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06/05/2022 | FRANCE | N°21/00076

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre sociale, 06 mai 2022, 21/00076


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]



CHAMBRE SOCIALE





















ARRÊT N°11



N° RG 21/00076 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-4LB





[U] [K]

[D] [L]

Syndicat UNION DES TRAVAILLEURS GUYANAIS



C/



Organisme CGSS GUYANE CGSS, organisme de prévoyance sociale à régime général de la Sécurité Sociale régi par les articles L 751-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale









ARRÊT DU 06 MAI

2022





Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAYENNE, décision attaquée en date du 11 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00172





APPELANTS :



Madame [U] [K]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Loca...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2]

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N°11

N° RG 21/00076 - N° Portalis 4ZAM-V-B7F-4LB

[U] [K]

[D] [L]

Syndicat UNION DES TRAVAILLEURS GUYANAIS

C/

Organisme CGSS GUYANE CGSS, organisme de prévoyance sociale à régime général de la Sécurité Sociale régi par les articles L 751-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale

ARRÊT DU 06 MAI 2022

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAYENNE, décision attaquée en date du 11 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00172

APPELANTS :

Madame [U] [K]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me Roland SAINTE-ROSE, avocat au barreau de GUYANE

Monsieur [D] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Roland SAINTE-ROSE, avocat au barreau de GUYANE

Syndicat UNION DES TRAVAILLEURS GUYANAIS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Roland SAINTE-ROSE, avocat au barreau de GUYANE

INTIME :

Organisme CGSS GUYANE CGSS, organisme de prévoyance sociale à régime général de la Sécurité Sociale régi par les articles L 751-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Régine GUERIL-SOBESKY, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS:

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2022 en audience publique et mise en délibéré au 06 Mai 2022, en l'absence d'opposition, devant :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

Monsieur Hervé DE GAILLANDE, Conseiller

Mme Corinne BIACHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Mme Fanny MILAN, Greffier, présente lors des débats et de Mme Marie-France VASSEAUX, Greffier lors du prononcé

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige

Mme [U] [K] et M. [D] [L] ont été embauchés respectivement par la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) de Guyane selon contrat de travail à durée déterminée en date des 16 et 17 décembre 2010 pour une durée de 3 mois emportant terme échu au 19 mars 2011, en qualité, chacun, d'agent administratif niveau 02 pour «effectuer des tâches occasionnelles''.

Selon ordonnance en date du 18 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Cayenne statuant en la formation des référés a ordonné la poursuite des contrats de travail en cours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et a condamné la CGSS de Guyane au paiement respectif de la somme de 1.300 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité de requalification.

Selon ordonnance de référé en date du 14 avril 2011, le premier président de la cour d'appel de Cayenne a arrêté l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 18 mars 2011.

Selon arrêt en date du 23 février 2015, la cour d'appel de Cayenne a':

-fait droit aux demandes de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Guyane;

-jugé ne pas y avoir lieu à référé et sans intérêt l'intervention volontaire du syndicat UTG;

-débouté les parties de leurs demandes complémentaires,

-dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [K] et M. [L] aux entiers dépens.

Ce dernier arrêt a été cassé et annulé en toutes ses dispositions selon arrêt de la Cour de cassation en date du 08 mars 2017, et l'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Cayenne autrement composée.

Par arrêt en date du 01 février 2019, la cour d'appel de Cayenne, a':

-déclaré irrecevable le syndicat UTG en ses demandes,

-déclaré recevable la CGSSG en sa déclaration de saisine de la cour d'appel de Cayenne,

-confirmé l'ordonnance de référé du 18 mars 2011 en ce qu'elle a ordonné la poursuite des contrats de travail des sus-nommés jusqu'à ce que le juge du fond statue,

-confirmé également l'ordonnance de référé du 18 mars 2011 en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance,

-infirmé pour le surplus,

-débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.

