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27/06/2024 | FRANCE | N°23/00209

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 27 juin 2024, 23/00209


AFFAIRE : N° RG 23/00209

N° Portalis DBVC-V-B7H-HEQC

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 09 Janvier 2023 RG n° 20/00481











COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024





APPELANTE :



S.A.S.U. LEGALLAIS SASU

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau

de CAEN







INTIMEE :



Madame [H] [M]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022023002769 du 08/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN...

AFFAIRE : N° RG 23/00209

N° Portalis DBVC-V-B7H-HEQC

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 09 Janvier 2023 RG n° 20/00481

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. LEGALLAIS SASU

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame [H] [M]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022023002769 du 08/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

Représentée par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 18 avril 2024

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 27 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mai 2018, Mme [H] [M] a été engagée par la société Legallais en qualité de gestionnaire de tarification. Ce contrat a été précédé de missions intérimaires du 11 décembre 2017 au 30 avril 2018.

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 29 octobre 2018 jusqu'au 31 décembre 2019.

Par lettre du 22 novembre 2019, elle a été licenciée pour constat d'absence prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise.

Se plaignant de manquements de l'employeur à ses obligations (sécurité et exécution de bonne foi du contrat) et estimant son licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse, Mme [M] a saisi le 18 novembre 2020 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu en formation de départage le 9 janvier 2023 a dit son licenciement nul, a condamné la société Legallais à lui payer les sommes de 4.000 € en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité, de 10.210 € au titre du licenciement nul, de 1.720,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 172,04 € au titre des congés payés afférents, de 235,24 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement et de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre la remise des documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société aux dépens.

Par déclaration au greffe du 24 janvier 2023, la société Legallais a formé appel de ce jugement ;

Par conclusions n°2 remises au greffe le 6 septembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Legallais demande à la cour de :

- à titre principal, réformer le jugement en toutes ses dispositions, dire prescrite la réclamation présentée au titre du manquement à l'obligation de sécurité, ainsi que celle au titre de la contestation du licenciement, en conséquence dire irrecevable les réclamations de Mme [M] au titre de l'obligation de sécurité et la contestation du licenciement, de la débouter de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour rejetterait la demande de prononcé de la nullité du contrat de travail et requalifierait son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, constater que la Cour n'est saisie d'aucune demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouter Mme [M] de toute demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et réduire dans les plus amples proportions les autres demandes.

Par conclusions remises au greffe le 10 juillet 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [M] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] du surplus de ses demandes, limité le montant des dommages et intérêts au titre de l'indemnisation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité à la somme de 4.000,00 € et limité le montant du solde de l'indemnité légale de licenciement restant dû à 235,24 € nets ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- statuant à nouveau, condamner la société LEGALLAIS à lui verser 5.000,00 € nets de CSG ' CRDS à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail, 8.000 € nets de CSG ' CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, 262,51 € nets au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement restant dû et 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'à lui remettre la délivrance du bulletin de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir, d'une astreinte de 75 € par jour de retard et par document, et ce à l'issue d'un délai de 15 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

- à titre subsidiaire dans le cas où la nullité du licenciement ne serait pas retenue, constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- débouter la société Legallais de ses demandes.

MOTIFS

I- Sur le manquement à l'obligation de sécurité

- Sur la prescription

L'employeur fait valoir que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2020 soit plus de deux ans après son arrêt de travail du 29 octobre 2018.

En l'occurrence, les manquements invoqués consistent une organisation du poste de travail générant des tâches supplémentaires sans formation adéquate et sans mesures pour y remédier. La salariée fait également état de la poursuite des agissements de l'employeur pendant la suspension de son contrat de travail compte tenu des sms et courriels reçus et également du courrier du médecin du travail du 3 décembre 2018 qui lui a fait prendre conscience du lien entre ses conditions de travail et la dégradation de son état de santé.

