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20/06/2024 | FRANCE | N°22/03157

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 20 juin 2024, 22/03157


AFFAIRE : N° RG 22/03157

N° Portalis DBVC-V-B7G-HDZS

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 16 Novembre 2022 - RG n° 22/00141









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024





APPELANTE :



Association [5]

Abbaye [4]

[Localité 2]



Représentée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN



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INTIMEE :



Madame [I] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14118-2024-002317 du 16/05/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)



Représentée par Me C...

AFFAIRE : N° RG 22/03157

N° Portalis DBVC-V-B7G-HDZS

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 16 Novembre 2022 - RG n° 22/00141

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024

APPELANTE :

Association [5]

Abbaye [4]

[Localité 2]

Représentée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Madame [I] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14118-2024-002317 du 16/05/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

Représentée par Me Charlène RETOUT, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 11 avril 2024, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme VINOT, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 20 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

A compter du 20 février 2020, Mme [I] [U] a conclu plusieurs contrats à durée déterminée avec l'association [5] ([5]) en qualité de gardienne, employé 1er échelon, « dans le cadre du remplacement des gardiens titulaires du poste pour cause de congés ».

Ces contrats sont les suivants :

- du 20 février 2020 au 30 mars 2020 ;

- du 30 au 31 mars 2020 ;

- du 1er avril au 15 avril 2020 ;

- du 16 avril au 30 avril 2020 ;

- du 1er mai au 15 mai 2020 ;

- du 28 juin au 14 septembre 2020 ;

- du 28 septembre au 21 janvier 2021 ;

L'association [5] a délivré un certificat de travail pour la période du 28 juin 2020 au 19 janvier 2021 ;

- du 30 janvier 2021 au 15 mars 2021 ;

L'association [5] a délivré un certificat de travail pour la période du30 janvier 2021 au 15 mars 2021 ;

- du 10 avril 2021 au 31 mai 2021 ;

L'association [5] a délivré un certificat de travail pour la période du 10 avril 2021 au 31 mai 2021.

Poursuivant la requalification du temps d'astreinte et la requalification des contrats, Mme [U] a saisi le 7 janvier 2022 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le16 novembre 2022 a :

- requalifié les relations contractuelles en un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 20 février 2020,

- requalifié les temps d'astreinte effectués par Mme [U] en temps de travail effectif,

- condamné l'association IREM à lui payer les sommes de 35.131,39 € brut au titre d'un rappel de salaire pour la période de février 2020 à mai 2021, de 3.512,12 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, de 2.765,88 € au titre d'un rappel de salaires en contrepartie obligatoire en repos, de 276,59 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, de 19.387,75 € brut au titre d'un rappel de salaire au titre des repos de nuit, de 1.938,77 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, de 3.450 € brut au titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 345 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, de 2.587,50 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 3450 € brute à titre d'indemnité de requalification, de 4000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration au greffe du 16 décembre 2020, l'association [5] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe le 14 mars 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'association [5] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la requalification du temps d'astreinte en temps de travail effectif et du temps de travail à temps partiel en temps de travail à temps complet ainsi que les congés payés afférents, la débouter de sa demande de contrepartie obligatoire en repos ainsi que les congés payés afférents, de sa demande d'indemnisation et/ou rémunération au titre du travail de nuit ainsi que les congés payés afférents, de fixer à la somme de 520€ l'indemnité compensatrice de préavis outre une somme de 52€ au titre des congés payés afférents , à la somme de 520€ les dommages et intérêts au titre de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, à la somme de 390 € l'indemnité conventionnelle de licenciement et à la somme de 520 € les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 1250 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions n°2 remises au greffe le 21 mars 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [U] demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour privation du temps de repos et d'indemnité pour travail dissimulé, de condamner en conséquence l'association [5] à lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation régulière de ses temps de repos quotidiens et hebdomadaires ainsi que du non-respect des durées maximales de travail, de 20.700 € d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8221-6 du Code du travail, de 6.900 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, et enfin de condamner l'association [5] à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat sous astreinte.