Suivant requêtes séparées en date du 16 mars 2011, réceptionnées au greffe le 17 mars 2011,

Mme [K] et M. [L] ont saisi le conseil de prud'hommes de Cayenne d'une demande dirigée contre la CGSS de Guyane.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2021, le conseil a':

-ordonné la jonction des instances sous le numéro RG n°18/00194 et le numéro RG n°19/00195;

-dit que les demandes additionnelles formulées par Mme [K] et M. [L] étaient recevables;

-dit que les contrats de travail à durée déterminée en date des 16 et 17 décembre 2010 avaient été rompus par l'arrivée du terme le 19 mars 2011,

-débouté Mme [K] et M. [L] de leur demande de requalification de leur contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée;

-dit que l'ancienneté professionnelle de ces derniers était de 3 mois;

En conséquence,

-débouté Mme [K] et de M. [L] de leur demande de remise des bulletins de paie afférents à la période postérieure de la rupture contractuelle intervenue le 19 mars 2011;

-débouté Mme [K] et de M. [L] de leur demande de réintégration au sein de l'établissement de la CGSS de Guyane ainsi que de leur demande d'astreinte;

-débouté Mme [K] et de M. [L] de leur demande de rappels de salaire et de congés y afférents sur la période mars 2011 à juin 2020;

-débouté Mme [K] et de M. [L] de leur demande d'indemnité de requalification contractuelle ;

-débouté le syndicat de l'UTG de sa demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de la CGSS de Guyane ;

-condamné Mme [K] et de M. [L] à payer à la CGSS de Guyane, chacun, la somme de 500,00 euros (cinq cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné Mme [K], M. [L] et le syndicat UTG aux entiers dépens ;

-débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

-rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les salaires et leurs accessoires à concurrence de 9 mois ;

-dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire pour l'entier jugement.

Par déclaration reçue le 12 février 2021, Mme [K] et M. [L] ont interjeté appel de cette décision, limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

Les appelants ont communiqué leurs premières conclusions le10 mai 2021.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives du 26 octobre 2021, les appelants demandent d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de':

-débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

-déclarer leurs moyens et prétentions recevables et bien fondés et y faire droit,

-dire que les CDD ont été conclus en violation des articles L.1242-2, L1242-12 et L.1245-1 du code du travail garantissant l'ordre public social,

-rappeler que l'arrêt du 01 février 2019 est une mesure provisoire destinée à protéger les droits des salaires jusqu'à ce que le juge du fond statue,

-rappeler que la relation contractuelle avec l'employeur s'est poursuivie jusqu'à ce jour';

En conséquence et statuant à nouveau :

-confirmer l'arrêt du 01 février 2019 en ce qu'il a ordonné la poursuite des contrats de travail avant la survenance du terme,

-requalifier en contrat de travail à durée indéterminée la relation de travail établie entre l'employeur et les appelants à compter du 1er jour de l'embauche au sein de la Caisse,

-dire que l'ancienneté professionnelle des appelants court respectivement à compter des 16 et 17 décembre 2010,

-fixer l'ancienneté professionnelle acquise par les salariés en décembre 2021 à 10 ans et 09 mois et la moyenne des trois derniers mois de salaires bruts à la somme de 2.031,63 €,

-rappeler qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement des salaires et accessoires ainsi que celle du refus de travailler ou de se tenir à sa disposition,

-ordonner la remise des bulletins de paie afférents aux rappels des salaires,

-ordonner la réintégration des salariés dans leur emploi ou dans un emploi équivalent,

-assortir la décision à intervenir d'une astreinte de 500,00 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision par le greffe,

-condamner l'intimée à payer à chacun des appelants les réparations pécuniaires ci-après :

*rappels des salaires de 03/2011 à 12/2021 : ............................. . 262.080,27 €

*rappels de congés payés de 03/2011 à 12/2021 : ..................... . 26.208,02 €

*indemnité de requalification : ....................................................... .8.126,52 €

-condamner l'intimée à payer au syndicat UTG (Union des travailleurs guyanais) la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif des employés des organismes de sécurité sociale,

-condamner l'intimée à payer à chacun des appelants la somme de 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles de la première procédure et 3.500,00€ de la seconde, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat UTG (Union des travailleurs guyanais) la somme de 1.500,00 € de ce même chef,

-condamner l'intimée aux entiers dépens,

-ordonner la capitalisation des intérêts en application des articles 1343-2 et 1231-7 du code civil à compter de la saisine du conseil de prud'hommes valant mise en demeure du 17 mars 2011.

