COUR D'APPEL DE CAYENNE
[Adresse 1]
Chambre Civile
ARRÊT N°120
N° RG 21/00053 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-4G6
S.A. SOMAFI SOGUAFI
C/
[M] [K]
ARRÊT DU 29 JUILLET 2022
Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection de CAYENNE, décision attaquée en date du 06 août 2020, enregistrée sous le n° 20/00132
APPELANTE :
S.A. SOMAFI SOGUAFI
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Maître Régine GUERIL-SOBESKY, avocate au barreau de GUYANE
INTIMEE :
Madame [M] [K]
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2022 en audience publique et mise en délibéré au 13 juin 2022, prorogé au 29 juillet 2022, l'avocat ne s'y étant pas opposé, devant :
Mme Aurore BLUM,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Aurore BLUM, Présidente de chambre
Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre
Mme Emmanuelle WATTRAINT, Conseillère
qui en ont délibéré.
GREFFIER :
Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et du prononcé
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Suivant offre préalable de contrat de crédit émise le 18 juin 2015 et acceptée le 26 juin 2015, la SA SOMAFI-SOGUAFI a consenti à Madame [M] [K] née [L], un contrat de crédit portant sur une somme de 18 366,50 € euros, hors assurance facultative, affecté au financement d'un véhicule de marque Citroën C4 Cactus immatriculé [Immatriculation 8]. Ce prêt était remboursable en 60 échéances de 374,37 euros, au taux d'intérêt nominal annuel de 6,99 %.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 4 juin 2018, la SOMAFI-SOGUAFI a mis en demeure l'emprunteur de payer, sous huitaine, la somme de 808,64 euros au titre des échéances impayées à compter du 10 mai 2018.
En l'absence de régularisation, la SA SOMAFI-SOGUAFI a informé Madame [K], par lettre recommandée avec accusé réception en date du 26 février 2019, du prononcé de la déchéance du terme et mis en demeure de procéder au paiement de la somme totale de 9498,48 euros. L'établissement de crédit mettait également en demeure l'emprunteur de lui restituer le véhicule dans un délai de huit jours.
Par requête du 11 avril 2019, la SA SOMAFI-SOGUAFI a saisi le tribunal d'instance de Cayenne par requête en injonction de payer à l'encontre de sa débitrice, lequel a, par ordonnance du 16 mai 2019, fait partiellement droit à sa demande à hauteur de 3085,28 €.
Par exploit d'huissier du 19 février 2020, la SA SOMAFI-SOGUAFI a fait citer Madame [K] devant le Tribunal judiciaire de Cayenne, aux fins d'obtenir la restitution du véhicule, le paiement de sa créance majorée des intérêts au taux contractuel de 6,99 % à compter du 10 mai 2018 et jusqu'à parfait paiement, outre la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens.
Par jugement du 6 août 2020, le Tribunal du contentieux de la protection a :
- prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la SA SOMAFI-SOGUAFI,
- condamné Madame [K] à lui payer la somme de 6458,87 euros, sans intérêts, ni indemnité,
- condamné la même à restituer le véhicule BMW X3 immatriculé [Immatriculation 7],
- rappelé que le prix de vente du véhicule restitué sera affecté sur le montant des sommes dues au titre du contrat de prêt litigieux,
- condamné Madame [B] au règlement des entiers dépens ainsi qu'à la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire de ce jugement était de droit.
Par déclaration enregistrée au greffe le 2 février 2021, l'établissement de crédit a interjeté appel de ce jugement.
Le 16 mars 2021, avis était donné à l'appelant d'avoir à signifier la déclaration d'appel, en l'absence de constitution de l'intimé dans le mois de la transmission de la déclaration d'appel qui lui a été faite par le greffe, lequel y procédait le 2 avril 2021.
En l'état de ses dernières conclusions reçues le 30 avril 2021, la SA SOMAFI-SOGUAFI demande à la Cour, au visa des articles L. 312-16 et L 341-2 du code de la consommation, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts et condamné le débiteur à lui payer la somme de 6458,87 euros sans intérêts, ni indemnité.
