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02/09/2022 | FRANCE | N°22/00013

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre sociale, 02 septembre 2022, 22/00013


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]



CHAMBRE SOCIALE





















ARRÊT N°31



N° RG 22/00013 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BAGC





[M] [S]



C/



S.A.R.L. EXPLOITATION BELOVA









ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2022





Ordonnance référé, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAYENNE, décision attaquée en date du 03 janvier 2022, enregistrée sous le n° 21/00009

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APPELANT :



Madame [M] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Maître Jean-Yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE





INTIME :



S.A.R.L. EXPLOITATION BELOVA

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Maître Adrien GRELET...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N°31

N° RG 22/00013 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BAGC

[M] [S]

C/

S.A.R.L. EXPLOITATION BELOVA

ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2022

Ordonnance référé, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAYENNE, décision attaquée en date du 03 janvier 2022, enregistrée sous le n° 21/00009

APPELANT :

Madame [M] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître Jean-Yves MARCAULT-DEROUARD, avocat au barreau de GUYANE

INTIME :

S.A.R.L. EXPLOITATION BELOVA

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître Adrien GRELET, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juin 2022 en audience publique et mise en délibéré au 02 septembre 2022, en l'absence d'opposition, devant :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

M. Hervé DE GAILLANDE, Conseiller

Mme Corinne BIACHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Mme [M] [S] a été embauchée par la société « exploitation Belova » selon contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre 2016 en qualité de directrice d'exploitation hôtellerie.

Par ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Cayenne en date du 22 mars 2021, le licenciement de Mme [S] a été déclaré nul et sa réintégration a été ordonnée, sous astreinte, à titre provisionnel, sur le fondement de l'article L. 1132-3-3 du code du travail.

En outre, l'employeur a été condamné à payer à l'intéressée la somme de 4.618,26 euros à titre de rappel de salaire sur une période de trois mois suivant le licenciement déclaré nul.

Par assignation en référé en date du 03 septembre 2021, Mme [S] a saisi une nouvelle fois conseil des prud'hommes de Cayenne de demandes dirigées contre l'employeur au titre de rappel de salaire sur la période du 04 septembre 2020 au 26 avril 2021, et de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire à l'ordonnance de référé du 22 mars 2021.

Par ordonnance contradictoire du 03 janvier 2022, le juge des référés du conseil a :

-dit n'y avoir lieu à référé,

-renvoyé Mme [S] à mieux se pourvoir ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

-dit que chacune des parties supporterait la charge de ses frais et entiers dépens ;

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 05 janvier 2022, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, limité aux chefs d'ordonnance expressément critiqués.

Le 02 février 2022, son conseil a été destinataire d'un avis de fixation de l'affaire à bref délai. La déclaration d'appel a été signifiée à la SARL exploitation Belova par acte d'huissier du 03 février 2022.

L'intimée a constitué avocat le 17 mars 2022.

Aux termes de ses premières conclusions du 18 février 2022, signifiées à l'intimée le 23 février 2022, et dernières du 21 avril 2022, l'appelante demande d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 03 janvier 2022 et de :

-condamner l'intimée au paiement de la somme de 17 381,74€ et 1 375€ au titre de l'indemnité d'éviction due pour la période du 04 septembre 2020 au 26 avril 2021, à titre provisionnel ;

-condamner l'intimée au paiement d'une somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance manifestement abusive et vexatoire à l'exécution de l'ordonnance de référé du 22 mars 2021 ;

-la condamner encore au paiement d'une somme de 2 000€ à titre provisionnel sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 09 mai 2022, l'intimée demande de :

-déclarer irrecevables les demandes de l'appelante à raison de l'autorité de la chose jugée en référé ;

-déclarer ne pas y avoir lieu à référé à raison du défaut d'urgence et de l'existence de contestations sérieuses ;

En conséquence,

-confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

-rejeter l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions de l'appelante;

-condamner cette dernière à payer à l'intimée la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 03 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs

1/ Sur les demandes au titre de l'indemnité d'éviction et de dommages et intérêts pour résistance abusive

Le conseil a débouté Mme [S] de ses demandes au visa des articles R.1455-5, R.1455-6 et R.1455-7 du code du travail en l'absence :

-d'urgence, en ce que la salariée, qui avait bénéficié d'un chômage partiel à la suite de la crise sanitaire et avait pratiqué sur le compte de l'intimée une saisie attribution lui permettant selon cette dernière d'être remplie de ses droits, n'était pas privée de revenus pour avoir été réintégrée,

-de trouble manifestement illicite en ce que Mme [S] se trouvait, lors de l'audience, en arrêt maladie .

Le conseil a relevé l'existence d'une contestation sérieuse, la salariée ne justifiant aucunement de la perception ou non de revenus de remplacement à la suite de son licenciement d'une part, et l'appréciation de la résistance abusive alléguée ne pouvant se déduire de la simple inertie de l'employeur d'autre part.