Les sms produits aux débats (entre novembre 2018 jusqu'au 15 mars 2019) émanant de Mme [Y] étaient pour l'essentiel des demandes de bon rétablissement et de nouvelles, mais interrogeait également la salarié sur les prolongations de son arrêt de travail, et les courriels adressés pour l'un fin novembre 2018 communiquant à la salariée le nouvel aménagement des bureaux en lui demandant son avis, et pour l'autre le 3 décembre 2018 pour lui demander si elle viendrait au séminaire et repas au restaurant organisé pour la fin de l'année et si elle avait une préférence pour les congés d'été.

Dès lors, la salariée invoquant comme manquement à l'obligation de sécurité les conditions difficiles de travail, ces demandes adressées par sa responsable pendant la suspension de son contrat en ce qu'elles portaient également sur l'organisation du travail ont contribué à maintenir une pression sur la salariée et donc à la poursuite du manquement invoqué au delà de l'arrêt de travail.

La demande n'est donc pas prescrite.

- Sur l'existence d'un manquement

La salariée invoque une surcharge de travail puisqu'elle devait outre les charges inhérentes à sa fonction de gestionnaire de tarification apporter son aide à des collègues dans des tâches variées puisque ces derniers travaillaient dans des domaines différents : M. [F] à compter de janvier/février 2018 (gestion catalogue fournisseurs), M. [Z] (assistant achats) et Mme [G] (chargée de projets), et se plaint de n'avoir pas reçu de formation adéquate.

Les contrats de mission mentionnent un accroissement temporaire d'activité lié à la récupération des améliorations tarifaires des fournisseurs et la salariée n'est pas contredite lorsqu'elle indique qu'elle travaillait avec Mme [C] sur le poste de gestionnaire de tarification (récupérer l'argent auprès des fournisseurs).

Son contrat de travail mentionne qu'elle exerce l'activité de gestionnaire de tarification rattachée à la direction Achats et Offres Produits.

Le poste de gestionnaire tarification occupé par la salariée consiste à obtenir des remboursements auprès de fournisseurs après facturations erronées ou devis non respectés.

Selon l'organigramme produit, le service coordination Achats et Offres Produits se compose d'un directeur, d'une responsable, Mme [Y], et de 5 autres salariés : Mme [M] gestionnaire de tarification, Mme [C], gestionnaire de tarification, Mme [G] chargée de projets achats, M. [Z] assistant achats et M. [F] gestionnaire de tarification.

Durant la période où la salariée était intérimaire au sein du service achats et offres produits, le directeur du service a, par courriel du 20 avril 2018, motivé la transformation du contrat d'intérim en contrat à durée indéterminée en déterminant les contours du poste à créer comme devant être consacré à 50% sur la récupération d'avoirs (renfort de Mme [C]) et également pour apporter de la polyvalence sur les activités de Messieurs [F] (gestionnaire tarification catalogue fournisseurs et promotions) et [Z] (assistant achats administration des plans d'affaire).

Au préalable, par courriel du 16 mars 2018, Mme [Y] avait d'ailleurs interrogé son équipe sur les tâches qui pouvaient être confiées à [H]. Mme [C], Mme [G] et M. [Z] avaient listé un certain nombre de tâches à lui confier.

Ensuite, par courriel du 2 mai 2018, le directeur du service a rappelé que la présence de [H] aux côtés de [B] ([C]) permettra de répondre en globalité à l'activité de suivi des demandes d'avoir fournisseurs (activité ne pouvant être réalisée par une personne seule), et a relevé la possibilité avec une équipe renforcée de créer de la polyvalence pour assurer une meilleure couverture des missions notamment en cas d'absence ou de forte activité.

Dans son questionnaire du 3 décembre 2019 remis à la CPAM (demande de reconnaissance de maladie professionnelle), la salariée indique qu'en janvier/février 2018, sa responsable lui demande d'aider en plus M. [F] (catalogue fournisseur), puis à compter de mars 2018 d'aider également M. [Z] (assistant achats), et enfin d'aider Mme [G]. Elle précise que la formation se faisait avec le titulaire de poste, entre deux dérangements. Elle explique ses difficultés à la suite de l'ajout du poste de M. [Z] compte tenu de la grande technicité et de la complexité de ce poste sa surcharge, de l'absence réelle de formation afin de bien le maîtriser, également du fait qu'elle devait assister à toutes les réunions y compris les réunions spécifiques aux quatre postes (elle évalue à 10 heures de réunion par semaine).