Elle sollicite de la Cour, à titre principal, qu'elle :
- précise que les obligations de vérification de la solvabilité du débiteur, mises à la charge du prêteur par les dispositions légales précitées, ont bien été respectées par la SA SOMAFI -SOGUAFI,
- déclare, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts de l'appelante - et, condamne l'emprunteur au paiement de la somme de 9498,48 euros produisant intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de :
- dire n'y avoir lieu à une déchéance totale du droit aux intérêts,
- fixer la proportion de ladite déchéance en équité,
- de condamner l'emprunteur au paiement d'une somme correspondant au capital restant dû majoré des intérêts calculés dans la limite fixée.
En tout état de cause, l'appelante demande que Madame [K] soit condamné au règlement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2021.
Sur ce, la cour,
Sur le respect des obligations de vérifications mises à la charge de l'établissement de crédit par l'article L. 311-9 du code de la consommation
Selon l'article L. 311-9 en vigueur au moment du contrat, devenu l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et, sauf dans les cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, étrangers au présent litige, consulte le ficher prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation devenu l'article L. 751-1 du même code, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 devenu l'article L. 751-6.
L'alinéa 2 de l'article L. 333-5 devenu l'article L. 751-6 indique qu'un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du comité consultatif du secteur financier, détermine les modalités selon lesquelles les établissements et organismes mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article L. 333-4 devenu l'alinéa premier de l'article L. 751-2 peuvent justifier qu'ils ont consulté le fichier, notamment en application de l'article L. 311-9 devenu l'article L. 312-16.
En vertu de l'article 13, I ancien de l'arrêté du 26 octobre 2010 auquel renvoient les articles précités, intitulé « Modalités de justification des consultations et conservation des données » : « En application de l'article L. 333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes ['] doivent, [avant toute décision effective d'octroyer un crédit], conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l'intégrité des informations ainsi collectées. Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l'article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d'une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l'identique ».
Le tribunal a considéré que la SA SOMAFI-SOGUAFI n'avait pas satisfait à son obligation de consultation du FICP en ce que le document produit ne faisait pas expressément mention du motif de la consultation. Ce faisant, le tribunal a jugé que l'appelante n'avait pas satisfait à l'obligation de consultation du FICP répondant aux prescriptions légales et, qu'elle ne démontrait pas davantage avoir vérifié la solvabilité du débiteur à partir d'un nombre suffisant d'informations. Il a dès lors, prononcé la déchéance du droit aux intérêts de l'établissement de crédit, à compter de la conclusion du contrat et, a estimé à la somme de 6458,87 euros le capital restant dû après déduction des paiements réalisés par l'emprunteur à quelque titre que ce soit. Il a enfin écarté l'application de l'article 1153, s'agissant de la faculté du prêteur à bénéficier des intérêts au taux légal.
L'appelante soutient qu'elle a respecté l'ensemble des obligations mises à sa charge par les prescriptions légales précitées, tant au regard du motif de la consultation du FICP qu'au regard de la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations.
En l'espèce, la SA SOMAFI-SOGUAFI verse aux débats, en pièce 4, un document intitulé « Consultation de FICP » comportant les indications suivantes :
- le code de l'établissement de crédit
- la date de la consultation : le « 19. 06. 2015 ' 15:03:40 », soit le lendemain de l'émission de l'offre et antérieurement à son acceptation par l'emprunteur,
- Identifiant de corrélation : 00000 18 64 51
- la clé BDF « [XXXXXXXXXX02] », reprenant la date de naissance et les premières lettres du nom patronymique de l'emprunteur,
- le résultat de la consultation : « Aucun dossier trouvé sous la clé BDF [XXXXXXXXXX02] ».
Il convient de relever qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 17 février 2020 l'ayant modifié, l'article 13 ne prévoyait aucun modèle formalisé, ni même les indications que devait contenir le document de consultation du fichier. En conséquence, les organismes de crédit étaient seulement tenus de conserver la preuve de la consultation du fichier sur un support durable pouvant être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à sa finalité et reproduit à l'identique.
