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20/06/2024 | FRANCE | N°22/03263

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 20 juin 2024, 22/03263


AFFAIRE : N° RG 22/03263

N° Portalis DBVC-V-B7G-HEBQ

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de COUTANCES en date du 01 Décembre 2022 - RG n° F22/00035









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024





APPELANTE :



Madame [U] [E]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par M. [T], défenseur syndical





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INTIMEE :



S.A.S.U. FEM 50

[4]

[Localité 2]



Représentée par Me Julie GRINGORE, avocat au barreau de CAEN









DEBATS : A l'audience publique du 15 avril 2024, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instrui...

AFFAIRE : N° RG 22/03263

N° Portalis DBVC-V-B7G-HEBQ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de COUTANCES en date du 01 Décembre 2022 - RG n° F22/00035

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024

APPELANTE :

Madame [U] [E]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par M. [T], défenseur syndical

INTIMEE :

S.A.S.U. FEM 50

[4]

[Localité 2]

Représentée par Me Julie GRINGORE, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 15 avril 2024, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 20 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Après une période d'intérim au sein de cette société entre le 14 janvier et le 12 avril 2019, Mme [E] a été embauchée à compter du 15 avril 2019 par la société Fem50 en qualité de vendeuse polyvalente.

Elle a été en arrêt de travail à compter du 23 août 2021.

Le 22 février 2022, elle a pris acte de la rupture en exposant avoir vécu un climat de travail délétère et des situations humiliantes

le 29 avril 2022, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Coutances aux fins de voir juger que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir paiement de diverses indemnités et dommages et intérêts et un rappel de salaire pour commissions.

Par jugement du 1er décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Coutances a :

- dit que la démission de Mme [E] est fondée

- débouté Mme [E] de toutes ses demandes

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

Mme [E] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions ayant dit sa démission fondée et l'ayant déboutée de ses demandes.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 30 mars 2023 pour l'appelante et du 20 juin 2023 pour l'intimée.

Mme [E] demande à la cour de :

- réformer le jugement

- condamner la société Fem 50 à lui payer les sommes de :

- 9 327,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 539,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 3 206,63 euros à titre d'indemnité de préavis

- 320,66 euros à titre de congés payés afférents

- 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi

- 1 109,85 euros à titre d'indemnité de congés payés

- 4 506,21 euros pour commissions

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Fem 50 à lui remettre sous astreinte le reçu pour solde de tout compte, les bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation pôle emploi.

La société Fem 50 demande à la cour de :

- déclarer Mme [E] irrecevable en son appel et infondée

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2024.

SUR CE

1) Sur la recevabilité de l'appel

La société Fem 50 demande de juger l'appel irrecevable dès lors que les conclusions d'appelante n'indiquent aucunement porter sur les chefs du jugement ayant jugé la démission fondée et débouté Mme [E] de ses demandes.

Cependant, il sera relevé que par les conclusions qui indiquent 'réformer le jugement entrepris en ce qui concerne :' puis 'en conséquence condamner la société Fem 50 a verser à Mme [E] :' suivi de l'énoncé des demandes chiffrées, l'appelante à la fois sollicite la réformation du jugement et formule des prétentions de sorte que, n'étant pas tenue de reprendre dans le dispositif les chefs de dispositif dont elle demande l'infirmation, l'appel n'encourt aucune sanction laquelle au demeurant ne serait pas, dans l'hypothèse de conclusions ne comportant pas l'indication des chefs de jugement critiqués, celle d'irrecevabilité de l'appel uniquement demandée.

2) Sur le fond

Mme [E] soutient que l'employeur a tout mis en oeuvre pour la déstabiliser en supprimant sa commission sur le chiffre du pôle service concernant l'informatique puis en lui reprochant sa non compétence en informatique, en ne lui permettant pas d'assurer l'encadrement d'une nouvelle vendeuse, en lui délivrant un avertissement, en supprimant sa pause, en mettant en place une réunion du personnel pour faire son procès, en changeant ses congés payés en chômage partiel, en ne fournissant pas les bulletins de salaire, en n'organisant pas de visite médicale, que cette situation a engendré un mal être au travail, provoqué un arrêt de travail et rendu impossible la poursuite du contrat.

Des éléments que Mme [E] verse aux débats, il résulte que le 21 avril 2021 elle s'est vue délivrer un avertissement pour n'avoir pas accompagné Mme [M] nouvelle vendeuse dans une procédure de retour d'un appareil, pour demander systématiquement à ses collègues d'effectuer ces tâches en disant 'l'informatique c'est trop compliqué pour moi', de manquer ainsi de rigueur et d'implication, que le 26 juillet 2021 elle a reçu un rappel à l'ordre au motif qu'elle ne maîtrisait toujours pas les basiques de l'informatique 'innovente', que par lettre du 26 octobre 2021 Mme [E] a déclaré contester l'avertissement reçu le 24 avril, avertissement que l'employeur a déclaré maintenir, produisant dans le cadre de l'instance des témoignages de collègues (M. [W] atteste avoir montré plus de 20 fois l'outil informatique à Mme [E], qu'elle celle-ci le sollicitait quasiment tous les jours en l'interrompant de manière intempestive et parfois sur un ton impoli ce qui lui occasionnait une surcharge de travail et l'empêchait de vendre, M. [X] atteste que Mme [E] le sollicitait toujours lui ou un de ses collègues de manière non professionnelle dès lors qu'il fallait manipuler des outils informatiques, Mme [M] atteste que Mme [E] s'arrangeait toujours pour retourner dans les rayons quand dess clients venaient pour un service après-vente, Mme [B] atteste que Mme [E] lui laissait les tâches les plus désagréables et qu'elle a dû faire des processus informatiques à sa place, M. [Z] atteste qu'elle ne connaissait pas les procédures de base du réseau).