Par conclusions du 25 août 2021, l'intimée demande de':

A titre principal,

-confirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021,

En conséquence,

-dire qu'il n'y a pas lieu a requalification des contrats à durée déterminée des appelants,

-rejeter l'intégralité des demandes des appelants,

A titre subsidiaire et si la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée devait être ordonnée,

-fixer la moyenne des salaires de Mme [K] à la somme de 1860,85€,

-fixer la moyenne des salaires de M. [L] à la somme de 1760,59€,

-allouer à Mme [K] la somme de 1860,85€ à titre d'indemnité de requalification,

-allouer à M. [L] la somme de 1 760,59€ à titre d'indemnité de requalification,

-débouter M. [L] et Mme [K] de leurs demandes de rappel de salaire et de congés payés,

-débouter M. [L] et Mme [K] de leurs demandes de réintégration,

-les débouter de toutes leurs autres demandes,

En tout état de cause,

-rejeter la demande de condamnation de la CGSS à payer des dommages et intérêts au syndicat UTG.

-débouter M. [L], Mme [K] et le syndicat UTG de leurs demandes de condamnation de la CGSS à leur verser un article 700,

-condamner M. [L] et Mme [K] à verser à la C.G.S.S la somme de 3.000 euros chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 17 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs':

Les appelants développent en première partie de leurs conclusions des moyens tirés des irrégularités des motifs du jugement qu'ils reprennent dans les parties suivantes pour asseoir leurs demandes.

Ils font ainsi grief au conseil d'avoir méconnu'le caractère provisoire de l'ordonnance de référé du premier président de la cour d'appel de Cayenne, affirmant que l'arrêt du 1er décembre 2019 avait privé d'effet la dite ordonnance.

Cependant, l'arrêt du 1er décembre 2019 ne porte pas infirmation de l'ordonnance du premier président qui a arrêté l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 18 mars 2011, étant souligné que l'objet de l'ordonnance du premier président est limité à l'exécution provisoire de l'ordonnance de 2011, non à la poursuite des contrats de travail.

Les appelants reprochent également au conseil d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel du 1er décembre 2019.

Il convient toutefois de rappeler que les ordonnances de référé n'ont pas au principal autorité de chose jugée et que la jurisprudence a étendu cette absence d'autorité à l'arrêt rendu sur appel d'une ordonnance de référé, comme celui du 1er décembre 2019.

S'ils affirment encore que le conseil a méconnu la saisine au fond du bureau de jugement et n'a pas respecté le délai imposé par l'article L 1245-2 alinéa 1er du code du travail, force est de relever qu'ils n'invoquent aucune sanction du non-respect de ce délai qui serait édictée par le même code.

La méconnaissance alléguée par le juge des limites du litige fixées par l'énonciation de la tâche à exécuter dans la clause du recours au CDD, ainsi que des règles relatives à la charge de la preuve d'un accroissement temporaire d'activité, a vocation à être étudiée infra dans le cadre de l'examen de la demande de requalification des contrats, comme au demeurant les irrégularités des motifs concernant l'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir du syndicat.

1/ Sur la requalification des CDD en CDI avant le terme de la relation contractuelle

Au visa des articles L 1221-2, L 1242-1, L 1242-2, L 1242-7 et L 1242-12 du contrat de travail, le conseil a débouté Mme [K] et M. [L] de leur demande de requalification et des demandes indemnitaires y afférentes après avoir relevé que':

-le recours au contrat de travail à durée déterminée était destiné à assurer le fonctionnement normal de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Guyane qui devait faire face à un surcroît d'activité momentanée et participait à l'application classique des dispositions légales';

-les contrats à durée déterminée en date des 16 et 17 décembre 2010 comportaient la mention expresse «en vue d'effectuer des tâches occasionnelles (appels téléphoniques, classement des AR et retour RAR, tri des ordres de virements, saisie des lots V2, relance des employeurs, participation au courrier, résorption des stocks en instance)''';

-dès la signature des contrats de travail, les sus-nommés avaient été particulièrement informés du caractère occasionnel et très ciblé des tâches qui leur étaient imparties';