Elle explique encore que sa responsable a mis en place une feuille de route qui mentionnait les différentes tâches à effectuer poste par poste, impliquant une journée et demi par poste, et ce chaque semaine (avec un bilan sur la précédente et le report sur la semaine suivante des tâches éventuellement non faites.

Ces explications sont confortées par le compte rendu coordination du 4 mai 2018 qui liste les tâches par différent secteur (tâches de M. [F], tâches de M. [Z]') et attribue sur le poste supplémentaire ([H]) 30% de certaines tâches (11 heures par semaine) et ce pour chaque secteur.

Il en résulte que la salariée réalisait des tâches extrêmement variées et techniques dont une grande partie ne correspondait pas au poste pour lequel elle a été engagée.

Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par l'employeur qui conteste l'existence d'une surcharge de travail, et qui estime en tout état de cause avoir accompagné et aidé la salariée et l'avoir correctement formée.

Mais l'employeur reconnaît pourtant dans ses conclusions des difficultés de la salariée puisqu'il a mis en place à compter du mois d'août 2018 des feuilles de route et un point d'activité chaque semaine. Les feuilles de route produites aux débats mentionnent qu'elles ont pour objectif « d'aider [H] à adapter son activité et le temps imparti à celle selon les métiers de la coordination », ce qui démontre que la salariée ne parvenait pas à les réaliser. Ces feuilles de route listent pour chaque rubrique la liste des tâches à faire, et se terminent toutes par les mêmes conclusions : ne s'occuper que des tâches mentionnées sur le planning, et se laisser 20% de temps chaque jour pour gérer les urgences. Concernant les points d'activité, les courriels établis par Mme [Y] mentionnent une liste d'instructions et d'observations sur les tâches de la semaine figurant sur les feuilles de route. Pour autant, alors que des difficultés étaient relevées, ainsi pour la rubrique Achats, il est noté « tu as de l'appréhension sur les activités Achats qui te sont encore un peu inconnues, mais qui par la suite à force de gestion te seront acquises je n'ai pas d'inquiétude sur ce sujet », il n'est pas proposé une aide concrète. De même, si ces courriels insistent sur la nécessité de s'organiser, d'écouter les directives (il était conseillé à la salariée une écoute active c'est-à-dire sans prise de note) et d'affirmer sa prise de parole en réunion, ils ne mentionnent pas concrètement quelles seraient les difficultés d'organisation de la salariée et les solutions à en apporter. Enfin le courriel du 19 septembre 2018 rappelle à la salariée qu'elle ne devait pas faire d'heures supplémentaires, qu'elles ne passent pas en heures supplémentaires et qu'il faut les rattraper en fin de compteur, la salariée avait déjà 2 heures à rattraper.

Concernant la formation, l'employeur produit un document intitulé « historique poste de [H] [M] » dont l'auteur n'est pas mentionné mais il est admis qu'il émane de Mme [Y]. Au préalable, il sera relevé que celle-ci mentionne sur ce document qu'elle a constaté chez Mme [M], à son retour de congés (été 2018), une perte de confiance en elle importante et des points acquis qui n'étaient plus maîtrisés. Mme [Y] fait état également d'une liste de modules de formation qu'elle écrivait et cultivait au quotidien avec l'équipe, et affirme également que Mme [M] a bénéficié d'une formation sur les trois activités expertes (achats, récupérations et catalogues fournisseurs), une formation interne excel et une formation Legallais rédiger des écrits professionnels.

Mais ces formations qui sont contestées par la salariée qui indique avoir été formée entre deux urgences par le titulaire du poste ne sont établis par aucun élément.

L'employeur produit par ailleurs le compte rendu d'une séance de « coaching motivation » du 10 octobre 2018 qui conclut à « une forte motivation à la réalisation de la production de chaque métier » mais aussi « une perte de motivation sur la réalisation de la montée en compétence ». Mais cette séance concerne l'équipe et pas uniquement Mme [M], et n'est donc pas destiné à régler les difficultés à la mauvaise organisation de son poste de travail.