L'appelante considère que la situation d'urgence est nécessairement remplie s'agissant du paiement d'une créance salariale, et ce, sans même qu'il soit nécessaire d'en justifier.

La condition d'urgence étant ainsi présente, la recherche d'un trouble manifestement illicite est, selon elle, inutile.

Elle souligne que son licenciement pour faute lourde ayant été annulé et étant intervenu en violation d'une liberté fondamentale consacrée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les éléments de contestation opérés par l'employeur sont inopérants et doivent être écartés.

Elle fixe à 17 381,74€ la somme due à titre de rappel de salaire après déduction de celle de 4618,26€ déjà allouée provisoirement.

L'intimée invoque le principe de concentration des moyens auquel reste soumise la matière prud'homale et affirme que le juge ne peut être saisi relativement à la même demande.

Or, affirme-t-elle, l'appelante a saisi le conseil en référé d'une même demande, fondée sur le même objet et la même cause, et entre les mêmes parties.

Elle conteste par ailleurs l'existence d'une urgence et fait état de contestations sérieuses.

La cour retient que la demande de l'appelante s'analyse en une demande de paiement d'une provision à valoir sur un rappel de salaire et de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la résistance, qu'elle qualifie d'abusive, de l'employeur.

Il convient donc de faire application de l'article R.1455-7 du code du travail, lequel énonce  que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier.

La contestation sérieuse invoquée par l'intimée qui se prévaut du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 22 mars 2021 doit être écartée.

En effet, par suite de l'abrogation de l'article R.1452-6 du code du travail, la règle de l'unicité de l'instance a été supprimée.

Demandes et moyens, qui, pour ces derniers, restent soumis à un principe de concentration, sont par ailleurs distincts les unes des autres : s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

C'est par ailleurs inutilement que l'intimée critique l'ordonnance du 22 mars 2021 et fait grief au juge des référés d'avoir excédé ses pouvoirs en prononçant la nullité du licenciement de la salariée puisqu'il n'en a pas interjeté appel et que cette décision est désormais définitive.

La contestation liée à la déduction des sommes réclamées des rémunérations perçues pendant la période séparant le licenciement de la réintégration n'apparaît pas plus devoir être qualifiée de sérieuse.

L'employeur n'est pas admis à déduire de l'indemnité d'éviction, qui couvre la totalité de la période séparant le licenciement de la réintégration, les revenus perçus pendant la période d'éviction si la nullité du licenciement résulte de la violation d'une liberté ou d'un droit fondamental garantis par la Constitution.

Or, la dénonciation du délit à la suite de laquelle la salariée a été licenciée comme l'a retenu le juge des référés dans son ordonnance du 22 mars 2021 (page n°4), non seulement lui permet de bénéficier du statut de lanceur d'alerte au sens de la loi 2016-1691 du 09 décembre 2016, mais relève plus globalement de la liberté d'expression garantie par la Constitution, dès lors qu'elle est énoncée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du 04 octobre 1958.

En revanche, le montant de la somme réclamée se heurte à une contestation sérieuse dès lors que :

-il résulte des écritures de l'appelante qu'elle a été licenciée le 04 septembre 2020, et réintégrée le 26 avril 2021 ;

-l'ordonnance du 22 mars 2021 a condamné à titre provisionnel l'employeur à payer à la salariée la somme de 4 618,26€ à titre de rappel de salaires des trois mois qui ont suivi le licenciement, sur la base d'un salaire de référence, tel qu'avancé par la salariée elle-même (page n°2 de l'ordonnance)  de 1 539,42€;

-la salariée affirme aujourd'hui que son salaire mensuel brut est de 2 750€, mais n'en justifie pas en l'absence de production de bulletins de salaire.

La demande de rappel de salaire formée devant la juridiction des référés doit, dans ces conditions, être déclarée irrecevable.

Celle concernant l'indemnisation du préjudice causé par la résistance abusive imputée à l'intimée suit le même sort en l'absence de tout élément objectif qui permettrait de qualifier comme telle l'attitude de l'employeur, alors que celui-ci affirme qu'il a été contraint de sommer la salariée de reprendre son poste.

2/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'ordonnance du 22 mars 2021 sera également confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Succombant en son recours, l'appelante supportera la charge des dépens d'appel.

Aucune considération tirée de l'équité ne permet de condamner l'appelante à payer à l'intimée une indemnité au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Confirme l'ordonnance de référé du 03 janvier 2022 du conseil de prud'hommes de Cayenne en date du 22 mars 2021 dans toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne Mme [M] [S] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le GreffierLa Présidente de chambre

Fanny MILANNathalie RAMAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00013
Date de la décision : 02/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-02;22.00013 ?
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