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27/06/2024 | FRANCE | N°21/00300

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 27 juin 2024, 21/00300


AFFAIRE : N° RG 21/00300

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVVD

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 06 Juillet 2016 RG n° F15/00494











COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024





APPELANTS :



Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Syndicat REGIONAL CFDT DES SERVICES DE BASSE NORMAN

DIE

[Adresse 5]

[Localité 1]



Représentés par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN







INTIMEE :



S.A.S. FILIX

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Robert APÉRY, avocat au barreau de CAEN



...

AFFAIRE : N° RG 21/00300

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVVD

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 06 Juillet 2016 RG n° F15/00494

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANTS :

Monsieur [L] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Syndicat REGIONAL CFDT DES SERVICES DE BASSE NORMANDIE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentés par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S. FILIX

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Robert APÉRY, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

DÉBATS : A l'audience publique du 18 avril 2024

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 27 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

M. [S] a été embauché à compter du 2 septembre 1991 en qualité de mécanicien d'entretien par la société des Files Lastex qui deviendra la société Filix SAS.

En novembre 2008, les membres du comité d'entreprise ont été convoqués à une réunion en vue d'une consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs.

Après convocation à un entretien préalable et envoi d'une proposition de reclassement qu'il a refusée, M. [S] s'est vu notifier le 22 décembre 2008 son licenciement pour motif économique.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen de diverses demandes de rappel de salaire et d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le syndicat régional CFDT des services de Basse Normandie est intervenu aux débats et a sollicité des dommages et intérêts.

Par jugement du 6 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Caen a :

- condamné la société Filix SAS à verser à M. [S] les sommes de :

- 63,95 euros au titre de la régularisation des salaires pour les mois de juillet, août et septembre 2005

- 6,39 euros à titre de congés payés afférents

- 813,26 euros au titre de la régularisation de la prime d'ancienneté

- 81,32 euros à titre de congés payés afférents

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M. [S] du surplus de ses demandes

- débouté le syndicat CFDT des services de Basse Normandie de ses demandes

- débouté la société Filix de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Filix aux dépens.

M. [S] et le syndicat ont interjeté appel de ce jugement.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 16 avril 2024 pour les appelants et du16 avril 2024 pour l'intimée, reprises oralement à l'audience.

M. [S] demande à la cour de :

- condamner la société Filix à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- la condamner à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat régional CFDT des services de Basse Normandie demande à la cour de :

- lui donner acte de son désistement d'instance et d'action

La société Filix demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Il sera donné acte au syndicat de son désistement.

Les dispositions par lesquelles les premiers juges ont condamné la société Filix au paiement des sommes précitées à titre de régularisation de salaire, régularisation de prime d'ancienneté et à titre de congés payés afférents ne sont critiquées par aucune des parties et seront donc confirmées.

Ne reste en litige que la demande tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir des dommages et intérêts à ce titre.

La lettre de licenciement exposait que la société Filix connaissait une baisse de chiffre d'affaires de 22% sur les quatre premiers mois du second semestre 2008 par rapport à 2007 entraînant corrélativement une baisse de la production, que ce fort ralentissement de l'activité conjugué à une hausse des coûts sur la période faisait que le résultat d'exploitation était en forte perte sur les 9 premiers mois de l'année, perte estimée à 800 000 euros et que les perspectives de commandes étaient pessimistes, que dès lors la situation financière actuelle, les difficultés économiques et l'absence de perspective de redémarrage rapide contraignaient la société à devoir supprimer un certain nombre de postes parmi lesquels celui occupé.

Il est constant que les difficultés économiques s'apprécient au sein du secteur d'activité du groupe dont l'employeur dépend.

En l'espèce il est constant que la société Filix avait pour activité la fabrication de fils élastiques guipés pour l'industrie textile, qu'elle avait deux sites de production à [Localité 6] et [Localité 4], avait son siège social à [Localité 7] et une filiale de production en France, les Moulinages de la Galaure.

Il résulte par ailleurs du rapport de l'expert-comptable au comité d'entreprise de mai 2008 que la société Filix était détenue à 100% par la société Worldtex Inc, à travers une cascade de holdings.

L'appartenance de la société Filix au groupe Worldtex n'est au demeurant pas contestée, seule faisant l'objet de divergences entre les parties la question du périmètre du secteur d'activité à prendre en compte.

À cet égard, deux organigrammes figurent au rapport d'expertise susvisé contemporain du licenciement, desquels il ressort que le groupe Worldtex était composé d'un certain nombre de sociétés aux USA, en Colombie et au Canada, que la société Filix contrôlait le holding filix Cayman lequel détenait le JV Filix Chine.

Par ailleurs les documents remis au comité d'entreprise en vue des réunions sur la consultation sur le projet de licenciement énoncent notamment 'nous avons confié une partie de la production à notre société soeur en Colombie, ce qui nous permettait de conserver des marges positives. Ceci compensait la baisse régulière des marges sur les productions de nos usines françaises' et mentionnait encore au titre des mesures prises pour éviter les licenciements le fait que des fils dont la production avait été confiée à Fibrexa ont été remis en production dans les usines de Filix.