Ainsi, il résulte des informations inscrites sur le justificatif de consultation du FICP produit par la SA SOMAFI-SOGUAFI, que les vérifications ont été réalisées antérieurement à la conclusion du contrat, que le document fourni émane de la Banque de France et que la personne pour laquelle la consultation a été sollicitée est bien Madame [K], la clé BDF faisant foi.
Au surplus, l'appelante justifie d'un identifiant de corrélation identique au numéro de dossier se trouvant au bas de l'offre de crédit dans la rubrique « Références internes ».
Il convient donc de relever que le motif de la consultation du FICP découle de ce faisceau d'informations figurant sur un document présentant les caractéristiques d'un support durable, au sens de l'article 13, I ancien de l'arrêté du 26 octobre 2010.
S'agissant de la consultation du FICP, l'appelante a donc satisfait à son obligation légale de consultation et de conservation des données requises.
Par ailleurs, la SA SOMAFI-SOGUAFI complète la consultation du FICP qu'elle a réalisée, par les documents suivants :
- une consultation du fichier central des chèques auprès de la Banque de France effectuée le 19 juin 2015, soit antérieurement la conclusion du contrat et dont le résultat de la recherche était négatif. Étant précisé que la clé BDF inscrite sur ledit document est identique à celle se trouvant sur le justificatif de consultation du FICP.
- une fiche dialogue portant informations des ressources financières de l'emprunteur,
- le relevé de compte de l'emprunteur du 10 avril au 4 mai 2015.
- un avis d'imposition de 2014 s'agissant des revenus de 2013, avec mention d'un montant de l'impôt estimé à zéro euro.
Il n'est pas démontré au vu de ces éléments qu'il y ait eu une négligence de la banque quant à la vérification de la solvabilité de la débitrice, de sorte qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels de la banque.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le montant de la créance due par le débiteur
Il est constant que la déchéance du terme d'un contrat de prêt, en cas de défaillance de l'emprunteur, ne peut être prononcée qu'à la suite d'une délivrance préalable d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont il dispose pour y faire obstacle.
Au cas particulier, la SA SOMAFI-SOGUAFI a, régulièrement et conformément aux clauses contractuelles, informé le débiteur par lettre recommandée, qu'à défaut de régularisation de ses échéances impayées, dans un délai de 8 jours, la déchéance du terme interviendrait.
En outre, l'établissement de crédit a fait diligence vis-à-vis de l'emprunteur, en procédant à une seconde notification par courrier recommandé, de la déchéance du terme elle-même.
Dès lors, la déchéance du terme du contrat de prêt est régulière.
La SA SOMAFI-SOGUAFI évalue sa créance au montant total de 9 498,48 euros déclinée comme suit :
*2 246,22 euros au titre des échéances impayées
*6 715,06 euros au titre du capital restant dû
*537,20 euros au titre de la clause pénale de 8% stipulée au contrat de prêt.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de l'appelante au principal, sa créance étant fondée en son principe et en son montant. Il convient dès lors de condamner la débitrice à payer la somme de 8.961,28 euros au taux contractuel de 6,99% à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, conformément à la demande de l'appelante, outre une somme de 537,20 euros au taux légal à compter de la même date.
Il convient de rappeler que le prêteur pourra revendre le véhicule ainsi restitué et affecter le prix de cette vente au paiement du montant total de sa créance.
Sur les demandes accessoires
Succombant au principal, il convient de condamner Mme [K] à une indemnité de procédure de 1.000 euros, outre les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition au greffe :
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA SOMAFI-SOGUAFI,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Madame [M] [K] née [L] à payer à la SA SOMAFI SOGUAFI la somme de 8.961,28 euros au taux contractuel de 6,99% à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
CONDAMNE Madame [M] [K] née [L] à payer à la SA SOMAFI SOGUAFI la somme de 537,20 euros au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
DIT que le prix de vente du véhicule après restitution sera décompté du montant total des sommes restant dues par Madame [M] [K],
CONDAMNE Madame [M] [K] à payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [M] [K] aux entiers dépens de la procédure.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.
Le GreffierLa Présidente de chambre
Fanny MILANAurore BLUM