MOTIFS

I- Sur la requalification du temps d'astreinte en temps de travail effectif

Les contrats de travail prévoient au titre des attributions que la salariée sera chargée :

- le matin, d'effectuer pendant deux heures (6 à 8h ou 7h à 9h selon planning) un tour complet de l'abbaye comprenant l'ouverture des portes de l'entrée principale et des bâtiments intérieurs de l'abbaye et de la désactivation des alarmes ;

- le soir d'effectuer pendant deux heures (18 à 20h ou 19h à 21h selon planning) un tour complet de l'abbaye comprenant la fermeture des portes de l'entrée principale et des bâtiments intérieurs et la mise sous alarme des bâtiments ;

- de sortir les conteneurs de poubelles

- de tenir une astreinte téléphonique sur un téléphone portable mis à sa disposition afin d'être joignable en permanence ;

- de tenir une astreinte physique permanente dans l'enceinte même de l'abbaye. Les astreintes de nuit commencent à 20 ou 21 (selon planning) et se terminent à 6h ou 7h (selon planning) le lendemain matin. Mme [U] « sera disponible pour intervenir dès que les alarmes de surveillance (incendie et intrusion) retentissent ainsi que dans un délai de maximum de vingt minutes sur la demande des résidents ou de la direction de l'[5] ».

Les contrats précisent encore qu'à l'issue de chaque ronde, Mme [U] apportera sur le réseau informatique interne (base « Ronde ») toutes les observations et informations nécessaires relatives aux systèmes de détection, aux équipements techniques à l'état des bâtiments, aux fermetures des issues et à la vie de l'abbaye.

Il est constant que la salariée avait à sa disposition un logement (studio) situé dans l'enceinte de l'abbaye, et ce à titre gracieux.

La salariée considère, au vu des modalités prévues, que les périodes d'astreinte ne satisfont pas aux dispositions de l'article L3121-9 du code du travail et doivent être requalifiées en temps de travail effectif, puisqu'elle était en réalité à la disposition permanente de son employeur (soit joignable en permanence, intervenir immédiatement en cas d'alarme, dans un délai de 20 minutes en cas de sollicitations des résidents, devait exécuter son astreinte dans les locaux de l'abbaye (son lieu de travail et ne pouvait recevoir aucune visite dans le logement mise à sa disposition qui changeait régulièrement). Elle ajoute que les contraintes qui lui étaient imposées affectaient objectivement et très significativement la faculté pour elle de gérer librement au cours des périodes d'astreinte le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.

L'employeur rappelle que les périodes d'astreinte s'effectuaient la nuit (elle devait être joignable durant ces périodes), que la salariée entre deux rondes restait dans le logement pouvait vaquer à ses occupations personnelles et notamment y dormir (qu'elle n'a jamais été dérangée), qu'elle ne recevait aucune instruction ou ordre de son employeur durant ces périodes.

L'employeur n'est pas contredit lorsqu'il indique que l'astreinte se déroulait la nuit, étant relevé en outre que la salariée au vu des plannings qu'elle produit, sollicite l'indemnisation du temps d'astreinte uniquement entre les rondes du matin et celles du soir).

Au vu des mentions du contrat de travail, elle devait effectuer son astreinte au sein des locaux de l'abbaye, et disposait à ce titre d'un logement (studio), dont il est établi qu'à trois reprises, il a été remplacé par un autre studio situé également dans l'enceinte de l'abbaye.

Mais ce seul élément, peu important que ce logement n'était pas un logement fixe, est insuffisant pour considérer que la salariée ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles. Il convient en effet de vérifier si durant cette astreinte la salariée était soumise à d'autres sujétions que celles d'être joignable et d'être prête à intervenir au profit de l'employeur.

A ce titre, même si la salariée devait intervenir immédiatement en cas de déclenchement des alarmes incendie et intrusion et intervenir dans un délai maximum de vingt minutes sur la demande des résidents ou de la direction de l'[5],  l'employeur n'est pas contredit lorsqu'il indique que durant toute la relation contractuelle la salariée n'a jamais été conduite à intervenir.