-ils s'accordaient d'ailleurs à reconnaître que la raison du recours aux contrats de travail à durée déterminée par la CGSS avait été initiée par la réforme légale relative au RMI (décret des 29 mai 2009 et 31 décembre 2010) instaurant la mise en place dans les DOM du RTSA (revenu supplémentaire temporaire d'activité) puis du RSA (revenu de solidarité active)';

-sur la période du 16 décembre 2010 au 19 mars 2011, il était établi l'existence d'un surcroît d'activité, consécutif à la mise en place du nouveau dispositif législatif relatif à la réforme du RMI';

-si les salariés soutenaient que la CGSS avait commis un aveu judiciaire lors de l'audience de référé du 12 mars 2011 en déclarant que les salariés avaient été embauchés «en raison du grand nombre d'absence'», la copie du plumitif d'audience (pièce n°12 des demandeurs) produit à l'appui de cette allégation était illisible et comme tel inexploitable'.

Il a également considéré que Mme [K] et M. [L] ne pouvaient valablement solliciter la requalification de leur contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée en se fondant sur la liste des tâches à accomplir qui présentait, selon eux, un caractère permanent de l'activité et correspondait aux tâches confiées aux salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée, le fait que le salarié embauché en contrat de travail à durée déterminée accomplisse les mêmes tâches qu'un salarié bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ne pouvant à lui seul induire la requalification du contrat de travail.

Le conseil a retenu':

-qu'il résultait du dossier que l'embauche des sus-nommés s'inscrivait dans la mise en place de nouvelles directives qui, une fois réalisée, devait ramener l'activité de la CGSS à la normale'; que les termes de la circulaire DRT numéro 18~90 du 30 octobre 1990, corroboraient et confortaient cette analyse en ce que l'accroissement temporaire d'activité correspondait à une augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise et résultait d'une augmentation accidentelle de la charge de travail que la CGSS ne pouvait pas absorber avec son effectif habituel';

-qu'à supposer que les sus-nommés aient été affectés au service permanent de l'URSSAF et réalisaient des tâches courantes et permanentes, la requalification contractuelle ne pouvait résulter de ce seul constat dès lors, d'une part, qu'il relevait du pouvoir de direction de l'employeur d'affecter les salariés à des tâches et services qui nécessitaient du renfort, et, d'autre part, que leur affectation à l'exécution de tâches courantes permettait à la CGSS de dégager du temps pour des salariés plus expérimentés, notamment bénéficiaires de contrats de travail à durée indéterminée, et de confier à ces derniers des missions ou des dossiers plus complexes.

-que les clauses du contrat de travail permettaient de constater que les demandeurs étaient particulièrement avertis de l'étendue et de la durée de leur contrat de travail.

Les appelants soutiennent que leurs contrats avaient pour objet l'exécution de tâches durables et permanentes, non de tâches occasionnelles précisément définies et non durables'; que l'intimée ne rapporte pas la preuve d'activité temporaire justifiée par des travaux supplémentaires ou des variations cycliques, et se prévalent de la requalification de quatre CDD du 04 mars 2011 de l'intimée en CDI suivant arrêt de la présente cour d'appel du 20 février 2017.

Ils invoquent encore le défaut de formalité substantielle pour absence de clause mentionnant la définition précise du motif du recours au CDD.

L'intimée réplique que l'accroissement temporaire d'activité justifiant le recours aux CDD était réel, lié à la mise en place dans les DOM du RTSA, dont le dispositif a été reconduit jusqu'au 31 mai 2013, puis du RSA replaçant le RMI et qui a créé une surcharge de travail pour le personnel titularisé de la Caisse.

Elle se prévaut du pouvoir de direction de l'employeur lui permettant d'affecter les salariés en CDD à des tâches exécutées habituellement par des salariés permanents, et non nécessairement aux tâches directement liées au surcroît d'activité.

Elle souligne que les CDD litigieux, d'une durée de trois mois, n'ont pas eu pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à son activité normale et permanente.

Elle prétend que les contrats respectaient le formalisme applicable à la conclusion des CDD.

