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20/06/2024 | FRANCE | N°22/02363

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 20 juin 2024, 22/02363


AFFAIRE : N° RG 22/02363

N° Portalis DBVC-V-B7G-HB75

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 01 Août 2022 - RG n° 21/00051









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024





APPELANT :



Monsieur [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Nathalie LAILLER, avocat au barreau de CAEN



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INTIMEE :



S.A. BOULANGER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAE...

AFFAIRE : N° RG 22/02363

N° Portalis DBVC-V-B7G-HB75

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 01 Août 2022 - RG n° 21/00051

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 20 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [J] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Nathalie LAILLER, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A. BOULANGER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Laura LENOBLE, avocat au barreau de LILLE

DEBATS : A l'audience publique du 11 avril 2024, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme VINOT, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 20 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

M. [U] a été embauché à compter du 20 avril 2005 en qualité de technicien dépanneur par la société Boulanger.

Le 12 février 2019, il s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de 5 jours.

Le 14 mai 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen d'une contestation de cette mesure, par jugement du7 décembre 2020 le conseil de prud'hommes a annulé la sanction (jugement qui sera confirmé par la cour d'appel par arrêt du 3 juin 2021).

Le 19 février 2020, M. [U] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Le 17 février 2021, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins de contester le licenciement, obtenir diverses indemnités et dommages et intérêts à ce titre, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité.

Par jugement du 1er août 2022, le conseil de prud'hommes de Caen a :

- débouté M. [U] de ses demandes

- condamné M. [U] aux dépens.

M. [U] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions le déboutant de toutes ses demandes.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 2 décembre 2022 pour l'appelant et du 12 janvier 2023 pour l'intimée.

M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement

- condamner la société Boulanger à lui payer les sommes de :

- 4 420,50 euros à titre d'indemnité de préavis

- 442,05 euros à titre de congés payés afférents

- 9 906,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 26 523 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et 2 000 euros pour les frais exposés en cause d'appel

- ordonner la capitalisation des intérêts

- ordonner à la société Boulanger de lui remettre un bulletin de salaire et une attestation pôle emploi rectifiés, sous astreinte.

La société Boulanger demande à la cour de :

- confirmer le jugement

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mars 2024.

SUR CE

M. [U] procède à des développements dans ses conclusions sur un prétendu harcèlement moral subi et un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité mais force est de relever qu'il ne présente aucune demande à ces titres aux termes du dispositif de ses écritures.

La lettre de licenciement expose que le 22 janvier M. [U] ne s'est pas présenté à son poste de travail et avait prévenu de son absence en invoquant un motif médical, que le lendemain n'ayant pas transmis de justificatif à la reprise de son poste il lui a été demandé par M. [M] son manager de passer dans son bureau, que lorsque M. [U] s'est présenté il a posé son téléphone sur la table en disant péremptoirement 'je te préviens, tu es sur écoute' par une attitude ressentie par M. [M] comme menaçante, que cette attitude empreinte de menace ou de sarcasme avait déjà été adoptée dans le passé et sanctionnée par une mise à pied.

La lettre expose ensuite que plusieurs collègues se sont plaints du manque de professionnalisme et de solidarité de M. [U], que le 10 janvier, sollicité pour des filtrages sur des appareils rapportés au SAV, il a déclaré qu'il n'avait pas le temps alors qu'il a été constaté qu'à ce moment il était occupé à travailler sur les cours qu'il suit dans le cadre d'une formation de sorte qu'un autre TCC a dû réaliser les tâches qui ressortaient de ses fonctions, que le 30 janvier M. [U] s'est permis de manger un hamburger vers 16h sur son poste de travail au vu de clients.

La lettre conclut que cette attitude traduit un manque de respect envers la hiérarchie, les collègues et les clients qui est de nature à dégrader les conditions de travail des collègues.

S'agissant du premier fait, la société Boulanger verse aux débats une attestation de M. [M] qui énonce 'le 22 janvier 2020, en tant que son manager je lui ai demandé de passer dans mon bureau en vue de lui demander s'il avait un justificatif. Quand il est entré dans la pièce, il a posé son téléphone sur la table et m'a dit 'je te préviens tu es sur écoute'. Au vu de son attitude menaçante j'ai préféré mettre fin immédiatement à notre échange et l'ai renvoyé à son poste. Je me suis senti déstabilisé par cette énième manifestion d'agressivité à mon égard'.