Par ailleurs, elle soutient en se référant à l'article 7 de son contrat qu'elle ne pouvait recevoir de visite dans le logement mis à sa disposition. Cet article intitulé « confidentialité », après avoir rappelé l'obligation de confidentialité de la salariée quant aux informations et renseignements connus par elle pendant l'exercice de ses fonctions, précise que « les visites des locaux de l'abbaye sont strictement interdites à des tiers sans autorisation écrite préalable de la direction de l'institut. Mme [U] veillera au strict respect de cette consigne ».

Ainsi l'employeur soutient exactement que cet article ne concerne pas le logement mis à la disposition de la salariée, et la salariée n'invoque ni à fortiori ne justifie d'un refus de l'employeur à de telles visites.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que compte tenu des sujétions imposées à la salariée, celles-ci n'ont pas affecté objectivement et très significativement la faculté de la salariée de gérer librement au cours de la période d'astreinte le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à ses occupations personnelles.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a requalifié le temps d'astreinte en temps de travail effectif.

II- Sur la requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

Les contrats mentionnent tous que « le contrat est conclu dans le cadre du remplacement des gardiens titulaires du poste », seul le premier contrat complétant cette mention par « pour cause de congés ».

Ce motif est irrégulier comme ne mentionnant pas l'identité du salarié remplacé, l'employeur ne contestant d'ailleurs pas que les contrats ne répondent pas aux dispositions légales de l'article L1242-1 du code du travail.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée du 26 février 2020 en un contrat à durée indéterminée.

III- Sur la requalification du contrat à durée à temps partiel en un contrat à durée à temps complet

La salariée critique sur les contrats l'absence de mention de la durée du travail et l'absence de répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Elle indique que si les horaires de travail sont les mêmes, les jours de travail variaient constamment au gré des plannings. Elle précise que les contrats étaient régularisés tardivement et donc les plannings remis également tardivement.

L'employeur fait valoir que la salariée était informée par son contrat du nombre d'heures de travail, et par les plannings qui lui étaient remis de la répartition de son temps de travail.

En l'occurrence, les contrats de travail contiennent les horaires de travail des rondes du matin et des rondes du soir, la mention d'une astreinte de nuit mais ne mentionnent ni la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Ces conditions ne peuvent être considérées comme satisfaites par la seule mention des horaires de travail figurant sur les contrats, alors même comme le dit lui-même l'employeur que le nombre de jours travaillés dans la semaine pouvait différencier d'une période à une autre.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de savoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Pour établir qu'il transmettait les plannings à la salariée, l'employeur produit aux débats des courriels d'un responsable de l'association adressés à la salariée :

- un courriel du 22 juin 2020 qui transmet à la salariée un planning pour la période du 28 juin au 14 septembre 2020 inclus (6ème contrat qui devait débuter le 28 juin à 18h.

- un courriel du 2 avril 2021 par lequel il informe la salariée des congés des deux gardiens et lui demande si elle est disponible (les 10 et 11 avril, les 24 et 25 avril, du 29 avril au 2 mai et le 8 et 9 mai et le 15 et 16 mai 2021).

Il sera relevé que le précédent contrat était terminé depuis le 15 mars 2021.

- un courriel du 9 avril 2021 lui transmettant son planning à partir du lendemain jusqu'au 31 mai 2021. Ce courriel fait état d'une communication téléphonique avec la salariée.

Il sera relevé que si le planning est communiqué la veille du premier jour d'exécution du contrat (le 10 avril) la salariée avait toutefois eu connaissance au vu du courriel du 2 avril de la période de son remplacement.

L'employeur indique par ailleurs que la salariée a utilisé les plannings transmis pour former sa demande en paiement, ce qui démontre que des plannings lui ont été fournis. Mais cela ne démontre en rien la date de leur remise.