Elle souligne qu'en tout état de cause, la demande de titularisation des appelants doit être rejetée en ce qu'ils ne justifient pas de la présence effective de 6 mois dans ses services.

La cour approuve le conseil en ce qu'il a retenu un accroissement temporaire d'activité de l'intimée l'ayant autorisé à avoir recours à des CDD, et en ce qu'il a considéré que le pouvoir de direction de l'employeur autorisait ce dernier à affecter les salariés recrutés par CDD à l'exécution de tâches incombant habituellement à ses salariés sous CDI.

En revanche, la régularité formelle des CDD litigieux ne répond pas aux exigences de l'article L 1242-12 alinéa 1er du code du travail qui impose qu'ils comportent la définition précise de leur motif': force est en effet de relever que les dits contrats ne mentionnent pas l'accroissement temporaire d'activité dont l'intimée se prévaut pour justifier le recours à de tels contrats, mais seulement la description des tâches pour l'exécution desquelles ils sont conclus.

Aucune de leurs autres mentions ne permettant de connaître le motif du recours à des CDD, les contrats litigieux doivent être réputés conclus pour une durée indéterminée.

2/ Sur les conséquences de la requalification':

Les appelants sollicitent en premier lieu des rappels de salaires des mois de mars 2011 à décembre 2011, faisant valoir un manquement volontaire de l'employeur, qui ne démontre pas qu'ils ont refusé de travailler ou de se tenir à sa disposition, à ses obligations de fournir du travail et de payer les salaires, mais aussi la violation par l'intimée du droit fondamental d'exécution des décisions de justice exécutoires et définitives, précisément l'ordonnance de référé du 18 mars 2011 et l'arrêt de la cour d'appel du 1er février 2019.

Ils prétendent que les contrats poursuivis avant leur terme sont en cours depuis les 16 et 17 décembre 2010'; qu'ils ont été juridiquement maintenus et qu'aucun texte ne prévoit leur suspension.

Ils chiffrent l'indemnité de requalification à la somme, pour chacun d'eux, de 8 126,52€ correspondant à quatre mois de salaire.

Ils déduisent également de la requalification au 1er jour d'embauche de leurs contrats l'obligation conventionnelle de leur titularisation, et demandent leur réintégration au sein des effectifs de l'intimée

L'intimée sollicite, à titre subsidiaire, la réduction de l'indemnité de requalification à la somme correspondant à un mois de salaire, soit 1 760,59€ pour M. [L] et 1 860,85€ pour Mme [K].

Elle souligne que suivant ordonnance du premier président de la cour d'appel de Cayenne du 14 avril 2011, l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé du 18 mars 2011 a été arrêtée'; qu'elle n'avait donc pas l'obligation d'exécuter la dite ordonnance de référé laquelle ne constituait qu'une mesure provisoire.

Elle expose que par suite de l'arrêt du 23 février 2015 infirmant cette dernière ordonnance, et du pourvoi en cassation formé, elle n'était pas contrainte d'exécuter cette décision du 18 mars 2011 jusqu'au 06 février 2019, date de signification de l'arrêt du 1er février 2019.

Elle précise que les appelants n'ont entrepris aucune démarche en vue de procéder à l'exécution de l'arrêt du 1er février 2019, qu'ils ne se sont jamais mis à sa disposition, et ne sont d'ailleurs pas libres de tout engagement comme ayant trouvé chacun un autre emploi depuis 2011.

Elle refuse la réintégration sollicitée et conclut au rejet de la demande de titularisation en l'absence de présence effective d'une durée de 6 mois.

L'article L 1245-2 du code du travail fixe le minimum de l'indemnité de requalification à un mois de salaire.

Les appelants ne justifiant pas d'un préjudice autorisant une réparation par l'allocation d'une somme supérieure, l'intimée sera condamnée à verser, à la lecture des bulletins de salaire des intéressés, chacun, la somme de 2 031,61€ (représentant un tiers du total brut perçu sur les trois mois d'exécution des contrats respectifs).

S'agissant des rappels de salaire, si le juge des référés avait ordonné dans sa décision du 18 mars 2011 la poursuite des contrats de travail jusqu'à ce que le juge statue au fond, il résulte de la pièce n° 7-b des appelants que cette décision n'a été signifiée à la CGSS que le 13 avril 2011, soit postérieurement au terme des contrats (19 mars 2011 pour rappel).

