cotisations échues . A cet égard, elle ne peut utilement comparer la situation qui était la sienne au moment de la délivrance de l'attestation de délivrance du 04 juin 2021 avec celle d'aujourd'hui dès lors que le premier plan CCSF, accordé le 27 mai 2021, n'avait été résolu que le 06 octobre 2021, soit postérieurement à cette délivrance.

Si la société [5] a désormais saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne de contestations relatives à 68 mises en demeure, à l'exclusion des 13, qu'elle qualifie de nouvelles, produites par l'intimée, elle ne peut, en se fondant sur le détail de sa situation comptable adressé par l'intimée le 20 avril 2022 (pièce n° 30 de l'appelante) affirmer que les cotisations sociales antérieures à l'année 2020 visées dans 9 des 13 mises en demeure ont nécessairement été payées ou effacées puisqu'elles n'y figurent pas. En effet, en application des échéanciers successifs, offrant un étalement du paiement des dettes jusqu'au mois de juin 2022, il ne peut être exclu que les sommes correspondantes aux cotisations antérieures à 2020 soient incluses dans le montant de celles mentionnées dans le relevé de situation, ce que confirme, au demeurant, la lecture des états des débits au 26 juillet 2022 (pièces n° 13 et 14 de l'intimée) faisant état de cotisations échues impayées depuis le mois de décembre 2013 et chiffrant la dette de l'appelante au mois de juillet 2022 aux sommes de 4 012 541,08€ pour son établissement principal et 1775979,40€ pour son établissement secondaire, soit un total de 5 788 520,48€ .

Il résulte de ce qui précède que, faute de contester par recours contentieux le montant de toutes les cotisations non payées, l'appelante ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L 243-15 du code de la sécurité sociale, étant observé qu'elle ne répond à aucune des deux autres conditions alternatives posées par ce même article en vue de la délivrance de l'attestation de vigilance.

Le juge des référés a pu valablement écarter, au regard de ce qui précède et pour des motifs que la cour adopte, le trouble manifestement illicite invoqué par l'appelante, laquelle, au surplus, ne justifie par aucune pièce de l'importance dans son chiffre d'affaires de la part générée par les marchés pour la poursuite desquels la délivrance de l'attestation est nécessaire.

La société [5] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande et l'ordonnance du 07 juillet 2022 sera confirmée.

2/ Sur les dépens et les frais irrépétibles 

L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société [5] aux dépens et à payer à la CGSS de la Guyane la somme de 1 500€ au titre des frais irrépétibles.

Succombant en son recours, l'appelante supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Confirme l'ordonnance de référé du président du pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 07 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le GreffierLa Présidente de chambre

Marie-France VASSEAUXNathalie RAMAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00316
Date de la décision : 07/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-07;22.00316 ?
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