La salariée fait valoir que les contrats étaient signés tardivement. Les contrats produits mentionnent une date de signature le jour même du début de la prestation sauf celui du 1er au 15 mai 2020 signé le 16 avril 2020, celui du 28 juin au 14 septembre 2020 signé le 27 juin, celui du 30 janvier au 15 mars 2021 signé le 29 janvier 2021. Mais il est vrai, et ce point n'est pas contesté par l'employeur que selon les échanges de sms entre l'employeur et la salarié, celle-ci, le 13 juillet 2020, se plaint de ne pas avoir eu son contrat pour signature (le contrat concerné est celui du 28 juin au 14 septembre 2020), le 10 février 2021 de n'avoir toujours pas son contrat (qui avait commencé le 30 janvier 2021) et le 18 mai 2021 de ne pas avoir pas signé son contrat qui avait débuté le 10 avril 2021. Elle ne produit pas d'autres éléments établissant que la date de signature figurant sur les contrats n'est pas la bonne.

Par ailleurs, les contrats mentionnent la remise d'un planning, ce qui, même pour ceux qui ont effectivement été signés la veille ou le jour même du premier jour de travail ne permet pas à la salariée d'être informée de ses jours de travail.

A ce titre, à l'exception du contrat du 28 juin 2020 pour lequel le planning a été remis le 22 juin précèdent, l'employeur ne démontre pas avoir remis dans un délai raisonnable le planning permettant à la salariée de connaître ses jours de travail dans la semaine ou dans le mois.

Enfin la salariée justifie également par un échange de sms du 4 mars 2021 (modification du planning le jour même compte tenu d'un arrêt maladie d'un gardien) et de courriel du 13 octobre 2020 (modification du planning d'octobre 2020) que son planning a à deux reprises était modifié à des dates très proches.

En outre, les bulletins de salaire produits démontrent que la durée mensuelle de travail était variable.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la salariée n'était pas en mesure de connaître dans un délai suffisant ses jours de travail et qu'elle était donc dans l'impossibilité de savoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle devait ainsi se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Ces éléments, notamment les courriels du 2 avril 2021échangés entre deux contrats, établissent également qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles.

Il convient en conséquence de prononcer la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps complet, à compter du 20 février 2020 (premier contrat).

Au vu du décompte produit, il convient de lui allouer des rappels de salaire sur la base de 35 heures incluant les périodes interstitielles, soit une somme de 22 813 € et de déduire les salaires versés soit au vu des bulletins de salaire une somme de 16 362.40 €.

Il convient de condamner ainsi l'employeur à lui régler la somme de 6450.60 € outre celle de 645.06 € au titre des congés payés afférents.

IV- Sur la contrepartie obligatoire en repos

Au vu des plannings et du décompte produits par la salariée, les heures effectuées chaque semaine correspondent aux heures de ronde et aux heures de « l'astreinte de nuit », que l'ensemble de ces heures est en général supérieure à 35 heures générant alors des heures supplémentaires. Ainsi, la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos suppose de considérer que les heures d'astreinte correspondent à du temps de travail effectif.

Or, il a été jugé que le temps d'astreinte n'était pas du temps de travail effectif, il ne peut donc être comptabilisé pour vérifier si des heures supplémentaires ont été effectuées et si ces heures ont dépassé le contingent annuel générant alors une contrepartie obligatoire en repos.

La salariée sera en conséquence par infirmation du jugement déboutée de sa demande.

V- Sur la contrepartie obligatoire au travail de nuit

La salariée sollicite au visa de l'article L3122-8 du code du travail sollicite une contrepartie au titre des périodes de travail de nuit (repos compensateurs ou compensations salariales).

La salariée estime qu'en raison de la requalification des périodes d'astreinte en du temps de travail effectif, elle a effectué des heures de nuit et n'a eu aucun repos compensateur. Elle demande une indemnité correspondant au temps de repos dont elle aurait dû bénéficier.