L'intimée pouvait donc se prévaloir d'une rupture des relations de travail à l'arrivée du terme des CDD.

Or, il n'est pas contesté que les appelants ont cessé de travailler pour le compte de l'intimée à l'expiration de ce terme.

Les relations de travail ayant été ainsi rompues, quelque soit l'imputabilité de cette rupture, ils ne peuvent prétendre qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, non à des rappels de salaires, ni à une réintégration en l'absence de violation d'une liberté fondamentale.

Il convient de souligner que les appelants ne formulent aucune demande de ce chef, pas plus qu'ils ne versent de justificatif du préjudice subi.

La demande de titularisation sera également rejetée en l'absence de présence effective de six mois dans les services de l'intimée.

3/ Sur la demande du syndicat UTG

Le conseil a considéré que la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée n'avait vocation qu'à servir les intérêts particuliers des demandeurs à la procédure'; que le syndicat intervenait pour la défense d'un litige qui ne relevait pas, par principe, de la défense d'un intérêt collectif général de sorte qu'il était dépourvu de tout intérêt à agir.

Toute en le déclarant irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, le conseil a débouté le syndicat de ses demandes.

Le syndicat UTG affirme que son action est recevable dès lors qu'elle repose sur la violation d'une règle d'ordre public social, et que les dispositions relatives aux conditions de recours et de forme du CDD sont précisément d'ordre public.

L'intimée affirme que le syndicat ne justifiait d'aucune qualité à agir à défaut de disposition statutaire ou de pouvoir spécial, et souligne que les statuts de l'UTG ont été adoptés le 06 juin 2014, soit postérieurement à la date du dépôt de la requête ayant saisi la juridiction prud'homale.

Elle conteste par ailleurs en l'espèce toute atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

La cour retient que l'irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir a donné lieu à régularisation (qui peut intervenir en cours d'instance) le 06 juin 2014.

Par ailleurs, la violation des dispositions légales relatives au contrat à durée déterminée étant de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession, le syndicat présente un intérêt à agir.

Les éléments de l'espèce, et le préjudice causé par le seul non-respect du formalisme des CDD, ne justifient toutefois pas l'allocation d'une somme supérieure à 500€.

4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [L], Mme [K] et le syndicat UTG aux dépens et les deux premiers à verser, chacun, à la CGSS la somme de 500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le sens de la décision et l'équité justifient l'allocation à M. [L] et Mme [K], chacun, de la somme de 500€, et au syndicat UTG celle de 300€ au titre des frais irrépétibles.

La CGSS supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes du 11 janvier 2021 sauf en ce qu'il a':

-débouté Mme [U] [K] et M. [D] [L] de leur demande de requalification de leur contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée;

-débouté Mme [U] [K] et de M. [D] [L] de leur demande d'indemnité de requalification contractuelle ;

-débouté le syndicat de l'UTG de sa demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de la CGSS de Guyane ;

-condamné Mme [U] [K] et M. [D] [L] à payer à la CGSS de Guyane, chacun, la somme de 500,00 euros (cinq cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné Mme [U] [K], M. [D] [L] et le syndicat UTG aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée liant Mme [U] [K] et M. [D] [L] d'une part à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane d'autre part en contrats de travail à durée indéterminée';

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane à payer à Mme [U] [K] et M. [D] [L], chacun, la somme de 2 031',61€ (deux mille trente et un euros et soixante et un centimes)';

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane à payer au syndicat UTG la somme de 500€ (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif des employés des organismes de sécurité sociale';

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane à payer à Mme [U] [K] et M. [D] [L], chacun, la somme de 500€ (cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles engagés en première instance';

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane à payer au syndicat UTG la somme de 300€ (trois cents euros) au titre des frais irrépétibles engagés en première instance';

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane aux dépens';

Et y ajoutant,

Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane aux dépens d'appel.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et le Greffier.

Le Greffier La Présidente de chambre

Marie-France VASSEAUX Nathalie RAMAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00076
Date de la décision : 06/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-06;21.00076 ?
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