Elle produit en outre aux débats deux déclarations de main courante de M. [M] les 30 mars 2018 et 20 janvier 2019 (aux termes desquelles ce dernier déclare que M. [U] lui a indiqué 'je vais te pourrir la vie' 'je vais faire en sorte que tu dégages' 'je monte un dossier sur toi, qu'il a appris que M. [U] était allé voir ses anciens employeurs), outre l'arrêt de la cour aux termes duquel, tout en jugeant la sanction disproportionnée au seul fait retenu, la cour a jugé qu'il est établi que M. [U] a adopté un comportement inadapté par les propos et gestes menaçants à une demande de son supérieur hiérarchique avec laquelle il était en désaccord (avoir insinué que son chef pourrait avoir des ennuis, le pointer du doigt de manière rapprochée).

M. [U] conteste le propos qui lui est imputé et indique avoir simplement demandé à M. [M] s'il pouvait enregistrer ses propres réponses afin que ses propos ne soient une nouvelle fois déformés et de se prémunir d'éventuelles accusations, niant avoir eu un ton agressif.

Il sera relevé que l'attestation de M. [M] a été rédigée le 30 août 2021, qu'il n'avait pas fait de déclaration concomitante des faits, qu'aucun témoignage extérieur n'est produit et que M. [M] ne dit pas en quoi l'attitude était menaçante de sorte qu'aucune faute n'est prouvée.

S'agissant du refus de prendre en charge les tâches lui incombant alors qu'il était occupé à une activité personnelle et le fait de s'être autorisé à manger sur le lieu de travail, l'employeur produit trois attestations.

M. [B], technicien conseil client, énonce 'le 10 janvier 2020 j'ai constaté que M. [U] travaillait à son poste sur ses cours du Fongecif et que mes collègues CSC me sollicitaient énormément pour les filtrages des produits et les conseils clients. M. [U] occupé à faire ses cours cela avait un impact sur mon travail d'où une surcharge... quand les conseillers clients allaient vers M. [U] pour apporter une solution, il informait mes collègues je cite'je suis occupé, je n'ai pas le temps', préparait ses cours'.

Mme [R], conseiller service caisse client, énonce 'j'ai pu constater que M. [U] était à son ordinateur à travailler ses cours dans le cadre de sa formation. Et de ce fait que ses deux autres collègues techniciens étaient beaucoup plus sollicités que lui pour toutes les tâches concernant sa fonction' et énonce dans une seconde attestation: 'le 30 janvier 2020 je travaillais au SAV et j'ai pu constater que M. [U] mangeait un hamburger à son poste de travail et pendant son temps de travail (vers 16h) à la vue des clients et de ses collègues'.

M. [U] soutient qu'il ne travaillait sur ses cours que pendant des moments de coupure et verse aux débats une attestation de Mme [D], collègue technicienne, qui indique 'M. [U] regardait ses cours durant ses pauses et cela n'a jamais eu d'impact sur sa relation avec les clients' et en outre 'je travaillais avec M. [U] dans le même atelier avec un contact direct avec nos clients. Et je peux vous dire que même s'il était en train de dépanner un produit, si un client arrivait il s'en occupait toujours'.

M. [U] conteste en outre avoir mangé son sandwich devant les clients mais l'avoir fait dans la réserve sans nuire à sa disponibilité envers ceux-ci et fait référence à une autre attestation de Mme [D] qui indique 'le jour où M. [U] a mangé son sandwich il l'a fait en toute discrétion se rendant dans la réserve pour ne pas être en vue des clients'.

Il sera relevé que le témoignage de M. [B] est relativement imprécis sur l'heure et le temps consacré prétendument par M. [U] à ses cours et peu circonstancié sur la surcharge en question, que l'attestation de Mme [R] ne précise pas le jour quant à elle s'agissant du travail sur les cours et que son témoignage est très imprécis aussi sur la mesure dans laquelle d'autres collègues ont été sollicités, que de plus ils sont contredits par le témoignage de Mme [D] qui contredit aussi celui de Mme [R] s'agissant du fait d'avoir mangé un sandwich devant les clients.

En cet état, le comportement fautif reproché n'est pas suffisamment établi.

Ceci conduit à juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que le jugement sera infirmé et ouvre droit au paiement des indemnités de préavis et de licenciement pour les montants réclamés non contestés et à des dommages et intérêts qui, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail et en considération de l'ancienneté, de l'âge au moment du licenciement, du salaire mensuel perçu (montant non contesté de 2 210,25 euros) et des faibles revenus procurés par l'activité d'artisan créée en février 2021 par le salarié qui a continué de percevoir l'ARE, seront évalués à 22 000 euros.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Boulanger à payer à M. [U] les sommes de :

- 4 420,50 euros à titre d'indemnité de préavis

- 442,05 euros à titre de congés payés afférents

- 9 906,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

- 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Condamne la société Boulanger à remettre à M. [U], dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire par année et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Ordonne le remboursement par la société Boulanger à France travail des indemnités de chômage versées à M. [U] dans la limite de trois mois d'indemnités.

Condamne la société Boulanger aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02363
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;22.02363 ?
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