Mais ayant été déboutée de sa demande de requalification en temps de travail effectif des périodes d'astreinte de nuit, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire au travail de nuit. Le jugement sera infirmé sur ce point.

VI- Sur le non-respect de la durée de repos et du travail

La salariée fait état du non-respect de la durée hebdomadaire de 48h.

Au vu de ses plannings, le dépassement de la durée hebdomadaire suppose de requalifier en temps de travail effectif la période d'astreinte de nuit.

Au vu de ce qui a été précédemment jugé, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande. Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé, étant relevé qu'il n'a pas statué dans son dispositif sur cette demande.

VII- Sur le travail dissimulé

La salariée invoque la dissimulation volontaire des heures accomplies. Elle justifie avoir adressé un courriel à son employeur le 31 mai 2021 soit le dernier jour du dernier contrat, contestant la qualification d'astreinte, estimant que c'est une permanence qui doit être payée selon les heures de présence. Elle indique également que l'employeur n'ignorait pas le volume de travail puisqu'il établissait les plannings et que les contrats étaient signés au-delà du délai légal de 48 heures, également que les heures supplémentaires ont été abusivement réglées sous forme d'une prime d'astreinte.

Au vu de ce qui a été précédemment jugé, la requalification du temps d'astreinte en temps de travail effectif n'a pas été retenue, le rappel de salaire alloué étant la conséquence de la requalification du contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat à temps complet, ce qui, faute d'autres éléments ou pièces, ne peut caractériser une dissimulation volontaire des heures accomplies, et enfin la signature tardive de certains contrats est insuffisante.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande étant toutefois relevé qu'il n'a pas, dans son dispositif, statué sur cette demande.

VIII- Sur la rupture du contrat

La requalification en contrat à durée indéterminée sera ordonnée ce qui ouvre droit au paiement d'une indemnité de requalification, d'indemnités de préavis et de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrivée à terme du contrat à durée déterminée ne constituant pas un motif sérieux de licenciement.

Concernant le montant du salaire à prendre en compte, la salariée fait état d'un salaire moyen de 3450 € calculé après intégration de la totalité des rappels de salaire demandés, et l'employeur d'un salaire moyen de 520 € calculé sur la moyenne des salaires versés.

Au de ce qui a été jugé, le salaire moyen doit être calculé sur la base d'un salaire à temps complet, et au vu du décompte de la salariée à ce titre, la moyenne des salaires bruts à temps complet sur les douze derniers mois est de 1545.83 €.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté d'une année complète et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salariée justifiant avoir perçu une allocation de retour à l'emploi de septembre 2021 à janvier 2022, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer a réparation qui lui est due à la somme de 2500 €.

L'indemnité de préavis sera fixée à un mois de salaire soit une somme de 1545.83 € outre les congés payés de 154.58 €.

L'indemnité de licenciement sera calculée selon l'article 10 de l'annexe 1 de la convention collective de l'édition soit une somme de 1159.36 €.

L'indemnité de requalification sera fixée à un mois de salaire soit une somme de 1545.83 €.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, l'employeur qui perd le procès sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il versera en équité et sur le fondement de l'article de l'article 700-2° une somme de 1800 € à la salariée.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a requalifié les relations contractuelles en un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 20 février 2020 et en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Déboute Mme [U] de sa demande de requalification des temps d'astreinte en temps de travail effectif et des rappels de salaire y afférents, de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire au titre du travail de nuit, de sa demande de dommages et intérêts pour le non respect des durées minimales de repos et maximales de travail et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Condamne l'association [5] à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 6450.60 € à titre de rappel de salaires en suite de la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps complet, et celle de 645.06 € au titre des congés payés afférents ;

- 1545.83 € à titre d'indemnité de requalification ;

- 1545.83 € à titre d'indemnité de préavis et celle de 154.58 € au titre des congés payés afférents ;

- 1159.36 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association [5] à payer à Mme [U] la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à l'association [5] de remettre à Mme [U] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne l'association [5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/03157
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.03157 ?
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