Enfin concernant les éléments médicaux, la salariée produit un certificat médical du 3 décembre 2018 du médecin du travail (remis à la salariée et destiné à son médecin traitant) mentionnant que la salariée présente un syndrome dépressif probablement secondaire à son organisation professionnelle notamment son poste de travail, proposant même de solliciter une modification organisationnelle de son poste auprès de la DRH sous réserve de l'avis de la salariée, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour « burn out » du 28 août 2019, un avis du CRRMP qui conclut à une dégradation de ses conditions de travail, et une chronologie concordante entre l'évolution de sa situation de travail et la dégradation de son état de santé et une reconnaissance le 9 octobre 2020 par la CPAM de maladie professionnelle (à compter du 29 octobre 2018), enfin un certificat de son médecin traitant du 13 août 2021 indiquant que son état de santé est incompatible avec une reprise de son activité professionnelle.

De ce qui vient d'être exposé, il résulte que l'ajout des tâches diverses et techniques à celles inhérentes à son poste, sans formation sérieuse, sans aide concrète et/ou suffisante alors que l'employeur avait constaté des difficultés de la salariée à accomplir la totalité de ces tâches, situation qui a dégradé l'état de la santé de la salariée caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Concernant le préjudice subi, la salariée évoque son épuisement physique et moral lié à cette désorganisation malgré un investissement important, la laissant dans un état de stress et indique par ailleurs subir les différents symptômes de sa maladie professionnelle affectant son quotidien et son avenir professionnel.

Elle caractérise ainsi un préjudice moral lié à l'organisation de ses conditions de travail qui sera seul réparé, la cour ne pouvant indemniser des dommages résultant d'une maladie professionnelle, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Les dommages et intérêts seront dans ces conditions fixés à une somme de 2000 €.

II- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée invoque les sms et courriels de sa responsable Mme [Y] pendant son arrêt de travail qui a conduit à interdire toute rupture avec son milieu professionnel et obéré toute possibilité de rétablissement, et également le fait que la qualification de son poste ne correspondait pas aux tâches réellement confiées, sans que sa qualification et/ou sa rémunération soit revue.

Il a été analysé ci-avant la teneur des sms et courriels échangés entre la salariée et sa responsable.

Si dans le cadre des éléments retenus pour caractériser un manquement à l'obligation de sécurité, ces sms et courriels ont pu, en ce qu'ils faisaient référence aux conditions de travail, contribuer à maintenir une pression sur la salariée, ils ne caractérisent pas en revanche une exécution déloyale du contrat. En effet, outre que l'employeur ignorait les motifs médicaux de ces arrêts, la salariée répondait à chaque fois à ces messages, a même proposé à sa responsable de la rencontrer (sms du le 7 décembre 2018) et ne justifie pas lorsqu'elle lui a demandé dans un message du 14 mars 2019 de cesser de lui écrire, que celle-ci ait continué.

Dès lors, il n'est pas établi un préjudice différent de celui déjà indemnisé par les dommages et intérêts alloués pour le manquement à l'obligation de sécurité.

Par ailleurs, il résulte des bulletins de paie produits que ceux-ci mentionnent jusqu'au mois de mai 2019, un emploi de gestionnaires de tarification niveau 4 échelon 1, et à compter du mois de juin 2019, un emploi de chargé de relations fournisseurs niveau 4 échelon 1. Mais la salariée n'explique pas en quoi cette modification impliquait une révision de sa qualification conventionnelle ou de son salaire.

Elle n'établit donc aucun manquement à ce titre.

Dès lors compte tenu de ces éléments, elle sera, par confirmation du jugement, déboutée de sa demande.

III- Sur le licenciement

Pour dire la contestation de la rupture prescrite, l'employeur soutient qu'il a été convoqué par le greffe du conseil de prud'hommes le 23 novembre 2020 qui a seul interrompu le délai d'un an.