La société colombienne était donc décrite comme société soeur de la société Filix et cette dernière qui soutient en page 7 de ses écritures que les sociétés colombiennes évoquées étaient des filiales de la société Fibrexa appartenant au groupe Wtx Master LLC USA sortie du groupe Worldtex, non seulement se réfère dans ses écritures à la date de 2009 en conséquence postérieure au licenciement et de surcroît produit des pièces qui contredisent son affirmation puisque, déclarant faire réponse à une recherche de reclassement en Colombie qui lui avait été adressée par la société Filix, un responsable de la société Fibrexa indiquait le 18 novembre 2008 'Fibrexa Ltda et Worldtex Caribe sont les deux entités juridiques

en Colombie appartenant à la même holding de Filix, Worldtex Inc. Les deux sociétés colombiennes ont au total 600 salariés situés dans deux usines', ce qui confirme au contraire que les deux sociétés colombiennes appartenaient au même groupe Worldtex et avaient une activité de production dont il n'est nullement soutenu qu'elle n'était pas de fil élastique guipé, ceci étant au demeurant reconnu en page 12 des conclusions puisque la société Filix y énonce alors que 'les sociétés du groupe (en Chine et en Colombie) ayant la même activité que la société Filix étaient confrontées aux mêmes difficultés économiques' ce qui est la reconnaissance que le secteur d'activité de la fabrication de fils élastiques guipés ne se limitait pas à la société Filix.

Par ailleurs, la société Filix soutient, sans au demeurant en rapporter aucune preuve, que l'activité principale du groupe Worldtex était la rubanerie et qu'en 2009 il n'y avait pas de fabrication de fils élastiques au Canada et aux USA, ce sans citer la Colombie et pour cause compte tenu du transfert de production susvisé, étant encore relevé que dans le document remis aux instances du personnel la société indiquait s'être rapprochée des 'autres usines du groupe à l'étranger'.

Dans un rapport de l'expert comptable de juin 2010 il était en outre exposé que Filix distribution Europe avait été activée en 2008 pour faciliter le financement de Fibrexa et que Filaretex au maroc était une filiale de Worldtex France qui vendait des matières premières identiques à celles utilisées par Filix et sur ce dernier point la société Filix qui conclut à l'existence d'une activité différente de Filaretex n'apporte aucun élément en ce sens.

De surcroît, en indiquant que 'les seules sociétés de production du groupe appartenant à la joint venture chinoise étaient la société Shangai Filix et la société Filix Hong Kong fermée en 2010, ces deux sociétés ayant été confrontées aux mêmes difficultés économiques liées à la crise mondiale ayant touché le secteur en 2009 et 2010", la société Filix reconnaît donc qu'il s'agissait de sociétés de production sans contester qu'il s'agissait de la même activité, étant encore relevé qu'il est de plus fait référence à des circonstances de 2009 et 2010 soit postérieures au licenciement.

Et force est de relever que la société Filix conclut que 'au final en 2011, il ne restait plus que Worldtex France mais aucune autre société de production', ce qui n'est pas le sujet le licenciement ayant eu lieu en 2008.

Ainsi, le salarié soutient exactement que la société Filix ne pouvait fonder le licenciement économique prononcé sur ses seules difficultés économiques dès lors qu'elle appartenait à un groupe au sein duquel existaient d'autres sociétés ressortant du même secteur d'activité.

Or, non seulement, la lettre de licenciement n'énonce comme motif de licenciement que les difficultés prétendument rencontrées par la société Filix mais, en toute hypothèse, s'agissant des autres sociétés du groupe il n'est procédé qu'à des affirmations insuffisamment circonstanciées et non corroborées par des éléments comptables relativement aux difficultés qu'elles auraient rencontrées elles aussi.

C'est ainsi que la correspondance du responsable de Fibrexa se borne à énoncer des généralités sur une diminution des ventes et que le document d'information remis au comité d'entreprise énonce que 'le groupe Worldtex doit faire face à un résultat négatif en forte dégradation' mais sans opérer de distinction entre les sociétés du groupe.

En conséquence, il doit être jugé que la preuve n'est pas faite des difficultés économiques rencontrées au niveau du secteur d'activité du groupe, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Ceci ouvre droit au paiement de dommages et intérêts qui seront évalués à 22 000 euros en considération de l'ancienneté, du salaire perçu (1 699,40 euros) et de la situation postérieure au licenciement (situation d'intérim puis embauche à compter d'octobre 2010 en qualité d'opérateur câblerie pour un salaire inférieur).

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Donne acte au syndicat CFDT des services de Basse Normandie de son désistement d'instance et d'action.

Confirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions ayant débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne la société Filix à payer à M. [S] la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant, condamne la société Filix à payer à M. [S] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

Ordonne le remboursement par la société Filix à France Travail des indemnités de chômage versées à M. [S] dans la limite de 3 mois d'indemnités.

Condamne la société Filix aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00300
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.00300 ?
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