Mme [E] justifie avoir été en arrêt de travail à compter du 23 août 2021 et un certificat de son médecin généraliste indique à la date du 6 septembre 2021 certifier qu'elle présente un état anxio-dépressif qu'elle dit être en rapport avec un état de mal-être au travail.

M. [V] [E], vendeur disant avoir un lien familial avec la salariée, atteste que depuis le rachat du magasin par M. [N] l'ambiance au travail s'est dégradée.

M. [K], vendeur polyvalent, atteste que depuis cette reprise l'ambiance s'est dégradée particulièrement envers Mme [E], qu'un acharnement quasi quotidien s'est mis en place de la part de la direction, que s'en est suivie une réunion ayant pour objectif de dénigrer [U] en groupe, étant demandé en amont de lister les problèmes de comportement de celle-ci, et que par la suite ont suivi des remontrances pour les moindres faits et gestes de celle-ci, ces deux témoignages n'étant pas davantage précis sur la nature de l'acharnement prétendu et la forme du dénigrement, tandis que de son côté l'employeur verse aux débats cinq témoignages de salariés se disant satisfaits et reconnaissants du comportement de M. [N] et trois témoignages de salariés attestant que la réunion du 10 juillet 2021 avait pour but d'échanger du fait des multiples altercations entre collaborateurs à la suite du comportement de Mme [E], que cette dernière a refusé d'écouter et a menacé d'attendre une collègue sur le parking pour lui régler ses comptes.

Le 15 février 2022 Mme [E] a réclamé ses bulletins de salaire de novembre 2021 à février 2022 et demandé à son employeur de remplir l'imprimé nécessaire à ses compléments de salaire et elle n'indique pas qu'il n'a pas été satisfait à cette demande.

S'agissant du prétendu changement unilatéral des congés payés en chômage partiel, et de la suppression de la pause, aucun élément de preuve n'est avancé.

Aucun manquement de l'employeur justifiant de lui imputer une dégradation des conditions de travail à l'origine du syndrome anxio-dépressif subi n'est en cet état établi relativement aux éléments qui viennent d'être évoqués, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à la dégradation des conditions de travail sera rejetée.

S'agissant des commissions, le contrat de travail prévoyait qu'elles étaient calculées sur les réalisations service, arrêtés chaque fin de mois et réglées le mois suivant.

Mme [E] soutient qu'elle n'a été réglée de ses commissions qu'à compter de mars 2021 et avant cette date ne les a jamais perçues.

Elle verse aux débats ses bulletins de salaire qui confirment l'absence de versement de 'commissions' avant mars 2021 mais le versement avant cette date de 'prime de service' d'un montant variable chaque mois.

Mme [E] produit en outre une pièce qu'elle intitule hit-parade des vendeurs et qui répertorie chaque mois le chiffre d'affaires réalisé par chaque vendeur et c'est sur la base de ces chiffres qu'elle a calculé le rappel de commissions qu'elle estime lui être dû et correspondant à 5% de ces montants.

Ni le taux appliqué ni les montants figurant sur ce tableau ne sont critiqués par l'employeur qui soutient que les commissions ont été réglées sous forme de prime de services.

Cependant, en l'état d'un intitulé distinct et du versement de sommes pour des montants ne correspondant pas à ceux dus rien ne permet, en l'état d'autres éléments, de considérer que le versement de primes de service correspondait aux commissions dues.

En conséquence, Mme [E] est fondée, d'une part à solliciter le paiement de la somme de 4 506,21 euros pour rappel de commissions, d'autre part à soutenir qu'il s'agissait d'un manquement qui par sa répétition et le montant de rémunération dont elle est restée privée jusqu'à la prise d'acte empêchait la poursuite du contrat et rendait celle-ci imputable à l'employeur.

Ceci ouvre droit au paiement d'indemnités de préavis et de licenciement pour les montants demandés non critiqués à titre subsidiaire et, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail et en considération de l'ancienneté, du salaire mensuel perçu (1 603,31 euros) et de l'absence d'explications sur la situation postérieurement à la rupture, à des dommages et intérêts qui seront évalués à 6 000 euros.

La demande en paiement de la somme de 1109,85 euros à titre d'indemnités de congés payés sur la période de septembre à décembre 2021 et janvier et février 2022 n'appelle aucune contestation de l'employeur de sorte qu'il y sera fait droit.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

Condamne la société FEM 50 à payer à Mme [E] les sommes de :

- 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 539,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 3 206,63 euros à titre d'indemnité de préavis

- 320,66 euros à titre de congés payés afférents

- 1 109,85 euros à titre d'indemnité de congés payés

- 4 506,21 euros à titre de rappel de commissions

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société FEM 50 à remettre à Mme [E], dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Déboute Mme [E] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la dégradation de ses conditions de travail.

Ordonne le remboursement par la société FEM 50 à France Travail des indemnités de chômage versées à Mme [E] dans la limite de trois mois d'indemnités.

Condamne la société FEM 50 aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/03263
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.03263 ?
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