La demande en justice est formée par requête, qui est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes et que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription.

En l'occurrence la rupture a été notifiée le 22 novembre 2019. La salariée ne justifie pas la date d'envoi de sa requête mais les pièces du dossier démontrent que celle-ci a été reçue par le greffe du conseil de prud'hommes le 18 novembre 2020.

Dès lors, c'est à cette date que le conseil de prud'hommes a été saisi et que la prescription d'un an a été interrompue. L'action n'est donc pas prescrite.

La lettre de licenciement mentionne que « votre absence prolongée conduit à une désorganisation importante de votre service et les impacts constatés sont multiples : impossibilité d'organiser votre remplacement, exécution d'heures supplémentaires et report partiel de la charge de travail, retard de traitement dans les flux et baisse du service clients et report de projets d'évolution du service et de réorganisation du service. Après avoir détaillé ces différents impacts, la lettre conclut que « nous faisons le constat que votre absence prolongée perturbe le fonctionnement de l'entreprise, que les remplacements dans le cadre de CDD ne sont pas satisfaisants et ne permettent pas votre remplacement, rendant de ce fait nécessaire votre remplacement dans le cadre d'un CDI ».

Si la lettre invoque des perturbations liées à l'absence prolongée de la salariée et la nécessité de son remplacement définitif, un tel motif ne peut toutefois fonder le licenciement lorsque l'absence prolongée pour cause de maladie de la salariée résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En l'occurrence, l'organisation du poste de la salariée est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail, et il a été jugé précédemment que l'employeur n'avait pas pris les mesures suffisantes pour y remédier. Par ailleurs la dégradation des conditions de travail est à l'origine des arrêts de travail et au constat d'une situation de burn out.

Dès lors, les conséquences de l'absence prolongée de la salariée pour cause de maladie sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées par l'employeur pour justifier le licenciement. Mais pour autant la salariée n'établit pas  comme elle le soutient que le licenciement est nul comme reposant sur un motif discriminatoire, car « en lien direct et exclusif avec les arrêts de travail ».

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

La salariée peut en conséquence prétendre à une indemnité de préavis d'un mois dont le montant n'est pas contesté y compris subsidiairement par l'employeur. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Elle peut également prétendre à une indemnité de licenciement. Elle a perçu une indemnité de licenciement de 526.01 €. Elle sollicite une somme complémentaire de 262.51 € motivée par la prise en compte de la période d'absence pour maladie en application de l'article L1226-7 du code du travail, soit une ancienneté d'une année et 10 mois.

L'employeur estime que l'ancienneté de la salariée est de 21 mois.

L'ancienneté de 21 mois inclut la période de suspension, et l'indemnité a été déterminée sur cette base par les premiers juges. Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point.

Concernant les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a formé dans son dispositif une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et demande subsidiairement de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a précisé dans le corps de ses conclusions qu'elle formait une demande du même montant. Il convient ainsi de considérer que la demande de dommages et intérêts est également formée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté d'une année complète et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre un et deux mois de salaire brut (sur la base d'un salaire de 1720 € brut).

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la salariée justifiant ne pas pouvoir reprendre d'activité professionnelle et avoir obtenue le 25 octobre 2022 la qualité de travailleur handicapé, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par infirmation du jugement, la réparation qui lui est due à la somme de 3440 €.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, l'employeur qui perd le procès sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, il versera en équité et sur ce même fondement une somme de 1300 € à Mme [M].

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 9 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf sur le montant des dommages et intérêts alloué pour manquement à l'obligation de sécurité, et sauf en ce qu'il a dit le licenciement nul et a accordé des dommages et intérêts à ce titre ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déboute la société Legallais de sa fin de non recevoir fondée sur la prescription de la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Condamne la société Legallais à payer à Mme [M] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Dit la cour saisie d'une demmande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Legallais à payer à Mme [M] la somme de 3440 € à titre de dommages et intérêts ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Legallais à payer à Mme [M] la somme de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande formée sur le même fondement ;

Condamne la société Legallais aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00209
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.00209 ?
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